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Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 29 avril 2016

Homélie du 6ème dimanche de Pâques (C) - 1er mai 2016

C'est Dieu qui nous fait devenir véritablement des êtres humains. Nous ne sommes pas encore des êtres pleinement réalisés, accomplis, voire humanisés. Nous n’avons pas encore atteint notre statut d’humain. Car seul Dieu nous donne de nous réaliser, de devenir enfin ce pour quoi nous avons été créés par Lui. Cela vous semble peut-être étonnant, mais c’est ainsi. Je crois que nous pouvons même affirmer que cette réponse vaut également pour la question suivante : mais où est Dieu en notre monde ? Dieu, il est en vous, en moi. Dieu veut venir inhabiter en chacune et chacun de nous. Le Christ ne dit-il pas dans l’extrait d’évangile de ce jour : « si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui ».
 
Dieu  le Père et Dieu le Fils vivent en nous. Comment en être certain ? N’est-ce pas une belle promesse mais qui ne peut se vérifier ? Je ne le pense pas. Dieu habite en ses créatures, si nous sommes fidèles à sa Parole. Une Parole qui s’est offerte à nous dans le commandement de l’amour. Le Père et le Fils demeurent auprès de nous par l’Esprit qui nous a été donné. Il est notre défenseur. Depuis le retour du Fils auprès du Père, nous sommes entrés dans ce fameux temps de l’Esprit Saint. Un Esprit qui se fait connaître à nous en nous inspirant. Et c’est cette inspiration précise qui nous permet d’agir d’une certaine manière en notre monde. Ce n’est pas une inspiration à la manière de celle des artistes qui, mêlant leur talent à leur travail, sont capables de réaliser quelque chose de particulièrement intéressant. Cette inspiration divine vient de notre capacité à faire de la place en nous pour que l’Esprit de Dieu puisse y demeurer. Nous devenons alors les mains de Dieu, les acteurs de Dieu sur cette terre. Son Esprit nous inspire. Certains diront que nos actes sont purement humains. Et c’est peut-être vrai. C’est la manière dont nous lisons notre vie qui nous permet de l’écrire avec l’encre divine.
 
Inspirés par l’Esprit, nous écrivons note existence en permettant à Dieu de l’écrire et de s’y mêler. Et cela se vite en toute liberté. En effet, Dieu nous laisse libres de choisir de répondre à ses diverses inspirations. Ces dernières ne sont pas des coups d’éclat, des bonnes actions quotidiennes bien charitables. La solidarité avec ses frères et sœurs en humanité n’est pas l’apanage de quelques professionnels médiatisés de la charité. Non. Etre inspirés par l’Esprit et donner une signification divine à nos actes humains, est une manière de vivre à la suite du Christ.
 
Poser dans la vie de tous les jours, des petits gestes de tendresse, des actes banals d’amour, des attentions gratuites avec tous ceux et celles qui nous entourent et partagent nos différents lieux d’existence. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait du mal, de la souffrance pour que le bien puisse exister. Le bien peut se vivre quotidiennement, il en va, et je me permets de le souligner une fois encore, de notre responsabilité. Et ce qui est surprenant c’est que l’inspiration de l’Esprit ne se découvre que dans ma propre réponse, c’est-à-dire dans tous les actes que je pose. Par l’Esprit, j’entre dans un nouvel état d’esprit : je choisis de m’humaniser, de me diviniser. Non, n’ayez pas de crainte, il n’y a pas là prétention d’être Dieu. Par contre, en posant librement tous ces gestes quotidiens à la suite de cette parole d’amour donnée, j’espère partager un jour la vie divine. Tel est l’objectif à atteindre. Tel est le défi auquel Dieu nous invite.
 
Avec ce que nous sommes, avec tout ce que nous avons reçu et développé au cours de nos existences, nous sommes conviés à éveiller en nous tous nos potentiels d’amour. Nous en sommes capables. Il suffit d’humaniser notre humanité et par là la diviniser. L’inspiration divine conduit toujours à la solidarité, aux simples gestes qui apportent le plus d’amour. De la sorte, nous deviendrons humains à la mode de Dieu.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 22 avril 2016

Homélie du 5ème dimanche de Pâques (C) - 24 avril 2016

Comme c’est étrange ! C’est précisément quand tout commence à aller très mal que Jésus dit : maintenant, c’est magnifique ! Jésus bouleverse vraiment toutes nos conceptions des choses. Selon des critères humains, ce qui arrive à Jésus, maintenant, est tout sauf magnifique, et c’est alors qu’il dit avec une certitude et un aplomb aussi déconcertant que joyeux : maintenant, je suis glorifié ! Comment le comprendre ?
 
