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Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 31 janvier 2009

Homélie du 4ème dimanche du Temps Ordinaire (B) - 1er février 2009

Le « temps ordinaire », comme on l’appelle, nous fait cheminer avec Jésus dans l’ordinaire de sa vie publique. Les évangélistes nous associent à ce qu’ils ont pu vivre au quotidien avec lui, à ce qu’ils ont pu comprendre de sa mission et de son enseignement. Ils nous livrent leurs témoignages de croyant.
Ainsi, Jésus, après avoir appelé à lui ses tout-premiers disciples, les emmène sur les chemins de Palestine. Ils arrivent à Capharnaüm. Le jour du sabbat, ensemble, ils vont à la synagogue. Dans cette scène, Marc associe l’enseignement de Jésus et sa victoire sur l’esprit du mal comme une seule et même manifestation d’autorité venue de Dieu.
Bien sûr, sans doute, êtes-vous saisis, comme moi, par l’acte d’amour et de générosité que pose Jésus face à cet homme torturé par le démon. Il le soulage de son mal. Mais ne fait-il que cela ? Non.
Nous aussi, suivons Jésus pas à pas dans l’ordinaire de cet épisode pour y faire la même expérience que celle qui poussa Marc à la raconter comme déterminante dans son évangile.

I.- « Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait ».

Marc ne nous dit pas ce que fait Jésus en arrivant à Capharnaüm, là où il s’installe, comme il vit, qui il rencontre. Il précise que, dès le sabbat arrivé, il se rend à la synagogue, comme tout bon juif fidèle aux prescriptions de la Loi. Il y prend la parole. Ce n’est pas un honneur spécifique qu’on lui rend, c’est une chose normale pour tout homme juif adulte sachant lire distinctement l’hébreu.
Là où Jésus impressionne son auditoire, c’est par l’ « autorité » qui se dégage de ses paroles. Pas une autorité de petit chef, de démago mais une autorité qui s’impose d’emblée. On rencontre parfois de ces personnes qui nous laissent bouche bée, non tant par les paroles qu’elle prononce mais par la manière dont elles les habitent en vérité et en sagesse. Jésus est de cette trempe. Quand il parle, il n’y a plus rien à ajouter. Tout est dit. Dieu a parlé. Pour ce bon peuple juif réuni ce jour-là à la synagogue de Capharnaüm, le contraste est grand avec les habituels scribes, interprètes attitrés et spécialistes des Ecritures, qui, eux, se retranchent derrière l’autorité des textes ou de la tradition.
Jésus en impose par son autorité, pour la bonne et simple raison qu’il la vit comme un don de son Père. Il ne possède rien en propre, sinon ce dont le Père le gratifie. Parler avec une autorité, sage et intérieure, n’est pour lui que la joyeuse réponse au don de Dieu.
Cette autorité-là, on peut s’y soumettre, car, précisément, elle n’avilit pas, ne soumet pas, n’enchaîne pas : elle libère et fait grandir.

II.- « Il y avait dans leur synagogue un homme possédé par un esprit mauvais ».

C’est dans ce contexte d’enseignement qu’il nous fait saisir le geste de Jésus envers ce pauvre homme. Sans doute avait-il certes pitié de lui et voulait-il sincèrement lui venir en aide… Mais, nous ne pouvons aussi passer sous silence, que c’est justement alors qu’il enseignait que Jésus réalise ce miracle.
Ce sont là en quelque sorte des travaux appliqués : après la leçon, la démonstration ! L’homme interpelle Jésus : l’esprit mauvais, en lui, est, comme toute l’assistance, impressionné par tant d’autorité. Il en est même dérangé : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? ». Le mal ne résiste pas à la parole qui vient de Dieu : il y tremble et y voit sa perte. Il comprend que son pouvoir sur l’homme touche à sa fin. « Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu ! ». Dieu seul est saint et sa sainteté s’attache à ce qui lui appartient ou lui est consacré : alors, oui, Jésus est le Saint de Dieu par excellence, étant Christ et Fils de Dieu !
Rendez-vous compte, dans l’évangile de Marc, le premier à reconnaître la véritable identité de Jésus est le démon ! Les scribes n’y comprennent rien, ils s’interrogent : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un commandement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent ! ». Le démon, quant à lui, a compris. L’enseignement de Jésus est nouveau ; « il ne parle pas comme un maître, mais comme le Seigneur, dit saint Jérôme. Son propos ne se référait à aucune autorité supérieure, il parlait en son nom propre. »

« Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée ».

Et nous ?
1. Comment accueillons-nous Jésus ? comme une star de l’humanitaire qui nous invite à faire de même ? comme celui qui agit au nom de Dieu et en nous le révélant ?
2. Comment nous situons-nous par rapport à son autorité ? Prenons-nous le temps de nous représenter cette scène de l’évangile ? Ressentons-nous la même admiration que l’auditoire de Capharnaüm ? Nous laissons-nous enseigner ?
3. Comment exerçons-nous l’autorité au sein de nos familles, dans notre vie professionnelle, ecclésiale ou sociale ? Comme une volonté imposée à d’autres ou avec le souci permanent de les faire grandir ? Avons-nous le sentiment qu’elle est une responsabilité que Dieu met entre nos pauvres mains ?
4. Faut-il que l’auteur des forces du mal, le démon – appelez-le comme bon vous semble, reconnaisse la puissance de Jésus avant nous ? Sommes-nous si lents à croire que sa parole est sûre parce qu’elle est de Dieu ?

AMEN.

