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mercredi 30 décembre 2015

Homélie de la solennité de l'Epiphanie - 3 janvier 2016

 
 
L'embellissement légendaire de la fête de l’Epiphanie donnerait envie d’en parler comme dans les contes de fée. C’est vrai qu’il y a là tous les ingrédients : la pauvreté et le dénuement d’un couple, l’extraordinaire d’une visite, la riche parure des mages, et sans doute tout le cortège qui les accompagne, et surtout leurs somptueux présents. Cependant ce que nous commémorons aujourd’hui est trop important, trop riche pour s’égarer, se laisser éblouir et rêvasser.
 
Seul Matthieu parle de mages (sans en donner le nombre). Des sages, probablement plus de la première jeunesse, assez fortunés pour entreprendre un grand voyage, assez humbles pour aller se prosterner devant celui qu’ils pensent être roi des juifs. Qui se souciait des Juifs à cette époque et de leur royaume plus proche d’une principauté d’opérette dans un pays occupé que d’une cour impériale vers laquelle accourent les grands du monde ? Quoi qu’il en soit ils viennent de loin vénérer un roi encore inconnu. En fait ils s’inclineront devant un nouveau-né sans fortune dans une simple maison d’une bourgade appelée Bethléem. Dérisoire ! Et voici pourtant la fête qui nous rassemble. Mystère d’un Enfant-Dieu révélé à toutes les nations et en qui toutes les nations de la terre trouvent refuge et salut. L’étymologie du mot « épiphanie » nous enseigne qu’il veut dire : révélation, manifestation, apparition de quelque chose qui devient évident. Est-ce Jésus qui se révèle à des gens venus d’un monde lointain et païen ou bien ces voyageurs révèlent-ils que ce modeste enfant est roi et qu’il est digne de cadeaux en accord avec son rang : or, encens et myrrhe ?
 
 
Epiphanie, révélation, fruit de la rencontre de deux mondes jusqu’alors étrangers. Et là devient évident que le nourrisson n’est pas un bébé comme les autres. L’évangile de Matthieu n’en dit pas plus. On ne sait ce que sont devenus ces riches visiteurs après leur passage en Palestine. Cela a-t-il changé quelque chose dans leur histoire, dans leur cœur, dans leur relation à Dieu ? Qu’ont-ils raconté à leur retour ? Comment cela a-t-il été perçu par leur entourage ? La révélation que Dieu fait de lui-même à toutes les nations passent par les canaux ordinaires d’une rencontre humaine, d’une expérience. L’Epiphanie est la révélation qui apparaît dans la rencontre. C’est ainsi que cette révélation de l’Epiphanie n’est pas close mais qu’elle se poursuit. Dieu continue de se révéler dans la grâce de la rencontre. Rencontre avec Lui dans la prière, les sacrements, la méditation de sa Parole. Rencontre avec Lui quand nous allons aussi à la rencontre du frère, plus particulièrement de celui dans le besoin.
 
Vous voyez dans la crèche trois mages. Chacun porte un présent : l’or, l’encens, la myrrhe. Vous pourrez vous demander ce que vous apportez à l’Enfant. Mais auparavant il vous faudra vous demander si vous êtes vous-même dans la situation de l’un de ces mages. Acceptez-vous de vous mettre en route ? De quitter le quotidien de votre confort, de vos certitudes, de l’aisance de votre patrimoine ? Consentez-vous à suivre le signe – parfois ténu – que Dieu vous envoie ? Recevez-vous sa présence comme Celui d’un Dieu proche, humble et pauvre qui vous appelle à Le suivre ? Si votre humanité a la chance de se comprendre invitée, alors oui, comme les mages vous viendrez de loin, de très loin. Vous n’y viendrez pas comme des curieux, comme des badauds, mais avec la certitude qu’en approchant ce bébé encore sans pouvoir, c’est le Dieu incarné pour notre salut que vous vénérez. Cette visite deviendra alors pour vous Épiphanie, démarche de votre cœur pour adorer ce qui de l’extérieur n’est pas évident, mais qui dans votre âme s’installe comme une certitude recherchée depuis longtemps. La rencontre à laquelle vous êtes conviés est un rapport vrai et personnel avec ce nourrisson sauveur en devenir.
 
Qu'une Épiphanie soit possible pour vous aujourd’hui et que vous repartiez chez vous joyeux comme les mages au sortir de Bethléem. Je vous souhaite non pas une belle mais une vraie fête de l’Épiphanie.
 
AMEN.
 
