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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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mardi 30 décembre 2014

Homélie de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu - 1er janvier 2015



Frères et sœurs, vous vous souvenez sans doute encore tous de la théorie du fameux quotient intellectuel, le QI, qu’il fallait pouvoir mesurer pour apprécier la valeur d’une personne et son potentiel de réussite. Tout se situait au niveau de l’intelligence rationnelle de l’être humain.  Puis, peu à peu, des chercheurs se sont rendus compte que l’intelligence ne pouvait se suffire à elle-même mais qu’elle devait se combiner à une  autre dimension de notre humanité : nos émotions qui ont également leur siège au sein de notre cerveau.  Ainsi est née l’intelligence émotionnelle avec son QE: le quotient émotionnel.  Et depuis quelques années, certains scientifiques reconnaissent qu’il y a un troisième quotient à intégrer : il s’agit cette fois du quotient spirituel, le QS.  En effet, chaque être humain est en quête de sens et cherche à vivre en fonction de la raison d’être qu’il donne à sa vie.  Tout en reconnaissant, que pour certains, cette dernière s’inscrit dans quelque chose de plus grand que nous et que nous nommons Dieu. 
 
Dans la foi, la Vie nous a été confiée et nous avons chacune et chacun une destinée à accomplir à partir des choix que nous posons. Il a donc fallu tant d’années pour découvrir l’impact du QI, du QE et du QS dans nos existences alors qu’il aurait suffi de bien comprendre l’évangile que nous venons d’entendre. Nous appelons, pour notre part, cette destinée : une vocation. Elle est réponse à un appel que Dieu nous adresse personnellement et répond, non à la question : « quel est mon destin ? », mais bien : « à quoi Dieu m’appelle-t-il ? ».
 
" Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur », nous dit l’évangéliste Luc.  Face aux événements que nous traversons ou encore dont nous sommes parfois les témoins, nous sommes invités à utiliser en premier lieu notre raison pour comprendre ce qu’il nous arrive et surtout pour chercher à y donner sens.  Comment pouvons-nous grandir à partir de certaines expériences même si celles-ci sont pénibles voire douloureuses pour le corps et pour l’esprit ?  Nous utilisons notre intelligence rationnelle pour ne pas nous laisser dépasser par ce fléau contemporain qui est de chercher toujours plus d’émotionnel.  Inscrire les événements dans l’émotionnel pur, c’est tomber dans le piège de l’éphémère et du sensationnel. 
Mais comme le démontre Marie, le travail de mémoire ne peut suffire.  Il y a lieu de passer à une étape suivante, celle d’utiliser cette fois notre intelligence émotionnelle, c’est-à-dire d’inscrire tout événement dans les sentiments qui nous font grandir. Notre intelligence émotionnelle est là pour mettre dans nos vies une dose de douceur, une pointe de tendresse, une pincée de bienveillance,  une mesure d’affection véritable.  Utiliser notre intelligence émotionnelle nous incite ainsi à ne pas tomber dans ce sensationnalisme primaire et à être submergés par nos émotions.  Ici, c’est tout le contraire.  Notre intelligence émotionnelle va nous permettre de remettre de l’humanité au cœur d’un événement.  Il s’agit de tout ce travail de méditation qui va conduire à un changement intérieur en profondeur.    
Puis vient la troisième et dernière étape : vivre ce que nous avons à vivre dans notre cœur, c’est-à-dire atteindre cette sagesse du cœur en inscrivant l’événement dans l’Amour par excellence.  Nous cherchons cette fois à lui donner une dimension spirituelle.  L’évènement vécu puis médité devient à la fois une leçon de vie et une expérience spirituelle dans la foi en Dieu.
 
