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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 21 avril 2012

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (B) - 22 avril 2012

Pourquoi nous étonner que, même dans nos pays de vieille tradition chrétienne, la foi en la résurrection soit inacceptable à la majorité, qu’un certain nombre de pratiquants avouent ne pas y croire, et que bien des fidèles demeurent encore incertains devant ce fait ? Oui la foi en la résurrection est difficile et, pour le troisième dimanche consécutif, l’évangile reconnaît que les apôtres eux-mêmes eurent bien de la peine à l’accepter.
Et pourtant, voilà des hommes et des femmes qui avaient suivi Jésus pendant des mois sinon des années, avaient écouté ses prédications, assisté à ses guérisons miraculeuses, reçu des enseignements en privé où il leur révélait qu’il serait refusé, haï et finalement mis à mort avant de ressusciter. Et lorsque, ce matin de Pâques, quelques femmes du groupe étaient revenues en toute hâte du tombeau qu’elles venaient de découvrir vide et où deux anges leur avaient affirmé que Jésus était ressuscité comme il l’avait prédit : ces pauvres messagères avaient été reçues avec des moqueries : « Délire de femmes ! ». Pierre avait quand même voulu se rendre compte : il avait vu le tombeau vide et était reparti tout perplexe. Et puis deux disciples qui, complètement découragés, avaient quitté Jérusalem pour retourner à leur village d’Emmaüs, étaient tout à coup revenus en pleine nuit prétendant qu’ils avaient été rejoints par un voyageur inconnu qui leur avait fait comprendre le sens de la croix et, à la maison, ils l’avaient reconnu « à la fraction du pain» : c’était Jésus.
La reconnaissance du Christ Ressuscité dépend à mon avis de deux actions qui ont toute leur importance. Il est difficile de croire. Toutefois, nous sommes aidés par ces deux pratiques initiées par Jésus.

I.- Nous vivons notre foi en participant à un repas.

C’est l’eucharistie que nous célébrons et qui nous donne la force de continuer à croire. Ce repas et le rappel, le mémorial qui rend présent le sacrifice de Jésus sur la croix. C’est en même temps le repas partagé qui nous invite à l’amour de charité dans la vie quotidienne. Jésus partageait le pain pour se faire reconnaître en choisissant de refaire lui-même le geste le plus fort, celui qui éclaire tout le mystère pascal au soir du jeudi-saint.
Que fait Jésus ce jour-là face aux disciples bouleversés qui ne savent plus que penser ni que croire ? Il demande à prendre un repas. Jésus a faim. Il veut manger un morceau de poisson grillé. Cela veut dire qu’il avait besoin des autres pour vivre, non comme un fantôme qui ne mange pas, mais comme un vivant. Et simplement, en aimant ses frères, il se donnait lui-même en nourriture. Cela reste actuel pour nous. Nous sommes invités à faire comme Jésus, à nous laisser nourrir de sa présence pour donner quelque chose de nous-mêmes aux autres.

II.- L’intelligence des Ecritures.

Le deuxième aspect, c’est l’intelligence des Ecritures. Jésus parle des Ecritures et de la réalisation de ce que Moïse et les autres prophètes annonçaient. Le texte nous donne une très belle formule. On nous dit : « Alors, il leur ouvrit l’intelligence des Ecritures ». En fait, ils connaissent déjà bien les Ecritures. Ils connaissent Moïse et les prophètes. Mais ils ont du mal à faire le lien entre les textes saints et ce qui arrive à Jésus.
Vous aurez remarqué que c’est Jésus lui-même qui ouvre cette intelligence aux autres. L’intelligence est déjà donnée mais elle doit être activée, éveillée. L’initiative doit venir d’un autre. C’est vrai qu’en face des textes bibliques, on a souvent envie d’appeler à l’aide pour comprendre ce que le texte veut dire. Mais, plus profondément, Jésus nous aide à comprendre le texte biblique parce qu’il est l’interprète du texte. La vie de Jésus, ses actions et ses paroles, tout cela forme un commentaire vivant. Pour lire la Bible, pour comprendre la Bible, je peux regarder Jésus. Et le Christ nous a aussi envoyé l’Esprit Saint pour nous conduire vers la vérité. L’intelligence peut donc venir aussi de notre prière, de notre cœur et de notre réflexion.

Nous ne comprendrons jamais tout le mystère de la foi chrétienne. Si nous attendons de tout comprendre pour croire, nous risquons d’attendre longtemps. Mais il serait faut de dire qu’il faut simplement croire sans essayer de comprendre. Dieu nous a créés avec une raison, une intelligence et nous devons en user. Nous demanderons à présent tous ensemble que l’Esprit Saint nous ouvre à la connaissance de Jésus, nous serons ainsi des témoins qui croient et essayent de comprendre au mieux le sens de la foi.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

samedi 14 avril 2012

Homélie du 2ème dimanche de Pâques "in albis - Profession de foi des jeunes - 15 avril 2012

Aujourd’hui, quand il s’agit de la religion, presque tout le monde doute. Mais c’est souvent un doute nébuleux, peu précis. Nous doutons mais, souvent, nous ne savons pas précisément de quoi nous doutons. Nous remettons peut-être même plus de choses en cause, que nous ne doutons véritablement. C’est parce que nous ne savons pas précisément ce que nous croyons. Nous croyons, peut-être, mais vaguement, donc nos doutes aussi sont aussi vagues que nos possibles assurances. Si nous croyons en Dieu, nous ne savons pas exactement en quoi nous croyons, et nous ne croyons pas avec certitude, nous hésitons ; le doute est, pour beaucoup de croyants, intégral à la foi.

