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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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mardi 27 octobre 2015

Homélie pour la Commémoraison de Tous les fidèles Défunts - 2 novembre 2015

C'est un peu comme une déchirure, une blessure qui n’arrive pas à cicatriser puisque chaque fois que vous pensez à lui, à elle, votre cœur  se remet à saigner de plus belle. Un peu comme si une partie de votre être vous avait été arraché, enlevé à jamais. Parfois, en vous, le calme et la sérénité règnent et d’autres fois, vous avez l’impression d’être emportés par des vents violents qui vous secouent. Je passe de la chaleur des souvenirs heureux à l’ouragan de l’absence et du silence. Avec toujours cette question lancinante : ceux que nous avons aimés, nous entendent-ils, nous voient-ils ? Partage entre ce que nous espérons et croyons et l’expérience déroutante de l’absence.
 
Face à de telles questions existentielles, nous n’avons pas de réponse certaine. Il n’y a aucune certitude vis-à-vis de la mort. Est-ce la fin d’une vie à jamais ou plutôt la poursuite de ce que nous avons commencé sur cette terre ? Est-ce un trou noir dans lequel ils ont sombré ou plutôt une lumière où ils vivent en plénitude dans le cœur et la tendresse de Dieu ? Rien ne peut être dit à ce sujet de manière absolument sûre. Personne ne peut prétendre à la vérité de la mort sauf celles et ceux qui y sont entrés. Mais un tel savoir leur est-il vraiment réservé ? N’avons-nous pas, nous qui restons ici-bas, le cœur en tristesse, la possibilité d’entrevoir un coin du voile de ce mystère. Ni les sciences, ni aucune connaissance, ne peuvent nous aider.
 
Toutefois, nous n’avons pas à nous enfermer dans le découragement car si la connaissance ne peut nous éclairer. Il nous reste l’espérance de notre foi. Connaissance et croyance sont deux champs de notre intelligence de cœur qui s’éclairent l’un l’autre mais ils ne peuvent se confondre. Lorsque je connais, je sais. Lorsque je crois, j’espère et je cherche à comprendre ce mystère qui habite au plus profond de mon être. Y a-t-il plus belle espérance que les paroles du Livre de la Sagesse : « les âmes des justes sont dans la main de Dieu. Ils sont dans la paix. Leur espérance est pleine d’immortalité. Ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l’amour ». Si nous prenons ces mots inscrits avec l’encre de Dieu dans ces pages de la Bible au sérieux, nous pouvons nous apaiser et nous dire ou redire que là où ils sont, celles et ceux que nous avons aimés vivent la plénitude de la paix divine. Prendre de telles paroles au sérieux, tel peut être le sens de notre foi. Foi en une vie qui ne se termine pas. Foi en une vie, commencée sur cette terre et qui se poursuit dans l’au-delà de Dieu. Parce que Dieu nous a créés pour être en lui, toujours, à jamais.
 
Prenons alors le temps, de temps en temps de méditer ces phrases d’espérance telles qu’elles nous ont été livrées dans la Bible. S’il est vrai que nous pouvons nous réjouir de la lumière dans laquelle ils sont entrés, cela n’enlève hélas pas grand-chose à la douleur de ceux qui restent. Dans la foi, nous pouvons ressentir un sentiment d’apaisement, voire de joie, de savoir que ce que nous avons aimés sont arrivés au terme d’une route sur laquelle nous cheminons encore, parfois difficilement. Le sentiment d’injustice, d’une vie arrêtée trop tôt, reste néanmoins présent et fait souffrir. Il nous faut nous souvenir des larmes de deux amis, un soir quand la nuit tombait. Il pleurait leur ami. C’était sur une petite route vers Emmaüs. Rien ni personne ne pouvait les consoler. Ils ont cependant laissé un mystérieux personnage partager un peu de leur chemin, et aussi de leur tristesse. Il les a écoutés, il leur a ouvert son cœur et fait résonner dans le leur bon nombre de paroles qu’ils connaissaient pourtant bien. D’un coup, à un geste, ils l’ont reconnu. En pleine nuit, ils ont osé faire le chemin inverse pour témoigner de ce qu’ils avaient vécu. Jésus n’a, pour eux, pas fait de miracle. Il a simplement été là. Il a fait résonner la Parole de Vie. Ils l’ont accepté et, pour eux, la mort a pris un autre visage. Pas celui d’une fin, mais celui d’un passage.
 
