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mercredi 28 mai 2008

Article à paraître in "Caecilia" N°4 - 2008 sur le sacrement du mariage



La théologie du sacrement de mariage et la place de l'assemblée : questions posées à l'animation musicale.


La célébration du mariage chrétien vient d’être renouvelée par la publication d’un nouveau rituel romain en 1991, et par celle de son adaptation en langue française en 2005. Elle s’insère dans la volonté du Concile Vatican II de revoir la célébration des sacrements. Ainsi ce nouveau rituel a-t-il l’ambition d’intégrer à la fois les grandes orientations de la constitution sur la liturgie et la théologie sur le mariage. Aujourd’hui, la mise en œuvre rituelle se trouve confrontée à des défis pastoraux nouveaux au cœur desquels la musique et le chant tiennent une place fondamentale.

La liturgie du mariage chrétien a connu de multiples formes de célébration. Actuellement, les modifications intégrées au nouveau rituel sont pour une bonne part le résultat de la reprise à frais nouveaux de la réflexion sur le mariage au cours du XXème siècle, dont le concile a donné une brève mais dense synthèse[1].

Pour comprendre l’importance du déplacement ainsi opéré, il suffirait de comparer la définition du consentement matrimonial qui est donné respectivement dans le code de droit canonique de 1917 et dans celui de 1983, car le droit de l’Eglise traduit une pensée théologique selon, bien sûr, son langage et objectifs propres. Ainsi, en 1917, la mariage est défini comme « un acte de volonté par lequel chaque partie donne et accepte le droit sur le corps de son conjoint pour l’accomplissement des actes qui par leur nature sont aptes à la procréation des enfants (c. 1081-2) » ; en 1983, par contre, on lit : « l’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement (c. 1055-1) ». En saisissant l’importance de l’évolution, on comprend que la liturgie, qui elle aussi traduit une pensée théologique selon ses modalités propres, ait évolué en conséquence : aujourd’hui non seulement l’assemblée est interpellée par ce changement, mais elle interpelle aussi le rituel par sa réalité socio-ecclésiale.
Après un parcours rapide à travers les siècles (I), nous repérerons les endroits névralgiques du rituel (II) et nous le laisserons interroger nos pratiques autant que nos assemblées le feront (III). C’est là que nous verrons comment la musique et le chant peuvent répondre aux défis posés.

I. – Un rituel multiforme


1. Aux trois premiers siècles.
Les chrétiens des premières générations ont vécu leur engagement dans le mariage à lumière de l’enseignement du Christ et des Apôtres. Pour sa célébration, ils se sont conformés aux usages en vigueur dans la société d’alors, dans la mesure où ceux-ci ne s’opposaient pas à la foi de l’Eglise. Diognète dit, au IIème siècle : « Ils se marient comme tout le monde ». Dans le monde romain, la cérémonie des noces avait un caractère essentiellement familial et, pour le droit de l’époque impérial, l’essentiel du mariage tient dans le consentement des époux. Jusqu’à la paix constantinienne, les chrétiens suivent ces usages, tout en prenant de la distance par rapport au caractère sacrificiel ou licencieux de certains rites accompagnant le repas et le cortège des noces. L’Eglise s’est sentie à l’aise avec la conception juridique du monde romain. Il faut attendre le IVème siècle pour trouver la preuve de l’existence d’une bénédiction liturgique ou l’intervention d’un prêtre dans les rites nuptiaux.


2. Du IVème au XIème siècle.
Les trois premiers siècles laissent deviner que la liturgie nuptiale chrétienne va s’élaborer à partir des usages profanes. Il était dans l’ordre des choses que la bénédiction du Christ finît par s’exprimer dans celle prononcée par le père de famille, de l’évêque ou du prêtre invité aux noces, soit à la remise du voile à la jeune femme (à Rome et Milan), soit à son couronnement (en Orient), soit encore dans le rite de l’union des mains ou à l’entrée des époux dans la chambre nuptiale (pour la Gaule, l’Espagne et les pays celtiques). La Bible fournissait d’ailleurs des exemples de prière et de bénédiction pour le mariage. L’Orient retient particulièrement certains psaumes pour la célébration : 18, 20, 44, et 127.