C’est peut-être inévitable aujourd’hui. Nous avons perdu l’ancienne culture chrétienne qui favorisait une foi commune et solide. Nous sommes entourés de tant de voix différentes, de tant d’opinions divergentes et contradictoires, qu’il est difficile d’affirmer avec certitude une seule foi. Cette certitude peut nous sembler même très peu souhaitable, comme si le doute était un rempart contre le fanatisme. Nous savons très bien que ceux qui sont trop certains, qui croient que leur système religieux ou politique est le bon système, s’imposent souvent avec violence sur les plus faibles. Nous avons appris qu’un peu de doute, un peu d’hésitation, peut nous rendre plus humain, et le doute est devenu presque une vertu.

Thomas semble correspondre très bien à cette mentalité moderne. Pour certains, il est même devenu patron des « douteurs ». Mais, ne nous y trompons pas, le doute de Thomas n’est pas le nôtre. Thomas n’est pas vague. Il doute, mais il sait exactement de ce dont il doute. Plutôt, il ne doute même pas ; il nie, il nie que le Christ soit ressuscité des morts. C’est parce qu’il sait ce qu’il croit ; il croit fermement que le Christ est mort, mort à jamais. Et c’est une certitude très raisonnable, parce que tout le monde sait qu’il est impossible de ressusciter d’entre les morts. Thomas ne veux donc pas croire le témoignage des autres disciples qui prétendent avoir vu le Christ vivant. Il ne leur répond pas : « Oui, peut-être, c’est possible, mais j’en doute ». Il dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous... je ne croirai pas ».

Le Christ ressuscité se montre alors à tous les disciples quand Thomas aussi est là. Il n’approuve pas le doute de Thomas ; il lui dit : « cesse d’être incrédule, sois croyant ». Pour Jésus, le doute n’est pas une vertu, ce n’est pas un élément intégral de la foi ; au contraire, il s’oppose à la foi. Thomas voit Jésus, et il croit. Il ne nie plus la résurrection. Son doute disparaît ; plutôt, sa certitude négative est remplacée par la certitude de la foi ; il dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Pour Jésus, ce n’est pas que Thomas qui peut croire ainsi, mais toutes les générations suivantes aussi : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. », et c’est ainsi que s’achève l’évangile de Jean, sur cette invitation aux croyants que nous sommes. Pour Thomas et pour Jésus, il ne faut pas faire du doute une vertu, il ne faut pas en faire un élément de la foi. La foi implique la certitude.

Mais ne savons-nous pas que la certitude est dangereuse ? L’histoire de notre siècle et l’histoire des guerres de religion ne nous montrent-elles pas clairement cela ? Bien au contraire, ce que l’histoire nous montre est que la certitude sans charité est dangereuse, que la certitude de celui qui veut s’imposer et ne se met pas au service des autres est dangereuse. C’est ce manque de charité qui s’oppose à la foi chrétienne, pas la certitude. Sans charité, notre certitude ne vaut rien, c’est-à-dire que sans charité notre foi ne vaut rien. Si la foi et la charité vont ensemble, la certitude de la foi prête sa force à l’amour du croyant. Thomas croit, et dans la force de sa foi il finira, selon la tradition, par donner sa vie pour l’évangile. Aimons-nous les uns les autres et, si nous aimons, n’ayons pas peur de croire.

Chers jeunes, vous n’avez pas de mal à vous reconnaître en la figure de Thomas. Notre monde ne vous aide pas, à vrai dire, à enraciner votre foi et à faire croître en votre cœur la foi de l’Eglise. Je veux bien croire, mais tel ou tel point me semble obscur, me paraît dépassé « has been ». Telle exigence de l’Evangile me semble irréalisable, telle demande de l’Eglise s’oppose à ma prétendue liberté. Plutôt que de vous arrêter à des obstacles, commencez par revenir à votre baptême, à ce don de l’amour de Dieu. Vous avez, chacun, chacune, du prix aux yeux du Seigneur. Comme Thomas, acceptez la main tendue de Jésus, acceptez sa présence ! Alors vous pourrez croire parce que vous aimerez.