                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz

Homélie de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu - 1er janvier 2016

Bénir ne se réduit pas à un « bien-dire » (du latin bene-dicere) : lorsque Dieu bénit ses créatures, il ne dit pas seulement une belle phrase mais Il leur communique sa puissance de Vie pour les rendre actives, fécondes. Sa bénédiction donne réellement sa Bonté, sa Faveur et sa Grâce. Remarquez bien la nuance du texte : cette bénédiction, Dieu charge les prêtres d’en être les transmetteurs : « ils apposent le Saint Nom sur les croyants » mais il est entendu que c’est Dieu qui bénit ! En répétant trois fois le Nom trois fois Saint, en prononçant de tout cœur la formule consacrée, en étendant les mains au-dessus de la tête de leurs frères et sœurs, ils signifient l’acte efficace de protection : puisses-tu être convaincu que ton Dieu ne te fixe pas d’un oeil sévère, qu’il ne comptabilise pas tes fautes, qu’il ne se confond pas avec ton sur-moi ou ton complexe de culpabilité. Sache que ton Dieu, ton Père, te regarde avec amour, qu’il compatit à ta faiblesse, qu’il craint pour tes épreuves. Son visage, c’est-à-dire sa Personne, n’est que bonté et tendresse, joie et sérénité. Sa bénédiction entend exorciser tes peurs, écarter tes craintes, chasser tes scrupules, consoler tes tristesses. Le visage de Dieu n’est pas celui, grimaçant, des idoles et des masques : il est Lumière rayonnante de Vérité.
La bénédiction biblique joue dans les deux sens : de haut en bas Dieu répand sa grâce et, en retour, de bas en haut, l’homme « bénit » son Dieu, il lui exprime sa reconnaissance, sa gratitude, sa  joie d’être connu et sauvé. En somme, la bénédiction, dans son « aller-retour », est révélation d’un Dieu bon et exultation de l’homme à sa juste place.
 
C'est à la lumière de cette bénédiction que nous voulons entrer ensemble une nouvelle année civile. Nous ne nous faisons pas de fausses illusions. Comme tous les ans, il nous faudra faire face à l’imprévisible, au déroutant, au douloureux, mais aussi à l’inattendu et à l’inouï que Dieu nous réserve. Nous pouvons d’autant plus facilement aborder l’année nouvelle si nous avons pris le temps de jeter un regard en arrière pour discerner combien Dieu nous a été présents au long des mois écoulés. L’avez-vous fait, frères et sœurs ? Si ce n’est pas le cas, vous pouvez le faire. Avez-vous béni le Seigneur pour les signes de sa présence à vos côtés, pour ce qu’il vous a donné à vivre de bon et pour la force qu’il vous a envoyé dans les situations pénibles ? Faites-le. Ne pas le faire ferait de vous des personnes ingrates.
 
Le Sauveur du monde vient pour se faire participant de notre nature humaine ; nous ne sommes plus seuls ni abandonnés. La Vierge nous offre son Fils comme principe d’une vie nouvelle. Aujourd’hui découvrons d’une façon nouvelle qui nous sommes ! En ces jours, nous est rendu manifeste le chemin à parcourir pour rejoindre le but. Maintenant, toute peur et toute frayeur doivent cesser, parce que la lumière nous indique la route vers Bethléem. Il ne nous est pas permis de rester arrêtés. Nous devons aller voir notre Sauveur déposé dans une mangeoire. Voilà le motif de la joie et de l’allégresse : cet Enfant est « né pour nous », il nous est « donné à nous », comme l’annonce Isaïe (cf. 9, 5). À un peuple qui depuis deux mille ans parcourt toutes les routes du monde pour rendre chaque homme participant de cette joie, est confiée la mission de faire connaître le « Prince de la paix » et devenir son instrument efficace au milieu des nations. Pour cela, il nous faut rester en silence et laissé parler cet Enfant ; imprimons dans notre cœur ses paroles sans détourner notre regard de son visage. Cet Enfant nous enseigne quelle est la chose vraiment essentielle dans notre vie.
 
Dans une société souvent éprise de consommation et de plaisir, d’abondance et de luxe, d’apparence et de narcissisme, Lui nous appelle à un comportement sobre, c’est-à-dire simple, équilibré, cohérent, capable de saisir et de vivre l’essentiel. Dans un monde qui est trop souvent dur avec le pécheur et mou avec le péché, il faut cultiver un fort sens de la justice, de la recherche et de la mise en pratique de la volonté de Dieu. Dans une culture de l’indifférence qui finit souvent par être impitoyable, que notre style de vie soit au contraire plein de piété, d’empathie, de compassion, de miséricorde, puisées chaque jour au puits de la prière. »[1]
 
En entrant donc dans une nouvelle année, il est bon parfois de prendre du recul et de regarder derrière soi. Nous découvrirons le visage de Dieu et sa bénédiction. Nous pourrons l’implorer avec plus d’assurance encore. Le Royaume n’est pas seulement au-delà de nos efforts, il est aussi au-delà de notre regard.
 
Durant notre vie, nous n’arrivons à accomplir qu’une petite partie de cette entreprise magnifique qui est l’œuvre de Dieu.
Rien de ce que nous faisons n’est complet.
C’est dire que le Royaume se trouve toujours au-delà de nous-mêmes.
Aucune affirmation ne dit tout ce que l’on peut dire.
Aucune prière n’exprime complètement la foi.
Aucun credo n’apporte la perfection.
Aucune visite pastorale n’apporte avec elle toutes les solutions.
Aucun programme n’accomplit pleinement la mission de l’Église.
Aucun but ni objectif n’atteint la plénitude.
Voilà de quoi il s’agit :
Nous plantons des graines qui un jour germeront
Nous arrosons les graines déjà plantées sachant que d’autres en prendront soin.
Nous posons les bases de ce qui se développera.
Nous mettons le levain qui multipliera nos capacités.
Nous ne pouvons pas tout faire, mais commencer nous apporte un sentiment de libération.
Cela nous donne la force de faire quelque chose, et de la faire bien.
Cela peut rester incomplet, mais c’est un début, un pas sur un chemin.
Une opportunité pour que la grâce de Dieu entre et fasse le reste.
Nous pouvons ne jamais voir son achèvement, mais c’est la différence entre le contremaître et l’ouvrier.
Nous sommes des ouvriers, non pas des contremaîtres, des serviteurs, non pas le messie.
Nous sommes les prophètes d’un avenir qui ne nous appartient pas.[2]
 
Avec ces pensées, avec ces sentiments, je vous souhaite une sainte année de grâce et de miséricorde !
 
