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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 22 février 2019

Homélie du 7ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 24 février 2019

La réaction humaine la plus simple, peut-être animale, est de répondre à la violence par la violence. Mais nous savons que c’est là un engrenage infernal qui exacerbe les pulsions et les animosités. Un principe ancien – il remonterait au royaume de Babylone et nous le connaissons sous le nom de « loi du talion » – prévoyait de proportionner la riposte à l’agression effectivement subie. Dieu, dans sa pédagogie, l’avait imposé au peuple qu’il avait fait sien. On trouve cela à la fois dans le Lévitique (24,17-22), que dans le Deutéronome (19,21) et le Livre de l’Exode (21,23-25). Jésus, quant à lui, ne vient pas abolir la Loi, mais il va l’accomplir, la porter jusqu’à sa plénitude. Il demande le dépassement de toute violence en y répondant par le seul amour.
 
En Israël occupé depuis 90 ans, on attendait une intervention de Dieu pour retrouver l’indépendance nationale. Jésus survient et proclame avec assurance qu’il inaugure sur le champ, et de manière définitive, un royaume où Dieu prend parti pour les pauvres, les affamés, ceux qui pleurent, les persécutés. Mais appartenir à une catégorie de personnes serait-il suffisant pour faire partie des aimés de Dieu ? Non. Après avoir parlé à l’indicatif (« vous qui êtes pauvres... »), Jésus va poursuivre avec des impératifs. En effet on n’entre pas dans le Royaume par un état de fait mais en adoptant un certain comportement, en pratiquant une certaine obéissance.
 
« Je vous le dis à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis ».
Ordre « in-ouï » (au sens propre) ! Dans l’auditoire, personne ne s’attendait à entendre pareille exigence. N’était-ce pas demander l’impossible ? Et nous, aujourd’hui, allons-nous accueillir cet ordre ? L’amour dont il est question n’est pas un amour sentimental entre personnes liées par des liens familiaux ou attirées l’une vers l’autre par séduction ou sympathie. Ni non plus le fait de jeter une piécette à un mendiant. C’est un amour raisonné, volontaire, qui veut voir l’autre au-delà des affinités personnelles, qui ne se contente pas d’impressions, de déclarations ou de sentimentalité. C’est un amour qui tend au respect de l’autre comme personne et qui se traduit dans des actes.
 
Jésus explique ensuite comment il entend cet amour des ennemis : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent, Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, Priez pour ceux qui vous calomnient. » La charité n’est donc pas amitié sentie, plaisir de la relation mais elle est décision, action : faire du bien, dire du bien, prier-pour... Il faut remarquer l’importance de la prière pour l’ennemi - condition qui permettra sans doute d’avoir la force de faire le reste. Ensuite Jésus continue par des recommandations concrètes, formulées à la 2e personne : c’est toujours un « tu » qui doit se décider, opter pour freiner la colère naturelle et adopter un comportement charitable : «  À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. »
 
Jésus demande d’aller plus loin encore. Car cette réciprocité, même les pécheurs en sont capables. Dans le royaume de Dieu, il s’agit donc de faire plus, beaucoup plus que le commun des mortels. Cet amour actif de l’ennemi ne sera rien d’autre au fond que l’imitation même de l’amour de Dieu. Et cet amour culminera dans le pardon. Lisez l’évangile, étudiez la conduite de Jésus, et vous comprendrez un peu la Bonté, la Tendresse du Père. Quiconque rétrécit son cœur, mesure ses dons, est mesquin dans ses relations sera rabougri, tellement entortillé sur lui-même que Dieu ne pourra le combler.
 
