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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 27 septembre 2014

Homélie du 26ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 28 septembre 2014

Un principe fondamental de notre droit, c’est que toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’a pas été condamnée. On a plus souvent l’impression que, de fait, toute personne est d’abord présumée coupable. Et peu importe si elle est innocentée après. Il reste pour se justifier les dictons tels que : il n’y a pas de fumée sans feu, je reste sur ma première idée et je refuse de changer d’avis. Phrases imbéciles…
 
Il y a des innocents qui restent condamnés toute leur vie parce qu’un jour, ils ont été accusés de quelque chose qu’ils n’avaient pas fait ; il y a des coupables qui ont vécu un moment d’égarement et se sont repentis mais ils restent coupables quoiqu’ils fassent ensuite. Puis il y a, de nos jours, cette nouvelle catégorie de personnes : les victimisés. Ces derniers ne sont pas des victimes. Les vraies victimes suscitent un profond respect, elles demandent compassion et accompagnement. Les victimisés quant à eux, ils sont ceux qui se mettent en situation de victimes alors que, le plus souvent, ils sont les responsables de ce qui leur arrive. Ils ont manqué de jugement, ils ont triché et ils perdent, à l’image du second fils de l’évangile. Alors plutôt que de reconnaître leur erreur, ils se victimisent car ils ont compris qu’en agissant de la sorte d’autres se tourneront vers eux, les prendront en pitié et plus personne ne se souciera de savoir où se trouve la vérité.
 
S’il y a lieu de les dénoncer, c’est parce que la victimisation est contraire à l’esprit de l’évangile. Ce dernier, dans les lectures entendues, nous invitent à vivre en cohérence avec nous-mêmes. Il est évident qu’en chacune et chacun de nous cohabitent des « oui » et des « non » dans cette zone obscure de vulnérabilité, de fragilité, voire même de faiblesse. Si nos paroles s’enracinent dans nos pensées, dans notre cœur, elles doivent alors être en cohérence avec nos actes.
 
 
Un « oui » claire, ferme, et engagé, voilà ce que nous demande le Christ. L’enfant de la parabole qui dit oui et qui finalement ne va pas à la vigne avait peut-être le ferme propos d’obéir à son père. Nous serions presque tentés de l’excuser en disant : après tout, c’est l’intention qui compte… Non ! Ce qui compte, c’est l’intention suivie d’effet. L’enfer est pavé de bonnes intentions, d’intentions non abouties, non concrétisées par des actes. Combien pantouflent avec des discours d’héroïsme ? Tu dis croire en Dieu, mais rarement tes genoux plient pour la prière. Tu dis Dieu indispensable à ta vie, mais quand lui parles-tu ? Tu te dis chrétien, et prêt à défendre une société chrétienne, mais trop rarement tes pieds te portent à l’église. Tu dis aimer ton prochain, vouloir secourir les pauvres, mais quand partages-tu ? Ce n’est pas en paroles seulement, mais en actes et en vérité que tu dois aimer. C’est par tes actes, par lesquels tu révèles ton cœur, que le Royaume de Dieu grandit et se développe.
 
 
Se dérober à l’agir, c’est paver l’enfer. Jésus ne prend aucun gant pour dire aux velléitaires : « Les publicains et les prostitués vous précèdent dans le Royaume des cieux ».  
 
Nous autres, nous pouvons figer nos contemporains en leur collant des étiquettes sans aucun appel possible. Elles ont été données une fois pour toute. Nous les jugeons, les condamnons et les enfermons dans un passé à jamais révolu. Agir de la sorte c’est pécher car notre attitude est synonyme de manque d’amour. Dieu, quant à lui, porte sur chacune et chacun de nous un tout autre regard. Son espérance est infinie. Il ne nous enferme pas, il nous tend toujours une main que notre repentir peut saisir en toute liberté. Puissions-nous à jamais vivre en cohérence avec nous-mêmes et lorsque nous trébuchons, prendre la main que Dieu nous tend pour assumer nos actes et non pas tomber dans la lâcheté de nous victimiser. Dieu nous offre l’espérance et la vie, ne choisissons pas la mort. Il n’est pas trop tard pour rejoindre la vigne du Seigneur ! Que notre « oui » soit franc, déterminé et joyeux !
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 20 septembre 2014

