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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 26 février 2016

Homélie du 3ème dimanche du Carême (C) - 28 février 2016

Comment Dieu peut-il permettre cela ? Si Dieu est bon, pourquoi tout cette souffrance ? On se pose ces questions depuis toujours et vous découvrez peut-être aujourd’hui qu’on interroge déjà Jésus sur ce point. Ces gens relatent à Jésus un terrible événement qui s’est produit à Jérusalem. Des pèlerins de Galilée, la terre natale de Jésus, furent soupçonnés d’être des terroristes, des révolutionnaires, des opposants à l’occupation romaine. Le gouverneur Ponce Pilate les fit tous massacrer dans le Temple si bien que « leur sang se mêlait à celui des animaux sacrifiés ».
 
Cette brutalité, on le comprend, a manifestement choqué beaucoup de monde, même si de telles cruautés n’étaient pas moins rares qu’aujourd’hui dans cette région. Comment ne pas penser aux nouvelles qui nous arrivent régulièrement du Moyen et du Proche-Orient, de nos frères et sœurs chrétiens persécutés ? Comment Dieu peut-il permettre de telles horreurs ? Cette question, nous nous la posons nous-mêmes. La réaction des gens était différente à l’époque de Jésus : ils pensent que ces Galiléens avaient sûrement commis de graves péchés, si bien que Dieu les a punis.

La souffrance est-elle une punition de Dieu ? Ou bien Dieu est-il si impuissant qu’il ne peut pas empêcher la souffrance ? Ou bien est-il tellement sans cœur, qu’il ne veut pas l’empêcher ? La réponse de Jésus est surprenante. Il n’aborde pas du tout la question de savoir si ces Galiléens assassinés étaient des pécheurs, ou si Dieu les a punis, ni pourquoi il n’a pas empêché le mal. Jésus nous renvoie à nous-mêmes.
Cette nouvelle terrifiante doit vous amener à réfléchir. Elle doit m’amener à me poser cette question : quelle est ma situation en face de Dieu ? Qu’est-ce qui adviendrait de moi si tout à coup j’étais victime de violence et que, là, je devais comparaître devant Dieu ?
 

La question de la souffrance des autres est toujours une question qui s’adresse à moi : qu’est-ce que Dieu veut me dire à travers cette nouvelle ? Et Jésus donne une réponse claire : toi, tu dois te convertir, tu dois changer ta vie. Pour expliquer cela il raconte une catastrophe qui, à l’époque, était sur toutes les lèvres : la chute de la tour de Siloé qui a coûté la vie à dix-huit personnes. Quand vous entendez ce genre de catastrophe, dit essentiellement Jésus, vous devez saisir cette occasion pour rendre grâce et donc aussi pour changer votre conduite. Vous aussi, on ne sait pas, vous auriez pu être parmi les victimes. Vous n’en avez pas été. Parce que vous comprenez une avec une acuité renouvelée que la vie ici peut être brève et que « vous ne connaissez ni le jour ni l’heure », vous devez examiner le fond de votre cœur. Si ma vie devait se terminer maintenant, dans quelques heures ou dans quelques jours, comment me présenterais-je à Dieu ? Que pourrais-je lui offrir, lui rendre de l’amour dont Il m’aime ?
 
La question du mal demeure. Pourquoi la vie doit-elle se terminer ? Pourquoi arrive-t-il qu’elle se termine dans la souffrance et avec le sentiment pour nous troublant d’une flagrante injustice ? A cette question, on ne peut répondre dans l’abstraction, ni théoriquement, mais par la vie même. Il ne s’agit pas de la souffrance en général, mais de ceci, simplement : qu’as-tu à me dire, mon Dieu, à travers cette souffrance ? Quel enseignement puis-je en tirer ? Comment, au cœur de ce mal pour moi et dont toi, Dieu, tu souffres aussi, comment partages-tu ma souffrance ou le sentiment d’abandon ?
 

Jésus donne la réponse avec la petite parabole du vigneron patient. L’arbre planté dans une vigne ne donne plus de fruits depuis trois ans. Qu’on le coupe ! S’il n’est pas rentable, il nuit ?, dit le maître. – Quel écho, ne trouvez-vous pas ?, dans nos préoccupation contemporaines... Mais le vigneron veut essayer une fois encore : donner chance à l’arbre. Lui laisser un peu de temps.  C’est exactement ce que Dieu fait : j’ai échappé à un malheur : Dieu me donne patiemment encore une chance à changer ma vie, aujourd’hui.
 