C'est de cette manière que Dieu nous prend la main. Elle passe toujours par un autre humain. Alors, nous pourrons nous aussi nous dire : « notre cœur n’était-il pas brûlant ? ».
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ

Homélie des Vêpres de la Toussaint - 1er novembre 2015

"J'ai vu une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues".  On les appelait les saints. C’est l’Eglise aux cent visages qui se montre sous son beau jour. Ce sont des gens qui ont marqué autrefois de leur empreinte toute une époque ou une région. Témoins de Dieu, qui vécurent dans le passé ou d’autres qui furent créés de toutes pièces par l’imagination populaire. Martyrs ou confesseurs de la foi, des célibataires, évêques ou prêtres, des femmes, vierges ou veuves, des gens mariés. Des saints religieux : bénédictins, franciscains, dominicains, jésuites et autres, proposés comme modèles aux membres de ces institutions.
 
Fête de tous les saints : c’est l’Eglise qui donne l’image de ce qu’elle fut : majesté des visages aux portiques de nos cathédrales et mièvrerie de tant de nos statues et de nos images pieuses ! Témoins qui nous conduisent à Dieu et saints à qui l’on tente de soutirer des faveurs ou des miracles. Ceux que le peuple de Dieu reconnaît spontanément et ceux que Rome hésite à canoniser, parce qu’ils ont un défaut ou peuvent être gênants. Autant de visages dans lesquels nous pouvons nous reconnaître et qui correspondent si bien à ce que nous sommes, ou ce que nous désirons être.
 
Il y a peut-être bien longtemps qu’ils ont quitté ce monde. On les appelle les saints et on les dit heureux. Mais n’est-ce pas un rêve ? Je ne sais si vous vous êtes déjà posé la même question que moi. Je dois l’avouer : il m’est arrivé de de me demander si l’on ne me faisait pas miroiter un avenir meilleur pour m’endormir, pour nous aider à supporter la vie sur cette terre, la souffrance et les épreuves. Je me suis demandé, si l’Eglise n’enseignait pas : « Sois sage et espère. Le bonheur, c’est pour un autre monde, c’est pour plus tard, c’est pour demain. Dieu te le rendra au centuple ». Il pouvait alors me sembler que le bonheur, c’est toujours pour demain.
 
Et puis, quand cette idée m’a traversé l’esprit, j’ai décidé d’écouter ce que Dieu nous dit, de regarder ce que Jésus a vécu, de m’émerveiller devant ce que l’Evangile a produit et ne cesse d’engendrer aujourd’hui. Voir des gens qui renaissent dans la découverte du Christ, qui retrouvent leur dignité dans le pardon qui leur est offert, qui donnent leur vie pour les autres. Quand Jésus instruit ses amis sur la montagne, il invitait au bonheur. « Soyez heureux, disait-il en substance, pas demain mais aujourd’hui. Ne vous laissez pas dominer par l’argent. Ne vous laissez pas tenter par le pouvoir. Osez plutôt vous ranger du côté des plus faibles. Vivez le partage, la solidarité. Acceptez volontiers le peu que les petits et les autres vous offrent en gage de leur amour. Exigez la justice pour tous. Soyez doux et assez forts pour ne pas vous élever contre ceux qui ne vous acceptent pas. Efforcez-vous de pardonner pour que l’ennemi d’hier soit l’ami d’aujourd’hui. Soyez allergiques à toute forme de violence, car la violence appelle nécessairement la violence. Arrêtez donc son escalade. Vivez comme des gens libres, respectant les droits des autres et leur permettant aussi de s’exprimer librement. Si vous faites cela, vous serez heureux, pas demain, mais dès aujourd’hui. » Jésus lui-même connaissait le bonheur de vivre ainsi ! Si ses disciples ont bien retenu ses invitations, c’est qu’ils avaient eu la chance de vivre avec lui, qui chaque jour de son existence, les mettait en pratique.
J'ai compris alors que ce n’était pas un rêve. Car, ils étaient vivants ceux qui cherchaient ainsi le bonheur ici-bas, qui le répandaient et qui le partageaient, jusqu’à leur dernier souffle au moment de quitter cette terre. Ils faisaient des heureux. Et ils inauguraient le grand rassemblement de toutes les nations, races, peuples et langues. Le grand rassemblement des hommes que Dieu aime parce qu’ils lui ressemblent. Un monde tout nouveau.
 