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 21 septembre 2014

Spontanément, nous pouvons trouver enviable la situation des ouvriers de la dernière heure. Après tout, ils y gagnent ! Convertissons-nous au dernier moment : cela suffira et le salaire sera le même. On se prélasse au soleil toute la journée et on rentre sur le soir au paradis, bien dispos et bien bronzé. Eh bien non ! On n’assure pas son salut par des calculs. On le reçoit. Ce serait une manière de vivre en montrant que, pour nous, notre intérêt bien pesé était de nous décharger autant que faire se peut de l’importun fardeau du salut. Comme si cela était ennuyeux, dérangeant de se savoir déjà appelé à la vigne du Seigneur. La pointe de la parabole est là : le maître appelle et envoie à sa vigne. C’est lui qui sort au petit matin pour embaucher, et non les ouvriers qui le tirent hors du lit.  Y a-t-il pire tristesse que de n’être pas appelé ?...Y a-t-il plus grand honneur que de servir Dieu ? Qui peut prétendre se dispenser d’aimer Dieu pour entrer au paradis ?
 
Les paraboles de Jésus sont merveilleuses parce qu’elles nous concernent, nous dévoilent, débusquent nos refus secrets et nous pressent de nous convertir. Car bien sûr c’est nous, les bons ouvriers : dès le départ, issus d’une bonne famille chrétienne, nous avons suivi la filière des sacrements, enregistré tous les enseignements nécessaires ; nous nous sommes donnés pour obéir aux lois de Dieu, nous avons fait des sacrifices afin de participer à la mission de l’Eglise. Tant d’années de dévouement, de fatigue, de sueurs…et voilà que nous apprenons que tel infidèle, tel débauché, tel ennemi de l’Eglise, à la fin de son existence, peut recevoir la même récompense que nous. Scandaleuse injustice, pensons-nous. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur ». Nous réagissons alors en enfants gâtés : nous possédons tout et nous refusons à d’autres de bénéficier de même don. Mais le bonheur éternel est par définition insécable : Dieu ne peut en offrir des tranches plus ou moins comblantes selon nos efforts et nos résultats. Vous ne pouvez avoir un peu plus ou peu moins de vie éternelle. Par définition, cette vie offerte par Dieu, par lui donnée en partage et proposée à chacun, est éternelle ou elle n’est pas. Et puis surtout Dieu est bon (« ton regard est-il mauvais parce que je suis bon ? »). Une pièce d’argent était le salaire d’une journée, la somme nécessaire pour entretenir une famille : le maître savait que chacun de ces hommes avait besoin au moins de cette pièce pour rentrer à la maison.
 
La petite sainte Thérèse de Lisieux aurait-elle été jalouse de voir une prostituée la rejoindre pour partager la Béatitude ? Les Apôtres ont dû accepter qu’ils étaient précédés au ciel par un « bon larron », un homme violent qui, à l’ultime minute, jetait son âme dans les bras ouverts du Crucifié. Saint Paul acceptait d’être anathème (rejeté, maudit) pour que ses frères juifs soient sauvés (Rom 9, 3). Saint Dominique passait des nuits en prière devant l’autel de l’église en sanglotant : « Que vont devenir les pécheurs ? ». Dans le Royaume de Dieu, il n’y a plus de répartition au prorata des exploits ni de grades selon les vertus ni de mérites selon les prouesses ascétiques ou les ravissements mystiques ; les auréoles ne diffèrent pas par l’intensité lumineuse ; nul ne peut voir un autre plus heureux que lui. Il n’y a plus qu’une communion sans vanité ni jalousie, une joie donnée toute entière à chacun, une douce ivresse de ceux et celles qui auront (plus ou moins longtemps) œuvré dans la Vigne.
 
Nos eucharisties doivent être les moments prophétiques de cette plénitude, des assemblées où cessent les commérages, les regards en coin, les jalousies mesquines, où on ne demande à personne combien de temps il a travaillé pour l’Eglise. Où tous se réjouissent d’accueillir une telle Marie-Madeleine, un tel Zachée, un tel larron, un tel fils prodigue, afin de boire avec eux la Coupe de celui qui a travaillé jusqu’à la mort pour faire à tous miséricorde.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 13 septembre 2014

Homélie de la fête de la Croix glorieuse - 14 septembre 2014

L'évangile de ce jour est tiré de la rencontre entre Jésus et le pharisien Nicodème. Dans une longue tirade, Jésus lui livre les secrets de Dieu. Il peut le faire parce qu’il vient de Dieu. Nul autre que lui ne peut le faire. « Qui, étant monté aux cieux, en est redescendu ? » s’interrogeaient les sages d’Israël (Proverbes 30,4). Personne évidemment, sauf Jésus. Avec une nuance cependant. Jésus n’est pas monté au ciel pour en redescendre. Il est descendu du ciel pour y remonter. Il a été envoyé par le Père et a été « élevé ».


On est très étonné de lire dans la déclaration de Jésus à Nicodème une phrase comme celle-ci : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé ». Comment peut-on comparer Jésus, même se tordant dans les douleurs du supplice, à un serpent ? Dans la Bible, le serpent est le symbole du mal. Dès les premières pages du livre de la Genèse, il fait les dégâts que l’on sait auprès de l’arbre du bonheur et du malheur. Lors de la traversée du désert, il attaque le peuple avec sa « morsure brûlante ». Sur le chemin de Paul à Rome, à Malte, il surgit sous forme de vipère pour bloquer l’avancée de la Parole de Dieu. Et dans l’Apocalypse il a grossi au point de devenir un dragon. Il cherche à dévorer l’enfant mis au monde par la Femme et il n’est vaincu qu’à la fin, au moment où la Jérusalem nouvelle descend d’auprès de Dieu. Comment peut-on comparer Jésus à une bête pareille ?
 
L'explication est ingénieuse. Reposant sur le mot « élever », elle nous ouvre de belle perspective. St Jean reprend un épisode assez obscur de l’histoire d’Israël. Au cours de la traversée du désert, Dieu a permis que son peuple récalcitrant soit attaqué par des serpents venimeux. Pour le sauver, Moïse a élevé un serpent de bronze sur un mat et lui a demandé d’élever les yeux vers cette image. Le serpent ne sauvait pas par lui-même. Ceux qui levaient les yeux vers le serpent levaient les yeux vers le ciel sur lequel se détachait l’image du mal vaincu. Par delà le serpent, ils regardaient l’auteur du salut : le Seigneur. Nous comprenons maintenant la belle image utilisée par l’évangéliste. Jésus lui aussi est élevé sur le bois de la croix. Élevé par les hommes qui croient le punir. Élevé en réalité par Dieu. Car dans notre passage, l’évangéliste joue sur l’ambiguïté de l’expression. Jésus a été élevé sur le bois de la croix et il a été élevé par Dieu. La mort de Jésus n’est pas un sacrifice destiné à apaiser la colère de Dieu. Elle est au contraire la manifestation de l’amour de Dieu pour les hommes.
 
Voilà bien ce qui peut faire la fierté des croyants que nous sommes. Ce signe de la croix est notre fierté. Comment le bafouer, le rendre insignifiant, le vulgariser ? Pour nous ce n’est pas possible. Nous ne pouvons nous y résoudre, nous ne pouvons rire avec le monde d’une croix de Jésus trop souvent dévoyée à des fins commerciales ou publicitaires. Il serait intéressant d’observer les personnes qui entrent dans nos églises comme vous venez de le faire ce matin. On croirait que le signe de la croix est devenu un signe ostentatoire. Comme s’il fallait le cacher. Pourquoi des signes de croix aussi lilliputiens, à peine perceptibles ? Pourquoi les fidèles auraient-ils la croix honteuse et non la croix glorieuse ?
 
Jadis, la première leçon de catéchisme ne portait sur les dogmes, sur ce qu’il faut croire, mais sur un geste : celui du signe de croix. « Que dois-je faire le matin à mon réveil ? », demandait-on à l’enfant.  La réponse devait fuser, comme un réflexe bien acquis : « Au réveil, je trace sur moi le signe de la croix ». Avant même d’habiller son corps pour la journée, il convient de l’habiller, de le draper, du plus beau vêtement du salut. Des générations avaient ainsi compris, en la vivant, la parole de l’Apôtre : « Pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus-Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. » (Ga 6, 14)
 
Et vous, frères et sœurs, vous arrive-t-il de faire le signe de la croix ? Comment ? Avez-vous la croix honteuse ou la croix glorieuse ?
 
Michel Steinmetz

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 07.09.2014

" Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël ! ». Devenir un guetteur, c’est-à-dire devenir celui qui, du haut des murailles de la cité, remplit cette haute charge de détecter le danger lorsqu’ils survient, de prévenir ses compagnons afin de garantir leur sécurité. Le guetteur accomplit son service avec zèle et attention, sans une once de relâche qui pourrait s’avérer fatale. Il est encore celui qui sait voir au loin, qui scrute et discerne. Cette mission est certes confiée au prophète, mais Jésus, dans l’évangile, nous rappelle que nous en sommes aussi dépositaires. N’avons-nous pas été faits, à notre baptême, « prêtre, prophète et roi », à la suite du Christ ?
 
La première lecture nous enseigne que le salut du prophète dépend de l’exercice de son ministère : il ne « sauvera sa vie » que s’il a « averti le méchant d’abandonner sa conduite ». Entendons bien : le Seigneur ne rejette pas le prophète qui aurait failli ; mais l’indifférence de celui-ci trahirait qu’il n’est pas - ou qu’il n’est plus - en communion avec Dieu. Ainsi sommes-nous établis « gardien de notre frère », solidaires les uns des autres.  Nous ne devons jamais oublier que celui qui a péché demeure notre frère. Avant d’être un coupable à punir, il est un frère à aimer. Cela change tout par rapport au regard que nous allons porter sur lui. Ce ne sera plus un regard soupçonneux ou accusateur, mais un regard qui accueille et redonne confiance. Jésus se présente à nous comme le médecin par rapport aux malades spirituels que nous sommes tous.
Si Jésus nous demande d’agir avec patience et délicatesse, c’est parce que lui-même agit ainsi. Et sil agit ainsi c’est parce que son Père agit ainsi. Il ne se décourage pas devant mes difficultés à me corriger. Là où le péché abonde, son amour surabonde. C’est ainsi que chacun de nous doit agir vis-à-vis de ses frères. Vous l’aurez compris, c’est à notre propre conversion que le Christ nous appelle. Car, comment souhaiter la conversion des autres sans d’abord penser à la sienne propre ?
 
Le pécheur est, hélas, toujours sa propre victime. C’est à nous-même d’abord que nous faisons le plus grand mal en succombant au péché, parce que nous nous éloignons de Dieu.
Lorsque quelqu’un se noie ou est victime d’un accident, la loi civile et républicaine nous impose de lui porter secours. Si nous ne le faisions pas, nous serions coupables de non-assistance à personne en danger. Aujourd’hui, l’évangile nous rappelle que ce danger n’est pas que matériel. Il peut aussi atteindre l’esprit, l’âme et le cœur. Il peut compromettre l’équilibre psychologique et affectif d’une personne.
 
L'Eglise n’est pas un tas de sable, une poussière d’individus insulaires. Elle est ce grand corps dont nous parle l’apôtre Paul. Un membre est-il affecté ? C’est tout le corps qui souffre. Un membre est-il corrompu ou malade ? C’est tout le corps qui en pâtit. Croyez-vous que l’un de nous puisse faire le mal sans que cela nous affecte tous ?
A la question de Caïn « Suis-je le gardien de mon frère »[1], Jésus répond sans hésiter : « Bien sûr, puisque je te l’ai confié ; comment pourrais-tu prétendre m’aimer, sans porter le souci de ceux que j’aime ? » Si le prophète Ezékiel est établi comme guetteur pour la Maison d’Israël, c’est la même mission qui est confiée à l’Eglise d’aujourd’hui. Sa charité doit être non seulement prévenante, il faut qu’elle soit aussi guérissante.
 
Cet évangile se termine par un appel à la prière. Quand deux ou trois sont réunis en son nom, il est là. Il est présent tout comme au Cénacle parmi les apôtres. Il veut entrer toujours plus dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle pour la rendre de plus en plus conforme à son amour. En venant à l’Eucharistie, nous accueillons tout cet amour qui est en lui pour mieux le communiquer aux autres.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz






[1] Gn, 4, 9.