A l’exemple de Marie, Mère de Dieu, nous sommes priés à notre tour de méditer en nous, à la lumière de la Parole de Dieu, les évènements de notre vie. C’est ainsi que ce matin, en ce premier jour de l’année civile,   nous allons considérer les moments passés et envisager ceux à venir. Nous ne le faisons pas en les évaluant avec des quotients. Ce serait nous prendre pour une norme. Nous les plaçons dans la lumière de l’Evangile. Nous pouvons contempler combien ils ont pris, ou pas, du relief ; comment, ou pas, ils ont réfléchi la Lumière de Dieu ; ce qu’ils ont produit, ou pas, en nous de grâce. Et nous demanderons à la sainte Mère de Dieu, notre mère, d’ouvrir notre cœur.
 
Michel STEINMETZ

Homélie des premières vêpres de la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu - 31 décembre 2014

Voilà que durant huit jours, toute une octave !, l’Eglise nous a fait célébrer comme un seul jour la Nativité selon la chair du Seigneur. Chaque année, nous voulons nous laisser toucher à frais nouveaux par l’annonce de cette naissance, si simple et pauvre, qui donne joie et vie au monde pour toujours. Chaque année, nous voulons laisser cette Lumière ré-illuminer notre vie. Alors que, ce soir, nous entrons dans la fête liturgique de sainte Marie, Mère de Dieu, le monde célèbre lui aussi le passage d’une année civile à une autre. Comme chrétiens, mais aussi comme habitants de ce monde et solidaires avec lui, nous ne pouvons rester insensibles aux joies, aux peines et aux espoirs de nos frères et sœurs.
 
J’aimerai ainsi vous inviter à porter ce soir dans la prière tout particulièrement ceux qui ont souffert tout au long de l’année. Le jeu des médias est ainsi fait pour capter l’attention : un fait divers en chasse un autre. Malheureusement, la non-couverture médiatique est rarement le signe de la résolution d’un conflit. La souffrance qui nous a émus devient l’objet de notre désintéressement. Il me semble que, pour le chrétien, il y a là matière à péché.
 
Au Sauveur du monde, demandons qu’il regarde nos frères et sœurs d’Irak et de Syrie qui, depuis trop de temps, souffrent des effets du conflit en cours et, avec ceux qui appartiennent à d’autres groupes ethniques et religieux, subissent une persécution brutale. Que le Christ leur apporte de l’espérance, comme aux nombreuses personnes dispersées, déplacées et réfugiées, enfants, adultes et personnes âgées, de la région et du monde entier.
         Puisse le Seigneur ouvrir les cœurs à la confiance en l’autre, même s’il est différent, et donner sa paix à tout le Moyen-Orient, depuis la Terre bénie de sa naissance, en soutenant les efforts de ceux qui s’engagent efficacement pour le dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
         Que le Seigneur regarde tous ceux qui souffrent en Ukraine et donne à cette terre de surmonter les tensions, de vaincre la haine et la violence et d’entreprendre un nouveau chemin de fraternité et de réconciliation.
         Que le Christ Sauveur, donne la paix au Nigeria, où à nouveau du sang est versé et trop de personnes sont injustement soustraites à l’affection de leurs proches et tenues en otage ou massacrées. Nous pensons aussi particulièrement à la Libye, au Soudan du Sud, à la République centrafricaine et à différentes régions de la République démocratique du Congo. Nous songeons encore aux récents affrontements entre blancs et noirs aux Etats-Unis.
 
Ce tour d’horizon est bien sombre, il faut l’avouer. Tant de misères, tant d’injustices, tant de larmes ! Aujourd’hui comme hier la folie tyrannique et despotique d’Hérode et de tous ceux qui jouissent comme lui du pouvoir semble la plus forte. Aujourd’hui comme hier, suivre le Christ est un chemin difficile et exigeant : nous le découvrons de plus en plus nous-mêmes dans notre pays où il n’est pas forcément politiquement correct d’être chrétien et de dire sa foi.
 
Nous ne pouvons non plus nous présenter devant le Seigneur ce soir sans nous porter les uns les autres dans la prière fraternelle avec ce que nous connaissons de nos histoires personnelles, ce que nous en devinons de blessures et ce que nous en ignorons. Vous n’oublierez pas non plus, frères et sœurs, tout en priant pour votre curé, de prier pour vous-même. Vous ne le ferez pas de manière égoïste pour que Dieu vienne servir votre volonté propre mais pour qu’ils vous rendent dociles à sa douce volonté. Je terminerai en vous partageant ce vœu traditionnel de Provence au soir de Noël : « Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient ; et, si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins ».
                  
