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samedi 30 novembre 2013

Homélie du 1er dimanche de l'Avent (A) - 1er décembre 2013

Chaque année, l’Eglise célèbre l’Avent. Un nouveau commencement, nous le savons très bien. Notre psychisme a besoin de certains lieux, de certains temps, qui nous permettent de nous situer et de faire le point. Ce premier dimanche de l’Avent en tient lieu. Nous le savons, même inconsciemment : maintenant, nous passons à autre chose. Les villes et les villages s’illuminent, nos intérieurs se transforment. Nous nous préparons.

L’Avent nous oriente donc en avant, vers le futur. Dans quatre semaines, nous célébrons Noël. Mais cela ne suffit pas. L’Avent nous dit encore d’autres choses. Nous, chrétiens, nous célébrons l’Avent parce que nous croyons que dans le temps, il y a une dynamique. Notre vie ne tourne pas en rond sur elle-même, mais c’est une vie qui attend, qui désire, qui espère.
L’homme est un être dynamique : pour lui, ce qui est, ne suffit pas. Il veut évoluer, changer, avoir de nouveaux regards, de nouvelles expériences. Mais parfois il veut trop, surtout dans un temps où il y a beaucoup de possibilités. Et justement là, l’homme commence à s’ennuyer : celui qui a tout, n’a plus rien à attendre.
L’Avent nous pose des questions assez fondamentales : qu’est-ce que nous attendons encore pour notre vie ? Quel est notre regard sur l’avenir ? Y a-t-il un espoir, une attente, ou est-ce que tout au contraire semble être fermé pour moi ?

Mais l’attente est liée à l’attention et à la vigilance. Parfois notre vie semble être fermée, parce que nous courons trop vite, nous courons souvent derrière les faits. Nous ne gérons plus la vie ; il nous semble plutôt que c’est la vie qui nous gère ! Nous n’allons plus vers les évènements, ce sont eux qui nous bousculent. Tenez : avez-vous l’impression de gérer votre agenda, au sens où vous en êtes le décideur, ou bien est-ce votre agenda qui vous dicte ce que vous avez à faire et ce à quoi vous ne pouvez pas échapper ? Dans ce sens, l’évangile d’aujourd’hui est assez réaliste. L’avènement du Fils de l’Homme ressemble aux jours de Noé : on mange, on boit, on se marie, comme nous. Ce sont des bonnes choses. Toutefois, le déluge vient.

Jésus ne veut pas nous faire peur, mais il nous appelle à la vigilance, à une vie qui prête attention. La vie chrétienne est une vie alerte, une vie active, qui cherche le Royaume de Dieu. Un chrétien sait aussi que ce Royaume va venir et que nous vivons dans le provisoire. Celui qui ne prête pas attention, peut rater le coup. Le Fils de l’Homme vient, prend un homme qui travaille sur le champ et laisse l’autre. Une femme au moulin est prise, l’autre est laissée. C’est comme si le Royaume de Dieu était une sorte de concours, une procédure de sélection sévère et sans pitié comme dans le monde de commerce.
Pourquoi Dieu est-il si cruel ? Mais est-ce que ce n’est pas plutôt le monde qui est cruel ? Nous savons qu’on nous demande beaucoup. Notre société a des exigences assez sévères. Est-ce que c’est la même chose au Royaume de Dieu ? N’y a-t-il pas là un peu plus de miséricorde ? Oui, mais l’évangile nous fait un défi : nous courons après beaucoup de choses et de contraintes, mais notre manière à courir après le Royaume de Dieu est des fois plutôt faible est sans vraie motivation. L’évangile d’aujourd’hui veut nous secouer : est-ce que nous sommes des hommes et de femmes d’attente ?

Le fait que le Royaume de Dieu viendra à une heure que nous ne l’attendons pas, ouvre aussi un chemin d’espérance. La solution de mes problèmes, la société, le monde qui ne change pas, ma situation personnelle : tout cela ne dépend pas complètement de moi. Notre futur est un avenir : il y a Quelqu’un qui est en train de venir. La fin du monde, la fin de mon petit monde, peut aboutir à un nouveau commencement grâce à Celui qui vient. Tenons-nous donc prêts et accueillons l’espérance dans nos vies.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 22 novembre 2013

Homélie de la solennité du Christ-Roi de l'Univers - 24 novembre 2013


Au cours des dernières décennies, le système monarchique a connu des vicissitudes et même, dans certains pays du monde, des reculs considérables. L’histoire de notre contient européen en témoigne : des couronnes encore existantes, beaucoup n’ont pas survécu à la Première Guerre Mondiale. Dans d’autres pays, avec plus ou moins de bonheur, ce système politique a su se moderniser et demeurer. N’est-il donc pas paradoxal, voire inconvenant, de fêter, encore, le Christ « roi de l’Univers » ? Mais l’Ecriture elle-même parle de Jésus comme roi, et Jésus lui-même ne cesse d’annoncer la venue du Royaume de Dieu. Que faire ?