L'évangile d’aujourd’hui se déroule à Jérusalem dans le cénacle, la « chambre haute », où Jésus mange l’agneau pascal avec ses proches pour célébrer la fête de Pâque, Pessah. Judas, lui, a promis aux autorités juives de leur livrer Jésus dès qu’il trouvera un moment favorable. Il sait qu’à la fin du repas Jésus et ses amis sortiront en direction du jardin des oliviers à Gethsémani. L’occasion est donc toute trouvée. Il sort du repas en pleine nuit, après que Jésus a fait comprendre qu’il a saisi son intention. Il va mettre son plan à exécution. Jésus sait donc ce que Judas fomente, et ce qui va arriver : sa trahison, son arrestation, les souffrances de sa mort.
 
Et c’est à ce moment – « maintenant », dit l’évangéliste – qu’il dit que lui, Jésus, le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu en lui. Comment comprendre cela ? Souvent, me semble-t-il, nous faisons le contraire. Quand quelque chose de pénible nous arrive, nous ne voyons que le problème, la souffrance, l’accablement. Cela nous bouche l’horizon à la manière d’une haute montagne insurmontable : une opération, la perte d’un être cher, une dure épreuve. Certains, même, se laissent défaire et engloutir devant cette perspective.
 
Comment Jésus fait-il pour ne pas être accablé, pour ne pas perdre courage face à la Passion qui l’attend ? Son mystère ne se fonde-t-il pas sur le fait qu’il projette son regard par-delà la souffrance du présent, sur le positif qui vient après ? Il entrevoit dès maintenant le bien que Dieu va opérer à travers sa souffrance. Il a cette confiance totale et radicale, chevillée au cœur et au corps, que tout ira bien, même s’il faut que commence d’abord la sombre nuit de l’épreuve.
 
Vous comme moi, sans doute, vous vous demandez comment il est possible d’en venir à une telle attitude. Où Jésus puise-t-il cette force et cette confiance ? Est-ce de l’idéalisme, de l’inconscience ? Je crois qu’il nous donne une réponse dans l’évangile que nous entendions. Il appelle cela « le commandement nouveau », ce qui veut dire simplement : « aimez-vous les uns les autres ». Quand on se sent entouré, dans l’amour, la souffrance perd beaucoup de son effroi. Celui qui aime et est aimé, n’est pas seul. La croix et la souffrance sont insupportables pour celui qui se sent seul. Certes l’amour n’évite pas la souffrance mais il la rend plus supportable. Malheureux celui qui n’a personne pour partager sa souffrance et la porter avec lui ! Jésus dit qu’on reconnaîtra ses disciples au fait qu’ils auront de l’amour les uns pour les autres. C’est d’autant plus abject quand des personnes se haïssent et se font souffrir alors qu’elles se disent bons disciples de Jésus. C’est triste que cela arrive si souvent, et on se réjouit d’autant plus quand on assiste à la réciprocité dans la bienveillance et la bonté.
 
Jésus a subi beaucoup de rejet et de haine. Souvenez-vous ce que nous avons célébré ces dernières semaines encore. La trahison du Judas a dû profondément le blesser : il faisait partie du cercle des plus proches, des intimes. Le fait de connaître la souffrance qui l’attendait sur la croix a dû être horrible pour lui, en tant qu’homme. Sa presque jubilation : « Dieu est glorifié » maintenant, n’a rien à voir avec le cri d’un exalté ou d’un illuminé. Je ne peux la comprendre qu’ainsi : Il savait que l’Amour triomphera.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 15 avril 2016

Homélie du 4ème dimanche de Pâques (C) - 17 avril 2016

Jésus nous dit que nous sommes des brebis ! Cette image, interrogeons-la : Que nous dit-elle de nous-mêmes ? Qu’est-ce qu’une brebis ? Un animal, au regard doux mais un peu vitreux, qui bêle gentiment mais moins par conviction que parce que le voisin bêle aussi. Essayez de traverser un champ de brebis... Il est difficile de couper un troupeau en deux, elles veulent toutes passer du même côté même si le chemin n’est pas direct. Une brebis isolée est comme un poisson hors de l’eau, elle est perdue. Jésus nous dit que nous sommes des brebis, et cela n’est pas vraiment enthousiasmant. Une brebis, c’est bête et deux brebis, c’est deux fois plus bête, alors que dire d’un troupeau ! Il n’y a pas là un idéal capable de me mobiliser.
 