Michel STEINMETZ


[1] Pape François, Homélie de la messe de la Nuit de Noël, 24 décembre 2015.
[2] Prière communément attribuée au bienheureux Oscar Arnulfo Romero, mais qui a été prononcée pour la première fois par le Cardinal John Dearden, citée par le Pape François lors des vœux à la Curie, 21 décembre 2015.

Homélie des premières vêpres de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu - 31 décembre 2015

Le Concile Vatican II, dont nous avons fête le cinquantième anniversaire de la clôture le 8 décembre dernier,  a voulu renouer avec la plus vieille tradition liturgique de l’Eglise. C’est ainsi que les évêques réunis en concile ont voulu retrouver les rites et les prières des premiers chrétiens. Voilà pourquoi le pape Paul VI a replacé la fête de Sainte Marie Mère de Dieu le premier janvier. Ce n’est pas parce que c’est le premier jour de l’an. Ce qui était le plus important pour les premiers chrétiens et ce que le concile nous invite à redécouvrir, c’est que nous célébrons la fête de Marie, Mère de Dieu, une semaine après la naissance de son Fils. C’est la fin de l’octave de Noël.
 
C'est là un très beau symbole. Les célébrations de la fête de Noël commencent avec celle de la Nativité et elles se terminent par la méditation du rôle de Marie, une femme, dans l’histoire du salut. Marie a eu un destin bien particulier : célibataire, seulement promise en mariage à Joseph, elle se retrouve enceinte.  On n’a guère de mal à imaginer combien l’entrée dans la vie adulte a dû être, pour elle, difficile, et pourtant marqué par l’abandon joyeux à la Providence.  Elle a risqué la répudiation, c’est-à-dire la honte et l’exclusion. Elle a pourtant été le signe et l’agent de la réconciliation. C’est autour d’elle et de son Fils que les bergers se sont rassemblés pendant la nuit. Voilà des personnes frustres, sans éducation et marginalisés dans la société de l’époque. Luc précise dans son évangile qu’ils « vivaient dehors dans les champs ». Ils n’avaient donc guère la possibilité de fréquenter leurs congénères puisqu’ils étaient de jour comme de nuit à l’extérieur. A ces marginaux, dont la pauvreté de vie correspond à celle de la naissance de l’enfant, s’ajoutent les princes de la science et de la société. Les mages, qu’on a vite appelés rois mages, étaient des savants, reconnus pour leur science et respectés dans la société. Ils n’ont rien à voir avec des bergers. Et pourtant ce sont ainsi des êtres tellement différents qui se rassemblent auprès de la Vierge et de son Enfant. Par sa maternité, Marie et, par sa naissance, le Christ réunissent autour d’eux l’humanité tout entière. Juifs et païens, pauvres et riches, simples d’esprit et savants.
 
Cette réunion de l’humanité ne se fait pas autour d’une table de négociation, ni même une table de festin, elle se fait autour d’un petit enfant et de sa mère. Marie donne son enfant à l’humanité afin que tous les hommes puissent être sauvés. Elle peut le faire parce que Dieu, en tout premier lieu, a donné Son fils à toute l’humanité afin que nous tous, nous puissions découvrir l’infinie tendresse pour chacun d’entre nous.
 
Alors que nous sommes rassemblés par le chant des vêpres pour entrer dans cette solennité de sainte Marie, Mère de Dieu, au huitième jour après la Nativité, nous sommes aussi réunis à la fin d’une année civile. Inutile ici de re-parcourir ce qu’elle a pu être ou ne pas être. Elle a connu des moments de profonde violence avec les attentats vécus en France, en janvier et en novembre. Des moments d’angoisse et d’inquiétude devant une société qui peine à se retrouver autour de valeurs humaines fondamentales mais qui se plaît à la lutte des idéologies stériles dans le jeu des partis politiques. Un monde qui semble dominé par la quête de plus de pouvoir et par un système économique voué au profit avant de l’être au respect de la personne humaine dans sa dignité. Un monde encore marqué par des conflits, des migrations de population. Un monde où des frères et sœurs ont tout perdu à cause de la fidélité à leur foi. Nous-mêmes, sans doute, n’avons-nous pas été épargnés par les épreuves, les doutes, les colères. Pourtant ce que nous avons reçu est toujours plus fort, plus beau, plus grand. Car Dieu est la source de ces bienfaits. Rien ni personne ne parviendra à nous ravir cette certitude et cette espérance.
 
Marie donne ce qu’elle a reçu, son enfant. Puissions-nous, nous aussi, continuer de donner ce que nous avons reçu, la vie, l’amour de Dieu sans cesse présent dans notre vie.           
 