3. En Occident : le mariage à la porte de l’église.
Si le rite du mariage est demeuré identique en Orient depuis le Xème siècle, il n’en est pas de même en Occident. Le XIème siècle a vu transformer en action liturgique la conclusion profane du mariage et l’a placée immédiatement avant la messe, mais à l’extérieur, à la porte de l’église. C’est en raison d’une période de violence et d’anarchie sociale que le prêtre doit désormais assurer les formalités civiles du mariage. On exige alors un caractère public pour préserver la liberté de consentement. Théologiens et canonistes comptent le mariage parmi les sacrements, et rappellent la coutume de le célébrer « sous la bénédiction du prêtre ».


4. Après le concile de Trente.
Le concile de Trente impose, en 1563, sous peine d’invalidité, la « forme canonique », c’est-à-dire la nécessité pour les fiancés de passer devant le curé de leur paroisse en compagnie de deux témoins. Le rite se déroule à l’intérieur de l’église ; les consentements se résument à un « oui » répondant à la question du prêtre ; on trouve la jonction des mains, l’aspersion d’eau bénite, la bénédiction et la remise de l’anneau, quelques versets de psaumes et une oraison conclusive. Ensuite à lieu la messe de mariage avec la bénédiction nuptiale après le Pater et une bénédiction finale spéciale.


5. Vatican II.
Le rituel publié dans la foulée du concile donnait une large place à la proclamation de la Parole de Dieu, qu’il y ait célébration ou non de l’eucharistie, et plaçait la célébration du sacrement après la liturgie de la Parole, tout en reprenant, mais en les enrichissant de prières supplémentaires, les usages anciens.

II.- La théologie du rituel de 1991.[2]

Le rituel du mariage est un trésor, vieux de 1500 ans environ, enrichi des apports des différents âges, et un outil donné pour entrer toujours plus profondément dans l’intelligence du mariage sacramentel. Voici les inflexions majeures qui traversent le nouveau rituel.

1. Une confession de foi plus manifeste.

Le rituel a une dimension plus confessante. En témoigne la proposition de faire la profession de foi avant les questions du dialogue initial et les mentions à la foi de l’Eglise dans l’acceptation et l’éducation des enfants, ainsi que sur l’engagement à témoigner dans le monde de la mission de chrétiens (question facultative). Le sacrement demande une référence explicite avec la foi au Christ mort et ressuscité. Le mariage devient une coopération des époux à l’œuvre de l’Esprit pour que progresse le Royaume.


2. Le mariage comme vocation.
On observe un rééquilibrage entre le consentement des époux et leur consécration par Dieu. Ainsi le mariage est-il perçu comme une véritable vocation. Dieu appelle au mariage et il ne cesse d’appeler dans le mariage[3]. L’engagement des époux est réponse à cette vocation, dont la perspective est eschatologique (c’est-à-dire la fin des temps), comme le souligne une des bénédictions nuptiales : « Donne-leur à tous deux la joie d’être un jour les convives au festin de ton Royaume ».


3. Une consécration.
La bénédiction nuptiale a une importance désormais essentielle, à tel point qu’on peut parler d’une « consécration ». Il s’agit en effet d’une grande prière, semblable à la bénédiction de l’eau baptismale ou même à la prière d’ordination : elle comporte une invocation à Dieu pour le don de l’Esprit et un envoi en mission. Théologiquement, on ne peut plus guère dire aujourd’hui que les époux sont encore les ministres du sacrement…


4. L’Esprit-Saint et l’Eglise.
Par l’importance renouvelée de la bénédiction nuptiale, le rituel clarifie le rôle de l’Esprit-Saint. Cette évolution redonne au sacrement du mariage plus de profondeur spirituelle. L’appel de l’Esprit et la bénédiction des époux sont médiatisés par le ministre qui agit au nom du Christ et de l’Eglise, manifestant la dimension trinitaire et ecclésiale du sacrement.

III.- Questions pastorales

Il s’agit maintenant d’envisager les questions posées à nos pratiques et celle posées au rituel par la réalité de nos assemblées.