Il y a une façon tout humaine d’envisager la royauté du Christ qu’il faut s’empresser d’éliminer. Elle consiste à comparer Jésus-Christ aux puissants de ce monde qui possèdent domination, honneurs et richesses. Jésus a toujours refusé pour lui-même cette sorte de royauté. Rappelez-vous, après la multiplication des pains, il s’esquive lorsque la foule enthousiaste cherche à en faire son chef et son roi. Et cependant, les évangiles l’attestent fermement : Jésus est roi. Voilà qui est surprenant, car il n’a rien d’un roi. Une étable pour naître et pas même une pierre où reposer la tête. Sa cour, n’en parlons pas : des petits, des sans grade, des bergers, des pécheurs, des lépreux, et pour compagnons des pêcheurs. Aux jours de sa souffrance, son sceptre est un roseau. Sa couronne est d’épines. Son grand manteau royal est rouge de son sang. Son trône est en fin de compte une croix. Et le peuple qui, voici quelques jours l’acclamait, regardait en silence, alors que les puissants ricanaient, et les soldats se moquaient. Seul un brigand comprend. C’est son dernier compagnon et son premier invité : « Aujourd’hui, avec moi tu seras dans mon Royaume »

En quoi donc et comment Jésus peut-il être roi ? Le récit de Luc, que nous venons de lire, n’est pas un simple reportage sur les derniers moments de la vie de Jésus. Le langage des divers personnages montre que nous sommes devant un enseignement sur l’importance de la croix. Pour les adversaires de Jésus, la croix est un échec qui vient sceller les échecs de la vie du Nazaréen. Beaucoup ont été témoins des faits et gestes de Jésus. Mais ne croyant pas en lui, ils n’ont vu dans les miracles et les signes opérés par le Christ que l’exercice d’un don de guérisseur. D’autres ont été déçus. Ils espéraient avant tout un Messie qui serait un chef politique, qui redonnerait à Israël l’éclat du royaume de David, la magnificence du règne de Salomon.

Une dernière chance lui est laissée : « qu’il se sauve lui-même, s’il est le messie de Dieu. » Puisqu’il prétend être l’élu du Dieu, il n’a qu’à se détacher de la croix. Ce sera alors vraiment la preuve de sa messianité. Tout le monde sera d’accord pour faire de lui un chef, le « roi des juifs », et obéir à sa politique. L’occupant romain pourra être chassé. Les adversaires de Jésus ne comprennent rien au mystère de la croix. Luc propose donc aux croyants une autre lecture, celle de la foi, que l’on pourrait dire symbolisée et exprimée par l’attitude d’un des malfaiteurs, celui que l’on a appelé le bon larron.

Si Jésus a sauvé des malades et des infirmes c’est en conformité à la volonté du Père. « Il en a sauvé d’autres », mais en vue de manifester par ces signes la bonté et la miséricorde divines envers tous. « Lui, du moins, Il n’a rien fait de mal » et pourtant il est condamné. S’il ne se dérobe pas c’est pour accomplir jusqu’au bout la volonté de Dieu son Père et sauver ainsi tous les hommes. La croix devient la preuve par excellence du règne de Dieu. Ainsi le Royaume est inauguré par le pardon et le premier bénéficiaire en est un malfaiteur. Tel est le point de départ.