AMEN.
Michel STEINMETZ †

mercredi 11 avril 2012

Homélie du Saint Jour de Pâques - 8 avril 2012

Lorsqu’en l’année 64, un gigantesque incendie ravagea une grande partie de la ville de Rome, l’empereur Néron, soupçonné d’en être l’auteur, fit porter l’accusation sur des gens que l’on appelait « chrétiens ». L’historien Tacite raconte : « Ce nom leur vient de Christ qui, sous l’empereur Tibère, avait été livré au supplice par le procurateur Ponce-Pilate». Ces prisonniers furent soumis aux supplices les plus cruels : certains attachés à des croix et enduits de matière inflammable brûlaient comme des torches au point que la foule en était émue de compassion. Il n’y avait alors que 34 ans qu’un certain Jésus de Nazareth avait été exécuté sur une croix à Jérusalem. Personne ne l’avait défendu. Lors de son arrestation, ses disciples s’étaient enfuis comme des lâches. Les soldats avaient constaté sa mort, on avait descendu le corps que l’on avait déposé dans un tombeau. L’affaire Jésus était close. Le pouvoir et les intérêts du grand-prêtre étaient saufs. Les festivités de la Pâque pouvaient commencer au temple de Jérusalem.

Or, quelques jours plus tard, les disciples qui avaient disparu reviennent sur la place publique et se mettent à propager l’incroyable nouvelle : « Ce Jésus que vous avez tué, il nous est apparu ! Il est vivant ! Pas réanimé mais ressuscité ! Il est bien le Messie que les Ecritures annonçaient ! Il nous a offert le pardon de toutes nos fautes ! Il est le Seigneur ! ». Bien évidemment ces affirmations suscitèrent une avalanche de rires et de sarcasmes : « Comment croire à de telles balivernes ? Ces imbéciles ont eu une hallucination ! Ils sont fous ! ». Néanmoins des gens crurent : vraiment ces hommes n’avaient pas l’air de divaguer. Tout en avouant leur récente lâcheté, ils faisaient montre d’un courage exceptionnel puisque, arrêtés et traduits au tribunal devant les mêmes juges qui avaient condamné leur Maître, ils proclamaient leur message au risque d’être jetés en prison et à leur tour exécutés. Comment rendre compte d’une telle transformation ?
«Convertissez-vous... Rejoignez-nous, vous serez baptisés, vous recevrez le pardon de vos péchés et vous serez remplis de l’Esprit, de la Force de Dieu » : Pierre, Jean, Barthélemy et les autres circulaient partout, tout joyeux d’annoncer la Bonne Nouvelle. En quelques années, en dépit de l’hostilité de beaucoup, l’Evangile se répandit dans les plus grandes villes de l’Empire : Ephèse, Alexandrie, Corinthe, Rome...En 157, le philosophe Justin était arrêté et condamné à mort pour sa foi. En 258, à Carthage, devant le juge qui le condamnait à être décapité, le grand avocat Cyprien se mettait à chanter : « Deo gratias : Rendons grâce à Dieu». Aucun historien de l’antiquité n’a mis en doute l’existence de Jésus et sa crucifixion par Pilate. On peut certes demeurer sceptique devant l’affirmation de la résurrection : il est difficile de l’expliquer par la fabulation de quelques paysans qui auraient monté pareille supercherie, sachant que désormais ils allaient souvent le payer de leur vie. Le sang des martyrs fut la semence des futurs chrétiens.

Tout change.
Car dorénavant, avec Pâques, la vie est foi, confiance. Il n’y a plus place pour la méfiance, la peur, le scrupule. Car comment craindre un Dieu qui a donné sa vie pour pardonner à ses amis qui l’avaient abandonné ? Comment être rongé par le désespoir, se laisser écraser par les fautes du passé lorsqu’on entend Jésus parler au voleur Zachée, à la pécheresse Madeleine, au larron crucifié ?
La vie est espérance. Si la mort est ce mur contre lequel nous nous écrasons les uns après les autres après avoir joué une pièce qui toujours finira mal, je peux sans doute me résigner à cette échéance mais comment accepter jamais que la Mort soit ce tyran qui anéantit à jamais ceux et celles que nous aimons ? Si Jésus est ressuscité, il ne nous suffit plus de lutter pour un allongement de l’espérance de vie : notre désir n’est pas de longévité mais d’Eternité. « Le Seigneur Jésus transfigurera notre corps humilié pour le rendre semblable à son corps de gloire » ( Phil 3, 21).
Et la vie est amour. Amour vrai. Pas boursouflure de l’ego jamais satisfait de posséder. Pas étourdissement dans les jouissances toujours recommencées. Pas sympathie à l’intérieur d’un cercle choisi. Mais don de soi, oblation sans frontière, charité patiente et serviable. A l’exemple de Jésus lavant les pieds de ses disciples.
Cet équilibre d’une vie basée sur la confiance, l’espérance et l’amour se rétablit, se ressource en permanence dans l’eucharistie. Comme les premiers apôtres, et depuis vingt siècles, et dans tous les pays, les chrétiens (qui ne prétendent pas être sans défaut) se réunissent pour faire mémoire de la mort et célébrer la résurrection de leur Seigneur Jésus. C’est en retrouvant la Tête (le Christ) que le Corps (l’Eglise) se reconstitue : la Résurrection de Jésus se prouve dans l’apparition d’une communauté qui vit d’une vie nouvelle, d’une joie inexprimable, d’un amour infini qui la transporte dans l’action de grâce. Sans arrêt, par la force de l’Eucharistie, l’Eglise du Ressuscité remet debout une humanité écrasée qui assume ses responsabilités, combat le fatalisme. Je n’ai pas vu le Ressuscité : je Le vois à l’œuvre aujourd’hui encore.