Michel Steinmetz †

jeudi 29 janvier 2009

Colloque de l'Institut Supérieur de Liturgie - 29 au 31 janvier 2009


Participation au Colloque "Liturgie et sacralité"
de l'Institut Supérieur de Liturgie
de l'Institut Catholique de PARIS

(29-31 janvier 2009)


Il s'agira, dans l'après-midi du vendredi 30 janvier d'envisager la notion de "sacré" appliquée à des domaines précis de la discipline liturgique :

• La catégorie de sacré dans les textes du magistère romain
sur la musique liturgique à l’époque contemporaine
• La notion de sacré dans la littérature française du XXe siècle
• Approches du sacré en milieu populaire
• Sacralisation ou sanctification dans les rituels du mariage ?
• Sacré et liturgie en contexte oecuménique
• Sacré et initiation chrétienne dans le monde contemporain ?
Conséquences sur la transmission de la foi aujourd’hui

avec R.P. Sébastien ANTONI, responsable diocésain, Lyon
Mme Hélène BRICOUT, directeur adjoint ISL, ICP
Frère Isaïa GAZZOLA, doctorant ICP, enseignant ISL
M. l’Abbé Jean-Baptiste SÈBE, Rouen, doctorand ICP
M. Joël SÉRARD, responsable diocésain, Coutances
M. l’abbé Michel STEINMETZ, doctorant ICP, Strasbourg


Argumentaire de l'atelier sur la musique :

Le qualificatif « sacré » entend, bien souvent aujourd’hui encore, désigner une musique propre à la foi chrétienne, se distinguant plus ou mois nettement d’une musique « profane ». Rares ne sont pas les occasions où les uns entendent imposer leur vision d’une telle musique sacrée en opposition à d’autres, tous recourant à des questions répertoriales de fait. Il y aurait donc un certain, ou certains, type(s) de musique qui conviendrai(en)t alors que d’autres seraient à bannir du sanctuaire. Il s’agira, à travers une sélection de textes magistériels de la période contemporaine, d’étudier précisément la notion de « sacré » et d’envisager sa pertinence, son actualité et son sens quand les textes tentent de définir la « musique sacrée » et/ou de lui assigner sa charge propre dans la liturgie. La période retenue va de Pie X à Jean-Paul II, en passant, bien évidemment par les sources conciliaires. Pie X est communément retenu comme référence éminente dans les textes postérieurs ; et nous avons fait le choix d’aller jusqu’à Jean-Paul II inclus sans délibérément traiter les écrits de Benoît XVI : il aurait fallu mettre en rapport à la fois aux études du professeur, puis du cardinal et enfin du pape Ratzinger, ce que le temps imparti à l’atelier ne permet pas. Nous retiendrons à travers l’étude des sources sélectionnées plusieurs angles d’approche de la question :
1. Quelle est éventuellement l’évolution de l’utilisation du qualificatif « sacré » à travers le XXème siècle en ce qui concerne la musique ?
2. Le recours au qualificatif « sacré » est-il fondé ou bien son emploi ne relève-t-il plus que d’une acception désormais courante ?
3. Quel est le lien entre la charge propre (comme finalité ou objectif) de la musique et celle de la liturgie en ce qui concerne la catégorie du « sacré » ?
4. De quel rapport spécifique de la foi chrétienne à la mondanité le « sacré » appliqué à la musique est-il porteur ?
5. Concernant l’Eglise, le « sacré » en musique peut-il se révéler une catégorie pertinente pour révéler l’épiphanie de son mystère et son identité ?


Le programme du colloque et l'affiche sont disponibles sur le site : www.icp.fr

samedi 24 janvier 2009

Homélie de la fête de la conversion de l'Apôtre Paul - 25 janvier 2009

De manière exceptionnelle, on célèbre aujourd’hui la fête de la conversion de saint Paul, et non la liturgie du 3ème dimanche du temps ordinaire. Cette année est en effet tout entière consacrée à l’apôtre des nations à l’occasion du bi-millénaire de sa naissance. En même temps, ce dimanche clôture la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Bref un dimanche ordinaire qui sort de l’ordinaire !
Qu'était Paul avant sa conversion ? Un pharisien au caractère bien trempé et instruit dans la fidélité à la loi de Moïse. Sa pratique radicale de la foi juive le conduit à persécuter ce que le judaïsme d’alors considérait comme une secte dangereuse puisqu’elle reconnaît en l’homme Jésus le propre Fils de Dieu – c’est bien ce que les chrétiens proclament et ce qui lui apparaît tout à la fois inimaginable et blasphématoire.
Et puis, il y a l'évènement du chemin de Damas qui va le marquer au fer rouge. Il est terrassé, ébloui à jamais par la rencontre mystique avec ce Jésus dont il est seul à entendre la voix sans visage : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?... Je suis Jésus... » Ce Jésus qui était mort, voilà qu’il prend l'initiative de lui parler comme un vivant. Quand Paul lui demande ce qu’il doit faire, la voix ne lui donne pas d'autre consigne que d'aller trouver la communauté qui est à Damas, celle justement qu’il s’apprêtait à arrêter, juger et exécuter... « Relève-toi et entre dans la ville : on te dira ce que tu dois faire ». Le Ressuscité ne lui parlera plus dès lors en direct. Désormais c’est par sa communauté qu’il recevra son message.

I.- L’actualité de l’expérience de Paul.