Michel STEINMETZ †

Homélie de la solennité de Tous les saints - 1er novembre 2015

La liturgie nous suggère que ceux que nous fêtons aujourd’hui, tous ceux-là qui nous ont précédé et vivent auprès de Dieu, ont vécu les béatitudes au cours de leur vie dans ce monde, ou du moins en ont vécu quelque chose. Ces hommes, ces femmes étaient-ils donc des gens extraordinaires, leur vie était-elle différente du quotidien de nos propres vies ?
 
Nous  sommes toujours touchés par la beauté de ce texte, et en même temps inquiétés par son caractère paradoxal, qui prend à contre-pied notre perception spontanée des choses. Observons d’abord que deux des béatitudes sont au présent, alors que les autres sont au futur : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux », et « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ». Que signifie ce présent ? Jésus a annoncé que le Royaume de Dieu est déjà présent parmi nous ; il est là comme une semence, comme un germe, il est commencé – saint Jean le rappelait dans la première lecture. Il a montré par sa manière d’être et de faire comment le Royaume est déjà là. Dans l’accueil et la reconnaissance de la dignité de chacun, dans les paroles et les gestes qui redonnent sens à la vie, en faisant confiance à Dieu, en laissant la bonté de Dieu transparaître dans sa manière de faire. Finalement, il nous a montré que notre vie peut être un reflet de ce qu’elle est réellement : image et ressemblance de Dieu.
Les autres béatitudes sont au futur, celles qui évoquent les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux et les cœurs purs, les artisans de paix. Pourquoi le futur ? Parce que nous sommes en chemin : le monde est fait de contradictions, il est bien loin d’être un monde heureux pour tous. Et notre vie elle-même est marquée, pour une part, par la souffrance, la déception, les échecs et les affrontements douloureux aux autres. Mais Jésus nous dit qu’il y a une façon de vivre tout cela en s’appuyant sur Dieu qui est porteur de promesses de vie : dans l’épreuve et la contradiction, nous pouvons lui faire confiance. Faire cette confiance dans la non-violence et la recherche incessante de justice et de paix pour tous, alors qu’on sait bien qu’il y a là un objectif dont la réalisation nous dépasse. Faire confiance, parce qu’on ose croire et espérer que Dieu ne nous lâchera pas et que sa vie est plus porteuse et ouverte que le mal du monde. Cette confiance est un bonheur de vivre qui donne de tenir debout, car Dieu accomplira ses promesses.
 
Il est  bien vrai que ces béatitudes contredisent frontalement certains traits majeurs de l’esprit du monde, aujourd’hui comme autrefois. La fête de tous les saints nous dit que le monde ne se réduit pas à cela. La multitude que nous fêtons ce jour, saints des autels et saints dans le cœur de Dieu, ont vécu quelque chose des béatitudes, bien souvent sans même en avoir conscience. Et pour eux, Dieu a accompli ses promesses de bonheur. Ils n’étaient pas fondamentalement différents de ce que nous sommes, ils n’étaient pas infiniment meilleurs, ils ne vivaient pas une sainteté inaccessible. Nous pouvons être, nous sommes sans doute déjà, modestement, de ces saints, bien que ce que nous serons n’apparaisse pas encore clairement. Ce message est donc un appel qui nous est adressé : ayons le cœur assez pur, le regard assez bienveillant que pour reconnaître chez ceux qui nous entourent, ceux avec qui nous vivons, l’un ou l’autre trait de ces béatitudes qui est déjà vécu par eux et qui est source de sens, de vie, de bonheur pour eux et pour les autres.
 