Mais il y a le Berger. « Je suis le Bon pasteur », dit Jésus, celui qui rassemble et qui conduit, qui fait sortir hors de la bergerie, Celui qui veille sur ses brebis. Il connaît leur faiblesse et, osons-le dire : leur bêtise... Il connaît leur peu d’audace et leur manque d’imagination. Il est le Bon Pasteur. Et c’est là qu’est la pointe de la parabole, la figure centrale, l’intention de l’image choisie. Car une parabole se comprend par sa pointe. Quand Jésus nous dit par exemple que « le Fils de l’Homme viendra comme un voleur », il ne nous dit pas qu’il est un voleur mais que son retour sera aussi imprévu que l’arrivée du voleur. Ici, c’est dans la figure du bon pasteur qu’il faut chercher ce que Jésus veut dire quand il nous parle de brebis... Il ne s’agit pas de rester grégaires, encore moins de le devenir, mais d’avoir un Bon pasteur. De quoi s’agit-il ?
 
"Mes brebis écoutent ma voix, et elles me suivent ". Il y a une voix à entendre. Tout n’est pas centré sur la brebis. Entendre la voix, c’est d’abord cesser de bêler pour se taire, écouter, accueillir, recevoir. C’est, par le même acte, consentir que quelque chose ne vienne pas de moi, que quelque chose me soit donné. Une parole m’est offerte, et elle vient à moi, et elle vient vers moi, et elle vient en moi. Je ne fabrique pas ma finalité. Je ne fabrique pas les buts importants qui vont mobiliser ma vie. Cela vient d’ailleurs, hors de moi.
 
J'entends cette voix. Je la reconnais. Serais-je seulement passif ? Au contraire, je suis tout entier éveillé, réveillé, mobilisé. Ma sensibilité coopère avec cette voix et, par ma sensibilité, tout ce que je suis se met à vibrer. L’évangile semble clair : c’est parce qu’il y a un bon pasteur qu’il y a des brebis. Alors je reçois cette comparaison sans aucune honte. Je comprends que le Dieu qui m’appelle, me respecte, me veut, non pas comme une brebis, bêlante et grégaire, mais comme un être capable d’écouter sa voix.
 
Jésus nous dit ici quelque chose de très fort sur la liberté humaine. Il dit premièrement que Dieu prend sur lui notre faiblesse, qu’il ne l’ignore pas. Il n’a pas affaire à des surhommes et il le sait. Il dit aussi, et ce n’est pas contradictoire, que je suis appelé à grandir et à construire ma vie selon une finalité qui n’est pas seulement en moi. Cette finalité m’est offerte par lui, elle m’est donnée. C’est une parole, c’est un appel venu de l’extérieur. C’est une révélation. Tout ne dépend pas de moi et pour autant, rien ne peut se faire sans moi. Elle est là, ma responsabilité : me demander, chaque jour, ce que Dieu attend de moi avant de m’écouter moi-même pour entendre ce que je voudrais.
 
Il y a donc une voix. Et derrière la voix, il y a quelqu’un. La vocation, c’est l’acquisition d’une sensibilité personnelle à la voix qui me dit : «  toi, suis-moi ». Cet acquiescement demande du temps.  Le dimanche des vocations nous rappelle que, depuis des siècles, des hommes et des femmes ont choisi de vivre autrement. Ils ont répondu à un appel. Ils ont tenté d’acquérir cette sensibilité nouvelle à une voix qui s’adresse à eux personnellement. Frères et sœurs, arrêterons-nous enfin de bêler stupidement pour entendre la voix du Seigneur et pour que des jeunes parmi nous puissent l’entendre ?
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (C) - 10 avril 2016

Curieusement Pierre, reconnaissant que c’est le Seigneur qui s’adresse à eux – parce que Jean le lui dit, passe un vêtement avant de se jeter à l’eau ! Il est nu, comme Adam au jardin d’Eden, et éprouve le besoin de se vêtir pour se couvrir. Couvrir sa nudité qui dit sa fragilité. Pourquoi avoir honte devant le Seigneur ? N’a-t-il toujours pas compris qu’il n’a rien à craindre devant jésus, fût-il ressuscité ? Il l’a renié quelques jours plus tôt, et déjà Jésus avait posé sur lui un regard plein d’amour et de pardon.