Certains chrétiens de son temps pourraient penser que le salut n’est pas pour tout de suite, qu’il est seulement pour plus tard, au moment du retour du Christ, « quand il viendra comme roi », c’est-à-dire à la fin des temps. Mais l’évangéliste insiste : c’est aujourd’hui que ce salut est donné à tous. C’est aujourd’hui que le Christ veut nous dire, si nous voyons en lui le roi d’amour : avec moi, tu seras en paradis.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie du 33ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 17 novembre 2013

Nous avons affaire aujourd’hui à une sorte de « message codé ». Dans la tradition biblique, parler de « fin du monde », est une façon d’exprimer sa foi au Dieu de l’Alliance. Déjà le prophète Malachie, annonçait la venue du règne de Dieu. Le « jour du Seigneur » serait comme l’apparition d’un soleil dont les rayons guériraient les justes, mais brûlant comme une fournaise pour consumer les impies. Encore au temps de Jésus, les juifs pieux croyaient que ce monde-ci devait un jour disparaître pour laisser place à un monde nouveau, pleinement en harmonie avec Dieu, un monde tout autre, où il n’y aurait plus de mal, de souffrances, ni de catastrophes naturelles mais un monde où le peuple de Dieu, régnant sur toutes les nations, conduirait celles-ci vers le Seigneur.
Souvent les mots manquaient pour décrire le passage de ce monde perverti à un autre plus parfait. C’est pourquoi la tradition biblique s’est forgé un langage, une sorte de code. Avec des images de bouleversements cosmiques, elle cherche à signifier et à symboliser la fin de ce monde mauvais. Ces expressions de catastrophes n’indiquent nullement le « comment » de ce qui va arriver, mais bien plus l’espérance en un monde meilleur, donné par Dieu. Et comme dans un message codé, le plus important n’est certainement pas le code, mais plutôt le message, l’important pour nous n’est pas de nous appesantir sur ces images étranges qui abondent dans le texte, mais bien de rechercher la foi qui se cache derrière ces images.

Ainsi donc, face à de telles images, et surtout face aux réalités qu’elles symbolisent, nous n’avons pas besoin d’agitations mais de persévérance. En ce sens, l’Ecriture demeure une parole actuelle et ô combien contemporaine ! Le Christ doit revenir certes, mais au milieu des tempêtes de ce monde, des questions qui demeurent sans réponse, il reste mystérieusement présent à son Eglise, la soutenant dans le témoignage qu’elle a à donner, inspirant même les réponses que chacun devra proclamer face à ses détracteurs. D’une certaine manière, c’est tous les jours qu’il revient, pour établir son règne et rendre courage à chacun. De nos jours, face à l’évolution rapide de la société, face aux changements profonds qui la marquant, il n’est pas rare de rencontrer des gens perturbés, inquiets quant à l’avenir de l’humanité ! Où va-t-on ? demandent-ils. Où va-t-on si les grands de ce monde ne sont plus considérés ? Où va-t-on si ceux qui sont chargés de nous gouverner ou de maintenir l’ordre sont sans cesse remis en question ? Où va-t-on si l’aide sociale finit par encourager le chômage, si ceux qui ont de l’argent comptent moins que ceux qui n’en ont pas ? Où va-t-on si dans la société religieuse les dignitaires et la hiérarchie ne sont que serviteurs ? Et Dieu dans ce monde-là où se retrouvera-t-il ? En haut, en bas, nulle part ? Ces gens perturbés souvent se plaisent à croire aux prophéties de malheurs. Ils annoncent des révélations de faits terrifiants, des catastrophes prochaines. Ce serait la fin du monde !
Il nous faudra cependant, aujourd’hui encore, envers et contre tout, suivre cet homme : Jésus de Nazareth ! Sans nous laisser égarer par ceux qui se prétendent des envoyés spéciaux. Sans craindre ceux-là qui défendent leur pouvoir, en s’accrochant au passé, en rejetant à priori toute évolution, en méprisant ceux qui ne pensent pas comme eux, en excommuniant ceux qui ne sont pas en règle et surtout en cherchant à faire peur par des annonces de malheur. Cessons donc de trembler et relevons la tête ! Il n’y a aucune raison de croire que la fin du monde est pour bientôt. « Mais c’est par votre persévérance, nous dit Jésus, que vous obtiendrez la vie ».
« Le jour du Seigneur », c’est chaque jour. C’est aujourd’hui, c’est demain, c’est chaque jour de notre existence. Le Seigneur est là. Depuis sa résurrection, il est sans cesse avec nous. Il nous soutient de son amour. Son Royaume est déjà là, mais il n’est pas encore achevé. Chaque jour, par notre persévérance et notre confiance en Lui, nous construisons un peu plus ce Royaume, jusqu’au jour inconnu de son achèvement. Là alors il nous trouvera prêts, debout et vigilants.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 8 novembre 2013

Homélie du 32ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 10 novembre 2013

Qu’est-ce que vivre ? Qu’est-ce que mourir ? Voilà les questions auxquelles nous n’échappons pas si nous voulons savoir ce que c’est que de ressusciter. Vivre n’est-ce qu’une petite pirouette entre deux néants, un moment éphémère entre la naissance et la mort biologiques ? Un petit tour et puis s’en va ? ?

