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dimanche 20 janvier 2019

Prédication à l'occasion de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens - 20 janvier 2019

Eglise réformée St-Paul, Strasbourg
 
Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent. (Ps. 84)
 
Amour et vérité, justice et paix sont des concepts, des valeurs, des vertus, dont le savoureux mélange pourrait nous faire rêver à un monde sans aspérités, à un univers béni, à un autre avenir, y compris pour nos communautés religieuses… Finalement cette alliance de termes est le rappel que, dans la quête de Dieu, il n’y a pas de route unique. Il y a plusieurs chemins. Et en raison du poids de l’Histoire, mais aussi de la faiblesse et du péché des hommes, ces chemins s’obstinent parfois à demeurer parallèles au point donc de ne jamais converger. Si c’est le cas, ils rateront assurément leur fin, à l’instar des fameux Holzwege heideggériens, des chemins qui ne mènent nulle part et finissent par se perdre. Par contre quand ces chemins sont empruntés comme un moyen d’atteindre le même but, ils se retrouvent comme puisant à la même source de leur énergie et de leur dynamisme. Cette source, c’est le Christ qui rassemble en Lui ce que l’humanité se plaît à disperser (cf. Jn 11, 52). Car en Lui il n’y a pas d’alliance factice de concepts, de petits arrangements entre amis. Cela n’est pas possible. « Que votre oui soit oui, que votre non soit non » (M 5, 37). La suite du Christ ne souffre aucune tiédeur. L’Ecriture nous le rappelle au livre de l’Apocalypse : « je connais tes actions, je sais que tu n’es ni froid ni brûlant – mieux vaudrait que tu sois ou froid ou brûlant. Aussi, puisque tu es tiède – ni brûlant ni froid – je vais te vomir de ma bouche » (Ap 3, 15-16). Radicalité de la vie évangélique. Et celui qui trouverait quelque compromission avec l’esprit de la mondanité, celui-là serait un contre-témoignage.
 
Le Christ se laisse trouver par des chemins divers qui sont autant d’expressions de nos traditions respectives et de nos histoires. Comme d’ailleurs au sein de nos propres confessions et traditions spirituelles. Le catholique, pour ne parler que de lui, en conviendra : la vie bénédictine ne saurait se confondre avec l’âme franciscaine, pas plus que la compétence dominicaine pour la prédication avec le charisme du discernement ignatien. Pourtant chacune de ses spiritualités est habitée de cette passion dévorante à trouver le Christ en vérité et à vivre dans la communion avec lui.
 
Oui, le Christ est un mystère unique qui se révèle et suppose de l’accueillir. Il n’est pas l’avatar d’une réalité virtuelle que nous pourrions transformer à l’envi, suivant nos modes et nos désirs. Il n’est pas un veau d’or balloté dans le concert des subjectivismes et des relativismes. Il n’est pas la projection de ce que nous pouvons imaginer ou rêver de Lui ni de son Eglise. Il est une réalité objective ; il est une personne.  Cette personne, nous la découvrons et nous avons accès à elle par le témoignage de l’Evangile et que les prophètes ont annoncé et esquissé. En Lui, c’est Dieu qui se donne. Et nous ne pouvons dès lors tricher dans cette quête. Voilà pourquoi il est si important que nous nous redisions que les chemins qui mènent à Lui sont nombreux et légitimes mais valables uniquement quand, en vérité, ils trouvent en Lui leur source et leur achèvement. Une purification de nos propres recherches s’impose à nous. L’œcuménisme nous apparaîtra non comme une négation ou un refus de ces chemins, mais bien plus comme le respect de ces approches et de nos identités particulières qui ont à être converties lorsqu’elles en viendraient à perdre de vue leur but : le Christ accueilli dans son mystère.
 