Retenons d'abord l'actualité de l'expérience de Paul. On n'est pas chrétien par l'attachement à certaines valeurs ou à une sagesse de vie. On ne demeure pas chrétien par la force de l’habitude et la seule mise en pratique de commandements. On devient chrétien par la rencontre personnelle de Jésus ressuscité. Tout le travail des parents ou des catéchistes est de la préparer. Elle appartient entièrement à l'initiative divine et à la liberté de celui qui l'accueille. Paul doit faire tout un chemin intérieur pour grandir dans la foi au Christ ressuscité. Il en va de même pour chacun de nous. Il nous faut peu à peu laisser le Christ demeurer en nous et nous transformer de l’intérieur, pour que tout notre être et toute notre action soient habités par le Seigneur et que notre foi libère et oriente notre vie quotidienne. Cette conversion peut se vivre dans la radicalité de la rencontre, comme cela a été le cas pour l’Apôtre sur le chemin de Damas, mais elle exige aussi une volonté à remettre sans cesse sur le métier à tisser de notre quotidien.
Comme « il ne voyait rien, on le prit par la main et on le conduisit à Damas » (Actes 9, 8). Trois jours durant Paul reste aveugle, ne mangeant ni ne buvant rien. Sans doute est-il plongé dans la prière. Avant même son baptême, il va vivre trois jours dans l’obscurité, chiffre ô combien symbolique, avant de retourner à la lumière, une lumière nouvelle, celle de la foi au Ressuscité : ainsi est-il d’une certaine manière plongé avec le Christ dans la mort pour renaître avec lui à la vie.
Au même moment Ananie a lui aussi une vision. L'ordre divin est sans appel : « Lève-toi, va dans la rue Droite, et cherche chez Jude : tu demanderas un homme appelé Saul, de Tarse. Il est en prière… ». A ces mots, il est terrifié tant la réputation de Saul est inquiétante : « Seigneur, j'ai beaucoup entendu parler de cet homme, et de tout le mal qu’il a fait à tes fidèles de Jérusalem. » Mais le Seigneur le rassure : «Va ! Cet homme est l’instrument que j'ai choisi pour faire parvenir mon nom auprès des nations païennes, auprès des rois, et des fils d’Israël » (Actes 9, 10). Surmontant sa crainte, il ose saluer Paul avec ces mots extraordinaires : « Saul, mon frère... » Aussitôt il retrouve la vue. Ananie lui confirme sa vocation et, l'entraînant aussitôt vers le Barada, la rivière qui traverse Damas, il le baptise.

II.- La médiation de l’Eglise.

Gardons-en une seconde leçon. On ne peut rien vivre du Christ sans accepter de passer par les frères. Ou pour le dire en termes plus théologiques, on ne peut rien sans passer par l'Eglise. Car on n’est pas chrétien tout seul. Un chrétien qui voudrait vivre sa foi tout seul se fera sa petite religion à lui, il se constituera un dieu à sa mesure et il n’acceptera plus de recevoir de l’Eglise à la fois l’enseignement des mystères et la grâce qui nous vient par les sacrements. Paul lui-même dans sa conversion est conduit par le Christ à la rencontre de la communauté : c’est désormais par son Eglise et en référence à elle que Paul vivra sa condition d’Apôtre.
La foi se célèbre ; pour nous, la rencontre avec Jésus se réalise tout particulièrement dans l’Eucharistie dominicale. Nous y rencontrons Jésus au moins de trois manières : dans la communauté chrétienne rassemblée, qui est le Corps du Christ ; dans la Parole de Dieu, car c’est Dieu qui nous parle ; dans le pain et le vin consacrés où le Christ est réellement présent.
La conversion de Paul prend sa source dans la découverte qu'il fait de l'amour inouï, gratuit, miséricordieux que Dieu lui porte. Le visage d'amour que Jésus lui révèle est une illumination qui efface l'image qu'il s'était faite jusque là d'un Dieu tout-puissant et exigeant à qui on doit avant tout obéissance et soumission. Apprendre à ne compter que sur l'amour miséricordieux que Dieu nous porte à n'être motivé que par l'amour dans tout ce que nous faisons, n'est-ce pas le but vers lequel tend notre propre conversion?

La conversion de Paul est une manifestation des merveilles que peut accomplir la grâce du Seigneur dans une âme qui ne répond pas à demi à l’appel qu’elle a entendu. « Je sais à qui j’ai fait confiance », dit Paul. Puissions-nous en cette fête de sa conversion, prendre ces paroles à notre compte pour vivre notre propre et constante conversion « au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » !

AMEN.

Michel Steinmetz †

vendredi 16 janvier 2009

Homélie du 2ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 18 janvier 2009

Le début du temps ordinaire est marqué par l’appel des deux premiers disciples. Saint Jean n’en fait pas seulement le récit, ou plutôt, se faisant, il en montre la portée spirituelle alors que Jésus débute son ministère public. Plus encore, cet itinéraire auquel convie ce passage de l’évangile est riche d’enseignement pour nous qui désirons nous mettre nous-mêmes en route à la suite de l’unique Seigneur.Six paroles ponctuent ces sept versets : ce sont celles du Baptiste, des deux disciples – dont l’un est André, le frère de Simon-Pierre –, et de Jésus.
En les méditant, comme elles se présentent et s’enchaînent dans le récit, nous pourrons emprunter ce même itinéraire bouleversant de foi en profitant de ces paroles comme de jalons disposés sur la route vers le Christ.