1. L’attention au texte
Le rituel accorde une large place à la Parole de Dieu, tant dans la liturgie de la Parole évidemment, que dans les oraisons et bénédictions. Une première attention pourra porter sur le texte des chants retenus : contribuent-ils à mettre en résonance la Parole proclamée ? On évitera de multiplier les thématiques au cours d’une célébration. Comme le célébrant pourra choisir à dessein les textes qui lui reviennent, on pourra retenir les chants qui seront à la fois support et soutien de la Parole.
La place de l’Esprit-Saint est amplifiée dans le rituel : là aussi, quelle sera-t-elle dans les chants ? Un chant de louange – acclamation, hymne ou cantique – est prévu après la bénédiction nuptiale (N° 90 ou 178) ; pourquoi ne pas envisager aussi une courte acclamation d’invocation à l’Esprit avant la bénédiction nuptiale ?
Enfin, il existe des mariages de catholiques avec des chrétiens d’autres confessions (mariage mixte), des personnes non-baptisées (mariage dispar) ou des catéchumènes. Comment le texte des chants pourra-t-il tenir compte de ces réalités pastorales ?


2. L’assemblée comme part du peuple de Dieu.
Le rituel donne une importance nouvelle à la foi de l’Eglise, en ce qu’elle est effectivement annoncée et confessée ! Cette profession de foi touche en premier lieu les futurs époux qui s’engagent dans cette foi, mais aussi l’assemblée réunie avec eux et qui représente une part de l’Eglise entière[4].
« Les chants seront adaptés au déroulement du rite du mariage et exprimeront la foi de l’Eglise, en tenant compte de l’importance du psaume responsorial dans la liturgie de la Parole. Ce qui est dit du choix des chants vaut également du choix des œuvres musicales ». [5]
Or, la réalité des assemblées nous fait souvent constater qu’elles ne sont plus majoritairement composées de pratiquants habituels. Pour beaucoup, la célébration du sacrement n’est vécue que comme un temps festif dans un lieu porteur. On sait la difficulté de proposer le message de foi. Se vit alors une tension entre une dynamique exclusivement faite d’accueil, au détriment d’une annonce explicite de la foi de l’Eglise, et une perspective exclusivement confessante, sans attention portée à la réception du message de fait. Le rituel est clair : il privilégie l’approche nettement chrétienne, mais toujours pastorale ! Les fiancés ont parfois des idées surprenantes sur les chants et les musiques qu’ils souhaitent pour leur mariage : l’enjeu de la préparation sera précisément de les faire entrer, au mois de leur faire saisir, la densité spirituelle du sacrement qui est plus que l’auto-célébration de leur amour !


3. Le chant effectif de l’assemblée.
Pour certains, la célébration chrétienne constitue une immersion dans un monde inconnu, étrange et étranger ! Or l’assemblée est invitée à tenir toute sa place au cœur du mariage et à participer aussi par le chant. Rares ne sont plus les fiancés – parfois même dans le meilleur des cas – qui ne se souviennent que des chants de leur enfance ! Que dire des invités à la fête ? Dès lors, comment penser le renouvellement du répertoire ? Il en va d’une question cruciale, et crucifiante pour celui qui s’y attelle !
Faut-il prendre acte du silence de cette assemblée ? Faut-il s’y résoudre ou tenter de trouver des solutions nouvelles pour susciter son chant ? On peut dire ici qu’il s’agit sans doute d’avoir les ambitions de ses moyens. Il apparaît illusoire de vouloir transformer une telle assemblée en assemblée de pratiquants fervents et réguliers. Par contre, suivant les moyens dont on dispose (un bon chantre, une chorale, un organiste…), on pourra allier les moments d’écoute à ceux de participation. L’écoute supposera donc une exigence de qualité ! Par ailleurs, il faudra privilégier de courts refrains ou acclamations, facilement mémorisables et répétés. Ainsi, l’acclamation d’Evangile pourrait servir de chant de louange après la bénédiction nuptiale, ou une même acclamation d’action de grâce pourrait ponctuer les différents moments de la liturgie du sacrement. Le répertoire de Taizé constitue peut-être un bon fond d’exploration…

Le sacrement du mariage est considéré comme « ordonné à l’accroissement et à la sanctification du peuple de Dieu »[6] ; il consacre un état de vie pour « toute la vie ». Les enjeux de sa célébration sont de plus en plus de l’ordre de défis, y compris pour le domaine musical. A donne pastorale nouvelle, réponse nouvelle ! A partir des inflexions du rituel récemment promulgué en langue française, il est assurément possible de trouver des solutions musicales qui répondront intelligemment à la fois à la proposition de la foi qui est en jeu et à la situation concrète des participants !