Que sa Joie, la joie de Pâques, vous bouleverse, vous aussi, qu’elle vous fasse passer (car Pâques veut dire «passage») de la morosité à l’allégresse, de l’avarice au partage, de l’isolement à la communauté.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie de la Nuit pascale - 7 avril 2012


Quel itinéraire avons-nous accompli depuis une semaine ? Dimanche dernier, nous entrions dans la célébration de la Semaine Sainte. Nous marchions à la suite de la croix du Christ, nos rameaux à la main. Nous signifiions par là vouloir le suivre dans les acclamations et le triomphe, mais aussi jusqu’à sa Passion. Ce soir, nous sommes entrés en marchant à la suite du cierge pascal. La croix de Jésus laissant la place à la lumière du Christ, rappel du signe de la colonne lumineuse qui guidait le peuple d’Israël à travers la Mer Rouge.

La Semaine Sainte nous met en marche pour vivre l’événement du salut. Il s’agissait de mettre nos pas dans les pas du Christ pour aller jusqu’à sa mort et participer à sa résurrection : nous l’avons vécu physiquement par ces deux processions.
Au soir du Jeudi-Saint, faisant mémoire de l’institution de l’eucharistie, nous avons refait le geste du lavement des pieds qui révèle jusqu’où va la puissance de charité du Christ, laissant à ses disciples le double commandement de faire cela en mémoire de Lui : s’offrir soi-même dans le sacrifice eucharistique et devenir serviteurs les uns des autres. Vivre en notre vie la totalité du mystère pascal.
Vendredi, nous avons vénéré la Croix en communiant à la souffrance du Seigneur, en voyant aussi dans sa propre mort l’annonce de la nôtre, et surtout l’annonce de la mort vaincue. Ainsi, le Vendredi-Saint, c’est l’expérience de folie d’aller embrasser une croix qui peut répondre à la folie d’un homme qui a donné sa vie pour moi pécheur. L’adoration de la croix est un geste par lequel je communie à la mort du Christ : « comment savoir d’où vient la vie si je n’accepte pas ma mort ? ».
A la veillée pascale, l’eau est la mémoire du mystère pascal à travers le rite du baptême que nous vivrons ensemble ce soir avec vous, Guillaume, et avec trois enfants Linda, Karen et Ulric. Derrière la symbolique du relèvement que vous vivrez physiquement en relevant la tête, trace de la pratique ancienne du baptême par immersion dans l’Eglise, c’est la mort qui est symbolisée.
C’est donc cette grande symbolique de la mort qui traverse tout le Triduum, aussi bien dans la grande prostration du Vendredi saint, dans l’adoration de la Croix, dans le geste du lavement des pieds, comme dans le rite de l’eau à la Veillée pascale. « Comment savoir d’où vient la vie si je n’accepte pas ma mort ? ».
Au cœur de l’édifice liturgique, ce sont des gestes qui finalement réalisent la même chose. Ce qui nous est annoncé dans les Saintes Ecritures, à savoir que le Christ meurt mais ressuscite et qu’en lui nous mourrons et nous ressuscitons, se vit à travers les rites et au plus haut point dans la liturgie de l’Eucharistie.

Cette grâce incomparable a besoin de notre foi. Nul raisonnement humain, nulle démonstration si brillante soit-elle, ne parviendront à nous le démontrer. Jésus, petit enfant de la crèche devant lequel nous prenons plaisir à nous émerveiller, prophète puissant par les paroles et les actes, maître de sagesse évangélique quand Il annonce le Règne de Dieu son Père, homme défiguré dans les douleurs de sa Passion, ce même Jésus a été ressuscité des morts. Ce qui nous paraît inconcevable est possible. Le mal du monde, le péché du monde, la douleur du monde est vaincue. Et tout cela Jésus l’accomplit pour nous, pour que notre propre souffrance devant la maladie, la mort, les faiblesses qui nous font peiner ici, ne soient plus un obstacle, mais qu’ils deviennent passage vers Dieu. Jésus nous exhorte à poursuivre la marche au terme de cette sainte semaine. « Il nous précède en Galilée ». Ils nous instituent ces témoins.
Je voudrais ce soir vous adresser un appel à vous les jeunes, et les moins jeunes. Vous aspirez au bonheur et vous avez raison. Plus peut-être qu’à d’autres moments de notre Histoire, nous mesurons qu’il n’y a pas de parcours qui garantit contre les difficultés de la vie. Je vous exhorte à ouvrir les yeux et à regarder autour de vous où transparaît la joie de vivre en assument les responsabilités de l’existence humaine. Pour que la flamme si fragile de la foi ne s’éteigne pas, l’Eglise vivante a besoin de témoins du Ressuscité. L’Eglise a besoin de femmes et d’homme engagés dans les combats de la cité, de familles engagées pour toujours dans l’amour, et qui donnent la vie et l’amour à leurs enfants, de femmes et d’hommes qui acceptent de tout quitter pour le service de leurs frères dans la vie consacrée, d’hommes acceptant de répondre à l’appel du Christ en devenant les prêtres et les diacres de son Eglise. Ne fuyez pas les appels du Ressuscité ! Sinon vous risquez de vous en aller comme l’homme riche de l’évangile qui s’en alla tout triste « parce qu’il avait de grands biens ».