I.- « Voici l’agneau de Dieu ! »

Les deux disciples dont parle Jean ont besoin que quelqu’un leur désigne Jésus. Sans doute, bien évidemment, ont-ils été témoins ou informés de ce qui s’est passé lors du baptême de Jésus au Jourdain. Sans doute, disciples de Jean, ont-ils profité de la prédication du Précurseur sur la venue du Messie tant attendu. Mais il est nécessaire que Jean-Baptiste désigne expressément Jésus comme l’« Agneau de Dieu ». L’expression fait d'abord référence au livre d'Isaïe, au chapitre 53 où le prophète parle d'un "serviteur de Dieu". On ne sait pas de qui il s'agit : de lui-même, ou du peuple d'Israël, ou du Messie. En tout cas, des siècles avant Jésus-Christ, il décrit comme s'il y assistait la passion de Jésus. Il dit : « Comme un agneau qu'on mène à l'abattoir, il n'a pas ouvert la bouche...Nous l'avons vu, il n'avait ni beauté ni éclat, le dernier des hommes, un homme voué à la souffrance ». L'expression fait également référence à un épisode central de l'histoire sainte : le passage de la Mer Rouge. Juste avant de fuir la terre de l'oppression, les Israélites ont tué un agneau dans chaque famille, ont pris le sang de l'agneau pour badigeonner la porte de leur maison, puis ont mangé l'agneau. Depuis cette première « pâque », et jusqu'à aujourd'hui, on célèbre toujours le mémorial du « passage » en mangeant l'agneau pascal. Souvent l’art a choisi de représenter Jean à ce moment de l’évangile en le faisant pointer du doigt Jésus. Car il est Celui qu’il faut suivre désormais. La voix qui crie dans le désert est appelée à se taire devant la Parole de Dieu fait chair. Voici l’agneau de Dieu, lui seul est capable d’enlever le péché du monde.

II.- « Que recherchez-vous ? »

Jésus remarque ces deux hommes interrogatifs, dubitatifs et curieux. Il leur adresse la parole. Il ne leur demande pas qui il cherche, car il sait bien, mais ce qu’ils recherchent. Quel est le sens de leur démarche ? Qu’attendent-ils ? Qu’espèrent-ils ? Que comptent-ils trouver ? Jésus, avant de s’exprimer, s’intéresse à eux, à ce qu’ils sont : il les écoute et les reconnaît dans leur quête de sens.

III.- « Maître, où demeures-tu ? »

Curieuse réponse de la part de ces hommes. Ils ne disent rien de leurs attentes, ne parlent pas d’eux-mêmes, ne s’étalent nullement en confidences intimes. Et pourtant, ils disent tout ; ils viennent d’exprimer leur désir massif et entier de suivre Jésus. Où demeures-tu ? pour que nous y demeurions avec toi. Introduis-nous en ta demeure puisque que nous savons que tu es dans le Père et nous savons que quiconque partage ton intimité est introduit dans celle de Dieu. Apprends-nous à demeurer en lui comme toi tu demeures en lui.

IV.- « Venez et vous verrez ! »

Jésus les invite à le suivre. Il répond à leur demande et, par ses paroles, authentifie leur démarche. Ce qu’ils lui demandent – demeurer avec lui – il leur accorde. Il propose et n’impose rien cependant. André et son ami restent libres de repartir. Venez et vous verrez : vous constaterez par vous-mêmes. Vous vous ferez votre propre opinion en dépassant ce qu’on a pu vous dire. Votre vérité se fondera dès lors sur celui qui « chemin, vérité et vie ». En venant, vous verrez ; en voyant, vous croirez ; en croyant, vous demeurerez en Dieu.

V.- « Nous avons trouvé le Messie ! »

Comme au début du récit, une parole de foi est prononcée. Elle ne vient plus, cette fois, de Jean-Baptiste mais d’André. Il s’adresse à son frère Simon. Il témoigne auprès de lui de ce qui vient de se passer. La rencontre avec Jésus l’a mis à ce point en marche qu’il invite d’autres à les rejoindre. Jésus n’a pas fait de miracle, n’a prononcé aucune parole extraordinaire, il a tout simplement accueilli ces hommes qui « restèrent auprès de lui ce jour-là ». Ce petit jour a suffi pour qu’ils prennent à leur compte la foi énoncée par le Baptiste. Plus encore, Jésus n’est pas seulement l’agneau de Dieu, il est le Messie, autrement dit le Christ.

VI.- « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képha. »

Jésus pose son regard sur Simon qui lui amène André. La rencontre est si forte dans l’ordre de la foi qu’elle bouleverse quelque chose à l’intime de nous-mêmes. Quand nous rencontrons vraiment le Christ, quand nous faisons vraiment l’expérience de sa présence vivante, quand nous nous mettons vraiment à sa suite, nous ne sommes plus tout à fait pareils. Quelque chose a changé en nous. Nous demeurons là où demeure le Christ, nous sommes dans le Père au point que notre identité en ait modifié. « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képah. » Tu es fils d’homme ; tu seras désormais et pour toujours fils de Dieu.

AMEN.