[1] Vatican II, Gaudium et spes, 47-52.
[2] Nos remerciements vont à Hélène Bricout, enseignante à l’Institut Supérieur de Liturgie à l’Institut Catholique de Paris, et spécialiste du nouveau rituel, pour son apport à cette réflexion.
[3] cf. Rituel du mariage, Préliminaires N°11.
[4] Le rituel va jusqu’à recommander la participation de la communauté paroissiale, au moins de quelques membres ! (Préliminaires, N°28)
[5] Rituel du mariage, Préliminaires, N° 30.
[6] Rituel du mariage, Préliminaires, N°28.

samedi 24 mai 2008

Homélie de la solennité de la Fête-Dieu - dimanche 25 mai 2008

"Devenez ce que vous recevez, recevez ce que vous êtes ». Cette phrase ne figure pas dans les Ecritures, mais elle est célèbre parce que nous la devons à saint Augustin. Prenons, si vous le voulez bien, un instant la mesure de cette affirmation. N’est-ce pas trop flatteur ? Car en disant « Amen » à celui qui nous présente à la communion le « Corps du Christ », nous acceptons d’ouvrir notre porte à l’hôte intérieur qui a dit : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai mon repas avec lui et lui avec moi » (Ap. 3, 20). Mais la phrase d’Augustin va plus loin encore. Si nous suivons son raisonnement, ce que nous recevons, c’est le « Corps du Christ », c’est-à-dire le Christ offrant sa vie pour le salut du monde. « Ce que nous sommes », c’est donc aussi le Corps du Christ avec cette exigence terrible de vie donnée à notre tour, comme Jésus.
Car dans l’eucharistie, c’est bien cet échange qui se reproduit sans cesse : nous devenons participants du sacrifice du Christ sur la croix et de son mystère pascal.

I.- Le Corps du Christ est nourriture.

Quand, au cours de sa longue et pénible marche dans le désert, le peuple d’Israël se met à douter, qu’il éprouve la pauvreté et la faim, Dieu, certes, le met à l’épreuve mais il le réconforte aussi. Tombe du ciel un pain étrange, mystérieux, inconnu : on l’appellera la « manne », qui signifie en fait dans le langage hébreu : « qu’est-ce que c’est ? ». Ce pain révèle ce qu’il y a dans le cœur de l’homme. Car recevoir en nous le Christ nous place dans la vérité de Dieu : le pain consacré exige de l’approcher avec respect et honnêteté. Il est aussi « pain des forts », celui qui donne courage et nous fait progresser dans l’amitié de Dieu. Il nous fait « découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Quand nous reprenons la prière du Sauveur, que nous nous adressons à Dieu en l’appelant « Notre Père », nous demandons que nous soit donné « aujourd’hui notre pain de ce jour », non pas bien sûr une pitance journalière qui nous dispenserait de toute autre nourriture, mais une nourriture spirituelle – et physique – car capable de nous rendre forts dans les épreuves et libres devant le mal. Oui, la manne des Hébreux au désert annonçait déjà le pain de l’eucharistie comme nourriture venant de Dieu.
« Devenez ce que vous recevez… ». Sommes-nous, frères et sœurs, à notre tour nourriture pour ceux qui nous entourent ?

II.- Le Corps du Christ est communion.

C’est cette fois saint Paul qui, dans sa première lettre aux Corinthiens, nous révélait un autre aspect essentiel de l’eucharistie. Le Corps du Christ est communion. Le mot latin communio porte l’idée d’une d’une association, d’une participation, d’une communauté. Ainsi, quand nous recevons le Corps du Christ, nous nous trouvons associer non seulement à lui, bien évidemment, comme membres de ce Corps, mais aussi entre nous. Tous nous faisons la même démarche de communion, et tous nous recevons, bien que rompu, le même pain dans la même foi : il est pour chacun totalité du Christ qui se donne. Nous pouvons alors affirmer que, si l’Eglise fait l’eucharistie – entendez, qu’elle la célèbre –, l’eucharistie fait l’Eglise ! Oui, quand nous recevons l’eucharistie, nous sommes établis en communion les uns avec les autres et en communion avec le Christ. « La multitude que nous sommes est un seul corps », selon l’expression de l’apôtre Paul.
« Devenez ce que vous avez reçu… ». Sommes-nous réellement, chers amis, ferment de communion avec le Christ et entre nous ? Notre démarche vers l’autel n’est-elle pas parfois un contre-témoignage criant de la foi de l’Eglise ?