AMEN.

 
                                                 
Michel Steinmetz

vendredi 19 février 2016

Homélie du 2ème dimanche de Carême (C) - 21 février 2016

Le temps du Carême nous provoque à la conversion. Comment changer notre vie ? Vers où faire demi-tour ? Quelle direction prendre ? Quand nous faisons demi-tour en voiture, nous revenons en arrière. Est-ce de cela dont il s’agit ? Revenir en arrière ? Et même quand nous faisons ainsi demi-tour, c’est la direction qui change, mais pas notre vie. Moins manger, moins bavarder, moins médire, moins se laisser distraire, tout cela est bien et sensé pour le temps du Carême. Mais ce n’est pas encore se convertir. C’est toujours mener la même vie, agrémentée de quelques restrictions.
 
Le changement de cap doit être fondamental, radical. Il doit s’opérer vers l’intérieur de nous-mêmes. Nous devons rentrer en nous-mêmes selon cette belle expression. Non pour jouer à l’autruche en mettant la tête dans le sable, et en oubliant égoïstement les autres. Mais en nous retrouvant nous-mêmes pour mieux aller vers les autres. En temps de crises conjoncturelles, de bouleversements, il ne suffit plus de continuer à faire la même chose, de corriger simplement le cours des choses. Dans la parabole de l’enfant prodigue que Jésus raconte dans l’évangile, il est dit qu’après avoir dilapidé son héritage et s’être enfoncé dans le malheur jusqu’à garder les cochons, le fils « rentra en lui » et voulut retourner chez son père. La conversion, pour se faire, est en quelque sorte cette « rentrée en soi » bien réfléchie.
 
Aujourd’hui notre existence est tellement tournée vers l’extérieur, elle se déroule tellement dans la superficialité qu’il convient plus que jamais de regarder vers l’intérieur  de soi, de « rentrer en soi », de cultiver la dimension si importante de l’intériorité. Etre à l’écoute de ce que nous dit notre cœur, plus que d’écouter ce que disent les autres de moi, de percevoir comment ils voudraient que je sois ou comment le monde voudrait me façonner au gré des modes. A mon avis, nous ne pouvons réussir la conversion demandée en ce temps du Carême que si nous nous remettons plus à l’écoute de ce qui vit en nous, afin d’entendre à nouveau notre Maître intérieure.
 
L’évangile de ce deuxième dimanche de Carême décrit une scène qui suggère tout fat ce « rentrer-en-soi ». Jésus lui-même en crée les conditions : il se retire en compagnie de trois apôtres vers le sommet désert d’une haute montagne. Sans silence, pas de méditation possible ! Ce n’est pas par hasard que beaucoup recherchent la solitude des montagnes pour se retrouver, et qui n’ont rien à voir avec celles des pistes de ski surpeuplées. L’intention de Jésus n’est cependant pas de se retrouver lui-même, mais de trouver son Dieu. La montagne est son lieu de prédilection pour prier. Rentrer en soi signifie, pour Jésus, trouver Celui qui l’attend au plus profond de lui, Celui est plus intime à lui-même que lui-même, pour reprendre la belle expression de saint Augustin. Ce n’est que dans la prière que l’on peut réaliser que Dieu est là. Sans effort d’intériorité, nous resterons des êtres de l’extérieur, de la superficialité, de l'apparence.
 
C’est alors que se manifeste ce qu’il y a d’étonnant : on commence à rayonner de l’intérieur. Celui qui prend le temps de rentrer en lui-même va recevoir un rayonnement positif. C’est ainsi que nous pouvons comprendre aujourd’hui l’évangile de la Transfiguration : il montre comment Jésus est devenu d’une blancheur fulgurante, il rayonnait non pas sous le feu des projecteurs, mais il rayonnait de l’intérieur. Cet événement avec Jésus, vécu en compagnie de Pierre, Jacques et Jean au sommet de la montagne, se produit encore aujourd’hui dans une moindre mesure.
 
Partout où des hommes et des femmes font une conversion sérieuse, qu’ils rentrent en eux-mêmes et font l’expérience de la présence de Dieu en leur for intérieur, alors la vie commence à rayonner de l’intérieur. Voilà le sens du Carême qui va plus loin que de perdre quelques kilos : devenir des êtres rayonnants de la présence de Dieu !
 