† Michel Steinmetz

samedi 10 janvier 2009

Homélie de la fête du Baptême du Seigneur (B) - 11 janvier 2009

Imaginez un instant la scène qui se déroule ce jour-là sur les rives du Jourdain. Là au bord de la rivière, un groupe de personnes s’affairent. Au milieu d’elles, un homme étrange mais dont tout le monde parle. Il intrigue, il dérange. Certains voient en lui un illuminé, d’autres un prophète. Il annonce que tout bientôt viendra l’Envoyé de Dieu, le Messie. Il affirme qu’il vient tout juste derrière lui. Cet homme, c’est Jean-Baptiste. Autour de lui se pressent ses disciples, hommes et femmes de la région venus à lui et poussés par un désir d’une vie spirituelle forte. Ils sont en recherche, ils désirent un changement, ils croient que les promesses de Dieu vont se réaliser sous peu. Jean pratique un rite curieux : il les plonge dans les eaux du Jourdain et les baptise. Pour Jean, il s’agit là d’un geste préparatoire à la venue du Messie, authentifiant la démarche de conversion de ces gens. Le Messie, lui, baptisera dans l’Esprit Saint. Jean connaît le Messie, ou plutôt il le reconnaît dès que Jésus s’approche de lui et lui demande à son tour le baptême. Son cousin, qui l’avait fait tressaillir de joie alors qu’il n’était encore que dans le ventre de sa mère Elisabeth, se tient là devant lui. L’évangéliste Marc ne donne que peu de détails sur cette rencontre entre les deux hommes maintenant adultes. Peu importe, d’ailleurs.
Car dans cet épisode au Jourdain se manifeste la gloire de Dieu qui est en Jésus. C’est là l’essentiel. Nouvelle épiphanie d’un Dieu qui révèle sa présence à son peuple.

I.- La victoire sur le péché

Jean est donc en train de baptiser alors que Jésus s’approche de lui. Les eaux sont le symbole des forces de la mort. En y descendant, Jésus montre qu’avec lui, ce sont toutes les forces de mal et de mort dont la condition humaine est porteuse qui sont définitivement ensevelies. Seul Jésus pouvait réaliser cela : déjà c’est sa mort et sa résurrection qui sont mystérieusement annoncées. Car Jésus remonte hors de l’eau : « il voit les cieux se déchirer et s’ouvrir », comme le dit Isaïe, alors qu’Adam les avait fermés pour lui et sa descendance, quand il fut expulsé du paradis.
Saint Jean pour sa part annonce trois témoins : « l’Esprit, l’eau et le sang, qui tous trois se rejoignent en un seul témoignage » (2nd lect.). Au baptême, ils ne sont encore que deux à témoigner : l’eau et l’Esprit ; ou plutôt l’Esprit reposant sur les eaux, « couvant » la création nouvelle (cf. Gn 1, 1) qui surgit du Jourdain en la personne du Christ. Au Golgotha Jésus témoignera lui-même, en versant son « sang » (troisième témoin) pour nous, c’est-à-dire en descendant dans notre mort afin que nous puissions vivre de sa vie. Nous retrouvons d’ailleurs les trois témoins au pied de la Croix : Jésus « remet l’Esprit » (Jn 19, 30), un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; « et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19, 34). Ce triple témoignage, c’est celui que « Dieu lui-même rend à son Fils » (2nd lect.), afin que nous croyions « que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu », et qu’ainsi nous soyons « vainqueur du monde », en étant « vraiment né de Dieu ».

II.- La révélation de l’amour de Dieu

Si l’évangéliste est discret sur le baptême en lui-même, toute l’attention se porte plutôt sur ce qui se passe au moment où Jésus « sort de l’eau ». Il « voit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe ». Saint Marc suggère que le Christ est le seul à avoir vu l’Esprit. Par contre tous les assistants ont pu entendre la voix qui du ciel se fit entendre, et qui en s’adressant à Jésus, révèle son identité : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour ». Le baptême de Jésus se situe bien dans le prolongement de l’épiphanie que nous avons célébrée dimanche dernier : comme à la crèche avec les mages, ou comme à Cana avec la transformation de l’eau en vin, quelque chose de décisif nous est manifesté de l’identité de Jésus, et cette fois par l’action de l’Esprit et par la voix du Père lui-même. Certes c’est à son Fils que le Père s’adresse, mais le caractère public de ce dialogue d’amour trahit son intention : manifester aux yeux de tous celui dont Dieu « a fait un témoin pour les nations, un guide et un chef pour les peuples » (1ère lect.). Pourquoi l’Esprit devait-il descendre sur Jésus au Jourdain ? N’était-il pas le Fils bien-aimé depuis toute éternité ? Certes, Jésus n’est pas choisi ce jour-là par Dieu, il n’est pas « adopté » comme Fils par le Père. Il est Fils depuis toute éternité, mais aujourd’hui Dieu manifeste à tous l’identité de Jésus. C’est ce qu’exprime saint Irénée de Lyon : « En Jésus, l’Esprit Saint s’habituait à demeurer en l’homme et à se reposer parmi les hommes ». C’est donc pour nous que Jésus s’immerge aujourd’hui dans les eaux du Jourdain et dans les grandes eaux de la mort, afin de nous ressusciter avec lui dans la puissance de l’Esprit que le Père envoie sur tous ceux qui par la foi, entrent dans « l’Alliance nouvelle et éternelle » (1ère lect.) qu’il a scellée avec nous dans le sang de l’Agneau, et qu’il renouvelle pour nous à chaque Eucharistie.

Chacun de nous a été baptisé. Non d’un rite marquant notre démarche de conversion mais du baptême à la suite de Jésus, baptême dans l’eau et l’Esprit. Jésus a pris sur lui – et le sang de la croix en rend témoignage – notre faiblesse pour l’ensevelir définitivement et faire rayonner la vie à jamais. Comme cela a été le cas pour lui, la voix venant du ciel s’est fait entendre, un jour pour chacun : « tu es mon enfant bien-aimé, en toi, je mets tout mon amour ». Nous avons été établis fils du Père dans le Fils. Cette voix, l’entendons-nous ? Car elle me parle pour m’avertir de ne pas passer, indifférent, à côté de Jésus. Pour l’écouter, le laisser entrer dans ma vie.
J’ai été baptisé. J’ai été plongé dans la mort-résurrection du Fils. Je suis fils, fille du Père. Ma vie le laisse-t-elle transparaître ? Est-elle révélation, épiphanie, de la gloire de Dieu qui habite en moi ?

