La réaction humaine
la plus simple, peut-être animale, est de répondre à la violence par la
violence. Mais nous savons que c’est là un engrenage infernal qui exacerbe les
pulsions et les animosités. Un principe ancien – il remonterait au royaume de
Babylone et nous le connaissons sous le nom de « loi du talion » –
prévoyait de proportionner la riposte à l’agression effectivement subie. Dieu,
dans sa pédagogie, l’avait imposé au peuple qu’il avait fait sien. On trouve
cela à la fois dans le Lévitique (24,17-22), que dans le Deutéronome (19,21) et
le Livre de l’Exode (21,23-25). Jésus, quant à lui, ne vient pas abolir la Loi,
mais il va l’accomplir, la porter jusqu’à sa plénitude. Il demande le
dépassement de toute violence en y répondant par le seul amour.
En Israël occupé
depuis 90 ans, on attendait une intervention de Dieu pour retrouver l’indépendance
nationale. Jésus survient et proclame avec assurance qu’il inaugure sur le
champ, et de manière définitive, un royaume où Dieu prend parti pour les
pauvres, les affamés, ceux qui pleurent, les persécutés. Mais appartenir à une
catégorie de personnes serait-il suffisant pour faire partie des aimés de
Dieu ? Non. Après avoir parlé à l’indicatif (« vous qui êtes
pauvres... »), Jésus va poursuivre avec des impératifs. En effet on n’entre
pas dans le Royaume par un état de fait mais en adoptant un certain
comportement, en pratiquant une certaine obéissance.
Ordre « in-ouï »
(au sens propre) ! Dans l’auditoire, personne ne s’attendait à entendre
pareille exigence. N’était-ce pas demander l’impossible ? Et nous, aujourd’hui,
allons-nous accueillir cet ordre ? L’amour dont il est
question n’est pas un amour sentimental entre personnes liées par des liens
familiaux ou attirées l’une vers l’autre par séduction ou sympathie. Ni non
plus le fait de jeter une piécette à un mendiant. C’est un amour raisonné,
volontaire, qui veut voir l’autre au-delà des affinités personnelles, qui ne se
contente pas d’impressions, de déclarations ou de sentimentalité. C’est un
amour qui tend au respect de l’autre comme personne et qui se traduit dans des
actes.
AMEN.
Michel
Steinmetz †