Ne choisissez pas la tristesse, mais choisissez la joie. Christ est ressuscité pour vous !

AMEN.

Michel STEINMETZ †



Homélie de la Célébration de la Passion et de la Mort du Seigneur - 6 avril 2012

Nous venons d’entendre le récit de la Passion et de la Mort du Seigneur. Depuis hier soir, en fait, nous sommes plongés dans ces heures d’angoisse, de tristesse et de souffrance. Jésus, après avoir célébré le repas pascal, qui sera son dernier repas, gagne Gethsémani et demeure dans la solitude de la prière. Cette prière sera un combat : Jésus devra y conformer sa volonté propre à celle de l’amour de Dieu. Les paroles qu’Il a prononcées quelques instants plus tôt, Il lui faudra les vivre : son Corps sera livré, son Sang versé pour le salut de tous.
A partir du moment de son arrestation, Jésus sera traîné d’un endroit à un autre, malmené, raillé, rejeté de tous y compris de ses plus proches qui l’abandonneront et le renieront tour à tour. Voilà que ce Jésus, petit enfant devant lequel nous prenons plaisir à nous émerveiller à Noël, prophète puissant par les paroles et les actes que nous suivons tant les merveilles accomplies sont grandes, maître de sagesse évangélique quand il enseigne les foules et annonce le Règne de Dieu son Père, ce Jésus prend aujourd’hui les traits du Serviteur souffrant annoncé par Isaïe. Il est si défiguré qu’il ne ressemble plus à un homme. Il n’a plus figure humaine. Les plaies, les souffrances, les tortures nous font détourner le regard. « Il n’était ni beau, ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n’avait rien pour nous plaire » (Is 53). Cet homme n’a rien d’un Dieu. Cet homme n’a plus rien d’un personnage qu’on a plaisir à suivre. Au contraire.

Parmi les « qualités » que nous exigeons de Dieu, sa toute-puissance est sans doute la première. Celle que, précisément, Il ne semble plus avoir alors qu’Il va vers sa croix, celle encore que nous Lui reprocherons ou que nous Lui refuserons : comment Dieu est-il tout puissant en laissant le mal se déchaîner dans notre monde, dans nos familles ? Est-il donc tout-puissant, Lui qui ne peut éviter à son propre Fils une telle humiliation ? Jésus est-il un usurpateur ? Pouvons-nous mettre notre confiance en Lui ?

« C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était châtié, frappé par Dieu, humilié. » Jésus n’est pas pris en défaut, il n’est pas le laissé-pour-compte de la cause divine. Dieu son Père ne l’abandonne pas, mais va jusqu’à consentir que l’ensemble de nos péchés, de nos souffrances, de nos fragilités reposent sur lui. C’est jusque là que va l’amour de Dieu. Si certains extrémistes, ces jours encore dans les tragiques événements vécus à Toulouse et Montauban, s’imaginent que Dieu a besoin de la force de l’homme pour affermir son authenticité et se faire respecter, nous ne pouvons être de ceux-là. Le Messie, qui s’est révélé dans les évangiles et que nous célébrons au cours de cette Semaine Sainte, n’a pas imposé son appel à la conversion par la puissance armée ni même par une puissance dialectique, mais en reprenant le chemin du Serviteur souffrant annoncé par le prophète Isaïe. En le contemplant aujourd’hui, mort sur la croix, nous reconnaissons que ses souffrances crucifiées là au gibet, ce sont les nôtres. Nous croyons que le péché du monde mis à mort, c’est celui qui nous fait tant souffrir. Nous espérons que la mort vaincue par sa mort est pour nous gage de résurrection.

Ainsi, chers amis, sommes-nous prêts maintenant à ne pas détourner notre regard de cet homme ? Avons-nous assez de foi pour voir en Lui le Fils de Dieu, Dieu lui-même, fidèle à son amour ? Irons-nous jusqu’à l’action de grâce devant ce Dieu qui va jusqu’à s’abaisser pour nous relever en Lui ? « Par ses blessures, nous sommes guéris. »
AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie de la Messe "in coena Domini" - 5 avril 2012