Si cette multitude inconnue et oubliée, si cette foule innombrable de toutes races, cultures, langues et nations, comme le dit l’Apocalypse, participe en plénitude au Royaume de Dieu, ne nous méprisons pas nous-mêmes : malgré nos limites, nos faiblesses, nos défaillances et les failles qui nous traversent et dont nous souffrons, l’esprit des béatitudes habite aussi en nous, de façon fragile sans doute, par moments comme une flamme vacillante, et par moments de façon plus claire. C’est sous ce jour-là que Dieu nous considère avec bonté et nous accueille.
 
AMEN.
 
 Michel Steinmetz

samedi 17 octobre 2015

Homélie du 29ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 18 octobe 2015

Imaginons la scène. Jacques et Jean, les fils de Zébédée, sont des braves gens. Ils ont trouvé leur maître. Celui-ci parle d’un Royaume qui se met en place. Ils préparent leur avenir. C’est naturel. Jésus, lui, a annoncé à ses disciples, et pour la troisième fois, sa Passion et sa Résurrection maintenant toute proche. Plus les jours passent, plus il sait comment va s’écrire l’histoire. Ses disciples ne comprennent toujours pas. Ils sentent bien que quelque chose se prépare : « ils étaient effrayés et avaient peur », nous rapporte saint Marc. C’est dans cette imminence, dans cette urgence, que Jacques et Jean se décident à interpeller Jésus : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande ». Et quelle est-elle cette demande : plus qu’un portefeuille ministériel au prochain remaniement, siéger à la droite et à la gauche de Jésus dans son Royaume !
Quoi de plus légitime, de plus normal, de plus compréhensible que de préparer son avenir, et qui plus est lorsque les temps sont troubles, incertains ? N’avons-nous pas connu pareille tentation ? Faire jouer du piston, comme on dit, pour arriver à tel ou tel poste, pour avoir, enfin, un avenir assuré et tranquille, pour avoir, peut-être même, le pouvoir et être servi ? Ne jetons pas trop vite la pierre à Jacques et Jean ! Leur demande est légitime. N’en n’aurions-nous pas fait autant ?
 
"Vous ne savez pas ce que vous demandez ! ». Voilà la réponse de Jésus. Il recadre les choses. Siéger à la droite et à la gauche du Fils de l’Homme, ce n’est pas rien ! Le Christ rappelle, si besoin était, que d’accorder cela ne lui revient pas mais relève de l’initiative du Père. Lui-même se reçoit du Père et reçoit de lui son pouvoir. Boire à la coupe que Jésus s’apprête à boire, recevoir le baptême dans lequel il va être plongé, voilà les conditions sine qua non pour accéder au Royaume. La coupe est souvent, dans l’Ancien Testament, un symbole de la souffrance ; à cette image, Marc ajoute celle du baptême, qui désigne la mort à soi-même pour la renaissance en Dieu. Jésus, en effet, ne vient-il pas d’annoncer pour la troisième fois, sa Passion, alors même que, déterminé, il fait route vers Jérusalem ?
Jacques et Jean réponde à l’interrogation de leur maître de manière on ne peut plus claire : « Nous le pouvons ». Et ils le pourront, en effet : leur vie de foi toute entière vouée à l’annonce de l’Evangile et couronnée par la gloire du martyre n’en est-elle pas l’expression parfaite ? Ils ont persévéré, ils ont tenu fermes. « A cause de ses souffrances [ ou, comme nous le suggère un autre traduction : ayant payé de sa personne], le Serviteur verra la lumière, il sera comblé », nous dit le prophète Isaïe.
 
Isaïe parle de « payer de sa personne ». Peut-être est-il bon de nous rappeler de temps à autre que venir en aide à nos frères, se faire le serviteur de tous demande toujours un effort. Le Christ nous invite, pour le rencontrer, à nous faire solidaires les uns des autres. Il nous exhorte, comme il le faisait pour Jacques et Jean, à boire avec lui la coupe du salut, c’est-à-dire non à courir au devant des souffrances ou de faire de notre volonté de service l’étendard de notre vanité, mais à persévérer dans la foi.
Alors nous comprendrons, au travers, parfois, d’âpres moments de combat et de purification intérieure, que c’est celui qui persévèrera  jusqu’à la fin qui sera sauvé. Il y a de plus de joie et de bonheur à donner sa vie pour les autres que de rester renfermer sur sa petite personne. Nous ne serons sans doute pas dans la tonalité exacte à laquelle nous convie sans cesse la société, mais nous vivrons de la joie et de la paix du Christ, des valeurs sûres qui, elles, ne passent pas. Cette gloire-là vaut pour l’éternité !
 