C’est vrai : cette page est très difficile à vivre. Dans certaines circonstances, ces ordres nous paraîtront totalement inacceptables, impraticables. Mais tout est possible à Dieu. Voilà pourquoi nous demandons à Dieu de nous rendre capable de cet extraordinaire.
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz

vendredi 15 février 2019

Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 17 février 2019

Paul s’étonne de la réaction de ses contemporains face à ce qui constitue le cœur de notre foi : « comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? ». Il va jusqu’à la preuve par l’absurde : si les morts ne ressuscitent pas, alors Jésus, lui non plus, n’est pas ressuscité. Donc, ce que nous proclamons chaque dimanche, ce que nous avons sur nos lèvres, ce que nous avons appris au catéchisme et ce que nous apprenons à nos enfants, serait une formidable supercherie vieille de plus de deux mille ans! Et nous y prendrions part ?
 
Dans une société post-moderne, largement relativiste, si nous avons le malheur d’affirmer que nous fondons notre foi de de manière claire en la résurrection de Jésus et sur la nôtre (1 Corinthiens 15, 12. 16-20), et non dans les à-peu-près et les mélanges incohérents du marché du spirituel, il est très probable que nous devenions la risée de beaucoup. Comment peuvent-ils seulement croire une chose tellement extraordinaire ? Oui, la réaction de moquerie est manifeste quand nous refusons de suivre un autre que Jésus, quand nous tenons à affirmer que c'est la foi en Jésus ressuscité qui nous mène quelque part.
 
Or notre foi en Christ n’est pas dissociable de notre foi en sa résurrection : nous ne pouvons nous revendiquer de lui, sans aller jusqu’à mettre notre confiance – notre foi – en sa résurrection. Ne pas aller jusque là reviendrait à ne pas croire en lui, en définitive. Et à nier notre propre résurrection comme devenant possible dans la participation à sa propre résurrection à lui, Jésus. Or, le Credo culmine en la proclamation de la résurrection des morts et en la vie éternelle. Et le très sérieux Catéchisme de l’Eglise catholique  affirme : « Croire en la résurrection des morts a été dès ses débuts un élément essentiel et constitutif de la foi chrétienne. "Une conviction des chrétiens : la résurrection des morts ; cette croyance nous fait vivre" »[1]. Le Catéchisme  convoque là l’affirmation de Tertullien.
 
Etre témoin du Christ, c’est être témoin de sa résurrection ; forts de cette foi, nous pouvons aussi espérer la nôtre, à sa suite. Voilà la leçon et la règle de foi que nous adresse Paul aujourd’hui. Voilà ce que nous serons invités à proclamer de tout notre cœur dans un instant. Certes, notre raison a sans doute du mal à tout comprendre, à tout saisir de la résurrection ; mais cela ne saurait en aucune sorte nous dispenser de croire. Comme nous ne pouvons mettre la main sur Dieu, car Il est toujours plus grand que ce que nous pouvons dire de Lui, nous ne pouvons avoir la prétention de tout vouloir comprendre. Il faudrait nous souvenir que la foi est de l’ordre du pari, tel que l’entend Pascal. Certes, je n’ai pas de preuve irréfutable, objective et scientifiquement démontrée, mais je suis invité à risquer l’aventure de la foi. Je n’ai d’ailleurs rien à perdre, si ce n’est de mourir à moi-même, à mon égoïsme, mais j’ai tout à gagner. L’éternité est à ma portée…
 
Notre foi, parce qu’elle est précisément foi entendue comme pari sur Dieu, doit, pour se fonder, s’appuyer sur les témoins de la Résurrection qu’ont été les Apôtres. Notre monde connaît, à tous niveaux, une véritable crise de confiance : on ne prête plus sa confiance aux médias, aux politiques, aux collègues de travail, voire même aux propres membres de sa famille… Aujourd’hui, pourtant, Paul nous exhorte à cette confiance première et fondamentale.  
 