L’Eglise célèbre ce soir l’institution de l’eucharistie par le Christ lui-même. Il est intéressant de signaler que c’est aussi par la Cène que nous entrons dans la célébration du mystère pascal. L’eucharistie apparaît comme le grand proche d’entrée qui nous ouvre à l’intelligence de ce que nous allons vivre et célébrer. Non seulement alors le dernier repas de Jésus, repas bien particulier de la Pâque, éclaire la suite des évènements de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection, mais éclaire aussi la manière dont nous devons vivre ce sacrement si familier de l’eucharistie. Trop souvent, me semble-t-il, nous célébrons l’eucharistie, la messe, de manière déconnectée de son événement fondateur au soir du Jeudi-Saint. Sans doute l’habitude, de dimanche en dimanche, de jour en jour, nous en fait perdre la quintessence et surtout sa dimension pascale. Tout le mystère du Christ se dit et se vit dans son eucharistie. Sa venue dans la chair, son enseignement, ses miracles, au long des années de son ministère public, son entrée à Jérusalem et tout ce que nous allons vivre ces prochaines heures avec lui, tout est comme résumé, condensé dans cette eucharistie. Ainsi, à chaque fois que nous célébrons comme Il nous a dit de le faire, c’est à tout le mystère du Christ que nous communions, c’est tout ce Christ qui nous est donné. Mais pour bien saisir encore ce qui est en jeu ce soir, nous ne pouvons séparer le contexte de la Pâque vécue dans la foi juive, ni le récit qu’en donne Paul, ni celui que relate Jean.

Jésus célèbre ce qui sera comme son repas d’adieu, son dernier repas, au cours d’un repas bien particulier qui tient tout autant de la rencontre fraternelle que de la cérémonie cultuelle. Tout dans ce repas est codifié, prévu. Voilà bien pourquoi Il envoie ses disciples, en avance, faire les préparatifs. Les évangiles synoptiques racontent que la veille de sa mort « le premier jour des Azymes où l'on immolait la Pâque » Jésus a mangé la Pâque avec ses disciples. Ce repas pascal avait lieu le 1er ou le 2ème jour de la fête de Pâque qui durait 7 jours. Pendant cette semaine appelée « semaine des azymes », on ne mangeait rien de fermenté. La fête de la Pâque était à la fois la célébration de la fertilité au printemps et le mémorial de la libération de l’esclavage des hébreux et du passage de la mer rouge. Le seder se déroule suivant une longue progression définie. En célébrant ce repas avec ses disciples, Jésus lui donne ce soir un sens nouveau : Il sera lui-même la Libération définitive. Les larmes d’autant, les herbes amères, l’errance dans le désert de la soif, tout cela est aboli. Il se donne en nourriture, une nourriture de vie éternelle.
Au cours de ce repas rituel juif, étaient prévus deux lavements des mains. Le deuxième était accompagné d’une prière de bénédiction et revêtait donc un sens spirituel. Que fait Jésus ? Il ne se contente pas de laver les mains des ses amis, il accomplit le geste du serviteur. Il quitte son vêtement, se noue un linge à la ceinture et se met à genoux devant chacun. Le renversement est prodigieux : Lui, le Maître et Seigneur, se met dans la condition du Serviteur. Alors que devant Lui tout genou doit fléchir sur terre, aux cieux et aux enfers (Ph 2), c’est Lui qui, le premier, montre l’exemple et s’abaisse. En s’abaissant à ce point, il permet à quiconque de se relever en Lui, même à celui qui est ou s’estime plus que terre. Le mot latin qui désigne le rite du lavement des pieds est mandatum. Le mandat. Mandat reçu de la part du Seigneur : « Si donc, moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns des autres ». Mandat reçu, pour nous, de faire de même. Nous sommes donc invités à la même charité, au même service désintéressé, sans rien espérer en retour. Voilà ce à quoi nous pousse la célébration de l’eucharistie : à faire comme Jésus a fait.
Enfin, quand Jésus reprend les traditionnelles prières de bénédiction du judaïsme, il leur donne un sens radicalement nouveau. Le repas pascal juif commémorait le repas que les hébreux avaient mangé avant de quitter l'Égypte et le passage de la mer rouge. Le livre de l'exode disait « Ce jour là, vous en ferez mémoire ». Mais au cours de ce repas pascal, Jésus a annoncé sa mort en disant qu’il a désiré manger cette Pâque avant de souffrir et qu’il ne boira plus de coupe de vin jusqu’au jour ou il en boira dans le royaume de Dieu. Il affirme que son sang va être versé pour ses disciples, répandu pour la multitude pour la rémission des péchés. En donnant à ses disciples le pain et le vin, il affirme qu’Il leur donne son corps à manger et son sang à boire. En donnant son sang, il fait une nouvelle alliance en son sang, comme Moïse au Sinaï avait répandu le sang des victimes sur le peuple en disant : « Ceci est le sang de l'alliance que Yahvé à conclue avec vous » (Ex. 24,8). Le « faites cela en mémoire de moi » est bien plus qu’une invitation à refaire les mêmes gestes, à prononcer les mêmes paroles, c’est une consigne à adopter la même attitude que Jésus. Demeurer dans le Père jusqu’au moment ultime dans la fidélité et l’abandon « afin que sa volonté se fasse et non la mienne » (Mc 14).
Célébrer l’eucharistie, chaque eucharistie, c’est tenir ensemble à la fois l’action de grâce pour l’action de Dieu, l’offrande de soi dans le Christ, le commandement et l’invitation à la charité. Chaque eucharistie nous rend présent tout le mystère du Christ pour que nous devenions « christs » à notre tour. Voilà bien pourquoi il nous célébrer, comme Jésus nous a dit de le faire, voilà bien pourquoi il nous communier pour demeurer uni à Lui. « Et l’on ne fait bien une action à laquelle on ne s’exerce pas souvent », disait François de Sales.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie du Dimanche des Rameaux et de la Passion (B) - 1er avril 2012