Alors, comme s’il le fallait, une nouvelle fois, Jésus va redire son amour à son apôtre. Il va lui témoigner sa miséricorde, par-delà ses faiblesses et ses manquements. Il faudra par trois fois que Pierre s’étende dire  « je te chéris », pour finir par croire que cet amour sauve tout, sa lâcheté, sa honte et le reste. Les « je t’aime » véritables sont ceux qui ne demandent aucune réponse, si ce n’est l’espace entre deux êtres pour que de tels mots puissent se chanter. S’il est vrai qu’ils sont trop souvent encore dans notre société difficile à dire, combien plus serons-nous mal à l’aise si nous avions à poser la question, « et toi, m’aimes-tu ? ». Nous ne la posons pas, pour ne pas embarrasser l’autre et peut-être aussi pour ne pas être déçu de sa réponse. En amour, en amitié, on ne ment pas... au risque de tout perdre sinon.


Le dialogue entre Jésus et Pierre est d’autant plus intéressant qu’il se situe à deux plans différents que le texte français occulte par sa pauvreté de langage. Nous devons alors retourner au texte grec. Rappelez-vous, comme je l’ai déjà souvent dit, dans cette dernière langue, il y a plusieurs mots pour aimer. Le texte de ce jour nous en offre deux. D’abord, l’amour d’agapé, c’est-à-dire l’amour de charité, celui qui exige un acte de la volonté pour respecter chaque être qui nous entoure, lui donner l’espace nécessaire pour qu’il ou elle puisse se réaliser, s’accomplir sur le chemin de sa destinée. C’est l’amour qu’a Dieu pour nous. Vient ensuite, l’amour de philia, l’amour d’amitié, celui qui vient du cœur, que l’on ne peut justifier. Celui qui nous lie à l’autre par les sentiments. C’est ici l’amour  entendu comme sentiment humain. Amour de charité, amour d’amitié, deux types de relation. Nous savons au plus profond de nous-mêmes que nous ne pouvons nous contenter de nos solitudes, nous sommes avant tout des êtres de relation. Par trois fois, Jésus demande à Pierre s’il l’aime. Lors des deux premières questions, Jésus, dans le texte grec, pose la question en termes d’amour de charité et Pierre réponds chaque fois « oui, je t’aime » mais son amour est un amour d’amitié. Ce n’est qu’à la troisième question que le Christ pose étonnamment sa question d’aimer en terme d’amour d’amitié. Entre eux, il y a d’abord, le respect d’une autonomie nécessaire pour que la relation puisse s’établir. Ayant la conviction que cet espace existe entre eux, Jésus peut alors demander à Pierre si au-delà du respect, il y a des sentiments. Jésus se met à la hauteur de ce dont Pierre est capable. Comme les autres disciples, il a encore du mal à saisir ce qui se passe, alors aimer à la manière dont le Seigneur l’aime est trop lui demander, pour l’heure.

 
La relation entre le Christ et Pierre peut aujourd’hui encore dire quelque chose de notre propre relation à Dieu. Nous sommes conviés à ne pas nous enfermer dans une relation de raison, une relation intellectuelle, philosophique. La foi comporte aussi sa part de sentiments. Elle est un sentiment instinctif que nous essayons de comprendre tout au long de notre vie. Elle nous donne un cadre de valeurs. Et ce cadre, loin de nous emprisonner, nous donne des balises pour arriver à mieux vivre notre humanité telle que Dieu l’a vécue en se faisant homme. Pour nous le Christ devient un chemin à suivre pour vivre un jour le partage de sa divinité. Que préférons-nous, un amour de raison, un amour des valeurs ou un amour d’amitié, un amour de relation entre Dieu et nous ? Agapè ou philia ? A nous dans le plus secret de son être d’en décider. De grâce, par-delà le respect que nous devez avoir pour Dieu, n’hésitez pas à avoir pour lui des sentiments. Ne revêtez pas trop de couches de vêtements pour vous cacher, vous dissimulez à lui. Il connaît votre cœur. Il vous aime. Aimez-le en retour.

 
AMEN.
 