AMEN.

Michel Steinmetz †

dimanche 4 janvier 2009

Notice à paraître in "Caecilia" N°2/2009 sur la prière du Rosaire

La prière du rosaire demeure populaire et bien vivante de nos jours, bien souvent aux mois de mai et d’octobre dédiés par la dévotion populaire à la Vierge Marie, mais aussi là où des chrétiens se réunissent en l’absence de prêtre. Dans le mouvement du Jubilé de l’An 2000, l’année 2003 lui avait été consacrée par le pape Jean-Paul II qui consacrait aussi à cette prière une Lettre apostolique. Au premier millénaire, le "Psautier du Christ" était une prière chrétienne consistant à réciter 150 Notre Père, en référence aux 150 psaumes de la Bible. Pour ne pas perdre le compte, les fidèles utilisaient un collier de 150 grains, nommé patenôtre, instrument de piété qui est à l'origine des chapelets actuels. Vers le XIème siècle, par analogie, le "Psautier de la Vierge" se développa, consistant en une série de 150 Ave. La dévotion du rosaire était déjà en usage chez les Cisterciens depuis le XIIème siècle et s'est développée au XIIIème siècle sous l'influence des dominicains. C'est pourquoi de nombreux tableaux de la Vierge du Rosaire présentent celle-ci offrant une rose ou un chapelet à saint Dominique.

Il n’est pas étonnant que le pape Jean-Paul II, ayant placé son pontificat sous la protection de la Vierge Marie dans la devise « Totuts tuus », ait consacré une Lettre apostolique au Rosaire[1]. Il entend y faire redécouvrir cette pratique de prière comme un moyen très valable pour favoriser chez les fidèles l'engagement de contemplation du mystère chrétien. Habilement, le pape commence son propos par les objections communément faites au Rosaire.
a. Certains pensent que le caractère central de la liturgie, souligné par le Concile Vatican II, a eu comme conséquence nécessaire une diminution de l'importance du Rosaire. En réalité, comme le précisait Paul VI, cette prière non seulement ne s'oppose pas à la liturgie, mais en constitue un support, puisqu'elle l'introduit bien et s'en fait l'écho, invitant à la vivre avec une véritable participation intérieure, afin d'en recueillir des fruits pour la vie quotidienne.
b. D'autres craignent peut-être que le Rosaire puisse apparaître peu œcuménique en raison de son caractère nettement marial. En réalité, elle se situe dans la plus pure perspective d'un culte à la Mère de Dieu, comme le Concile Vatican II l'a défini : un culte orienté vers le centre christologique de la foi chrétienne, de sorte que, « à travers l'honneur rendu à sa Mère, le Fils [...] soit connu, aimé, glorifié ».[2]
Ces objections dépassées, nous pouvons maintenant retenir trois pistes de réflexion en faveur d’une juste articulation avec la liturgie de l’Eglise : l’orientation christologique du Rosaire, son unique enracinement biblique, la manière de le prier.

I. – L’orientation christologique du Rosaire

Le rosaire se fonde dans l’acte de contemplation :
« Fixer les yeux sur le visage du Christ, en reconnaître le mystère dans le chemin ordinaire et douloureux de son humanité, jusqu'à en percevoir la splendeur divine définitivement manifestée dans le Ressuscité glorifié à la droite du Père, tel est le devoir de tout disciple du Christ; c'est donc aussi notre devoir. » [3]
Le chrétien, contemplant le visage transfiguré du Christ, est appelé à se laisser transfigurer à son image et à refléter sa gloire. Dans cette contemplation du Christ, Marie se présente comme un modèle indépassable : son regard ne se détournait plus du Christ et chacune de ses paroles s’inscrivait dans son cœur (Lc 2, 19). Ce sont ces souvenirs qui, en un sens, ont constitué le “rosaire” qu'elle a constamment récité au long des jours de sa vie terrestre. Le pape Jean-Paul II affirme :
« Lorsqu'elle récite le Rosaire, la communauté chrétienne se met en syntonie avec le souvenir et avec le regard de Marie. »[4]
Sans la contemplation, en effet, le Rosaire est vidé de son sens et il ne devient qu’une répétition mécanique de formules agissant à l’encontre de l’ordre de Jésus : « Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens; ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup, ils se feront mieux écouter » (Mt 6, 7). Toute la dynamique biblique, depuis l’Ancienne Alliance, invite à se souvenir des promesses de Dieu pour en vivre dans l’aujourd’hui de notre existence. C’est pourquoi, même si la liturgie est « le sommet vers lequel tend l'action de l'Église et en même temps la source d'où découle toute sa force »[5], elle n’entend pas enfermer la prière chrétienne qui, pour le croyant, demeure une nécessité spirituelle aussi hors du cadre strictement liturgique. La récitation du Rosaire propose de méditer des moments particulièrement marquants de la vie du Christ, moments regroupés de manière thématique en mystère joyeux, douloureux, glorieux, et, depuis Jean-Paul II, aussi lumineux. Il s’agit donc bel et bien, avec Marie, de mieux connaître le Christ, à mieux se conformer à lui, à mieux le supplier, à mieux l’annoncer.
Ainsi, quand nous prions le Rosaire ou le proposons, quelle est la place réelle (et première) que nous accordons au Christ par la présence d’un Croix ou d’une icône du Christ dans l’espace dévolu à la prière, par le recours à des chants qui acclament le Christ ?