Amen.
Michel STEINMETZ

samedi 27 décembre 2014

Homélie de la fête de la Sainte Famile (B) - 28 décembre 2014

Dans les récents débats de société qui ont agité notre pays autour de la famille et du mariage, comme autour des questions abordées par le récent synode à Rome et leur retentissement médiatique, beaucoup ont voulu donner une image catholique de la famille. Or cette image ressemble souvent à une image d’Epinal. A regarder précisément la situation de la famille de Jésus, Marie et Joseph, on ne peut dire qu’une seule chose : cette cellule familiale est atypique. Le père n’est pas le vrai père, la mère est restée vierge ; l’enfant est divin et conçu hors mariage. Cette famille ne rentre dans aucun critère de bien-pensant.  Et pourtant rappelez-vous l’oraison du début de la messe : la Sainte Famille est présentée comme un modèle pour les familles chrétiennes.  C’est que l’idéal pour Dieu n’est pas toujours le même que l’idéal pour nous. 
 
Voyez par exemple pour la vie conjugale.  Il y a des couples sans enfants et il y a des enfants arrivés par surprise.  Et il y a beaucoup d’autres situations difficiles.  Toutes ces situations sont-elles des échecs par rapport à l’idéal que, nous, les humains, avons de la vie ? Pour Dieu, il n’y a pas d’échec, il n’y a que le risque d’un refus d’amour.  Tous ceux qui vivent dans ces situations difficiles sont vivants devant Dieu et peuvent accéder au bonheur qu’il veut nous donner.  Essayons d’approcher ce mystère. 
 
Joseph est le père nourricier.  Il est celui qui permet aux autres de vivre, pas seulement par l’argent de son travail, mais aussi par la discrétion de sa vie.  Le monde actuel exalte les héros qui prennent de la place.  Le monde du travail pousse chacun à se développer à prendre toujours plus de place, quitte à écraser les autres.  Et il y a des personnes qui, par leur discrétion et leur dévouement, permettent à d’autres de vivre, de respirer.  Joseph permet aux autres de vivre.
         Marie donne la vie. Parce qu’elle renonce à tous ses projets.  Elle pensait vivre heureuse avec Joseph. La voici bousculée de Bethléem en Egypte et d’Egypte à Nazareth. Son fils courra les chemins et annoncera des choses tellement révoltantes qu’il sera condamné à mort.  Marie donne la vie parce qu’elle renonce à ses projets de vie familiale et qu’elle est disponible au plan de Dieu. 
         Jésus est la vie parce que c’est lui qui crée le monde et la vie humaine.  Il est aussi la vie parce qu’il renonce à lui-même et se sacrifie pour nous.  Jamais le pardon ne serait possible si on ne renonce pas à son propre orgueil, à ses propres rancunes, à son amour-propre.  C’est dans le sacrifice de soi que Jésus nous redonne la vie, qu’il peut ressusciter et nous ressusciter.
La Sainte Famille est à la fois comme toutes les autres et pourtant spécifique en raison de sa vocation particulière dans le dessein de Dieu. Elle est un modèle :
-  car elle place au cœur de son projet l’ouverture à la vie et la croissance de l’enfant – la finale de l’évangile nous le rappelait.
-  elle est fondée dans le renoncement de sa propre volonté pour servir le projet de Dieu : l’enfant n’est pas en elle le produit de la volonté de ses parents, ou pas ; il est un don reçu comme tel.
-  elle s’inscrit dans une claire différence sexuée : il y a bel et bien un père et une mère ; Jésus a voulu naître et grandir au sein d’une telle famille humaine, être élevé et éduqué dans cette complémentarité d’amour.
-  la Sainte Famille est enfin le lieu de la miséricorde : Marie accepte son destin de servante du Seigneur et s’en remet à la foi de son futur époux ; Joseph dépasse, lui, les sentiments humains bien légitimes de trahison et de fierté pour accepter ce qu’il ne peut comprendre.
 