AMEN.
 
 Michel STEINMETZ †

mercredi 23 décembre 2015

Homélie de la fête de la Sainte Famille - 27 décembre 2015

Joseph, Marie et Jésus, un type de famille dont on rêverait bien comme d’un idéal. Des parents qui s’entendent et un enfant bien sage. Personnes humbles et pieuses, fidèles aux traditions, qui, comme chaque année, vont en pèlerinage jusqu’à Jérusalem, pour la fête de la Pâque.
L’escapade de Jésus adolescent et la réponse frondeuse à sa mère ont sans doute un côté sympathique. Comme tous les jeunes au sortir de l’enfance, Jésus manifesterait une première velléité d’indépendance par rapport à ses parents. Mais, après cette parenthèse, il est rentré bien sagement avec eux à Nazareth et il leur était soumis. Jésus a donc pu grandir et se développer humainement dans l’atmosphère harmonieuse d’une famille parfaite.
 
On peut vraiment se demander si c’est vraiment l’intention de l’auteur sacré de nous présenter ainsi la Sainte Famille ? Cet épisode est d’ailleurs le dernier récit de ce qu’il est convenu d’appeler « l’évangile de l’Enfance », ces deux chapitres placés plus tard au début de l’évangile de Luc. Il me semble que cette scène doit être plutôt comprise dans la perspective de la résurrection du Seigneur !
L’histoire ne nous transmet aucune des questions posées par l’enfant aux maîtres de la Loi, ni aucune de ses réponses. Mais elle souligne l’intelligence de l’enfant qui connaît et comprend la Loi. La seule parole rapportée ici et la première de toutes celles qu’il a prononcées, est précisément l’indication du lieu où l’on peut désormais le trouver, parole d’ailleurs incompréhensible pour Marie et Joseph : « Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être. »
 
Nous pouvons aussi relever dans ce récit des allusions fréquentes au thème de la passion et de la résurrection. Quelques détails de cette histoire font penser à ce que Jésus fera plus tard. Ainsi la montée en pèlerinage vers la ville sainte évoque la Pâque du Seigneur : « comme arrivait le temps où il allait être enlevé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem ». Jésus perdu enfant – à l’âge de douze ans, le même que celui de Samuel lorsqu’il est confié au prêtre Eli –, est retrouvé au bout de trois jours, comme il sera plongé trois jours dans la mort. La réponse faite à ses parents trouve un écho en celui adressé aux femmes, le matin de Pâques : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts, celui qui est vivant ? » Et dans l’évangile de Luc, la première parole de Jésus, mais aussi la dernière, est pour parler de son Père d’auprès duquel il enverra son Esprit. A la manière d’un écrin mettant en valeur un joyau, bien des éléments du récit du recouvrement ont pour fonction de souligner la parole du Christ : « Il me faut être chez mon Père ».
 
Pour parvenir à la confession de foi en Jésus, Fils de Dieu, les évènements de Pâques sont nécessaires. On ne peut comprendre aujourd’hui qui est Jésus sans l’expérience pascale. Le sens profond du recouvrement s’éclaire donc à la lumière de Pâques, passage de Jésus vers son Père. Seul Pâques révèlera que pour Jésus « être chez son Père », c’est par sa passion et sa mort entrer dans la gloire divine.
Ainsi, si Jésus est déclaré Fils de Dieu par sa résurrection, nous voyons que la foi de la communauté chrétienne primitive affirme clairement qu’il l’est déjà dès son enfance et même dès le premier instant de sa conception, comme le montre l’épisode de l’Annonciation. Cette foi des premiers chrétiens est aussi la nôtre. Jésus est Fils de Dieu, durant son enfance autant que tout au long de sa vie humaine. Maintenant qu’il est ressuscité chez son Père, il nous donne son Esprit pour nous permettre de continuer à construire le Royaume qu’il est venu inaugurer.
 
Aujourd'hui alors que nous célébrons la famille de Nazareth, c’est aussi dimanche, Jour du Seigneur, jour de la résurrection. Nous trouvons donc Jésus chez son Père, tandis qu’avec l’aide de son Esprit nous nous attachons à vivre mieux son Evangile dans les familles et les communautés humaines auxquelles nous appartenons.
 
AMEN
                                                                                                          
Michel Steinmetz

Homélie de la mese du Jour de Noël - 25 décembre 2015

Au commencement était le Verbe. Ce sont les paroles que nous venons d’entendre dans cette magnifique introduction de l’évangile selon saint Jean. On a comme l’impression que tout le mystère insondable de Dieu est, d’un coup, exposé à notre contemplation et notre adoration. Ces quelques versets ont une force inouïe. Le Dieu qui est de toute éternité se fait chair, il se fait proche de nous au point de devenir comme nous, pour nous rendre éternels ! Ni plus, ni moins.
 