Le bout de buis que nous emportons ce dimanche n’est pas un porte-bonheur, un gris-gris qui nous assurerait les bienfaits de Dieu en le plaçant sur nos crucifix, une assurance pour le salut de nos défunts, en le plantant sur la tombe de nos défunts. C’est le souvenir des rameaux que les gens coupaient aux arbres et agitaient en criant de joie au passage de Jésus qui faisait, comme un roi, sa Joyeuse Entrée à Jérusalem. Cette foule avait bien des raisons d’être enthousiaste car l’homme qu’elle acclamait était un descendant du grand roi David ; il s’appelait Ieshouah (qui signifie Sauveur) et il était réputé pour accomplir des guérisons miraculeuses. On en concluait donc qu’il allait enfin bouter dehors les occupants haïs et rendre enfin à Israël son indépendance nationale. Nombreux étaient ceux qui détenaient des armes et étaient prêts à donner leur vie pour la patrie.
Il fallut vite déchanter : au lieu d’ameuter les troupes zélotes et de foncer vers la citadelle du gouverneur Pilate, Jésus monta vers le Temple, pénétra sur l’esplanade et se mit à en chasser quelques marchands qui y vendaient des animaux pour les sacrifices. « Enlevez tout cela d’ici, cria-t-il, ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic ». Il y avait suffisamment d’autres lieux en ville et aux alentours où se tenaient de tels marchés de bestiaux. Pourquoi en avoir installé un là sur l’esplanade ? Parce que le Grand Prêtre louait des emplacements aux marchands et profitait largement de ce commerce très lucratif. L’esclandre commis par Jésus dépassait donc toute mesure. C’est sans doute à ce moment-là, quand il apprit ce que ce soi-disant prophète galiléen avait osé faire, que le Grand Prêtre décida qu’il fallait l’éliminer au plus tôt. Si possible avant les festivités qui allaient débuter. Et en essayant d’en faire endosser la responsabilité par le Romain. Et en effet lorsque, quelques jours plus tard, le prisonnier Jésus fut présenté, ligoté, minable, démuni, à la populace, plus personne ne se leva pour l’acclamer ou le défendre. Ni les malades qu’il avait guéris ni même ses apôtres ne prirent sa défense. Les « Hosanna au fils de David » firent place aux hurlements : « A mort ! A mort ! Crucifiez-le ».

Pour montrer que nous ne voulons pas basculer du côté de ceux qui renient le Christ, nous accrocherons notre brin de buis à notre crucifix. Ce geste peu banal manifestera que nous avons compris la scène de l’Entrée des Rameaux. Que nous apprend-elle ? Si Jésus avait pris comme monture un petit âne, c’était pour réaliser l’antique prophétie du Livre de Zacharie qui disait : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton Roi s’avance vers toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne. Il supprimera le char de guerre et il proclamera la paix pour toutes les nations. Sa domination s’étendra partout... » (Za 9, 9sq) Nous vénérons Jésus comme notre Seigneur ; nous proclamons que sa royauté lui a été acquise au Golgotha et que l’instrument de son supplice est devenu effectivement son trône.

Nous entrons ce jour dans la Grande Semaine, la Semaine Sainte, qui nous rappelle cet itinéraire de Jésus afin d’apprendre quelle doit être notre propre conduite aujourd’hui. Les célébrations liturgiques de ces jours revêtent une importance capitale puisque nous ne pouvons prétendre être chrétiens si nous ne suivons pas notre Sauveur sur son chemin d’abaissement pour arriver à la victoire de la Résurrection. Il nous faut donc avoir le courage de nous démarquer de la foule des indifférents et demeurer dans l’Eglise. A partir d’aujourd’hui, cette Eglise va accompagner son maître au long des journées qui ont suivi l’Entrée des Rameaux et surtout elle s’arrêtera aux grands moments.

Sommes-nous prêts à revivifier notre foi en ces heures bénies ? Sommes-nous d’accord de faire cet itinéraire ? Aucun autre chemin ne peut nous sauver. Il ne faut pas agiter un rameau puis tourner le dos au Christ et à son Eucharistie ! Lentement, au pas de l’âne, laissons-nous convertir : chaque Pâque nous christianise.
AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie du Mercredi des Cendres - 22 février 2012