III.- Le Corps du Christ est Vie.

Dans l’évangile, Jean nous livrait l’enseignement de Jésus. Ce dernier se présentait alors « comme le pain vivant descendu du ciel ». Mais par différence avec la manne au désert, « qui mange de ce pain vivra éternellement », et ce pain n’est rien qu’autre que la chair du Fils de Dieu. En s’offrant sur la croix, en acceptant par amour la mort comme le terme et l’accomplissement de sa mission, Jésus se livre tout entier à nous. Il continue de nous être présent par le don de l’Esprit, mais aussi dans le pain qui est réellement, pour nous croyants, son corps. En acceptant de se donner de la sorte, il « demeure » en nous, comme dit Jean, c’est-à-dire qu’il vient jusqu’à habiter notre corps pour nous transformer de l’intérieur à son image. Cette transformation progressive nous conduit jusqu’à notre propre Pâque. Ce que Dieu donc a réalisé pour Jésus, il le fera aussi pour nous. C’est en définitive à un dessaisissement progressif de nous-mêmes que nous sommes conviés : il faut accepter de toujours faire plus de place en nos vies à Dieu.
« Devenez ce que vous avez reçu… ». Sommes-nous conscients qu’en communiant c’est cela qui se produit ? Acceptons-nous de laisser transformer et modeler à l’image du Christ ? Sommes-nous, à notre tour, Vie de Dieu pour nos frères ?

Le Pape Benoît XVI invitait les croyants, en célébrant lui-même la Fête-Dieu, jeudi dernier, dans les rues de Rome à voir dans l’eucharistie une « force de la révolution chrétienne », la « plus profonde de l'histoire humaine », qui donne à l'homme une « vraie liberté ». Il concluait son homélie ainsi : « Adorer le Corps du Christ veut dire croire qu'en lui, dans ce morceau de pain, il y a réellement le Christ, qui donne un vrai sens à la vie, à l'immense univers et à la créature la plus petite, à toute l'histoire humaine comme à la plus brève existence. L'adoration est prière qui prolonge la célébration et la communion eucharistique et dans laquelle l'âme continue à se nourrir : à se nourrir d'amour, de vérité, de paix ; se nourrit d'espérance, parce que Celui devant lequel nous nous prosternons ne nous juge pas, ne nous écrase pas, mais nous libère et nous transforme ». C’est là le sens que nous donnerons à l’adoration qui clôturera la procession tout à l’heure.

AMEN.

Michel Steinmetz +

samedi 17 mai 2008

Homélie de la solennité de la Trinité - dimanche 18 mai 2008

Qui est Dieu ? Voilà la question qui nous est lancée à l’occasion de cette fête de la Trinité. Bien souvent nous nous demandons comment vivre notre foi, comment la mettre en œuvre ; il ne faudrait pas oublier que la foi est avant tout une relation avec Dieu. Comment alors penser les termes d’une relation sans connaître, sans apprendre à connaître Celui que nous entendons ainsi rencontrer. Qui est Dieu ? La grâce nous est faite aujourd’hui de nous laisser interpeller par la Parole de Dieu et de réajuster notre image de Dieu et aussi notre image de l’homme !

