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mercredi 26 septembre 2012

Le dimanche et les célébrations de la Parole de Dieu

Ce texte vise à poser théologiquement la question du dimanche et des célébrations de la Parole de Dieu afin d’en repérer les enjeux pastoraux et les répercussions pour une juste compréhension du mystère du Christ et de l’Eglise.

Le dimanche, jour de l’eucharistie
L’histoire du dimanche montre que dès les origines du christianisme les chrétiens ont célébré le dimanche, jour de la Résurrection, premier jour de la semaine, jour de la nouvelle création, par la célébration de l’eucharistie. Ce rassemblement hebdomadaire est donc étroitement lié à la mémoire eucharistique de l’Eglise qui actualise ainsi l’évènement pascal, comme fondement de sa foi (cf. 1 Co 15,14). Le dimanche apparaît comme une Pâque hebdomadaire avant même l’instauration de la célébration annuelle des fêtes pascales. C’est également ce qui ressort de l’enseignement de Vatican II notamment n. 106 de la Constitution sur la liturgie. Dissocier la célébration dominicale de sa dimension eucharistique revient donc à s’écarter de la Tradition de l’Eglise sur un point fondamental.
On notera ici que la relation entre Eucharistie, Assemblée et Dimanche fut au cœur de la réflexion menée il y a environ 10 ans par le CNPL sous la responsabilité de la CELPS.

Ne pas céder à la pression de l’urgence
Certes, les questions posées aujourd’hui à la pastorale interrogent fortement les pratiques ecclésiales. Et les questions se multiplient. Que faire par exemple quand il n’est matériellement pas possible de célébrer l’eucharistie ? Quid de l’existence et de la survie des communautés locales ? Comment penser le rôle des ministres ordonnés dans un temps de mutations accélérées ? « Quel avenir pour la paroisse ? » pour reprendre la formule du P. Arnaud Montoux, prêtre de Sens-Auxerre dans un livre récent.
Mais si ces questions peuvent susciter l’inquiétude surtout lorsqu’on se projette dans l’avenir, ne serait-ce qu’à l’horizon des dix prochaines années, on peut souligner qu’elles désignent surtout un paysage assez brouillé, qui rend la prise de décision difficile.
Par ce que la tentation est grande de vouloir trouver des solutions rassurantes, il est essentiel que par des réactions trop rapides, la pression du quotidien et le souci d’un avenir incertain et difficilement imaginable, ne conduisent pas à aggraver les difficultés en voulant y porter remède. Il faut éviter notamment de vouloir « anticiper la crise », par exemple en travaillant sur la base de projections statistiques, une attitude qui risque de défaire l’existant sous prétexte de préparer l’avenir.
La situation actuelle de fragilisation du tissu ecclésial invite au contraire à garder la tête froide pour regarder sereinement ce qui est en train d’émerger et discerner ce qui est en train de mourir et ce qui peut être porteur d’avenir.

Lex orandi, lex credendi
Cet adage célèbre souligne combien les formes liturgiques sont liés à la compréhension de la foi. La liturgie est célébration de la foi et les formes liturgiques façonnent les itinéraires croyants (cf. sur ce point la réflexion qui a conduit au Texte National d’Orientation sur la catéchèse).
En retour, c’est dans la liturgie que s’exprime la foi de l’Eglise. Il faut donc veiller à ce que les formes liturgiques ne viennent pas « déformer » la relation des fidèles aux données fondamentales de la foi. Les options liturgiques et pastorales emportent également des conséquences sur la manifestation en liturgie du mystère de l’Eglise, mais aussi sur la conception des ministères dans l’Eglise.
Parce que la liturgie édifie l’Eglise comme peuple de Dieu et corps du Christ, un corps structuré par les charismes et les ministères, dans les discernements en cours, il est absolument nécessaire d’être attentifs à prendre en compte trois dimensions fondamentales :
1) la relation entre célébration du mystère du Christ et manifestation du mystère de l’Eglise (cf. SC 2) ;
2) l’articulation entre sacerdoce commun des fidèles et ministères des évêques, des prêtres et des diacres (cf. LG 10-11) ;
3) la structuration sacramentelle de la foi chrétienne en tant que les sacrements de l’Initiation chrétienne (baptême, confirmation, eucharistie) sont le fondement de l’identité chrétienne.

Célébrations de la Parole et Eucharistie
Promouvoir des célébrations de la Parole implique par conséquent de peser les enjeux pour une juste perception de la foi de l’Eglise :
- Pour une juste compréhension de la relation entre Parole et Eucharistie : Parole et Eucharistie sont inséparables comme le souligne Vatican II non seulement dans Dei Verbum 21 qui parle d’une seule table sous deux formes (comme l’avait fait le P. Congar dans les mélanges offerts à Mgr Weber) mais aussi dans Sacrosanctum Concilium n. 56 qui insiste sur le fait qu’il s’agit d’un « seul acte de culte » ; c’est pourquoi si les ADAP peuvent être une pratique d’exception, comme son nom l’indique, elle ne peut devenir une pratique habituelle,
- Pour une juste compréhension de l’eucharistie comme sommet et source de la vie de l’Eglise (Lumen Gentium, n. 11) : on connaît l’adage forgé par le P. de Lubac : « L’Eglise fait l’eucharistie, mais surtout l’eucharistie fait l’Eglise ». S’il n’en faut pas conclure à une sorte d’automatisme sacramentelle, il faut se rappeler que la célébration de l’Eucharistie (avec ses « deux parties » cf. SC 56) et elle seule, manifeste l’Eglise comme sacrement procédant du mystère de la croix, car « c’est du côté du Christ endormi sur la Croix qu’est né l’admirable sacrement de l’Église toute entière » (SC 5).
- Pour une juste compréhension de la notion de communauté chrétienne : en contexte catholique, l’assemblée liturgique structurée par les différents ministères (SC 29 attribue aux lecteurs, à la schola un « véritable ministère liturgique ») est ce qui manifeste à la communauté qu’elle n’est pas fondée sur des liens de conviction ou de solidarité mais qu’elle se reçoit d’un appel de Dieu (le mot assemblée désigne une convocation) aussi bien que de la célébration des sacrements et au plus haut point de l’eucharistie.

