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lundi 29 octobre 2018

Homélie de la solennité de Tous les Saints - 1er novembre 2018

La proclamation des Béatitudes qui constitue comme le cœur du sermon sur la montagne dans l’évangile de saint Matthieu est à la fois une prophétie et une bénédiction. C’est une prophétie parce que nous y comprenons que le chemin de perfection que Dieu propose aux hommes n’est pas un chemin de perfection morale qui s’imposerait à eux et dépasserait de fait la capacité de leurs simples et seules forces. C’est au contraire un chemin que Dieu nous rend praticable par sa grâce en nos cœurs. Il met en nous cette capacité à aimer en vérité. Et c’est donc aussi une bénédiction qui nous fait accueillir les paroles de Jésus non pas comme un jugement qui nous condamne mais comme une espérance qui nous appelle.
En inscrivant cet évangile dans la célébration de la fête de la Toussaint, l’Église a voulu précisément nous faire comprendre que la sainteté n’était pas une décoration que l’on remet au plus méritant, ou la recherche désespérée d’une pauvreté humiliante, mais la reconnaissance de l’œuvre de Dieu à travers des existences humaines. Cette fête veut nous rappeler que, parmi tant de saints reconnus et vénérés à travers la prière de l’Église, il faut encore compter une multitude de saints que nous ne connaissons pas. Nous ne les connaissons pas parce qu’ils n’ont rien fait qui attire sur eux l’attention. Ils ne sont pas des notables de la société. Ils n’ont pas eu l’occasion dans leur vie de faire des choses extraordinaires. Nous ne les connaissons pas, tout simplement parce que rien ne laissait transparaître ce qu’ils étaient profondément ou parce que nous n’étions pas attentifs à voir ce qui ne s’imposait pas mais qui demandait un peu d’attention du cœur. En tout cas, cette multitude d’hommes et de femmes qui nous ont précédés dans le chemin de la foi et qui sont devenus les saints de Dieu sont pour nous une promesse et une espérance parce qu’ils nous rappellent que la sainteté se construit sur la base d’une existence ordinaire et sur ce qui peut faire sa pauvreté, son aridité ou sa fragilité.
C’est cette réalité qui nous a été rappelée quand le Pape François a canonisé les époux Martin dont l’une des caractéristiques principales est précisément d’avoir mené une vie ordinaire. Ils n’ont pas eu dans leur existence l’occasion d’accomplir des choses particulièrement spectaculaires et cependant, ils sont restés fidèles à la parole de Dieu, jour après jour à travers l’existence de leur famille.
Ce que nous sommes ne paraît pas encore, « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » (1 Jn 3,2) : c’est-à-dire que la puissance de transformation de l’Esprit Saint ne transforme pas magiquement l’existence des hommes, elle la transforme lentement à travers la fidélité des jours, des années, des décennies, elle travaille incessamment le cœur, le foyer de notre désir et de notre volonté, elle nous entraîne insensiblement, progressivement, à trouver notre joie dans la volonté de Dieu. Mais tout cela, ne transforme pas sensiblement ou visiblement, en tout cas de manière spectaculaire l’existence humaine. « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » parce que pour l’instant, ce qui apparaît de notre vie, c’est ce que nous sommes. Ce que nous serons résultera de notre transformation quand nous verrons Dieu tel qu’il est.

Cependant, à travers le tissu de cette existence humaine, qui recèle mystérieusement une puissance non encore manifestée, Dieu a voulu que nous disposions de signes significatifs, sacramentels, que nous ayons des possibilités de voir, de comprendre, en tout cas de nous interroger. C’est une des missions principales de l’Église, d’être au cœur de l’humanité, le sacrement de la grâce de Dieu à l’œuvre à travers les hommes, en vue de leur rassemblement dans l’unique peuple de Dieu dont les frontières sont inconnues et dont le nombre des membres est incalculable.
Dans cette mission de rendre visible, perceptible la grâce de Dieu à l’œuvre, la vie baptismale tient une place fondamentale. Nous sommes déjà enfants de Dieu et pourtant nous avons à le devenir chaque jour un peu plus. Et parce que nous sommes en Dieu car de Dieu, nous sommes déjà saints dans la pauvreté de que nous essayons d’être. Heureux sommes-nous. Heureux, nous pouvons l’être !
AMEN.
 
 
 Michel Steinmetz

Homélie du 30ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 28 octobre 2018

Homélie prononcée en l'église Saint-Nicolas d'ERGERSHEIM
à l'occasion du départ de Soeur Nicole Pfleger
 
 
Pour bien mesurer la portée de la parole adressée à l’aveugle Bartimée à la sortie de Jéricho, il nous faut revenir au début de l’histoire. Jésus monte à Jérusalem ; il va consommer l’offrande qu’il fait de sa vie pour le salut des hommes. Entouré d’une foule nombreuse et bruyante, que nous imaginons sans peine tant le récit de saint Marc est cinématographique, Jésus n’est pas accessible à cet aveugle tenu à l’écart et dissimulé par la foule.
 