I.- Un secret d’amour

Ce que l’on appelle «le mystère de la Sainte Trinité» est beaucoup plus un secret qu’un mystère, un secret que Dieu révèle à ceux et à celles qui prennent le temps d’écouter sa parole et qui font un effort pour en vivre. Nous découvrons un Dieu bon, paternel, plein de compassion, qui accueille la prostituée et le collecteur d’impôts, qui approche les lépreux et les aide à réintégrer leur communauté respective, qui pardonne à Pierre et fait place au bon larron, qui est proche de nous, habite en nos cœurs et nous donne le courage de faire face aux intempéries de la vie.
Notre connaissance de Dieu ne vint pas de nos spéculations savantes mais de la révélation qu’il nous fait de lui-même. Voltaire a dit : «Dieu a fait l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu ». Il n’avait rien compris au christianisme. Nous n’avons pas inventé Dieu, c’est lui qui s'est révélé à nous à partir d’Abraham et de Moïse ! Et d’ailleurs, si nous l’avions inventé à notre image, il ne s’appellerait pas «Dieu de tendresse et miséricorde!». Nous pouvons spéculer et philosopher sur l’existence de Dieu, mais sans la révélation, jamais nous n’arriverions à la conclusion que notre Dieu est un Dieu Trinité, un Dieu d’amour et de bonté.
Ce Dieu de tendresse et d’amour nous invite à une alliance avec lui. Il nous inspire et nous fortifie, il est notre soutien et notre réconfort. Parce que nous avons été créés à son image, Dieu nous invite à l’imiter, à vivre comme lui : «soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux» (Luc 6, 36).

II.- L’unité de Dieu n’est pas une solitude : Il est communion et alliance.

Ce « Dieu -Amour » ne nous a été révélé que par la foi que nous transmet le Christ. L’échange d’amour entre le Père et le Fils et l’Esprit n’est pas un mystère facultatif que l’on peut mettre de côté quand on parle de Dieu.
On ne peut ni aimer ni s’aimer si on est seul. La solitude n’engendre aucun amour et l’amour du seul soi-même n’est qu’une sorte de narcissisme. Parce qu’il naît d’échange et de don, l’amour est nécessairement communion intime de plusieurs personnes. L’homme ne peut exister que s’il est en relation avec les autres et cette relation est constituée par l’amour. C’est là le sens nouveau du commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Remarquons qu’au livre de la Genèse, nous voyons Dieu donner à l’homme la mission de nommer les créatures, mais l’homme ne nommera pas Dieu. C’est Dieu qui se nommera lui-même devant Moïse comme le rappelle la première lecture de ce dimanche. En se nommant, Dieu ne fait pas « qu’afficher » ce qu’il est, il propose à l’homme une alliance, qui va trouver sa plénitude dans le don de Jésus, donné à l’humanité, don gratuit de son amour.

III.- Répondre à l’invitation et croire

Tel est notre Dieu, et notre vie s’en trouve transfigurée ! C’est bien de dire « je crois en Dieu », mais c’est notoirement insuffisant pour signifier la nature de notre foi qui est en même temps expérience de vie. Si notre foi ne s’attachait qu’au Père seul, en estompant le Fils et le Saint-Esprit, nous sombrions dans un vague déisme de plus en plus flou ; n’est-ce pas, hélas, le sort de beaucoup de “chrétiens” qui disent croire "en quelque chose". Si nous prétendions nous adresser au Fils seul, en gommant le Père et l’Esprit, nous tomberions dans un humanitarisme finalement assez plat, en une sorte d’athéisme fraternel d’inspiration chrétienne. Et si nous n’avions d’attention que pour l’Esprit seul, en effaçant le Père et le Fils, nous serions menacés d’un illuminisme inconsistant, où nous confondrions Dieu avec les agitations de notre cœur...
Nous croyons en Dieu qui est Père, créateur du ciel et de la terre. Ce Père nous fait don de son Fils : Il est Dieu-avec-nous. Pour que nous devenions nous-mêmes enfants de ce Père de bonté, nous recevons l’Esprit du Père et du Fils, Vie de Dieu communiquée, dont le rôle est de nous modeler chacun, à l’intime de nos vies, en fils du Père, de sculpter en chacun de nous les traits du Fils, de peindre en nous l’icône vivante de Jésus-Christ.
Quand au début de la messe et du toute prière chrétienne, nous traçons sur nous le signe de la Croix : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit », nous ne faisons rien d’autre que d’inscrire la Trinité sur notre corps, de signifier par ce geste que nous sommes unis à ce Dieu-Trinité.

Célébrer la Sainte Trinité huit jours après la fête de Pentecôte, ce n’est pas faire de la théorie sur Dieu ou se réfugier dans de pieuses abstractions. C’est parler d’une expérience. C’est exprimer quelque chose de notre destinée humaine, appelée à partager la vie divine. C’est grandir dans notre identité de baptisés. C’est devenir fils dans le Fils, animé du même Esprit que lui.

AMEN.

Michel Steinmetz +