L’eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne » (LG 11)
La promotion des célébrations de la Parole est l’occasion de mettre en œuvre l’esprit du Concile qui présente l’eucharistie comme source et sommet :
La liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Eglise, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu. […]C’est donc de la liturgie, et principalement de l’eucharistie, comme d’une source, que la grâce découle en nous et qu’on obtient avec le maximum d’efficacité cette sanctification des hommes dans le Christ, et cette glorification de Dieu, que recherchent, comme leur fin, toutes les autres œuvres de l’Eglise. SC 10
Or si l’eucharistie apparaît comme le seul élément de la ritualité catholique, elle ne peut en être ni la source ni le sommet. Redécouvrir la richesse de la tradition liturgique et des formes de prière, sans confusion ni concurrence, permettrait de remettre les choses en perspective et de chercher un nouvel équilibre.
Pastoralement, au niveau de leur démarche de foi, ce déploiement des différentes propositions liturgiques de l’Eglise serait profitable à ceux qui ne peuvent participer pleinement à la célébration eucharistique : ils pourraient ainsi se sentir plus profondément partie prenante de la vie de l’Eglise et de la vie de foi (cf. sur ce point, Jean Paul II, Familiaris Consortio, nn. 83-84). Pour ceux qui accèdent régulièrement à la table eucharistique, ce déploiement de la vie liturgique rappellerait que l’eucharistie est un sommet, qui appelle selon la belle formule de St Augustin à désirer devenir ce que nous recevons, c’est-à-dire le Corps du Christ.

L’action eucharistique
L’enseignement de Vatican II a permis de retrouver l’unité entre trois dimensions que le Concile de Trente avait de fait séparées : sacrement, sacrifice et communion, chacune de ces dimensions faisant l’objet d’un texte particulier. Le P. Gy a souvent rappelé que l’œuvre de Trente avait sur ce point été marquée par les circonstances, et qu’elle ne résultait pas d’une volonté de principe.
En redécouvrant la place centrale de la prière eucharistique, la réforme liturgique a permis de retrouver « l’unité de l’Eucharistie » selon la belle formule du Cardinal Kasper (Sacrement de l'unité, eucharistie et Église, Cerf, 2005).
C’est donc sur ces bases qu’il convient d’aborder la question de la communion eucharistique qui ne peut être pensée comme une question indépendante. Le pain et le vin consacrés sont donnés en partage dans une célébration unique où ils apparaissent en même temps comme « fruit de la terre et du travail des hommes », corps livré et rompu apportant la vie du ressuscité et la grâce de la rédemption, mais aussi pain partagé pour que grandisse la communion ecclésiale.
La tradition ancienne de l’Eglise réservait la communion en dehors de l’eucharistie aux malades (la réserve eucharistique trouve ici son origine), afin que ceux-ci ne soient pas « durablement » privés du pain de la vie. Cette pratique ne peut donc être étendue sans changer de sens. Séparer le geste de communion de la dynamique pascale et ecclésiale de l’Eucharistie, risque de faire apparaître l’hostie comme simple support de la Présence réelle. Communier, ce n’est pas seulement recevoir l’hostie et boire au calice, c’est entrer en communion avec Dieu en devenant toujours plus profondément membre du corps du Christ.
L’enseignement de Sacrosanctum Concilium (n. 7) sur les différentes modalités de la présence du Christ dans la liturgie, enseignement déjà exposé par Pie XII dans Mediator Dei, tend à desserrer une vision réductrice de la présence à la seule présence sous les espèces mais aussi valorise les autres aspects de la vie liturgique (par exemple les célébrations de la Parole ou la liturgie des Heures) comme célébrations plénières en Eglise du Mystère du Christ.
Enfin sur ce point, il est difficile de ne pas penser qu’une extension trop large de la distribution de la communion conduirait à renforcer une sorte de banalisation de la communion qui apparaît de plus en plus de nos jours comme un geste systématique et donc anodin et sans véritable portée.

Pour une pastorale liturgique
Plus que jamais, le concept de pastorale liturgique retrouve tout son sens et son actualité dans la vie de l’Eglise. Au lieu de penser séparément « des » pastorales spécialisées, les urgences actuelles invitent plutôt à songer à une pastorale unifiée, comme on en voit le souci exprimé dans le Texte National sur la catéchèse en France. Cette vision d’ensemble est seule capable de donner force et cohérence à la proposition de la foi dans le monde contemporain. Il nous faut aujourd’hui penser à des chemins d’accès à la liturgie et à l’eucharistie et abandonner les schémas qui ne considèrent que l’acte en soi, ou le terme sans son cheminement.


La meilleure pédagogie est celle de l’exemple : pourquoi les évêques, lors des visites pastorales, ou même lors d’inaugurations en tous genres, ne présideraient-ils pas des célébrations de la Parole ou de la Liturgie des Heures ? Le peuple chrétien ne pourrait qu’y grandir dans la foi de l’Eglise.

Père Michel STEINMETZ
Directeur du service diocésain de Pastorale Liturgique et Sacramentelle,
de musique sacrée et d’art sacré

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