"Pouvez-vous boire au calice où je vais boire ? » C’est-à-dire : êtes-vous prêts à donner votre vie pour vos frères par-delà toute souffrance ? Voici la question que nous retiendrons avec cette consigne : en attendant la gloire, mettez-vous au service de vos frères ! Voilà la seule manière d’imiter le Christ et de lui ressembler, la seule manière de ne pas se tromper quoi qu’il advienne !
                                                                                                                       
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 9 octobre 2015

Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 11 octobre 2015

Nous connaissons tous bien, peut-être même trop bien, cette histoire de l’homme riche. Mais cette connaissance peut nous empêcher d’en voir l’essentiel. Ne pensez pas qu’il s’agit là d’une leçon sur les dangers de l’argent, contre le matérialisme ou sur le fait que nous soyons souvent possédés par ce que nous possédons ; il s’agit plutôt d’une leçon sur l’amour. « Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer ». Cette rencontre est racontée par trois des quatre évangélistes, et Marc est le seul qui raconte ce petit détail, que Jésus regarde cet homme et l’aime. Mais en nous racontant ce détail, Marc va à l’essentiel de la rencontre.
 
L'amour, ce n’est pas seulement une sorte de bienveillance distante. Quand nous aimons quelqu’un, il nous attire vers lui. Il attire notre regard, nous le regardons. Il attire, comme un aimant ; nous voulons être près de lui. Autrement dit, nous voulons aussi qu’il soit là pour nous, qu’il fasse partie de la texture de notre vie, comme voulons aussi faire partie de la sienne, non pour le posséder, pour le dominer, mais seulement pour être en présence l’un de l’autre. C’est pourquoi, quand deux personnes s’aiment mutuellement et que leur amour est fort et profond, ils veulent vivre ensemble, tous les jours et sous le même toit. Et cette intimité peut aller jusqu’à l’union des corps qui en deviendra l’expression et le symbole.
 
Jésus regarde cet homme riche, il l’aime de cet amour qui est le propre de Dieu. Puisque il l’aime, il veut son bien, mais il veut aussi que l’homme partage sa vie : « viens, et suis moi », lui dit-il, je veux être avec toi, et veux que tu sois avec moi. Jésus révèle ici l’amour de Dieu, pour cet homme et pour nous tous. Jésus le regarde. Or le regard de Jésus, c’est le regard de Dieu, le regard de celui qui nous a créés. Au premier chapitre de la Bible, Dieu crée le ciel et la terre, mais il fait plus que créer. Chaque fois qu’il crée un élément du monde, il le regarde et il se dit : « C’est bon » ; il aime ce qu’il a créé. Quand il a créé les êtres humains, il regarde l’ensemble de la création et se dit : « C’est très bon ». Nous attirons le regard de Dieu, comme l’homme riche attire le regard de Jésus. Dans cette rencontre de Jésus avec l’homme riche, Dieu dit effectivement à chacun de nous : Viens, sois avec moi, car je t’aime. Dieu nous aime pour ce que nous sommes, pas pour ce que nous avons, il nous aime parce qu’il nous a donné l’être et la vie, pas parce que nous avons amoncelé des vertus ou de l’argent.
A la question : « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? », Jésus a répondu en énumérant les commandements. Il se trouve que le jeune s’est déjà acquitté de tout cela, depuis sa jeunesse. Jésus le sait. Il lui demande alors une chose supplémentaire : vendre tout ce qu’il possède pour Le suivre. C’est pour lui la chose la plus difficile, « car il avait de grands biens ». Le reste, il a pu s’en acquitter facilement malgré son jeune âge, et donc en peu de temps. Vendre ses biens  revient pour lui à tout lâcher, à envisager sa vie comme une vie qui aura pour seul filet de marcher à la suite du Christ, à renoncer à lui-même, à ne faire confiance qu’en Dieu. La Parole de Dieu est à ce moment-là pour lui « énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants », car elle va juger des intentions de son cœur. Il n’est cependant pas capable de tenir la richesse pour rien, comme le disait la première lecture : l’or du monde n’a pas encore – dans son cœur – la valeur « d’un peu de sable ». Il lui manque l’esprit de Sagesse, ce don de Dieu qui fait choisir le plus précieux : ce qui vient de Dieu et non du monde.  
 
