C'est un peu comme une
déchirure, une blessure qui n’arrive pas à cicatriser puisque chaque fois que
vous pensez à lui, à elle, votre cœur se
remet à saigner de plus belle. Un peu comme si une partie de votre être vous
avait été arraché, enlevé à jamais. Parfois, en vous, le calme et la sérénité
règnent et d’autres fois, vous avez l’impression d’être emportés par des vents
violents qui vous secouent. Je passe de la chaleur des souvenirs heureux à l’ouragan
de l’absence et du silence. Avec toujours cette question lancinante : ceux que
nous avons aimés, nous entendent-ils, nous voient-ils ? Partage entre ce que
nous espérons et croyons et l’expérience déroutante de l’absence.
Face à de telles
questions existentielles, nous n’avons pas de réponse certaine. Il n’y a aucune
certitude vis-à-vis de la mort. Est-ce la fin d’une vie à jamais ou plutôt la
poursuite de ce que nous avons commencé sur cette terre ? Est-ce un trou noir
dans lequel ils ont sombré ou plutôt une lumière où ils vivent en plénitude
dans le cœur et la tendresse de Dieu ? Rien ne peut être dit à ce sujet de
manière absolument sûre. Personne ne peut prétendre à la vérité de la mort sauf
celles et ceux qui y sont entrés. Mais un tel savoir leur est-il vraiment
réservé ? N’avons-nous pas, nous qui restons ici-bas, le cœur en tristesse, la
possibilité d’entrevoir un coin du voile de ce mystère. Ni les sciences, ni
aucune connaissance, ne peuvent nous aider.
Toutefois, nous n’avons
pas à nous enfermer dans le découragement car si la connaissance ne peut nous
éclairer. Il nous reste l’espérance de notre foi. Connaissance et croyance sont
deux champs de notre intelligence de cœur qui s’éclairent l’un l’autre mais ils
ne peuvent se confondre. Lorsque je connais, je sais. Lorsque je crois, j’espère
et je cherche à comprendre ce mystère qui habite au plus profond de mon être. Y
a-t-il plus belle espérance que les paroles du Livre de la Sagesse : « les âmes
des justes sont dans la main de Dieu. Ils sont dans la paix. Leur espérance est
pleine d’immortalité. Ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l’amour
». Si nous prenons ces mots inscrits avec l’encre de Dieu dans ces pages de la
Bible au sérieux, nous pouvons nous apaiser et nous dire ou redire que là où
ils sont, celles et ceux que nous avons aimés vivent la plénitude de la paix
divine. Prendre de telles paroles au sérieux, tel peut être le sens de notre
foi. Foi en une vie qui ne se termine pas. Foi en une vie, commencée sur cette
terre et qui se poursuit dans l’au-delà de Dieu. Parce que Dieu nous a créés
pour être en lui, toujours, à jamais.
Prenons alors le
temps, de temps en temps de méditer ces phrases d’espérance telles qu’elles
nous ont été livrées dans la Bible. S’il est vrai que nous pouvons nous réjouir
de la lumière dans laquelle ils sont entrés, cela n’enlève hélas pas
grand-chose à la douleur de ceux qui restent. Dans la foi, nous pouvons
ressentir un sentiment d’apaisement, voire de joie, de savoir que ce que nous
avons aimés sont arrivés au terme d’une route sur laquelle nous cheminons
encore, parfois difficilement. Le sentiment d’injustice, d’une vie arrêtée trop
tôt, reste néanmoins présent et fait souffrir. Il nous faut nous souvenir
des larmes de deux amis, un soir quand la nuit tombait. Il pleurait leur ami.
C’était sur une petite route vers Emmaüs. Rien ni personne ne pouvait les
consoler. Ils ont cependant laissé un mystérieux personnage partager un peu de
leur chemin, et aussi de leur tristesse. Il les a écoutés, il leur a ouvert son
cœur et fait résonner dans le leur bon nombre de paroles qu’ils connaissaient
pourtant bien. D’un coup, à un geste, ils l’ont reconnu. En pleine nuit, ils
ont osé faire le chemin inverse pour témoigner de ce qu’ils avaient vécu. Jésus
n’a, pour eux, pas fait de miracle. Il a simplement été là. Il a fait résonner
la Parole de Vie. Ils l’ont accepté et, pour eux, la mort a pris un autre
visage. Pas celui d’une fin, mais celui d’un passage.
C'est de cette manière
que Dieu nous prend la main. Elle passe toujours par un autre humain. Alors,
nous pourrons nous aussi nous dire : « notre cœur n’était-il pas brûlant ? ».
AMEN.
Michel STEINMETZ †