Au commencement était le Verbe. C’est aussi le thème qu’exploite le célèbre écrivain allemand Goethe dans sa pièce de théâtre Faust. Dans son cabinet d’étude, Faust essaie de traduire l’évangile de Jean. Au commencement était le logos, c’est ce qui est écrit dans le texte grec du Nouveau Testament. Comment le traduire ? Au commencement était le « Verbe », évidemment. Mais logos signifie aussi « sens » et « force ». Tout cela n’est pas satisfaisant pour Faust, et il finit par traduire : « Au commencement était ‘l’acte’. » Il n’a pas complètement tort car le mot hébreu dabar, dans l’Ancien Testament, signifie aussi bien « verbe, parole » que « acte ». C’est d’ailleurs le mot employé dans la première phrase de la Bible, au livre de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». Dieu, par sa Parole, agit au cœur de monde.
 
Au commencement était le Verbe. Saint Jean nous entraîne dans une magnifique envolée, qui nous élève au plus près du mystère de Dieu : « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Mais ensuite il redescend au niveau de la création et revient au cours très concret de l’Histoire : « Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il vint pour témoigner. » Nous ne sommes plus dans les hauts sommets de la mystique, mais dans le concret d’un témoignage porté par un homme et dont l’ambition est de susciter la foi en retour.
 
Si  la lumière et les ténèbres peuvent ouvrir à des grandes spéculations ou méditations, s’agissant du témoignage, la question s’impose : est-ce que je l’accepte ou est-ce que je le refuse ? Ce  concret se retrouve à nouveau dans la pièce de Goethe lorsque Marguerite demande à Faust : « Dis-moi donc, quelle religion as-tu ? ». En pleine fête de Noël – au milieu des bons sentiments et des dégustations qui nous occupent –, voici une question bien surprenante : « Quelle religion as-tu ? ». Pour y répondre, Faust se lance dans une longue tirade poétique qui lui évite de rentrer dans le concret. Et Marguerite de lui répondre : « Ce que dit le prêtre y ressemble assez, à quelques mots près ». C’est vrai, parfois, nous les prêtres, nous peinons à entrer dans le concret. Pourtant il n’y a rien de plus concret que Noël. Dieu n’est plus un concept, une idée, une option. Il est un enfant. Il se fait concret et présent. Parler de la lumière qui éclaire tout homme, tous peuvent le faire. Cela rentre dans une conception universelle du monde. De même beaucoup disent : je crois en une puissance supérieure du monde ; ou plus simplement encore : il doit bien y avoir quelque chose !...
 
Mais  lui, le Verbe, le Logos, il ne reste pas dans l’abstraction. Il se fait chair, il se fait homme. Mot à mot : il a campé parmi nous. Entendez : il a planté sa tente au milieu de nous. Dans la première épître de Jean, il y a ce verset magnifique : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8). Cela peut encore nous paraître abstrait. Mais l’amour peut-il être abstrait ? L’amour naît entre deux personnes : il est concret. Il demande une réponse d’amour, il nous parle, il nous interpelle.
Vous savez aimer. Vous cherchez à savoir à quoi Dieu ressemble. EN ce jour, Dieu nous donne la réponse à notre quête. Elle est même très simple. Il nous demande de regarder en direction de la crèche. Le petit Enfant couché là, c’est le visage du Dieu proche. Rien de plus facile que d’aimer un enfant, n’est-ce pas ? N’embrouillez pas inutilement les choses. Dieu est là, tout proche de vous. Aimez-le.
 
AMEN.
 
 Michel Steinmetz

Homélie de la messe de la Nuit du Noël - 25 décembre 2015

Au cœur de cette nuit si particulière, alors que l’histoire semblait ne connaître aucune surprise – l’occupant romain continuerait son oppression, les prêtres du Temple de faire la loi, les pharisiens d’exiger des d’autres ce qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes, les pauvres d’être pauvres, les bergers de garder leurs troupeaux – voilà que se produit la plus grande des surprises, inattendue, étonnante, déroutante. Un petit enfant est né. Vous me direz ; il y a du en naître d’autres cette nuit-là. Oui, mais celui-là est différent. Dans la pauvreté de sa naissance, entouré de Marie et de Joseph, réfugiés dans une étable « car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune », Dieu se révèle comme le Sauveur de son peuple. Ses anges viennent en renfort pour annoncer la nouvelle. Quel étonnement ! C’est peut-être d’ailleurs la clé pour entrer dans le mystère de Noël. L’étonnement. Que de fois, ne croyez-vous pas ?, nous sommes blasés, ou bien repus de tout, de notre confort, ou bien paralysés par notre morosité et notre déprime. Rien ne peut changer. Personne ne peut y faire quelque chose.
Il y a quelques jours, le Pape a expliqué que pour bien fêter Noël, nous sommes appelés à nous arrêter sur les lieux de l’étonnement. « Quels sont ces lieux de l’étonnement dans la vie quotidienne ? »[1], a demandé le Saint-Père. Il y en a trois. Et je me propose de les reprendre avec vous. Recevez-les comme trois invitations que je vous lance.
 
Le premier lieu d’étonnement est l’autre, dans lequel nous devons reconnaître un frère, parce que depuis la Nativité de Jésus, chaque visage porte sur lui la ressemblance avec le Fils de Dieu. Surtout quand il s’agit du visage d’un pauvre, parce que c’est pauvre que le Seigneur est entré dans le monde, et par les pauvres, avant tout, qu’il s’est laissé approcher. De nos rencontres avec des personnes âgées, malades, défavorisées, rencontres souvent fortuites et qui exigent de nous le courage d’aller précisément à la rencontre, de tendre la main, d’échanger quelques paroles, de poser un regard bienveillant, de ces rencontres, donc, jaillit le plus souvent la joie. Pourquoi ? Parce que nous recevons plus que nous n’avons donné, parce que le Christ a agi en nous et par nous. Nous sentons alors qu’avec Lui nous devenons plus forts, plus aimables, meilleurs tout simplement.
 