L'homme riche ne répond pas à l’invitation de Jésus, il s’en va. Mais il s’en va triste, et cela montre qu’il répond quand même d’une certaine manière à l’amour de Jésus, à l’amour de Dieu. Sa tristesse montre qu’il sait vaguement qu’en s’en allant il rate quelque chose qui l’attire, qu’il perd quelque chose qu’il aime. Bien des fois, nous nous découvrons incapables de répondre à l’amour de Dieu et à notre propre amour pour Dieu, bien que nous sachions que l’amour de Dieu peut combler notre manque d’amour. Frères et sœurs, ne désespérez pas de vous si vous êtes dans ce cas ! Même si pour les hommes c’est impossible, tout est possible à Dieu. Jésus pose son regard sur vous et vous aime. 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 2 octobre 2015

Homélie du 27ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 4 octobre 2015

Messe de rentrée des catéchismes
 
" Jésus n'a pas honte de les appeler ses frères"  (He 2, 11).
C’est la dernière phrase, rappelez-vous, de la seconde lecture que l’Eglise nous donne à entendre en ce jour. Qui Jésus appelle-t-il ses « frères » ? Au dire de l’auteur de la Lettre aux Hébreux, il s’agit de « la multitude de fils », de « ceux qui sont sanctifiés ». Pour le dire peut-être plus simplement : de tous ceux que Dieu a choisis et appelés à partager sa vie. Les baptisés qui forment son Corps. Nous.
 
Nous sommes donc la parenté du Seigneur quand nous l’accueillons et mettons en pratique sa Parole. N’allez pas compliquer les choses. Elles sont très simples. La parenté de Jésus, c’est sa famille. Nous sommes de la même famille que Jésus quand nous acceptons de Le suivre. L’Eglise est avant tout une famille, celle qui prend plaisir et comprend l’importance de se retrouver, comme nous le faisons, pour nous réjouir de sa présence et resserrer les liens de notre unité familiale. Saint Jean-Paul II disait que la famille est une Eglise domestique (Lettre aux familles, 1994, 3). Il reprenant l’expression très ancienne de saint Cyrille, évêque de Jérusalem au IVe siècle, et remise en honneur par le Concile Vatican II (AA, 11). La famille est donc une cellule d’Eglise, peut-être même là où l’Eglise naît pour nous et où elle se développe dans des relations humaines vraies et sincères, autour de valeurs évangéliques d’espérance, de complémentarité de l’homme et de la femme, de respect et de fidélité.
 
La vie de de famille nous stimule, nous provoque et nous réjouit. Nous avons qu’il n’est pas toujours évident de préserver l’unité. Mais nous sentons qu’il s’agit là de quelque chose de fondamental car les déchirures blessent notre espérance. Souvent, on se raisonne, on se ressaisit, on s’oublie aussi un peu soi-même pour le bien des autres et le bien de tous. L’intérêt et le bien-être personnel s’effacent dans la joyeuse donation de soi. C’est cela la vie de famille. Quelle famille oserait mettre un grand frère à la porte ? Lui demanderait d’aller voir ailleurs ? Se refuserait à lui faire une place ? C’est pourtant ce qui arrive parfois avec ce grand frère qu’est pour nous Jésus. Nous le trouvons embarrassant au point de vouloir le bannir de nos familles et de notre quotidien. Toutes les raisons deviennent bonnes.
 
Aujourd'hui ce même Jésus nous redit les liens de notre parenté. Il nous invite, dans l’évangile, à garder la fraîcheur et la spontanéité des enfants qui viennent à Lui sans se poser trop de questions. Rien de ce qui fait notre vie ne s’aurait trouver une place dans son cœur. Ne laissez pas ce grand frère loin de vous ! Ouvrez-lui la porte de vos cœurs et de vos familles !
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz