A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

vendredi 28 décembre 2007

Homélie de la Messe de Minuit - 25 décembre 2007


Introduction à la célébration

Que la paix de Noël soit avec vous, chers amis, frères et sœurs en Christ ! Qu’elle habite vos cœurs et vous soit motif de joie ou de réconfort !
« Tous ensemble, réjouissons-nous ! », telle est l’invitation qui ouvre la messe de cette nuit de Noël. Par-delà, l’évènement dont l’Evangile nous fait le récit, il nous faut redécouvrir son contenu : dans l’enfant qui vient de naître, nous adorons « Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux » (préface). L’Enfant de la crèche est la parole de Dieu qui nous est donnée : la statue de l’Enfant-Jésus, portée il y a un instant en procession, a été déposée sur la Bible ouverte pour nous rappeler que nous célébrons bien le Verbe de Dieu fait chair et que cette parole ne cesse de résonner à travers les âges et les continents. Elle demeure actuelle et vivante. Telle est la lumière qui brille au coeur de cette nuit. Voilà aussi ce qui nous fait croire à Noël.
Puissions-nous maintenant célébrer le Dieu-avec-nous, au moment où nous entrons dans la célébration de l’eucharistie. Qu’il nous montre sa miséricorde alors que nous reconnaissons devant lui notre péché !

Homélie

Que vais-je leur dire, me suis-je demandé en préparant cette homélie, que vais-je leur dire qui n’ait pas été ressassé ? Pas pour faire du neuf et encore moins de l’original mais pour tenter d’être juste. Car on a le sentiment d’avoir fait le tour de la question « Noël ». C’est un peu tous les ans la même chose, la même histoire. Il n’y aurait que la décoration qui changerait au gré des modes. Le message de Noël est simple, c’est vrai, très simple : Dieu vient dans le monde pour le sauver ; Il nous donne par amour son propre Fils. Pourtant, je suis certain que si je vous demandais maintenant de me dire ce qu’est pour vous Noël, il n’y aurait pas deux réponses identiques. Chacun a son Noël et c’est pourtant le même Noël qui nous rassemble cette nuit autour de Celui qui en est le sens et le fondement, l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous ».
Noël est plus qu’une fête, plus qu’un anniversaire, fût-il celui de Jésus. Car Noël a son message, et j’ose le terme, sa grâce. Trop souvent, nous sortons de ces festivités en nous disant que « c’est passé » une fois encore. Mais comment le message spirituel de Noël continue-t-il de vivre en nos cœurs ? Pouvons-nous nous laisser à la fois toucher et renouveler par lui ?

I.- Pouvons-nous espérer en cette nuit de Noël ?

Sans doute la question peut-elle paraître incongrue en cette nuit. Nous venons de réveillonner. Il est heureux qu’il en soit ainsi. Ne serait-ce pas un peu quand même une manière d’oublier notre quotidien, de le fuir, de s’échapper du rythme effréné qu’il nous impose ?
Cette fuite serait aussi un peu celle du monde. L’angélisme n’est pas de mise, même la nuit de Noël. Ne nous voilons pas la face : notre vieux monde est malade. C’est vrai : peut-être pas plus aujourd’hui qu’hier. Cependant, comment, ce soir, ne pas songer aux victimes des guerres, des luttes fratricides, des terrorismes, de la barbarie humaine ? Comment ne pas songer aux familles durement éprouvées par la maladie d’un des leurs ? Comment ne pas songer à ces hommes et ces femmes détenus en otages depuis des années et privés de leur famille ? Comment ne pas songer à nos frères chrétiens persécutés en Chine, à Cuba, en Palestine, au Moyen-Orient ? Comment gommer de notre mémoire les visages des hommes et des femmes croisés sans abri dans nos villes, couchés sur des cartons, dans le froid et la désolation humaine ? Sans noircir davantage encore le tableau, on peut franchement se demander s’il n’est pas immoral de fêter Noël comme nous le faisons. Avons-nous, par solidarité et fraternité, le droit d’avoir le cœur en fête ? Sommes-nous autorisés à nous réjouir ? Y a-t-il, tout compte fait, une lumière capable d’illuminer cette nuit ?

II.- Que pouvons-nous espérer ?

La nuit de Noël est parfois la nuit de tous les miracles. tenez, en pleine première guerre mondiale, des soldats français et allemands sont sortis de leurs tranchées respectives pour célébrer Noël, moment rare de paix au cœur d’un conflit sanglant. D’autres faits à la portée similaire, tout aussi symbolique bien que souvent moins emblématique, peuplent l’histoire des Noëls.
Qui dit miracle dit événement rare. Sommes-nous condamnés à attendre notre tour, à devoir tenter la chance comme on le fait à la loterie ? Non, car, comme pour « le peuple qui marchait dans les ténèbres », au cœur de la nuit la plus opaque, pour nous aussi, une grande lumière s’est levée : elle a resplendi. Il faut croire à Noël. En Jésus, la justice de Dieu, la lumière de Dieu, la parole de Dieu sont entrées dans le monde. Elles y sont entrées à un tel point que depuis ce jour Dieu et l’homme sont liés jusque dans la chair. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Et Dieu s’est fait homme sans déploiement de puissance, sans phénomène médiatique, sans « peoppolisation ». Il a choisi d’emprunter l’humble et discret chemin de notre humanité. Le Dieu que nous célébrons ce soir est l’Enfant de la crèche, pauvre, vulnérable et pourtant sauveur du monde. Quand parait un tel signe, les croyants, à la suite d’Isaïe et des prophètes, les bergers ne s’y trompent pas, « aujourd’hui nous est né un Sauveur, il est le Messie, le Seigneur ! ». Cet enfant est béni de Dieu, il est Dieu. Sa venue est à la fois le signe de « l’amour invincible du Seigneur de l’univers » et l’instauration de son règne de paix. Il faut croire à Noël.

III.- Comment espérer ?

Dans la nuit de ce monde, une lumière, grande, éternelle mais ô combien fragile, brille désormais. Comme un enfant, elle nous est confiée. Bien des hommes et des femmes ont su en prendre soin : au lieu de la mettre sous le boisseau, ils ont œuvré à la placer sur le lampadaire pour qu’elle éclaire leur temps. Avec génie parfois, détermination et grande joie, ils ont fait en sorte de transmettre cette lumière de Dieu à ceux qu’ils rencontraient et entendaient servir. Ces témoins d’espérance, ces dignes serviteurs de Dieu, nous en avons déjà rencontré. Chaque époque a les siens. Et chaque époque se doit avec vigilance de prendre garde à ce que cette lumière ne faiblisse ni ne disparaisse. Si nous nous demandons à quoi servent les chrétiens aujourd’hui, et s’ils ne devaient servir qu’à une chose, ce serait précisément à « rendre témoignage » à la vérité de Dieu. Chacun d’entre nous, s’il veut prétendre en conscience au nom de « chrétien », disciple du Christ, devrait se sentir mobilisé à être témoin de la douce pitié de Dieu, de son espérance. Quelle que soit ta nuit, quelque que soit ton malheur, à toi aussi, et plus encore à toi qu’à d’autres, je te le dis : ne crains pas ! Aujourd’hui t’est né un Sauveur !
Quand la grâce de Dieu se manifeste, elle nous est donnée pour nous apprendre à vivre dans le monde en hommes et femmes « raisonnables, justes et religieux » dans l’attente du bonheur promis et pour en témoigner. Ce peuple en marche que nous formerons, petit peuple mais fervent, sera « ardent à faire le bien ». Et les hommes nos frères ne s’y tromperont pas. Le message de Noël, alors, ne disparaîtra sitôt les fêtes passées : il demeurera vivant en nos cœurs, il nous transformera, nous poussera à renouveler notre manière de vivre.

Finalement, c’est beau Noël.
Puisse cette joie toute intérieure, cette paix profonde qui ruissellent à chaque ligne du récit de la Nativité, envahir nos cœurs et les cœurs de ceux que nous aimons et aussi de ceux que nous n’aimons pas assez.
Oui, une fois encore, il faut croire à Noël.
Pas par faiblesse, pas par méthode Coué, mais parce que tant de visages, tant de cœurs murmurent, envers et contre tout, que la Paix est possible. Parce qu’elle a planté sa tente parmi nous.
Oui, c’est Noël, une fois encore, et si nous ne réjouissons pas de la naissance à nulle autre pareille, qui d’autre le fera ? Paix à vous !


AMEN.


+ Michel Steinmetz

samedi 8 décembre 2007

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent (A) - 9 décembre 2007


Il est déroutant. Il est à la mode. Son look fait un ravage. Il a un charisme du feu de Dieu. Il soulève les foules et les foules viennent à lui. Son nom est Jean. Il « porte un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour de ses reins ; il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage ». Il a tout d’un prophète et c’est un prophète, le plus grand de tous, au dire de Jésus. « Jean est celui que désignait la parole transmise par Isaïe : A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ».
Jean le Baptiste, figure que la liturgie nous présente habituellement en ce 2ème dimanche d’Avent, est le dernier prophète en ce qu’il annonce l’imminence de la venue du règne de Dieu et en ce qu’il reconnaît Jésus comme le Messie tant attendu.
« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche » : Jean nous invite à la conversion parce qu’elle est à la fois le signe qui accompagne et la conséquence de la venue du règne de Dieu ; il nous alerte devant les fausses excuses que nous pourrions invoquer afin de nous dédouaner de cette exigence ; enfin, il nous pousse à traduire concrètement la grâce de la conversion.
Mettons-nous à son écoute !

I.- La nécessité de se convertir quand vient le Règne de Dieu.

L’imminence de la venue du Règne de Dieu marque de manière plus prégnante encore la nécessité de se convertir. Se convertir, c’est littéralement ‘se tourner vers’ ou mieux ‘se tourner avec vers’. Se convertir, c’est donc bien se tourner le Seigneur avec son aide, c’est revenir de manière inconditionnelle au Dieu de l’Alliance. L’instauration du règne de Dieu correspond à la venue du Messie et au Jugement qui l’accompagne : on comprend aisément qu’il faille être prêt pour oser paraître debout, c’est-à-dire dans la position de l’homme libre et juste, devant le Fils de l’Homme. Pour Jean-Baptiste, le Messie « tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas ». Images traditionnelles mais d’une ô combien singulière radicalité ! Images qui reprennent la riche symbolique de la moisson, moment où l’on sépare le bon grain du mauvais. Images encore qu’il conviendrait d’infléchir quelque peu en revenant à la prédication d’Isaïe. En effet, le Messie « ne jugera pas d’après les apparences, il ne tranchera pas d’après ce qu’il entend dire. Il jugera les petits avec justice, il tranchera avec droiture en faveur des pauvres du pays ». Le temps messianique de même est celui de l’alliance de contraires, de la réconciliation des opposés : « le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira ».
Pour vivre une telle nouveauté, il faut se préparer, ouvrir son cœur, « s’accueillir les uns les autres comme le Christ nous accueille », dira saint Paul.

II.- Ne pas invoquer de fausses excuses.


Il serait facile pour nous, comme ce le fut pour les pharisiens et les saducéens, de nous dédouaner, de trouver des excuses faciles. « Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion, et n’allez pas dire en vous-mêmes :’Nous avons Abraham pour père’, car je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham ». Les pharisiens et les saducéens se réfugient derrière leur suffisance et leur statut, comme si ce dernier les protégeait de tous maux et les préservait d’un travail de conversion… Il suffirait de se revendiquer héritier d’Abraham pour exiger, tel un droit, d’être sauvé à la fin des temps. C’est précisément là que le bât blesse. Si Dieu – Isaïe le rappelait – ne juge pas d’après les apparences, il ne le fait pas plus en considérant un droit, une prétention, un patrimoine génétique ! Nous aurions de pareilles excuses : nous sommes baptisés, nous sommes pratiquants, nous savons ce que c’est la charité… alors, de grâce, mon Père, allez donc parler à d’autres de la conversion, allez donc en enquiquiner d’autres avec une démarche de réconciliation… Oui, mais si l’amour de Dieu nous est acquis, si, sacramentellement dans le baptême, notre personne en est changée, et si nous usions de cette grâce comme un dû, alors nous étoufferions en nous la vie de Dieu nous réduisant à traiter avec lui comme on le fait avec un marchand. Quand Jean dénonce une pareille attitude, sa parole se fait entendre aujourd’hui encore : elle nous appelle à nous recevoir de Dieu.

III.- Traduire en actes la grâce de la conversion

Après avoir compris la nécessité de la conversion, après avoir écarté les faux prétextes, il faut encore nous rappeler que c’est concrètement qu’il faut mettre en œuvre notre conversion. Ne nous contentons pas de rester aux stades des pieux et bons sentiments ! Quand Jean évoque le « fruit digne de la conversion », il n’entend pas une singulière manifestation pieuse ou morale, mais la transformation de toute la conduite de l’homme. Une conversion qui ne se traduirait pas en des actes concrets, qui ne travaillerait pas à un changement radical et profond, qui ne déploierait pas jour après jour la grâce de notre baptême ne serait qu’une opération de marketing ou de publicité qui attirerait sur nous les feux des projecteurs de l’admiration de notre entourage. Vantardise, hypocrisie et mensonge que cette soi-disant conversion ! Nous sommes sans doute en train de préparer nos cadeaux de Noël, expression concrète de l’amour que nous portons à nos proches. Eh bien, la conversion aussi est un cadeau que nous fait l’Esprit-Saint ! Trouvons-lui donc une forme concrète pour notre joie et celle de notre entourage. Certes, Jean-Baptiste désigne plus grand que lui le Christ, et le baptême dans « l’Esprit-Saint et le feu » sera plus décisif que le rite de purification au Jourdain, mais chaque chose en son temps. Nous avons besoin d’étapes et de rites pour avancer. Reconnaître son péché et changer sa vie en conséquence est un excellent moyen pour accueillir le Royaume des cieux alors qu’il se fait tout proche.

Jamais le règne de Dieu n’a été si proche de nous qu’à l’instant où je vous parle et Monsieur de la Palisse ne me contredirait point, alors quels fruits de conversion offrirons-nous dans quelques jours à l’Enfant de la Crèche, au Dieu-parmi-nous ?


AMEN.

Michel Steinmetz +