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mercredi 26 septembre 2012

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 9 septembre 2012

A part un bref passage en Décapole, territoire au nord-est du lac, Jésus n’a d’abord exercé sa mission que dans sa province de Galilée. Tout à coup il entreprend un long voyage à l’étranger : il entraîne ses disciples en Phénicie, le pays des grands navigateurs et du commerce de la pourpre, avec ses grands ports célèbres de Tyr et Sidon (aujourd’hui le Liban). Il entend bien y passer incognito mais sa réputation l’a précédé : une femme, à force d’insistances, parvient à lui arracher la guérison de sa petite fille (7, 24-30). Alors que, dans son pays, tant de scribes et de pharisiens le critiquent parce qu’il en prend à son aise avec les observances du shabbat et les pratiques rituelles, souvenez l’évangile de dimanche passé ; Jésus a découvert une païenne qui lui fait confiance ! La porte de la mission universelle s’entrouvre !

Ce dimanche Jésus, de retour en Décapole, rencontre un autre païen, un sourd-muet et on le prie de poser la main sur lui. Là également Jésus est reconnu comme thaumaturge : on lui présente un handicapé de la parole. Car en réalité, Marc écrit : « un sourd qui, de plus, parlait difficilement » : or ce dernier verbe n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible, en Isaïe 35, 5-6, que la liturgie nous fait entendre en 1ère lecture. Nous verrons la raison de cette référence. Jésus accède à la demande mais curieusement, au lieu d’opérer la guérison d’un mot et sur-le-champ, il entreprend une démarche mystérieuse. Alors que, si souvent, Jésus guérit d’une parole, ici il semble se heurter à un obstacle difficile qui d’abord exige le secret : l’homme doit expérimenter une rencontre seul à seul avec Jésus. Puis il faut des contacts, des touchers avec les organes malades. On sait par ailleurs que de tels gestes étaient également pratiqués par les guérisseurs de l’époque. A juste titre, Jésus guérit d’abord l’ouïe car c’est à cause de la déficience de ce sens que l’homme ne parvient pas à s’exprimer. Le langage correct vient d’une écoute normale. Ensuite Jésus fait appel à la force divine : « les yeux au ciel, il soupire… » : il invoque « le Père qui est aux cieux » et appelle le Souffle de l’Esprit. Enfin il prononce un ordre que Marc a conservé dans la langue originale : « Effata ». L’homme était enfermé en lui-même : n’entendant pas, il ne pouvait bien s’exprimer, il bredouillait des sons informes. Jésus lui rend la communication, le langage, la parole. Alors Jésus lui recommanda de n’en rien dire à personne ; « mais plus il le leur recommandait, plus ils le proclamaient ».

Pourquoi Jésus interdit-il de propager ses guérisons ? Parce que les gens n’y voient que le côté miraculeux, la santé rendue. D’un côté ces gestes sont nécessaires puisque, avec Jésus, le Royaume de Dieu est survenu et que la Présence de Dieu doit rendre la vie à tout l’homme donc aussi à son corps ; mais d’un autre côté leur aspect sensationnel bloque les spectateurs dans l’admiration devant le merveilleux. D’où l’interdiction – sans guère d’effet – de Jésus qui ne veut pas être réduit à la figure d’un messie bienfaiteur. Ses actions ne sont que des « signes » qui attirent l’attention mais qui doivent conduire à demander une guérison beaucoup plus essentielle, celle du cœur. Au lieu de s’extasier devant les exploits d’un guérisseur exceptionnel, les foules devraient s’interroger en profondeur : quelle est donc la surdité qui frappe le païen ? Pourquoi le païen ne parvient-il pas à s’exprimer avec justesse sur Dieu ? Pourquoi bégaie-t-il des mythes, des fables, des négations ? N’est-ce pas parce qu’il n’a pas entendu la Révélation reçue par Israël ? Jésus n’est-il pas l’Envoyé qui vient l’« ouvrir », lui donner une ouïe neuve qui va lui permettre de s’exprimer en toute justesse et de louer Dieu en joignant sa voix à celle d’Israël ?

Très vivement frappés, ils disaient : « Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets ». Très astucieusement Marc termine son petit récit en plaçant dans la bouche des païens la phrase d’Isaïe 35. En fait ce texte évoquait l’allégresse du Liban lorsque les Judéens exilés revinrent de Mésopotamie (6ème siècle avant Jésus-Christ). Pour l’évangéliste, l’événement passé n’est pas qu’un souvenir à rappeler : il devient une promesse de l’avenir. En Jésus, effectivement, c’est bien Dieu qui, aujourd’hui, vient répandre ses bienfaits : enfin les aveugles voient et « les oreilles des sourds s’ouvrent ». « Effata » : le pays qui gisait dans l’ombre de l’incroyance découvre la lumière ; les captifs de l’incrédulité s’ouvrent à la lumière de la foi ; la tristesse de la fatalité se mue en joie folle devant Jésus. Juifs et païens qui suivaient, depuis des siècles, des routes différentes se rejoignent maintenant sur « la voie sacrée », le chemin de l’Evangile, Bonne Nouvelle de la libération universelle.

En racontant cette scène, Marc nous invite de la sorte à poursuivre aujourd’hui ce travail d’« ouverture ». L’heure est venue de sortir de notre enfermement et de remarquer les « sourds ». Ne soyons pas scandalisés par les propos parfois odieux, parfois obscènes, par les affirmations d’athéisme. Ces gens « parlent mal » parce qu’ils n’ont pas entendu la Bonne Nouvelle. L’ouïe, bouchée par les décibels déchaînés ou les slogans menteurs d’une société fermée sur elle-même, ne peut entendre la douce voix de l’Evangile. Mais parmi ces jeunes que l’on dit perdus, il en est qui attendent que quelqu’un vienne les prendre par la main et les conduise à la rencontre du Seigneur. Que nos communautés s’ouvrent, elles aussi, qu’elles les accueillent avec allégresse. Alors le chœur de la louange s’agrandira et ensemble nous proclamerons tout joyeux : « Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets ! »

AMEN.

Michel STEINMETZ †

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