Le deuxième lieu est l’étonnement de l’Histoire.  Nous croyons souvent la voir du bon côté, et nous risquons, au contraire, de la lire à l’envers. Cela arrive, par exemple, « quand celle-ci semble déterminée par l’économie de marché, régulée par la finance et les affaires, dominée par les puissants du moment ». Aujourd’hui, on veut nous persuader du sens de l’Histoire, à grand renfort de spécialistes, d’experts et de politiques invités sur les plateaux des journaux télévisés. Le Dieu de Noël par contre continue de brouiller les cartes. Le signe de l’Enfant dans la mangeoire à Bethléem ne cesse d’avoir du sens. Pas celui des puissants, des oppresseurs, des forts, des bien-pensants, des terroristes.
 
Le troisième lieu d’étonnement est l’Eglise. La regarder avec l’étonnement de la foi signifie ne pas se limiter à la considérer seulement comme une institution religieuse, qu’elle est, « mais de la sentir comme une Mère qui, sous les tâches et les rides, […] laisse transparaître les traits de l’Epouse aimée et purifiée par le Christ Seigneur ». Une Eglise qui sait reconnaître les nombreux signes d’amour fidèle que Dieu lui envoie continuellement. Une Eglise pour laquelle le Seigneur Jésus ne sera jamais une possession à défendre jalousement, ceux qui font cela se trompent, mais toujours Celui qui vient à sa rencontre et qu’elle sait attendre avec confiance et avec joie, donnant voix à l’espérance du monde. Une Eglise mère qui va au-delà de ses portes pour chercher avec son sourire de mère toutes les personnes éloignées et les conduire à la miséricorde de Dieu.
 
C'est cela l’étonnement de Noël ! A Noël, Dieu se donne tout à nous en donnant son Fils, l’Unique, qui est toute sa joie. La rencontre avec Jésus nous fera aussi ressentir ce grand étonnement. Mais nous ne pourrons avoir cet étonnement, nous ne pourrons rencontrer Jésus, si nous ne le rencontrons pas chez les autres, dans l’histoire et dans l’Eglise.
 
AMEN.
                                
Michel Steinmetz


[1] Pape François, Angélus du 20 décembre, 4ème dimanche du temps de l’Avent.

vendredi 18 décembre 2015

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent (C) - 20 décembre 2015

Vous vous rappelez comme moi les Litanies de la Sainte Vierge, récitées souvent à la suite du chapelet. C’est une série impressionnante de vocables par lesquels nous nous adressons à Marie, en lui demandant de prier pour nous. Parmi ces invocations, il y a celle-ci : « Arche d’Alliance ». Que bien signifier ce titre, appliqué à la Sainte Vierge. En regardant de plus près, j’ai constaté que le récit de la visitation était tissé d’allusions au transfert de l’Arche à Jérusalem par le roi David.
 
L'Arche était ce coffret de bois précieux, muni de barres dorées pour le transporter, et qui contenait les tables de la Loi. Dieu lui-même avait donné ses commandements à Moïse qui les avait gravés sur des tables de pierre. Par le don de ces préceptes, Dieu faisait alliance avec son peuple. Pendant longtemps, l’Arche séjourna à Silo sous une tente, comme c’était le cas dans le désert après la rencontre avec Dieu au Sinaï. David résolut de la ramener à Jérusalem pour la placer sur la colline de Sion. Au second livre de Samuel, on nous raconte que « David se leva et partit pour Baala en Juda pour en faire monter l’Arche de Dieu ». Dans la Visitation, nous avons vu que « Marie se leva et partit dans la montagne vers une ville de Juda ». On s’arrête à Edom dans la maison d’Aved. Celui-ci s’écrie : « Comment l’arche du Seigneur entre chez moi ? ». Dans la Visitation, c’est Elisabeth qui s’étonne : « Comment ai-je cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Remarquons que l’Arche s’arrête chez Aved à Edom et y reste trois mois, comme Marie entre dans la maison de Zacharie et y reste trois mois. Avant de faire entrer l’Arche d’Alliance dans Jérusalem, David, quelques mille ans auparavant, l’avait fait transiter dans une ville de la montagne de Judée, exactement comme dans notre texte, et l’avait confiée à une vieille famille de prêtres, exactement comme dans notre texte, afin de mieux se préparer à la recevoir dans une joie digne de l’événement. Il faut encore ajouter un autre rapprochement : la joie du peuple hébreu et celle de David dansant devant l’arche mise en parallèle avec celle d’Elisabeth et de Jean-Baptiste à l’approche de Marie.
 
Il y a bel et bien une continuité entre l’ancienne alliance et celle que le Messie Jésus va inaugurer. Ainsi la montée vers Jérusalem de l’Arche qui contenait les paroles de la Loi, trouve la plénitude de sa signification lorsque Marie, nouvelle Arche, portant en elle le Verbe fait chair, va vers la Judée dans la maison du prêtre Zacharie, celui qui officia dans le Temple. L’aboutissement s’accomplira parfaitement lorsque Jésus montera vers Jérusalem pour y être « élevé », sa mère se trouvant alors au pied de la croix.
 