La Sainte Famille est le modèle de toute vie chrétienne par la discrétion et la modestie qui permettent aux autres et à Dieu de vivre en nous.  Elle est un modèle par le renoncement à ses ambitions personnelles qui permettent à Dieu de développer son plan d’amour pour chacun d’entre nous.  La Sainte Famille est un modèle pour nous parce qu’elle permet de retrouver la vie grâce au pardon et au sacrifice de son amour-propre.
AMEN
                                               
Michel Steinmetz

mercredi 24 décembre 2014

Homélie de la Nativité du Seigneur - messe du jour - 25 décembre 2014

Plusieurs ces derniers jours, m’ont confié qu’ils avaient eu du mal à se mettre dans l’ambiance de Noël. On invoquera certes, cette année, que le climat n’est guère hivernal. Il s’agit là d’une fausse excuse. L’interrogation doit être plus profonde. Pourquoi ? L’Avent a bien duré près de quatre semaines ; chaque dimanche, nous nous sommes rassemblés, notamment avec les enfants, les jeunes et leurs familles ; nous avons repris les chants d’Avent ; nous avons été plongés dès fin novembre dans les décors, les illuminations et les hordes de touristes des marchés de Noël. Mais, d’un coup, c’est Noël. C’est comme si tout cela nous est advenu sans qu’on le sache.
 
Je crois que c’est précisément cela, Noël. Le Fils de Dieu naît inattendu lorsque tout le monde était occupé par le recensement décrété par l’empereur Auguste. A Bethléem, c’était la pagaille complète. Pas de place dans l’auberge. Toutes les images d’un Noël romantique semblent s’effondrer devant nos yeux. On sait très bien que le monde, ni nos familles, ni nos enfants, ni nous-même, ne seront changés d’un coup de baguette magique. Quelle histoire ! Mais aujourd’hui c’est Dieu qui fait histoire. A un monde qui se demande pourquoi il est comme il est, Dieu dit : me voici ! A un monde qui ne se comprend plus, Dieu nous dit : je vous expliquer la logique que j’ai toujours voulu mettre dans le monde. Et la Parole est devenu chair, le Fils de Dieu est devenu homme, Dieu avec nous.
 
Au commencement était le Verbe, la Parole, le seul instrument que Dieu a utilisé pour faire le monde. Il a dit sa Parole qui fait sens. Cette Parole, c’est l’humanité de Jésus. Si tu veux connaître le sens de ce monde, le sens de ta vie, même à ses moments creux, regarde celui qui est descendu du ciel pour être solidaire avec nous, pour nous expliquer la vie, pour nous expliquer Dieu de la part de Dieu lui-même, de l’intérieur d’un cœur vraiment humain. La Parole s’est faite chair. La logique, le sens que Dieu a voulu mettre dans toute sa création, dans toute notre histoire, est visiblement quelqu’un parmi nous, notre Seigneur Jésus-Christ. Savez-vous pourquoi ? Parce que c’est le seul qui a vaincu la mort. C’est pour cette raison que je crois au Christ. En lui était la vie, et cette vie a vaincu la mort, et nous avons vu sa gloire ! Son mystère éclaire tout homme en venant dans ce monde. Ayant parlé aux hommes depuis des siècles par les prophètes, en ce jour-ci, il nous a parlé dans la chair, par l’humanité de son Fils, mort et ressuscité. Pour moi, la plus grande merveille de Noël, c’est que Dieu est devenu homme ; c’est la proximité de Dieu en Jésus-Christ qui fait histoire.
 