De nos jours, comme déjà du temps de Jésus pour le judaïsme, la foi en la résurrection ne paraît pas évidente. Pour certains, l’être humain ne survivrait que dans ses enfants ou le souvenir des êtres chers et la mémoire des amis. Pour d’autres, qui ne croient qu’à ce qu’ils voient ou comprennent, comment prétendre parler de quelque chose qui échappe totalement à notre entendement ? Pour certains encore, la perspective de la réincarnation paraît plus séduisante à deux titres. En premier, elle serait plus fondée scientifiquement, ce serait l’explication de souvenirs de choses jamais vues, d’inexplicables impressions de « déjà vu », ou de souvenirs d’un passé qui n’est pas le leur. La croyance en la réincarnation serait mieux harmonisée pour d’aucuns avec leur refus de l’absence des morts ou pour conjurer l’angoisse de la mort ou encore, une consolation à leur soif de justice devant les inégalités terrestres ou enfin, une chance nouvelle et une culture d’épanouissement et de progrès moral à l’encontre de la brièveté de la vie. On peut si peu en une seule vie !

Mais ne mettons pas trop vite de côté les opinions de nos contemporains. C’est qu’ils partent d’expériences humaines pour évoquer des relations fortes, connues ici-bas : la relation homme et femme, la relation parents-enfants, les relations de fraternité ou d’amitié. Au-delà d’options parfois rocambolesques, comment ne pas, avec eux, se poser des questions au sujet de ces relations précieuses entre toutes : que deviennent- elles après la mort ? S’il est prouvé que nos relations humaines nous constituent en profondeur, comment ne pas croire et affirmer qu’elles se poursuivent après la mort d’un chacun ?

Pour bien résoudre les questions, il convient de leur prendre par le haut. La vraie nature de l’homme ne se dévoile que dans la contemplation du Dieu que Jésus nous révèle : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Quel nom étonnant ! Habituellement, c’est le père qui donne et transmet son nom à sa descendance, ou le maître à son serviteur. On ne dit pas le « roi du valet », mais bien le « valet du roi ». Et si je m’appelle Steinmetz, je sais pourquoi ! Voilà que le Seigneur se met en situation d’être appelé par le nom de ses serviteurs. Il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et c’est Jésus lui-même qui le dit. Dieu vit dans ses enfants, et par lui ses enfants ne meurent pas. Ainsi, si Moïse parle du Seigneur Dieu, comme du « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », c’est que ces deux patriarches sont encore et toujours vivants pour Dieu. En exprimant la même chose dans nos mots à nous, nous dirions : le Dieu des promesses, le Dieu de l’Alliance, le Dieu fidèle... Quand Dieu donne son amour, il ne le retire pas. Il est fidèle jusqu’au bout. L’alliance personnelle avec chacun d’entre-nous est comme un engagement qu’il prend à notre égard ; inspiré par l’amour, il traverse la mort comme éternel est son amour. Dieu nous suscite à la vie, pour un temps sur cette terre, pour toujours dans l’éternité du ciel. C’est la joyeuse espérance de notre baptême.

« Aucun de nous ne vit pour soi-même et aucun de nous ne meurt pour soi-même, si nous vivons nous vivons pour le Seigneur et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. » (Rm 14, 7-8) Aussi, nous de même sur cette terre, vivons-nous et mourrons-nous pour Dieu. Rendons vivante, de notre vivant, notre relation avec le Dieu Vivant ! Alors, soyons en sûr, notre relation filiale, entretenue avec lui, nous fera ressusciter et nous fera vivre par-delà la mort, éternellement. Nous serons tous réunis avec le Dieu de toute félicité, là où la douceur de vivre prendra la ferveur heureuse des choses qui ne peuvent finir.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

samedi 2 novembre 2013

Homélie du 31ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 3 novembre 2013

C’est souvent une leçon morale que l’on dégage de cet épisode évangélique bien connu. On y voit la nécessité de se convertir en partageant ses richesses avec les pauvres. Mais ce passage est porteur d’un enseignement bien plus large et profond, d’une perspective plus spirituelle. Cette rencontre entre Jésus et Zachée nous révèle en Jésus, un Dieu en recherche de l’homme, et, en Zachée, un homme en quête de Dieu, ouvert à la conversion.