Jésus, encore porté par Marie, n’est-il pas - nous suggère Luc - la nouvelle Arche d’Alliance avant qu’elle n’entre à Jérusalem ? Jean-Baptiste ne refait-il pas ici les mêmes gestes que David bondissant de joie devant l’Arche ? Ne sommes-nous pas invités à nous préparer à recevoir le Christ pour ce qu’il est, roi d’une Jérusalem nouvelle, avant même son entrée à Jérusalem et avant même que sa mission ne soit réalisée ? Mais l’évangéliste pousse encore plus loin la subtilité : la bénédiction qu’il met dans la bouche d’Elisabeth s’adressant à Marie « bénie es-tu entre toutes les femmes » est une bénédiction toute célèbre que le judaïsme répétait et répète encore chaque année en souvenir de celle que le peuple hébreu adressa à Judith, cette femme qui, seule, là où les armées d’Israël avaient échoué, sauva tout son peuple d’un anéantissement certain. Voilà qui est Marie, explique Luc à ses auditeurs.
 
Il faut nous préparer à recevoir Jésus pour ce qu’il est. Il est ce petit enfant fragile comme le représente un peu trop mièvrement nos crèches mais cet enfant fragile est déjà aussi « celui qui doit gouverner Israël », comme nous le rappelle la lecture de Michée. Sa puissance sera de rassembler comme peut le faire le berger. Sa puissance sera aussi de donner la paix à tous les cœurs meurtris par les blessures de la vie. Que nos sucreries de Noël ne nous le fassent pas oublier.
 
AMEN.
                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz

samedi 12 décembre 2015

Homélie du 3ème dimanche de l'Avent (C) - 13 décembre 2015

En général les prophètes comme Jean Baptiste annoncent des personnes plus importantes qu’eux! Et dans l’évangile que nous venons d’entendre, la foule se demande si Jean n’est pas la personne la plus importante. Elle se méprend sur son identité ! Elle l’appelle son maître, et lui demande ce qu’elle doit faire. Mais finalement, Jean leur annonce qu’il y a encore plus grand que lui, et qu’il est là simplement pour nous conduire au Christ. C’est cela le baptême que Jean amène : annoncer en nous, qu’il y a plus grand que nous.
 
Cependant la méprise première de la foule est avant tout de croire que ce qu’elle doit faire est une question simplement d’éducation. Sa méprise est de croire que si elle savait vraiment ce qu’elle devait faire, elle le ferait ! Et sur ce point, la réponse de Jean Baptiste est extraordinaire. Il dit à ceux qui se font baptiser ce qu’ils savent déjà ! Il ne leur apprend rien. Il demande aux soldats et aux collecteurs d’impôt ce qui est à leur portée, ce qui est à leur mesure.  « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. » Rien de bien extraordinaire là-dedans.  Alors,  sur quoi la foule se méprend-t-elle ?  Elle pense que la source de ce qu’ils doivent faire et du changement est dans l’enseignement de Jean, et pas dans la joie qui leur est promise ; cette joie de la Bonne Nouvelle qui doit maintenant devenir le principe de leurs actions. Le discours du Baptiste n’est pas premier. Ce qui est premier c’est Celui qu’il désigne. C’est un peu comme ceux qui, dans nos paroisses, s’attachent tellement à tel ou tel prêtre ou même ne vont plus du tout à la messe lorsqu’un prêtre part d’un endroit. C’est à se demander si le Christ, tel qu’il est annoncé ou reçu, demeure encore au cœur de l’annonce. Je dis cela sans jugement de valeur car, évidemment, cela fait toujours du bien de se sentir reconnu et utile dans notre ministère au milieu de vous !
 
Aujourd'hui, nous sommes invités à découvrir que la source de notre agir est dans la joie, et non dans le commandement.  « Réjouissez vous », nous dit Paul. « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ». Et le livre de Sophonie insistait déjà sur cette joie : « Le Seigneur est en toi... Il aura en toi sa joie et son allégresse ». Alors, la question « que devons-nous faire ? » ne doit plus prendre simplement sa source dans un enseignement, dans ce qui nous est demandé de faire, mais dans notre espérance et notre joie ! Attendre la venue du Christ à Noël, c’est attendre plus qu’une réponse à la question « que devons-nous faire ? »  Jean nous donne plus qu’un message de repentance et d’action. Il annonce Celui qui nous amène sa joie, qui doit devenir la source de nos actions.
 
La mère de notre conduite doit être la joie, pas le commandement de ce que nous devons faire. Alors, réjouissons-nous ! Ce que nous devons combattre, c’est donc cette absence de joie et ce désespoir radical, qui n’arrive pas à voir Dieu dans son lieu natal, en l’homme et en sa capacité à se transcender et à aimer ! Porter l’Evangile, ce n’est donc pas transmettre un contenu, mais permettre un relèvement, capable de transfigurer la tristesse en joie, permettre à chacun une nouvelle naissance qui conduit à l’espérance d’une joie qui ne passera pas. A l’approche de Noël, nous sommes invités à nous réjouir ensemble. Car Noël est là pour nous faire découvrir en l’autre, dans la surprise de son être, la vraie clé de notre bonheur. Comme le dit Bernanos, le secret du bonheur, « c’est être capable de trouver sa joie dans la joie de l’autre. » La joie partagée conduit à ce bonheur qui ne finit pas.
 