Heureux serons-nous, si nous bâtissons notre vie sur la foi en Jésus, le Christ, le Vivant. Nous serons comme l’arbre planté au bord du ruisseau qui ne craint pas la sécheresse quand elle vient.
Et si, alors, nous risquions le pari de la confiance, le pari de la foi ? N’en serions-nous pas plus « heureux » que tous les autres, au sens où l’entend l’évangile ?
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz


[1] CEC, N° 991.

vendredi 8 février 2019

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 10 février 2019

La Parole de Dieu est décidément remplie de contrastes, voire d’apparents paradoxes, comme si Dieu décidait de nous secouer pour ne jamais nous voir sombrer. Alors qu’Isaïe contemple le Seigneur dans sa gloire, « siégeant sur un trône élevé » et que les pans de son manteau débordent de partout pour occuper le Temple, Jésus, lui, est assis dans une modeste barque de pêcheurs transformée pour l’occasion en chaire à prêcher !
 
Dans le récit d’Isaïe, c’est alors que le prophète fait l’expérience de la grandeur du Seigneur au milieu du concert des séraphins, ces créateurs célestes dont nous nous unirons tout à l’heure au chant au début de la prière eucharistique, qu’il fait concomitamment l’expérience de sa pauvreté et de sa petitesse. « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures. » Il se reconnaît pécheur avec tous les siens et ce sentiment est exacerbé devant la magnificence qui se dégage de ce qu’il voit. Face au Seigneur, il lui semble impossible de tenir la route. Mais l’apparente contradiction va plus loin encore. Car c’est au moment où l’ange lui brûle les lèvres avec un charbon pris sur l’autel – ce qui devrait, par la blessure infligée, le réduire fatalement au mutisme –, qu’il est non seulement purifié mais rendu capable d’annoncer la parole du Seigneur ! Il est guéri de son péché et envoyé en mission. Au moment où il entre en contact avec ce qui vient du Seigneur, par la médiation du charbon ardent pris sur l’autel, ce qui aurait dû entraver sa vocation de prophète devient le lieu de son témoignage.
 
Paul, quant à lui, confesse être « le plus petit des apôtres ». De persécuteur zélé des chrétiens, il est « retourné » par la rencontre avec le Christ vivant au point de l’annoncer désormais à temps et à contretemps. Cette conversion radicale, il l’attribue clairement à l’action de la grâce de Dieu en lui. Au moment où il acceptait que la haine en lui cède le pas à la vérité de l’Evangile, où il consentait à ne plus laisser ses propres idées s’exprimer dans la violence mais à témoigner fidèlement de la foi qui devrait nous habiter, toutes et tous, Paul découvrait la fécondité de son existence. « Le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Ecritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures ».
 
Dans l’évangile que nous entendions, il se passe quelque chose d’étonnant. Y avez-vous prêté attention ? Simon, le pêcheur, lui aussi, découvre que la présence de Dieu révèle la distance immense qui le sépare de Jésus. La quantité impressionnante de poissons ne doit pas cachée les autres fruits de la présence divine. En effet, la prise de parole va désormais remplacer en lui la crainte ou le doute. Alors qu’avec ses associés, il a peiné toute la nuit « sans rien prendre », et que visiblement cette nuit-là aucun ban de poissons n’était aux alentours, Jésus lui ordonne de se remettre à l’ouvrage. N’est-ce pas là exagéré ? Il n’y aurait qu’à attendre un jour meilleur, assurément la nuit prochaine. Or c’est au moment où Pierre consent à obéir, et donc à se fier plus à la parole de Jésus qu’à sa propre expérience, que le miracle s’opère. « Sur ta parole, je vais jeter les filets ». Le résultat est parfaitement surprenant : de rien, ils remplissent deux barques pleines. Devant cette puissance de Dieu à l’œuvre en Jésus, Pierre est saisi d’effroi au point d’en tomber à genoux. Pourtant, c’est à ce moment précis que Jésus lui annonce sa mission : il ramassera des hommes en nombre dans les filets de Dieu par l’annonce de l’Evangile.
 
Frères et sœurs, cette Parole que nous recevons en ce jour nous invite à nous dessaisir. Que de fois ne voulons-nous pas tout maîtriser et nous peinons alors désespérément. Quand, alors, nous consentons à laisser agir le Christ en nous, nous nous découvrons capables d’atteindre des horizons jusque-là insoupçonnés. Faisons-Lui confiance, aveuglément. Abandonnons nos rivages balisés et sécurisés, et suivons-Le.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 1 février 2019

Homélie du 4ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 3 février 2019

On pourrait s’extasier devant le destin merveilleux, romanesque même, de Jérémie. Dès avant sa naissance, il est choisi de Dieu, il se voit confier une fabuleuse mission, digne d’un super-héros. « Je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses princes, à ses prêtres et à tout le peuple du pays. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer ». 

Pourtant sa condition de prophète, dont Jésus est le parfait accomplissement car il n’est plus « un porte-parole », mais la Parole, le Verbe de Dieu lui-même, ne nous est pas étrangère. Chacun de nous au jour de son baptême a été choisi par Dieu et appelé par Lui à devenir « prêtre, prophète et roi », c’est-à-dire à prendre part à la mission du Christ. Au cœur du peuple des baptisés, le Seigneur choisit des hommes pour être associés de manière plus étroite encore à sa mission et se charger de la conduite de son troupeau : ce sont les prêtres. Mais tous, parce que partageant le même baptême, sont appelés au témoignage à temps et  à contretemps dans la fidélité à l’Evangile et donc dans l’effacement de leur volonté ou idéologie propres. Tous sont conviés à passer, passer de l’enfance et de ses caprices à l’âge adulte d’une vie où le Christ occupe la première place, pour reprendre la comparaison de Paul. Passer de la mort à la vie dans la certitude de l’amour. Dès lors, chacun est obligé au dépassement. Triple dépassement.

 Raisonner au-delà
Cela signifie : dépasser les limites étriquées d’une pensée qui ne prendrait en compte que le ressenti, l’affect ou les formes au détriment d’un aspect factuel et raisonnable. Accueillir le mystère du Christ non tel que je l’imagine mais tel que Dieu le révèle objectivement dans l’Ecriture et la Tradition de l’Eglise.

 
Connaître au-delà
Passer d’une connaissance partielle à la plénitude de la connaissance. Entrer déjà dans le mystère de Dieu et la profondeur de sa charité. « Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu », explique Paul. Il ne s’agit pas, là encore, de partir de nos propres capacités à appréhender Dieu mais à se laisser atteindre par Lui qui met en nous la connaissance. Oser aller au-delà, se laisser traverser par l’amour dont Dieu nous radiographie jusqu’aux moelles de l’âme.
 
Aimer au-delà
C’est consentir ici à ne pas seulement revendiquer le caractère prophétique du baptême mais à devenir prophète. C’est-à-dire à se laisser traverser par l’amour de charité qui fera vibrer chaque partie de ce que nous sommes non pour résonner comme un cuivre mais pour devenir le résonateur de l’amour de Dieu. Cet amour se fonde d’abord dans l’expérience que nous faisons de lui : l’amour de Dieu pour nous qui nous enveloppe et dépasser les limites de ce que pourrions en mériter. Amour qui, encore, rejaillit ensuite sur les autres, accueillis de même parce que nous les avons aimés de Dieu.
 
Au-delà. Raisonner, connaître, aimer au-delà. C’est donc refuser toutes limites paralysantes. Ne rechercher que ce lien avec l’amour de Dieu. Dépasser le temps d’Elisée et d’Eli où les prophètes ont été consignés à la stérilité hormis celle de leur parole, parce que leurs auditeurs ne voyaient pas l’intérêt d’aller au-delà et demeuraient tapis dans leurs certitudes et leurs analyses. Frères et sœurs, comme le déclarait Jeanne d’Arc au moment de son procès alors qu’on lui demandait : « Jeanne, croyez-vous être en état de grâce ? », « Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir. »
 
AMEN.

 
 
Michel Steinmetz