 
AMEN.
 
 Michel Steinmetz

samedi 13 février 2016

Homélie du 1er dimanche de Carême (C) - 14 février 2016

Pourquoi donc chaque année la liturgie nous remet-elle en mémoire, au début du Carême, ce récit dit de la tentation ou des tentations du Christ au début de sa vie active ? Certes Jésus, fils d’homme, serait sensible comme nous aux divers attraits de la vie courante ; nous pourrions donc y reconnaître notre propre réalité où tous nous sommes aussi attirés par la satisfaction immédiate et égoïste, par l’accumulation de biens, des avoirs en quantité, et par le désir de nous ériger en maîtres de notre propre vie. Mais il m’apparaît évident que cet événement décrit par les évangiles - et dont personne en fait n’a directement été témoin - va plus en profondeur : il nous invite à opérer, comme l’a fait le Christ, un choix, une orientation de vie et ainsi de réaffirmer notre foi : bref de choisir et re-choisir Dieu.
Ce n’est pas pour rien que l’Esprit conduit Jésus au moment de ces tentations, ou plutôt de ces épreuves de sa foi. Elles sont en fait une provocation au doute. Un doute salutaire parce qu’il oblige à répondre et à prendre position, et à le faire librement et personnellement. L’Esprit et la Parole de Dieu éclairent Jésus et le soutiennent dans cette confrontation. Qui d’entre nous pourrait affirmer qu’il n’a jamais douté, qu’il ne doute jamais. Le Christ lui-même a exprimé ce doute au moment ultime de son existence terrestre : "Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?". Si on ne doute pas, on ne peut pas croire, on constate. Heureusement nous avons aussi, des moments de doute. Ces moments de doute interviennent quand nous ne sommes pas bien, quand nous nous sentons très seuls, comme Jésus dans ce désert de Judée. Combien de fois ne nous sentons-nous pas abandonnés par certains amis, ou pas écoutés de Dieu, notamment dans la solitude face à sa souffrance, à l’incompréhension et que apparemment personne n’est là pour soulager ou répondre ; même Dieu est absent. On est alors vraiment éprouvé, mis à l’épreuve.
 
C’est alors que vient la question : pourquoi Dieu ? Où est-il ? Y a-t-il un Dieu ? Quand je me retrouve tout seul, face à moi-même, vient l’épreuve de la confiance : Dieu est-il là ? Pourquoi n’intervient-il pas directement pour donner un sens à ma vie, ou par des amis qui m’apporteraient une lueur d’espoir ? Beaucoup d’autre événements dans le monde : violences, crimes, guerres, catastrophes : autant de situations qui mettent à l’épreuve notre confiance en un Dieu bon et miséricordieux, père de tous.
Aujourd’hui  cet évangile nous invite, en ce début de Carême, à prendre une option ferme, à faire un choix clair en faveur de notre Dieu, père compatissant et sauveur, et qui donne sens à ma vie. C’est un acte de confiance qui nous est proposé. C’est à une réaffirmation de notre foi chrétienne à laquelle nous sommes appelés en ce début de Carême. Où je vais, vers quoi je me tourne ou vers qui, invitation à réaffirmer notre choix fondamental et à l’approfondir chaque jour notamment de ce Carême. Le Christ n’a pas fait autrement.
A chaque tentation ici exprimée, Jésus répond par une déclaration de l’Ecriture, parole de Dieu. Il se fie à cette parole ; elle le soutient et il prend position. Par ce choix libre, il prend sa vie en mains ; il oriente son avenir. Nous sommes aussi invités à une option claire de laquelle dépendront nos gestes et actes futurs. Finalement ce récit des épreuves auxquelles l’Esprit - comme dit St Luc - conduit le Christ, est une invite à la liberté d’orienter sa vie, à ne pas se laisser accabler ni aveugler. En vue de cela, l’Ecriture et l’Esprit nous inspirent ; l’épreuve devient alors l’occasion de redire librement notre confiance choisie en Dieu par Jésus-Christ, d’ériger notre foi en guide de nos actes et prises de position.
 
