Oui, le mystère de Dieu est grand. Il est même assurément insondable.
Devant lui, devant cette gloire manifestée d’un Dieu créateur, tout-puissant,
juge, nous ne pouvons que rester bouche-bée. Vision grandiose pour Isaïe :
« je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de
son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de
lui. Ils se criaient l’un à l’autre : ‘Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur
de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire.’ Les pivots des portes
se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait
de fumée. ». Constat dressé par Paul devant la gracieuse miséricorde
des apparitions du Ressuscité et la diffusion de l’Evangile. Expérience
troublante pour les apôtres d’une pêche miraculeuse après une nuit passée sans
rien prendre et au point que les filets menacent rupture. Assurément, le
mystère de Dieu est grand.
Comme en contre-point, cette perception vient se heurter à la
conviction tout aussi forte de la profonde indignité de ceux qui ont sons
témoins. Là encore, Isaïe l’affirme tout de go : « « Malheur à moi !
je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un
peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers
! ». Paul se décrit, de manière hautement négative, comme étant un « avorton »,
c’est-à-dire comme un homme chétif, mal fait, monstrueux même. Simon-Pierre,
saisi d’effroi tombe à genoux pour avoir douté : « « Éloigne-toi de
moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. »
Pourtant on a bien l’impression qu’il s’agit d’un passage obligé, non
comme un simple exercice d’autodépréciation, mais comme une expérience
authentiquement spirituelle. Il faut consentir à se vider de soi-même, de sa
suffisance, de son raisonnement bien huilé, de cet état qui fait de nous des
hommes et des femmes blasés. Ce n’est qu’à ce prix, qui n’est autre que celui
enduré par le Christ, consentant à se faire obéissant jusqu’à la mort et la
mort de la croix, que l’on se découvre capable d’aller plus loin. Face au
Seigneur, il semble à Isaïe impossible de tenir la route. C’est au moment où
l’ange lui brûle les lèvres avec un charbon pris sur l’autel – ce qui devrait,
par la blessure infligée, le réduire fatalement au mutisme –, qu’il est non
seulement purifié mais rendu capable d’annoncer la parole du Seigneur ! Il
est guéri de son péché et envoyé en mission. Paul, quant à lui, confesse être
« le plus petit des apôtres ». De persécuteur zélé des chrétiens, il
est « retourné » par la rencontre avec le Christ vivant au point de
l’annoncer désormais à temps et à contretemps. Cette conversion radicale, il
l’attribue clairement à l’action de la grâce de Dieu en lui. C’est au moment
précis où Pierre est pris d’effroi que Jésus lui annonce sa mission : il
ramassera des hommes en nombre dans les filets de Dieu par l’annonce de
l’Evangile.
Frères et sœurs, ne vous souciez pas tant de satisfaire à tous les desiderata
que vous vous imaginez figurer sur votre profil d’embauche pour la mission, que
d’acceptez vos limites. Le Seigneur, lui, les transformera en aptitudes et
compétences les plus affinées.
AMEN.