II.- Un unique enracinement biblique

Jena-Paul II qualifie le Rosaire de « résumé de l’Evangile ». En effet, il nous fait entrer dans le mystère du Christ en livrant à notre méditation priante les moments significatifs de sa vie terrestre. Les mystères joyeux[6], lumineux[7], douloureux[8], et glorieux[9] proposés par le Rosaire ne sont certes pas exhaustifs, mais ils rappellent l'essentiel, donnant à l'esprit le goût d'une connaissance du Christ qui puise continuellement à la source pure du texte évangélique.
Le rosaire peut se prier en intégralité durant la journée, mais dans la plupart des cas les mystères sont répartis entre les jours de la semaine : mystères joyeux les lundis et samedis, douloureux les mardis et vendredis, lumineux les jeudis, glorieux les mercredis et dimanche.
150 Ave composent le Rosaire, là encore, comment ne pas faire le lien avec l’Ecriture et plus particulièrement le psautier qui, lui-même, nous fait parcourir la diversité des sentiments humains et constituaient la prière du Christ ?
Quand nous prions le Rosaire, avons-nous à cœur de laisser une place à la méditation de l’Ecriture?

III.- Une manière de prier

Jean-Paul II lui-même proposait quelques points d’attention pour améliorer concrètement la récitation du Rosaire.
- En énonçant le mystère, il est bon de le faire suivre d’une brève parole biblique afin « de laisser parler Dieu »[10].
- Pourquoi ne pas faire suivre cette courte lecture par un temps de silence propice à orienter notre prière, avec Marie, vers le Christ ?
- Le Notre Père, au début du chapelet et en tête de chaque dizaine, rappelle le fondement de la prière en Christ. De même dans le « Je vous salue », c’est le nom de Jésus qui opère comme une charnière entre l’une et l’autre partie de la prière : il sera prononcé avec attention.
- Le « Gloire soit au Père… » conclut la dizaine en rappelant opportunément que toute prière chrétienne se fait toujours au Père par le Fils dans l’Esprit. Cette doxologie peut-être chantée.
- Le chapelet lui-même, qui est l’instrument utile de la prière du rosaire, est conçu comme une chaîne dont la croix constitue le début et la fin. On commencera et conclura toujours la prière par un digne signe de la croix.
- Il est d’un usage courant, et heureux, de commencer le Rosaire par le Credo, montrant ainsi que c’est avec toute l’Eglise, et dans sa foi, que l’on entend prier. On peut terminer le Rosaire par une antienne à la Vierge Marie ou par le chant des litanies.
- Enfin, rien n’empêche de rajouter d’autres chants qui pourront s’insérer par exemple après chaque dizaine. On veillera cependant à ce que leur texte soit le plus possible d’inspiration biblique et qu’ils n’accordent pas à Marie, dans une mièvrerie de mauvais aloi, la place et l’adoration qui reviennent au Christ et vers qui elle nous guide !

« S'il est ainsi vécu, le Rosaire devient vraiment un parcours spirituel, dans lequel Marie se fait mère, guide, maître, et elle soutient le fidèle par sa puissante intercession. »[11] Il introduira aussi avantageusement dans l’intelligence de la liturgie et participant à l’unique louange de l’Eglise à son Seigneur !

[1] Jean-Paul II, Lettre apostolique « Rosarium Virignis Mariae », Rome, 16 octobre 2002.
[2] Vatican II, Constitution dogmatique sur l'Église, n.66.
[3] Lettre apostolique sur le Rosaire, N°9.
[4] Lettre apostolique sur le Rosaire, N°11.
[5] Vatican II, Constitution sur la liturgie, N°10.
[6] Annonciation, Visitation, Nativité, Présentation et recouvrement de Jésus au Temple
[7] Baptême du Christ, Noces de Cana, proclamation du Royaume, Transfiguration, Cène
[8] Agonie de Jésus à Getshémani, flagellation, couronnement d’épines, portement de la croix, crucifixion
[9] Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption et couronnement de la Vierge
[10] Lettre apostolique, N°30.
[11] Lettre apostolique, N°37.

samedi 3 janvier 2009

Homélie de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur - 4 janvier 2009

Dieu se laisse trouver par ceux qui le cherchent !
Il était parfaitement improbable que les mages venus d’Orient rencontrent bel et bien Jésus. Le nourrisson de Bethléem a beau être, le « roi des Juifs », il n’est pas né dans un palais à Jérusalem, et qui aurait l’idée de le chercher dans une bourgade de Judée, au cœur d’un modeste foyer ? On sait à quel point l'attente du Messie était vive au temps de Jésus. Tout le monde en parlait, tout le monde priait Dieu de hâter sa venue. La majorité des juifs pensait que ce serait un roi : ce serait un descendant de David, il régnerait sur le trône de Jérusalem, il chasserait les Romains, et il établirait définitivement la paix, la justice et la fraternité en Israël ; et les plus optimistes allaient même jusqu'à dire que tout ce bonheur s'installerait dans le monde entier.
Les mages n'en savent pas tant : ce sont des astrologues et ils ne partagent sûrement pas la foi et l'espérance d'Israël. En arrivant à Jérusalem, ils vont se renseigner auprès des autorités. Et c'est là, peut-être, la première surprise de ce récit de Matthieu : il y a d'un côté, les mages qui n'ont pas d'idées préconçues ; ils sont à la recherche du Messie et ils finiront par le trouver. De l'autre, il y a ceux qui savent, qui peuvent citer les Ecritures sans faute, mais qui ne bougeront pas le petit doigt ; ils ne feront même pas le déplacement de Jérusalem à Bethléem. Evidemment, ils ne rencontreront pas l'enfant de la crèche.
Les mages nous invitent aujourd’hui à partager leur itinéraire pour aller de l’ouverture du cœur à l’adoration en passant par la méditation des Ecritures.