Ce récit dévoile aussi la dignité de l’homme, notre dignité à nous tous : Dieu ne doute pas de nous, il sait que nous sommes capables, en fidélité à l’Ecriture qu’il nous faut connaître davantage et sous l’inspiration de l’Esprit, de dire nous-mêmes qui nous sommes en réaffirmant notre confiance en Dieu par un choix libre et continuellement répété.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

mardi 9 février 2016

Homélie de la messe du mercredi des Cendres - 10 février 2016

Je me souviens qu’au collège, dans la classe où nous suivions assidûment, et il est vrai assez passionnément, nos cours de latin, nous avions collé au mur l’expression latine : « Vulnerant omnes, ultima necat » (Toues font souffrir, la dernière tue », en parlant des heures de la vie). Dans certaines abbayes, autrefois, était gravée sous les horloges, cette autre inscription latine : Ultima forsan, la dernière peut-être. Vous allez trouver que les deux formules sont bien peu réjouissantes et qu’elles s’accordent finalement bien avec l’impression de gravité, voire même de tristesse qu’on doit adopter quand arrive le carême. Mais il n’en est rien.
 
Ultima forsan, la dernière peut-être, souligne que chaque heure qui passe n’est pas un dû, mais un don, un cadeau de la part de Dieu. Cette perspective est bien plus positive que celle que j’avais, toute stoïcienne, devant mes yeux des heures durant. Cette heure, ce moment présent est le signe, le plus discret, de la bonté de Dieu envers nous : il nous donne le temps. Il nous donne le temps de le chercher, car il n’habite pas les évidences et les affirmations. Il nous donne le temps de nous tromper, de passer par les échecs et les difficultés, étrangement aussi par le mal et le péché. Il nous donne surtout le temps de la conversion, c’est-à-dire du choix renouvelé en faveur de la vie et de l’amour, en faveur de la paix et du pardon.
 
C'est le sens de l’appel de Paul aux Corinthiens que nous venons d’entendre : « Au moment favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or, c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. » Le temps n’est donc pas ce que nous subissons, même si, psychiquement, c’est souvent ainsi que nous le vivons : le temps nous manque, nous presse de toute part, il nous agite et il nous stresse, il nous fatigue et ne nous donne pas le temps de vivre, de rêver, de prier, d’aimer. Il nous laisse exsangues, lessivés, défaits. Pourquoi ? Parce que nous voulons le maîtriser, l’enchaîner. Nous croyons que le temps est une pure invention humaine. Il doit donc rester à notre service. Or, c’est nous qui sommes à son service. Le serviteur est devenu plus grand que son maître.
 
Nous sommes invités, en ce temps de carême, à changer notre regard sur le temps et à le redécouvrir pour ce qu’il est réellement : le visage pour nous de l’éternité, le visage pour nous de Dieu, le visage – en cette année tout particulièrement – de sa miséricorde. Nous véhiculons une idée de l’éternité aussi étriquée que celle que nous avons du temps, car les deux sont liés. Nous croyons que l’éternité est l’absence de temps, qu’elle est pour plus tard, au paradis. Et nous en avons une idée d’ennui : « L’éternité, c’est long, surtout à la fin », selon le mot d’humour de Woody Allen ! Mais non, le temps que nous vivons, maintenant est le visage de l’éternité pour nous, c’est la manière qu’a l’éternité de nous rejoindre, c’est l’éternité qui se dépose dans le temps et nous donne ainsi la seule possibilité de goûter le temps de Dieu. C’est ce qui s’est passé pour nous au jour de notre baptême om ce qui est d’humain en nous a été transformé par la part de vie divine que Dieu décidait de nous donner en partage.
 
Le temps de Dieu se donne et se dépose dans le temps des hommes : visage d’un homme, Jésus, venu de Dieu et qui ne cesse jamais de nous inviter à le rejoindre, aujourd’hui. Le temps nous est donc offert de la part de Dieu, c’est même son plus beau cadeau : cette heure-ci, la dernière peut-être est la plus grande délicatesse d’un Dieu patient. D’un Dieu qui sait qu’on ne fait rien de grand et de profond sans enracinement, sans cheminement. Il y a donc une sagesse à redécouvrir le don du temps. Et il n’y a pas besoin de courir vers les philosophies orientales, aussi riches soient-elles, le christianisme nous apprend que le temps est le visage pour nous de l’éternité.
 
Alors, il nous faut le recevoir avec un cœur renouvelé car il est temps, cette heure est la dernière peut-être. Et quand celle-ci arrivera, puissions-nous avoir assez de foi pour la croire déjà gorgée d’éternité !
 
AMEN.               
 
Michel Steinmetz †