Notre monde a pris un goût de cendres. Les cendres ne signifient plus seulement la poussière de notre mortalité ; elles sont aujourd'hui le résultat de notre violence collective. Cendres d’une société qui se délite dans ses repères, dans sa quête de valeurs. Les cendres signent notre autodestruction, nos espoirs déçus. Elles marquent notre péché, le contraire même du projet de Dieu. Mais il n'y a pas de cendres sans feu ! Le mystère pascal commence par le Carême et s'accomplit à la Pentecôte. Comme toujours, la foi renverse l'ordre des choses : au début, les cendres ; à la fin, les langues de feu ! Il s'agit de passer de la nuit à la clarté du jour, de la servitude à la liberté, de l'errance à l'alliance, de l'offense au pardon, de l'angoisse à la paix, de la solitude à la communion, des ténèbres à la lumière, de la rupture à la réconciliation et, finalement de la mort à la vie ! D'êtres éteints, il s'agit de devenir lumières.
Chaque année la quarantaine du Carême ravive en nous la grâce du baptême. Accompagner un adulte, des jeunes enfants en âge scolaire, nous rappelle que notre engagement baptismal n’est pas scellé une fois pour toutes au-dessus d’une cuve baptismale ; il est un dynamisme, une puissance de vie divine qui nous est offerte. Parce que le péché, notre si maigre capacité à demeurer dans l’espérance finissent par avoir raison de cette grâce, il faut sans cesse en revenir à la source. « Rends-moi la joie d’être sauvé », nous faisait chanter le psalmiste (Ps. 50, 14).

I.- Le baptême, pour une identité nouvelle en Christ
Le carême est d'abord et avant tout un temps de transformation, de transmutation... Renaître à la vie, à la liberté, à la tendresse, à la compassion ! Il s'agit de se laisser attirer par un amour brûlant, envahir par un goût de la vie, par une passion pour l'homme, entraîner dans une communion qui transfigure tous les vivants. Il s'agit d'implanter l'Evangile dans le vif de nos vies ! Au baptême, notre identité spirituelle est modifiée : nous devenons enfants de Dieu de manière irrévocable. Nous entrons dans le mystère d’Alliance. Nous sommes membres du peuple des sauvés.
Nous recevons ce soir les cendres, en un signe d'humilité, signe de notre condition humaine, signe surtout, et avant tout, d'un malheur dont nous sommes aujourd'hui sauvés. « Rends-moi la joie d’être sauvé. »

II.- Le baptême, pour entrer dans la vie éternelle
Nous croyons que la braise couve sous la cendre, nous croyons que le feu renaîtra. Parce que nous avons été plongés dans le mystère d’amour de Dieu, parce au seuil de notre existence chrétienne, marqués du signe de la croix comme vous venez de l’être, Guillaume, nous sommes configurés à la croix du Christ, pour mourir à nous-mêmes et revivre en Lui. Le catéchumène demande le baptême à l’Eglise pour recevoir d’elle la foi et la vie éternelle. Nous savons dès lors que ce qui est éternel en nous, ce qui aura été fondé, au cœur de notre vie, dans l’amour et la présence de Dieu, cela passera la mort et sera sauf, préservé, c’est-à-dire sauvé.
Nous recevons les cendres, pour dénoncer nos multiples morts et renaître à notre propre vie. Nous recevons les cendres pour communiquer le feu. Il brûle et purifie, dans une passion de vie, toutes les mesquineries, manques de vitalité et complaisances avec le désespoir. « Rends-moi la joie d’être sauvé. »

III.- Le baptême, pour demeurer dans la foi
Le baptême nous rend capables de Dieu : nos fragilités et nos pauvretés ne sont plus un obstacle infranchissable pour vivre de Sa vie. Pour nous aider à demeurer en Dieu, à persévérer, l’Eglise nous donne en partage le Symbole de la Foi, le Credo, si court finalement et pourtant si riche. Nous le dirons tout à l’heure pour le confier à celui qui marche vers le baptême, à la rencontre du Sauveur. Parce que le Christ désire nous intégrer à la propre vie qu’il tient de son Père, il nous offre les mots de sa prière, à chaque fois qu’il nous permet de dire : « Notre Père ». Ce trésor de la prière, auquel toute prière personnelle doit se référer comme action de grâce, demande et confiance en la volonté de Dieu, nous le partagerons de même avec vous, Guillaume.
Auparavant, nous aurons reçu les cendres pour nous rappeler que nous tenons tout de Dieu lui-même. De même que la lumière blanche se diffracte en différentes couleurs, le mystère pascal présente des phases très contrastées, mais il n'est qu'un seul mouvement. « Rends-moi la joie d’être sauvé », c’est entrer déjà dans le salut.
Recevoir les cendres et communiquer le feu : c'est tout un. C'est entrer en un chemin où il n'y aura plus d'impasse, ni de mort... Mystère de notre foi. Alors notre geste de recevoir les cendres, les nôtres, celles de nos frères, celles des ruines de partout, a un sens. Solidaires du monde entier, nous sommes appelés à être transfigurés, à renaître de nos cendres, à recevoir les langues de feu ! Mais c'est à travers le feu au cœur même de la nuit, de la détresse parfois, de la souffrance, si proches alors de la croix victorieuse du Ressuscité. Ce Carême sera l’occasion pour nous de revenir à notre baptême et de « ne pas laisser sans effet la grâce venue de Dieu. » (2 Co 6, 1)

 
AMEN.

Michel STEINMETZ †