Par conséquent, aujourd’hui nous est offert quelque chose de plus profond pour nous distinguer qu’un commandement : c’est notre joie capable de transfigurer la tristesse, une  espérance en cette joie qui ne finira pas ! C’est à cela que nous devons désormais conduire nos frères et sœurs. Frères et sœurs, avez-vous la joie de l’Evangile inscrite dans votre cœur ?Pas une joie mielleuse qui ne prend pas en compte ce que nous sommes et nos fragilités. Mais une joie à notre mesure, et qui paradoxalement dépasse tout ce que nous pouvons imaginer et traverser.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz
 

vendredi 4 décembre 2015

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent (C) - 6 décembre 2015

En rédigeant son évangile, Luc prend soin de préciser qu’il ne raconte pas une fable mythologique, une légende à portée morale ou spirituelle. Ses personnages ont bel et bien existé et sont situés dans l’histoire du monde : cela se passait au temps de l’empereur Tibère, alors que Ponce Pilate était préfet de Judée.  Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand, gouvernait la Galilée et son frère Philippe, l’Iturée ; un certain Lysanias dirigeait la région d’Abilène, au nord-est d’Israël. Au plan religieux, le grand prêtre Hanne avait été déposé et son gendre, Caïphe, exerçait la fonction suprême au temple de Jérusalem. Le christianisme est donc une religion historique, non une sagesse intemporelle ni une fuite du monde.
Dans ses deux premiers chapitres, Luc a tracé un parallèle entre les annonces et les naissances de Jésus et de Jean. Fils du prêtre Zacharie, Jean aurait dû, comme son père, suivre la formation et devenir prêtre au temple de Jérusalem mais il semble avoir renoncé à ce sacerdoce héréditaire, aux liturgies et aux sacrifices d’animaux. Dieu avait un autre dessein pour Jean : non prêtre au temple, ni « moine » dans la solitude, il est subitement frappé par un appel de Dieu qui l’envoie comme prophète dans le monde et Luc reprend pour lui l’expression utilisée pour Jérémie : « La Parole de Dieu fut sur Jean, fils de Zacharie ».
 
Jean va donc commencer sa mission : cette « manifestation » marque une étape capitale dans l’histoire du monde - d’où les notes chronologiques données par Luc au début. « Jean parcourait toute la région du Jourdain ; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés ».
Jean a remonté un peu la vallée du Jourdain, dans les environs de Jéricho, et il circule sur la rive orientale, lieu de passage important pour les caravanes vers la Transjordanie. Il annonce la purification des cœurs et le pardon de Dieu non plus par les liturgies fastueuses ni par des ablutions toujours répétées. Il appelle à se dévêtir et à traverser le gué du fleuve ; c’est lui qui a l’initiative de ce baptême (mot qui signifie « bain ») qui n’est donné qu’une fois et qui comporte l’engagement à la « conversion », au changement de vie.  Cet emplacement choisi par Jean et ce « passage » n’ont rien de banal car jadis c’est dans cette région qu’étaient parvenus les esclaves hébreux libérés de l’esclavage égyptien et leur guide Moïse y était mort. Le peuple passa le Jourdain sous la conduite de mais ne parvint jamais à observer les lois de Dieu. L’Exode avait été la grâce fondatrice d’Israël mais celui-ci n’avait pu dès lors obéir à la Loi de son Dieu.
Or, quelques siècles plus tard, en -587, Jérusalem et le temple furent détruits, le roi et la population déportés à Babylone ; mais un prophète, Isaïe, se leva et proclama la bonne Nouvelle du prochain retour, un nouvel « exode ». Et de façon poétique, il invitait à réfectionner la route afin de permettre un retour triomphal. On sait que, comme le premier exode, ce retour ne conduisit pas à la réussite : Israël continua à être infidèle à la Loi de son Dieu.
Voici donc qu’à présent, à la frontière du pays, là où les tribus se présentèrent, Jean propose son baptême comme un troisième « exode ». Cette fois, il s’agit d’une conversion vue comme une « rentrée » dans son vrai moi puisque le péché est une « sortie » hors de soi. L’exode n’est plus local mais spirituel.
 
La Bonne Nouvelle du retour se comprend désormais au niveau de l’intériorité : celui qui demande le baptême s’engage à « passer sur l’autre rive », à laisser Dieu venir à lui en comblant les fossés des désespoirs, en quittant les ornières des habitudes, en rabotant les élévations de l’orgueil, en rectifiant les conduites sinueuses et perverses. Alors « tout humain verra le salut de Dieu ». Demandons-nous : qui, dans ma vie, a joué le rôle de « précurseur » de Jésus ? Reprenons conscience de l’importance de notre baptême : décision de reconnaître ses fautes et désir de « passer » afin de mener une vie nouvelle. Faire l’expérience de la miséricorde de Dieu qui nous aime et nous attend.
 
AMEN.
Michel Steinmetz