Il faut saluer en ce sens toutes les propositions qui peuvent nous faire nous rencontrer dans la légitimité de nos différences et qui nous découvrent mutuellement comme des disciples du Christ. Et comme se plaît à le rappeler souvent le pape François : ces dernières années sont pour nous autres chrétiens le lieu d’une authentique communion qui est celle du martyre, c’est-à-dire du témoignage suprême qui ne se paye pas de mots, mais accepte de livrer sa vie. Aucun de nos frères et sœurs n’a été mis à mort, en Irak, en Syrie, ou ailleurs dans le monde, parce qu’il était d’abord catholique, baptiste, réformé, syro-malabare, anglican ou orthodoxe. Leurs bourreaux ne leur ont pas demandé quelle était leur confession. Ils ont été mis à mort, égorgés, crucifiés, abattus, tout simplement parce qu’ils étaient chrétiens, disciples de Jésus-Christ. Certains parmi nous pourraient témoigner de cette haine du monde qu’ils ont côtoyée. Voilà donc que cet œcuménisme se vit d’abord dans le témoignage, celui d’une vie donnée et offerte.
 
L'œcuménisme se découvre à nous de fait non comme la projection de nos désirs ou la résultante d’une opinion majoritaire. L’œcuménisme ne consiste pas à rogner un peu à droite, ou à gauche, ou en haut, ou en bas car le mystère du Christ dépasse de loin ce qu’on peut en imaginer. Nul n’en connaît est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur comme le rappelle l’apôtre Paul (cf. Eph 3, 18). L’œcuménisme n’est pas en outre le plus petit dénominateur commun sur lequel nous pourrions nous entendre, qui reviendrait d’ailleurs à nous nier nous-mêmes dans notre identité propre, notre spécificité ou la richesse de notre tradition. Il trahirait le Christ. L’œcuménisme dépasse le consensus généralisé. Il est le respect de nos différences. Il nous pousse à nous mettre en marche les uns les autres en nous reconnaissant comme des chercheurs de Dieu.
 
Cette découverte et cette estime réciproques nous pouvons les vivre de manière particulière quand nous acceptons de partager la même table, mais aussi quand nous sommes les héritiers d’une histoire humaine commune, ainsi que nos églises St-Paul et St-Maurice en sont le signe dans cette Neustadt. C’est encore un œcuménisme de la culture. Ici en Alsace, peut-être plus qu’ailleurs, nos confessions chrétiennes savent l’interpénétration et l’enrichissement réciproques dont nos quêtes spirituelles sont redevables les uns aux autres. Je peux témoigner, par mes responsabilités diocésaines, que l’orgue, par exemple, est un lieu d’œcuménisme admirable et manifeste. Quelle joie pour les catholiques de goûter à  la plénitude harmonique d’un Bach et que seraient les chorals luthériens sans la ligne mélodique souvent inspirée de celle du plain-chant grégorien ! Le génie de l’homme, quand il se laisse façonner par Dieu, sait produire des chefs-d’œuvre. Quand il met en musique la Parole de Dieu, cette dernière résonne avec plus d’ampleur et d’efficacité. Elle s’inscrit dans la mémoire du cœur. Le chemin de l’homme croise celui de Dieu. Qu’aujourd’hui l’amour et la vérité, la justice et la paix se lient en nous comme une gerbe : c’est Dieu que nous aurons lié à notre vie. Et Lui nous permettra de nous rencontrer dans l’unité de la vérité et de la droiture.
 
 
Michel Steinmetz 

vendredi 11 janvier 2019

Homélie de la fête du Baptême du Seigneur (C) - 13 janvier 2019

Pourquoi sommes-nous baptisés ? Les raisons que les parents qui demandent le baptême pour leur enfant à l’Eglise invoquent, nos propres motifs peuvent être divers, et disons-le légitimes. Etre protégés du mal, faire partie de la communauté chrétienne, entrer dans la lignée des croyants, être aimé de Dieu, etc… Toutes ces raisons cependant pourraient se résumer en une autre, majeure et décisive : devenir enfant de Dieu. C’est-à-dire, au sens le plus fort du terme, entrer dans sa parenté et découvrir que ce Dieu qui nous engendre à la vie est pour nous un père attentif et aimant.
Si nous sommes baptisés pour devenir enfants de Dieu, il faut bien le reconnaître : pourquoi Jésus est-il baptisé au Jourdain ? Il n’a pas à devenir ce qu’il est déjà : le propre Fils de Dieu. Pour bien comprendre ce que nous célébrons aujourd’hui, nous devenons revenir à ce qui nous rassemblait dimanche dernier et qui a été le programme liturgique de toute la semaine passée dans les lectures de la messe.
 
En célébrant l’épiphanie du Seigneur, nous n’avions pas uniquement fait mémoire de la visite des mages, mais de toutes les manières dont le Seigneur dévoilait son mystère et se révélait comme le Sauveur et le Roi. Ainsi, il nous faut comprendre son baptême par Jean non comme la réponse à un besoin pour lui, mais comme une grâce qui nous est faite. Pour les disciples de Jean, ce rite de plonger dans les eaux du Jourdain avait pour signification de manifester publiquement leur désir de conversion en vue d’attendre la venue du Royaume de Dieu. Avec Jésus, le baptême prend un sens nouveau. Il n’est plus l’expression d’une quête personnelle de purification intérieure mais le moyen, à la suite de Jésus, d’entrer dans l’intimité de Dieu.
 
La parole de Jean-Baptiste, qui a accompagné notre Avent, trouve sa réalisation. La grande promesse de Dieu qui avait traversé l’histoire du peuple élu et que nous rappelait Isaïe : « tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé » s’accomplit sur les rives du fleuve. Tous peuvent en attester aux signes qui y sont donnés : le ciel ouvert, l’Esprit sous la forme d’une colombe, la voix qui retentit. Désormais la voix du Baptiste dépasse l’annonce dont elle était porteuse. « Voici votre Dieu ! Voici le Seigneur Dieu » devient une réalité manifestée à tous.
 
Tout d’abord, le ciel qui s’ouvre révèle que les limites que l’on pensait infranchissables entre le monde des hommes et celui de Dieu sont maintenant ouvertes. Dieu est parmi nous en son Fils Jésus et par Lui nous aurons accès à Dieu. L’Esprit qui descend et la voix qu’on entend venir des cieux attestent la condition de Jésus : il ne devient pas Fils de Dieu, il n’est pas « adopté » ou choisi par Dieu pour devenir son Fils. Cela il l’est de toute éternité. Simplement ce qui était tenu caché « dès avant les siècles » est aujourd’hui rendu visible alors que Jésus entame son ministère au milieu des hommes.
 
C’est donc une nouvelle « épiphanie » à laquelle nous assistons. Pourtant nous ne sommes pas que des spectateurs éblouis devant la contemplation de la gloire du Seigneur. Parce que le ciel s’est ouvert et qu’une liaison s’est établie entre Dieu et nous, nous devons participants : « héritiers de la vie éternelle », pour reprendre les mots de saint Paul. Ainsi quand nous regardons le Christ plongé dans les eaux du Jourdain, quand nous voyons le ciel ouvert et l’Esprit-Saint « sous la forme corporelle d’une colombe », quand nous entendons la voix venir du ciel, nous sommes face à un miroir. Nous nous voyons en lieu et place de Jésus. Car c’est bien ce qui s’est passé pour nous au jour de notre baptême. Nos parents ne nous ont pas soumis à un rite de conversion qui nous obligerait, nous n’avons pas plus dû montrer patte blanche ou faire valoir nos mérites. Par pure grâce, Dieu nous a choisis. « Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance par Jésus Christ notre Sauveur… ». En Jésus, son Fils, Dieu trouve sa joie de nous savoir sauvés. A nous de répondre à sa joie par la nôtre et celle d’une vie authentiquement baptismale.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 4 janvier 2019

Homélie de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur - 6 janvier 2019

Vous aurez remarqué qu’entre le récit de la Nativité rapporté dans l’évangile de Luc que nous avons lu au cours de la messe de minuit et ce passage de l’évangile de saint Matthieu sur la vénération des mages, il y a de notables différences. La première ne paraît pas immédiatement : ce qui est annoncé aux bergers dans la nuit de Noël par la voix de l’ange, c’est la naissance d’un Sauveur, tandis que ce qui est annoncé aux mages, ou plus exactement ce que les mages recherchent, c’est un Roi. Sans doute cette différence dans la manière de désigner le Christ veut-elle nous faire comprendre quelque chose : celui qui est manifesté aux Juifs, à travers le message d’un ange, c’est un Sauveur. Les mages, eux, n’ont pas été instruit par un ange. Visiblement, ce qu’il nous faut comprendre, c’est que le message de l’ange dans la nuit de Bethléem est un message qui vient de Dieu. Les mages pour leur part n’ont pas reçu de message de Dieu. Ils sont venus en suivant une étoile. C’est tout à fait un autre univers, non seulement un autre univers religieux mais aussi un autre univers mental. Les mages ont pris ce chemin vers Israël à la suite de leur réflexion, de leurs recherches, de leur attente, de leur désir peut-être, de quelqu’un qui apporte une réponse aux grandes énigmes de la vie humaine.
On aurait pu imaginer, parce que cela n’était pas impossible, que cette étoile les conduisît directement à Bethléem, au-dessus de la grotte, et pourtant l’Évangile nous entraîne à faire un détour par Jérusalem. Ils se sont mis en route selon leur lumière, ils cherchent selon ce qu’ils espèrent, ce qu’ils croient, ce qu’ils conjecturent mais ils ne savent pas. Par conséquent, ils viennent se renseigner là où sont les renseignements, c’est-à-dire auprès des Juifs, puisqu’il s’agit de trouver le roi des Juifs. Ils interrogent celui qui est le roi du moment, Hérode. Derrière ce détour se donne quelque chose à comprendre. L’être humain dans sa quête de solutions, de réponses, de lumière sur les grandes questions auxquelles il est confronté, peut faire un long chemin dans la direction de la vérité. Mais, il ne peut pas connaître les mystères que Dieu a révélés aux hommes en faisant l’économie de ceux qui en ont reçu déjà l’annonce. En définitive on n’arrive au mystère de Dieu que par la médiation de ceux qui l’ont déjà reconnu, non comme un concept ou le grand ordonnateur de l’univers, mais comme Celui qui se fait proche en Jésus. Ainsi ces mages sont appelés à rejoindre Bethléem, en suivant toujours la trace de leur étoile mais avec un élément d’information supplémentaire, celui qu’ils ont reçu des Juifs. Ils découvrent « un enfant emmailloté dans une mangeoire » (Lc 2,12), comme nous dit l’évangile de Luc. Ce qui a été demandé aux Juifs, c’est de reconnaître un Sauveur dans le signe de cet enfant. Ce qui est demandé aux mages, c’est de reconnaître un Roi dans la pauvreté de cette étable.
 
L’évangile précise qu’après avoir offert leurs cadeaux, « ils sont repartis par un autre chemin » (Mt 2,12), pas simplement pour éviter de rencontrer Hérode, mais aussi peut-être parce que la rencontre du Christ est de nature à ouvrir de nouveaux chemins dans l’histoire des hommes. Connaître le Christ, ce n’est pas simplement bénir le chemin que l’on a parcouru, c’est accepter de retourner par un autre chemin. C’est pourquoi, l’Église, au long de son histoire, n’a jamais pu se résigner à imaginer que le Christ était la propriété d’un groupe humain. Elle n’a jamais pu imaginer que le Christ était « son » Christ. Le Christ est Christ pour tout le monde. Chaque fois que nous rencontrons la figure du Christ, nous sommes transportés vers d’autres horizons. Nous rencontrons le Christ afin qu’il soit le Seigneur du monde entier. Pour cela, il faut que nous changions de route, il faut que nous repartions de notre rencontre avec Lui par d’autres chemins que nous ne connaissons pas, qui sont largement des chemins inconnus.
Chacun et chacune d’entre nous, pour autant qu’il a fait l’expérience de la rencontre de Jésus, connaît cette expérience des changements que cette rencontre produit dans sa vie. Que ces chemins nouveaux et imprévisibles qui s’ouvrent à nous soient enracinés dans le mystère du Christ. Alors nous ne fourvoierons pas.
 
AMEN.
 
                                                                                                                                                                                                                      
 Michel Steinmetz