Pour s’orienter, celui qui ne voit pas, celui qui ne sait pas, est obligé de se fier aux autres, aux bruits et aux « on-dit ». Sœur Nicole, en arrivant ici il y a 36 ans, vous étiez un peu comme Bartimée et comme tous ceux qui traversent les commencements : vous ne connaissiez personne même si Ergersheim vous était familier à cause de Krautergersheim… Comme Bartimée, vous saviez, parce que vous aviez décidé de Le suivre jusqu’à Lui consacrer votre vie, que Jésus guérit, qu’il vient en aide aux miséreux. Vous aviez non seulement choisi la voie de l’éducation, le charisme de votre fondateur, mais aussi de vous immerger dans la foule des « cherchants-Dieu » parce que vous-même continuiez de Le chercher dans votre vie. Alors avec Bartimée, en faisant face aux moments personnellement éprouvants que vous avez dû traverser, vous avez crié vers Jésus, en même temps que vous ne cessiez de présenter dans la prière celles et ceux que vous saviez en difficulté. Au cœur de la foule, de ce peuple d’Ergersheim qui peu à peu s’est élargi aux dimensions d’une communauté de paroisses, vous n’avez eu de cesse d’aller à la rencontre, de réconforter, parfois de secouer mais toujours pour remettre debout. J’en ai été personnellement témoin lors de nos mémorables « tournées ». Je crois que l’on peut dire qu’il n’y a de famille dont vous ne sachiez rien et que bien des intérieurs qui vous étaient devenus familiers.
 
En guérissant l’aveugle par la seule puissance de la foi, Jésus pose un signe. Et ceux qui l’entourent ne s’y trompent pas. Seul le Messie de Dieu est capable de cela, comme l’annonçaient les prophètes et Isaïe, en particulier, au chapitre 35. Si donc l’Envoyé de Dieu est au cœur de son peuple, c’est que le temps de Dieu est arrivé. La consommation des temps est proche. La fin des temps arrive, ce moment où toutes choses seront soumises à Dieu.
 
Aujourd'hui, nous ne savons si nous vivons la fin des temps, mais, nous en sommes sûrs, nous vivons la fin d’un temps, d’une époque. Sœur Nicole, bien malgré vous, votre départ pour une nouvelle mission apostolique, cristallise autour de vous une charge symbolique qui dépasse votre personne. Vous êtes la dernière religieuse de nos villages. Après Sœur Thérèse, trop rapidement partie rejoindre le Père, puis Sœur Rose-Marie et Sœur Gabrielle, auxquelles nous pensons sans oublier Sœur Laurence, avec vous s’achève une présence d’Eglise particulièrement signifiante. Cette présence féminine et maternelle, discrète et pourtant fondamentale, celle qui n’est pas dans l’exercice du gouvernement de la communauté, mais qui inséparablement, en dit la tendresse et la prévenance. C’est un moment historique pour nos paroisses qui se mesurera à l’aulne des années à venir. Nous savons ce que nous perdons. Qui, désormais, prendra le relais pour dire simplement, par des gestes et des paroles, la gratuité et la bonté du Seigneur ?
 
Nous ne pouvons ce soir que rendre grâce et nous souvenir de l’expérience décisive de Bartimée. Comme lui, nous pouvons être rejetés ou sommés de nous taire. Comme lui, nous pouvons rencontrer sur notre route des gens qui nous trouvent « dérangeants » ou inconvenants. Comme lui, nous avons peut-être pas les moyens de surmonter les obstacles qui se dressent devant nous. D’où va venir la solution, d’où va venir le salut ? Qui va ouvrir la brèche et le chemin vers la lumière ?
 
C'est le Christ lui-même qui a entendu ses cris et qui va l’appeler. L’évangile nous dit : « Jésus s’arrête et dit : appelez-le ! » Quoi qu’il se passe désormais, nous savons quelle est la source de l’action : c’est Jésus lui-même qui a entendu les appels de l’homme qui mendie dans le vacarme de la cohue, c’est lui qui prend l’initiative de le faire appeler pour venir à son aide.
 
Quelle que soit la perception immédiate que nous avons des besoins des hommes de notre temps, quels que soient les motifs très louables de solidarité humaine qui nous animent – vous en avez portez le souci, jamais nous ne devons oublier que nos démarches pour venir en aide à nos frères sont d’abord et principalement une expression de l’amour de Dieu pour l’humanité. De cet amour, nous ne sommes que les premiers bénéficiaires et donc d’humbles serviteurs. C’est cet amour qui doit donner son dynamisme et sa qualité à notre présence et à notre action.
 
C'est ainsi que nous sommes conduits à entendre la parole adressée à Bartimée : « Confiance ! Lève-toi il t’appelle ! » Ce qui constitue la véritable espérance pour Bartimée, ce n’est pas d’avoir rencontré des hommes compatissants et solidaires ; c’est de savoir que celui qui l’appelle et qui vient à son aide, c’est Jésus, Fils de David, celui qu’il avait appelé au secours.
 