Michel Steinmetz

vendredi 1 avril 2016

Homélie du 2ème dimanche de Pâques (C) - 3 avril 2016

Profession de foi des jeunes
 
 
C'est aujourd’hui un jour bien particulier, dans une année bien particulière ! Chers jeunes, en ce dimanche qui suit la fête des Pâques, vous faites votre profession de foi. Vous reprenez pleinement à votre compte les engagements du baptême que vos parents ont pris pour vous, il y a plusieurs années. Vous le faites le jour où, dans l’Eglise des premiers siècles, les baptisés venaient de déposer l’aube blanche de leur baptême – reçue dans la nuit de Pâques – pour prendre place avec les fidèles. C’est le jour aussi qu’on appelle depuis l’an 2000, selon la volonté du pape Jean-Paul II, le dimanche de la Miséricorde. Nous fêtons ce jour dans une année toute entière consacrée à la Miséricorde : c’est le Jubilé désiré par le pape François.
 
Ce mot de « miséricorde », on l’entend assez souvent dans nos églises. Mais qu’évoque-t-il au juste pour vous ? Son origine latine nous donne une première indication précieuse : elle allie la « misère », au mot « cœur ». Souvent vous dites que telle ou telle situation est « une misère ». On se plaît aussi à parler des misères dans le monde : les guerres, les mouvements de populations, les famines. Cette misère du monde, vous l’avez un peu touchée du doigt en rencontrant ceux qui ont dû la vivre. Je pense à nos amis irakiens. Nous aussi, à notre manière, nous côtoyons la misère : celle de notre société tout près de nous car nous connaissons tous des gens qui souffrent du chômage, de la maladie, de la pauvreté, mais celle encore qui nous est personnelle.
 
Vous commencez à vous rendre compte, dans les adultes en devenir que vous êtes, de la dureté et de la beauté de la vie, deux choses qui sont indissociablement mêlées. Vous ne supportez plus qu’on vous traite comme des enfants (et vous avez raison), mais sans doute que l’horizon des responsabilités de la vie adulte qui se dessine vous angoisse. C’est là, en ce jour, que vous avez à vous souvenir que Dieu est miséricorde. Rattachons le mot « cœur » à celui de « misère ». Dieu a toujours un cœur ouvert. Il est prévenant, au sens où il est toujours « devant ». Il nous précède. Au jour de votre baptême, Dieu vous a choisis, appelés pour vous aimer à tout jamais. Vous avez du prix aux yeux du Seigneur. Si son cœur est énorme, il sait aussi que votre cœur est bon, et qu’il peut encore s’élargir, prendre de l’ampleur.
 
Nous l’entendions à l’instant dans les lectures, la miséricorde de Dieu pour nous est générosité, compassion brûlante : « Tous étaient guéris » parmi les foules qui s’approchent avec foi des Apôtres. La miséricorde divine prend encore le visage du Christ qui dissipe les ténèbres par sa victoire de Ressuscité : « Ne crains pas… je détiens les clés de la mort et du séjour des morts ». Avec quelle délicatesse encore, il rejoint ses disciples encore emmurés dans leur peur : « La paix soit avec vous ! ». Lui qui est le bon berger, il ne va pas abandonner la brebis de ce petit troupeau qui s’entête à demander des signes. Seul contre tous, Thomas pose ses conditions pour croire. Que fait Jésus ? Il ne le rabroue pas. Il accède à sa demande avec douceur, il présente son corps blessé avec une bouleversante simplicité : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ». Puis il l’appelle à accepter enfin cette nouvelle présence : « Cesse d’être incrédule. Sois croyant. ».
 
Chers jeunes, même quand nous avons du mal à croire, que nous doutons, que nous demandons des preuves, Dieu ne s’impatiente pas. Il reste à nos côtés et se tient présent. Ayez à cœur de vous ouvrir à cette présence. Le Christ est partout ! Il est là dans l’eucharistie qui est une nourriture dans notre vie de foi ; Il nous parle dans les Ecritures ; Il se laisse toucher dans les sacrements ; Il est là dans le visage de ceux qui souffrent ; Il est avec nous quand nous souffrons. Rappelez-vous un instant ce que vous faisiez il y a quelques années quand, enfant, vous tombiez. Là, par terre, vous appeliez à l’aide : Papa, Maman… Et vous tendiez les bras vers eux pour qu’ils vous aident à vous relever. Dieu est un père. Alors quand vous tombez, quand vous avez le sentiment de ne pas être à la hauteur, faites de même : appelez Dieu à l’aide ! Tendez les bras vers Lui. Il vous relèvera. 
 
                                                       
AMEN.
 
Michel Steinmetz