I.- L’ouverture du cœur

Les Mages sont des païens. Ils sont étrangers au peuple de l’Alliance. Ils n’en partagent ni la culture ni la foi. Que savent-ils des promesses de Dieu à son peuple, si ce n’est peut-être de manière livresque ou parce qu’ils en ont entendu parler ? Leur situation n’est pas celle des fils et des filles d’Israël qui, pour chacun, depuis sa tendre enfance, est baigné dans ce climat de pratique religieuse, d’attente fervente du Messie libérateur. D’autant plus en une période marquée par l’occupation romaine et l’asservissement du peuple à une puissance étrangère. On pourrait penser qu’ils demeureraient étrangers aussi aux signes à eux envoyés par Dieu. Mais c’est sans compter sur la pédagogie divine. Car quand Dieu suscite chez des humains le désir de le trouver, il leur en donne aussi les moyens. Pour s’adresser aux mages, il leur envoie un signe intelligible par rapport à leur propre culture et à leur activité. Puisque ces savants scrutent la voûte céleste, c’est une étoile qui sera messagère du Très-Haut. Un simple point lumineux au firmament, et non une manifestation cosmique effrayante ou exceptionnelle qui s’imposerait d’elle-même, il n’en faut pas plus pour les yeux attentifs et le cœur ouvert des mages.
Il en est de même pour nous : d’une part, Dieu s’intéresse à nous, il nous parle, il tient à se révéler à nous – c’est précisément le sens même du mot « épiphanie » – et il nous donne les moyens de le trouver ; d’autre part, nous sommes en mesure de le rencontrer si nous restons en attitude d’attente comme les mages. Alors Dieu saura répondre à cette attente et chacun, avec ce qu’il est, sera en mesure d’affirmer : à moi aussi, il a été donné de contempler le Seigneur.

II.- La méditation de l’Ecriture


Poursuivons le cheminement des mages. Parvenus à Jérusalem, ils ont besoin, sans le savoir, de la méditation de l’Ecriture, la mémoire des promesses de Dieu. Qu’à cela ne tienne, donc ! C’est Hérode qui, bien malgré lui, va chercher pour eux la réponse et faire résonner l’annonce prophétique. Même ceux qui s’opposent à Dieu deviennent parfois les instruments de sa volonté ! J’aime cet humour de notre Dieu : Hérode croit tout gérer, tout diriger, tout dominer ; en définitive, c’est Dieu qui garde la main. Poussé par sa curiosité et par la crainte de perdre son pouvoir, « pris d’inquiétude », Hérode « réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie ». On lui répond par les paroles du prophète Michée que c’est de Bethléem en Judée que sortira « le berger d’Israël ». Il est évident pour qui connaît les Ecritures – il n’y a qu’à se référer seulement au passage d’Isaïe que nous entendions en première lecture et au psaume 71 – que la venue du Messie instaurera une ère nouvelle et que toutes les puissances seront soumise à celle de Dieu. On comprend l’effroi d’Hérode. Sa perversité, peut-être par instinct de survie dans sa fonction, lui fait envoyer les mages auprès de l’enfant comme ses informateurs.

III.- L’adoration

Le périple des mages s’achève devant l’enfant et sa mère. C’est « une très grande joie » qui est le signe du salut, en écho à la parole d’Isaïe : « Ton cœur frémira et se dilatera ». A l’ouverture du cœur, à la méditation de la parole de Dieu, succède l’adoration et la contemplation. « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois à la clarté de ton aurore », disait Isaïe. Le chemin des mages prend fin à la crèche, mais en fait c’est un nouvel itinéraire qui désormais s’ouvre à eux. C’est celui du « mystère du Christ » qu’ils ont pu contempler, mystère de notre salut dévoilé dans le Christ pour que tous les peuples en soient illuminés (cf. préface). Alors que dans l’Ancienne Alliance, Moïse devait se voiler la face devant le Seigneur, au risque de mourir en le voyant face à face, aujourd’hui des mages païens le visitent, se réjouissent avec Marie et Joseph et reconnaissant en cet Enfant le roi des rois, le Fils de Dieu, Christ crucifié à jamais vivant. Roi des rois par l’offrande de l’or ; Fils de Dieu par l’offrande de l’encens ; Christ crucifié à jamais vivant par l’offrande de la myrrhe.

Les mages n’ont pas fait seulement un beau voyage de leurs exotiques contrées lointaines à la rustique Bethléem en passant par la prestigieuse Jérusalem. Bien au contraire, leur itinéraire s’est enraciné dans leur ouverture d’esprit et de cœur pour les conduire jusqu’à la rencontre du Fils de Dieu dans l’adoration, en passant par la découverte et la méditation des Ecritures.
Bel enseignement pour nous qui, j’en suis sûr, sommes prêts au même voyage vers le mystère du Christ !

AMEN.

Michel Steinmetz †