Zachée ! Tout est déjà dans son nom. D’autant qu’on sait que le nom, pour un Hébreux, est toujours porteur d’une mission. Il désigne une fonction. Il donne un rôle à remplir. Il détermine une vocation. Zachée, en Hébreux, signifie : le pur. Il réalisera cette vocation par sa conversion. Sa profession : percepteur d’impôts. Un homme, percevant les impôts de Rome, profession obtenue aux enchères, donc en payant grassement le pouvoir romain, puis en se remboursant par une majoration des impôts auprès de ses concitoyens, un collabo doublé d’un voleur ! Bref, un pécheur-public. Paradoxe que ce nom de pureté et cette profession de péché ! Paradoxe de ce qu’est tout homme : un mélange de bien et de mal, et donc, avec en lui, marqué comme une identité, un appel à la conversion. Zachée était-il perplexe devant cet argent mal acquis ? Se sentait-il mal dans sa peau, entouré de tant de gens qui le regardent de travers, méprisé de concitoyens qui le jugent en exploiteur et en collaborateur ? Et, pour lui, ce Jésus qui est-il donc en fait ? Ne fréquente-t-il pas de temps à autre des publicains et des pécheresses comme lui ? Ne dit-on pas qu’il serait le Messie ?

Zachée ! Ce ne doit pas être par « pure » curiosité, lui, le pur, qu’il cherche à voir Jésus. Il court, sort de la ville, monte sur un arbre...Voilà non seulement qui est peu compatible avec sa position d’homme rangé en Israël, mais voilà surtout qui révèle, selon l’évangéliste, sa volonté active, efficace et persévérante de rencontrer Jésus. Zachée escalade un sycomore. Ce figuier sauvage à branche basse, est, en Israël, le symbole de la loi mosaïque et du temple. Ainsi, pour trouver comment bien vivre, Zachée se servait de la Loi et du culte, du moins, il en était informé. Il grimpe à l’arbre mais le salut n’est pas obtenu par l’escalade de préceptes ni par la multiplication d’efforts impossibles. Il faut descendre et suivre l’invitation de Jésus. Quelques versets auparavant, dans la parabole du Pharisien et du Publicain, Jésus avait conclu : « Qui s’abaisse sera élevé, qui s’élève sera abaissé. » (18,14) Il voulait voir Jésus, et c’est lui qui va être vu ! Zachée est « regardé haut avec amour » (selon la traduction littérale) par Jésus. C’est « à toute vitesse » déclare Luc, que Zachée descend de son arbre et « reçoit » Jésus. Là dans le secret de la maison, c’est le choc de la conversion. Rien ne sera dit de l’entretien entre Jésus et Zachée au sein de sa famille. Plus encore que sa Parole, la présence de Jésus transfigure les personnes et transforme les choses. Zachée abandonnera son aisance, restituera ses larcins et partagera ses biens.

« Aujourd’hui, cette maison a reçu le Salut... celui-là est fils d’Abraham ». Ces dernières paroles de Jésus scellent et confirment la conversion du publicain Zachée. « Aujourd’hui ! » Un terme clé chez Luc qui l’emploie à douze reprises. L’évangéliste le met dans la bouche de Jésus au début de sa vie publique lors de son prêche à la synagogue de Capharnaüm, commentant un texte d’Isaïe sur le Messie et il le replace à nouveau au terme de sa vie publique, dans la bouche du crucifié, quand il promet le paradis au bon-larron. C’est que Jésus lui-même est bien l’« aujourd’hui du Père » non seulement pour Zachée et les siens mais pour chacun d’entre-nous.

Pour nous aussi, le passage de Jésus dans nos vies nous pouvons l’expérimenter quotidiennement en chaque eucharistie. Notre première conversion eut lieu lors de notre baptême et toute notre vie chrétienne en est comme la suite, journalière. La vie durant, chaque jour passant, nous devons demeurer curieux du Seigneur, faire preuve du même empressement que Zachée pour le voir. N’hésitons pas à grimper au sycomore, s’il le faut ! Non seulement nous aurons vu Jésus, plus encore son regard se posera sur nous et il nous demandera de l’accueillir « aujourd’hui ».

AMEN.

Michel STEINMETZ †