Quelles que soient les qualités des services rendus, ce n’est pas l’ambition de faire mieux que les autres qui nous pousse à aller au-devant de ceux qui appellent au secours. C’est l’ordre du Christ lui-même auquel nous nous efforçons d’obéir. C’est la charité de Dieu à laquelle nous essayons de donner une figure humaine dans le monde qui est le nôtre. Ici et maintenant. Et votre départ, Sœur Nicole, ne pourra pas nous en dédouaner.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 20 octobre 2018

Homélie du 29ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 21 octobre 2018

Cela a duré quinze jours. Quinze jours de tractations et de pseudo-révélations par la presse, de petits mots subtilement glissés par les uns et les autres. Et nous l’avons eu, sur le perron de l’Elysée. Le remaniement gouvernemental est arrivé. L’actualité des derniers jours nous aide à imaginer la scène de l’évangile de ce jour. Jacques et Jean, les fils de Zébédée, sont des braves gens. Ils ont trouvé leur maître. Celui-ci parle d’un Royaume qui se met en place. Ils préparent leur avenir. C’est naturel. Mais plus qu’un portefeuille ministériel, ils comprennent peu à peu que, bientôt, Jésus ne sera sans doute plus là.  Jésus, en effet, a annoncé à ses disciples, et pour la troisième fois, sa Passion et sa Résurrection maintenant toute proche. Plus les jours passent, plus il sait comment va s’écrire l’histoire. Ses sentent bien que quelque chose se prépare : « ils étaient effrayés et avaient peur », nous rapporte saint Marc. C’est dans cette imminence, dans cette urgence, que Jacques et Jean se décident à interpeller Jésus : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande ». Et quelle est-elle cette demande : plus qu’un portefeuille ministériel au prochain remaniement, siéger à la droite et à la gauche de Jésus dans son Royaume !
 
A chacune des trois annonces de la Passion, un message a été délivré par le Christ. Après la première, il invite ceux qui veulent le suivre à prendre leur croix sur eux, chaque jour ; invitation qui reste encore mystérieuse. Après la seconde, il donne en exemple aux disciples un enfant qu’il met au milieu d’eux ; il les aide à comprendre que, dans la famille qu’il est en train de fonder et qui plus tard sera l’Eglise, la puissance n’est pas le critère absolu, mais au contraire la dépendance, la faiblesse et la capacité d’accueillir la Parole du Père. Après cette troisième annonce enfin, le support qui va lui servir à enseigner ses disciples est la question posée par Jacques et Jean. Peut-être avez-vous pensé qu’elle était incongrue, venant juste après l’annonce des souffrances que le Christ devrait endurer. Vous n’êtes pas les seuls à en juger ainsi puisque l’Evangile nous dit que les dix autres qui les avaient entendus s’indignaient contre Jacques et Jean. S’il fallait chercher une excuse à ces deux-là , on pourrait cependant rappeler qu’ils étaient avec Pierre sur la montagne de la Transfiguration où il leur avait été donné de contempler la gloire du Christ. Peut-être leur demande se rattache-t-elle à ce moment si intense vécu avec lui et dont ils espèrent qu’il pourra se prolonger plus tard. Pierre, sur le moment, voulait installer trois tentes pour demeurer avec Jésus tant ils étaient heureux avec lui.
 
Mais le temps de la glorification n’est pas encore venu. Nous sommes ici à l’ultime étape avant que Jésus ne monte à Jérusalem. Il tire la leçon de cette demande. Il appelle les Douze autour de Lui, et le contenu de son message est simple. Quelques jours auparavant, il leur avait donné l’exemple d’un enfant. Aujourd’hui l’exemple qu’il leur donne est celui du serviteur : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur, celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ». Plus qu’un serviteur, un esclave. Pas simplement quelqu’un qui se met librement au service d’un autre, quelqu’un qui est lié à la vie à la mort au service qui lui est confié.
 
Le Christ ne se présente pas comme le chef d’une nation païenne, il ne se présente pas comme le concurrent de César, il ne se présente pas comme le concurrent d’Hérode, il ne se présente même pas comme un de ces leaders messianiques qui ont parcouru l’histoire d’Israël. Il se présente comme le serviteur souffrant annoncé par le Prophète. Il va délivrer son peuple et à travers lui l’humanité entière, non pas en imposant sa loi mais en offrant sa vie. De quelque façon nous devons le comprendre : nous ne changeons jamais rien dans le cœur et l’histoire des hommes tant que nous n’acceptons pas de donner notre vie pour ce changement. Ce qui change le cœur de l’homme n’est ni la guerre, ni la révolution, ni la domination ; c’est l’offrande que nous serons capables de faire de nous-même pour le bien de tous. Parce que le Christ l’a fait et que le chemin qu’il trace pour nous est le seul qui conduise à la vie.  
                                                                                                                       
 

AMEN.
 
Michel Steinmetz