Le Verbe s’est fait chair. Sa grâce et son amour pour les hommes, oui, son humanité, nous sont apparus. Le Père nous a envoyé son Fils bien-aimé pour proclamer parmi nous le temps de sa miséricorde. Son Esprit nous est donné pour que nous devenions, nous aussi, des enfants de Dieu. Aujourd’hui commence l’avenir de l’humanité. Je suis de plus en plus frappé par l’aspect politique de Noël. La solidarité inattendue de Dieu avec les hommes, provoque aussi notre solidarité. La bonne nouvelle de la naissance du Christ était d’abord annoncé aux bergers qui n’avaient peut être rien à perdre mais en tout cas tout à gagner. Justement à ce point, Dieu fait irruption dans leur vie. Quel est le point de ta vie où Dieu vient à ta rencontre ?
 
Aujourd'hui est né Dieu Emmanuel, Dieu avec nous, merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais, prince de la paix : quelle mission ! Mais c’est la gloire de Dieu qui sera notre force. Rien de plus humanisant que la gloire de Dieu, parce qu’elle rend les hommes meilleur. Nous avons vu sa gloire, nous dit saint Jean aujourd’hui. Et de la gloire de Dieu découle la paix. Quand Dieu règne, la paix sera sans fin, le droit et la justice seront fermement établis lorsqu’on prend au sérieux la solidarité de Dieu avec nous. Réconciliation et paix sont possibles, si la gloire de Dieu habite cette terre. Voilà une raison supplémentaire de ne pas cautionner et de ne pas nous résigner qu’on renvoie ce Dieu-là à la seule sphère privée. Nous sommes en route vers un bonheur qui durera et qui surpassera toutes nos attentes ! Venons et adorons ! Joyeux Noël à vous tous !
 
AMEN.
                                                                                                                                                                                                         
Michel Steinmetz

Homélie de la Nativité du Seigneur - messe de la nuit - 25 décembre 2014

Ce soir, dans notre église, la crèche attire nos regards. Elle a été préparée avec beaucoup d’énergie et de labeur. Nous venons d’y déposer solennellement la statue de l’Enfant-Jésus après avoir entendu dans l’évangile l’annonce de sa naissance par les anges de Dieu. Il a reçu l’hommage de l’encens qui rappelle que nous voyons en Lui le Fils de Dieu, venu dans notre monde.
 
En 1223, dans une petite église rurale d’Italie, à Greccio, un prêtre a l’idée de faire jouer aux habitants de son village le rôle des personnages présentés par l’évangile. Les animaux étaient tout aussi réels. Ce fut la première crèche, la première crèche vivante. Le nom de ce prêtre de génie n’était autre que François, saint François d’Assise. Son désir était de faire grandir, de manière simple et « participative », dirions-nous aujourd’hui, la foi. Cette « crèche vivante » a donné naissance à une tradition qui s’est perpétuée, mais les « acteurs » ont été très largement remplacés par des personnages en bois, en cire, en plâtre ou que sais-je d’autres encore. Les crèches ressemblant à ce que nous connaissons font leur apparition dans les églises au XVIe siècle. L’histoire de la crèche de Noël s’est poursuivie par l’apparition des crèches dans les familles, particulièrement à Naples, au XVIIIe siècle, dans les demeures aristocratiques. En France, pendant la révolution, les représentations publiques étant interdites, la crèche de Noël apparaît dans les maisons. Cela nous fait penser à une époque obscurantiste plus récente où, sous couvert de modernité et de laïcité – il faudrait bien plutôt dire de laïcisme – la crèche n’aurait plus droit de cité. C’est le résultat de la pression exercée par certains, les francs-maçons, au nom de leur idéologie tout aussi religieuse que celle qu’il semble combattre, mais dépourvue de Dieu.  Dans cette affaire récente, beaucoup s’en sont pris aux juges qui, faisant leur métier, ont interprété la loi, se prononçant tantôt pour le maintien, tantôt pour l’interdiction de crèches dans l’espace public. Le plus stupéfiant réside sans doute dans la justification employée par beaucoup, notamment des politiques, pour le maintien : la crèche serait un objet culturel. Cela voudrait donc dire que, y compris pour défendre des « racines chrétiennes » on serait prêt à accepter de réduire le Christ, le Sauveur du monde, Celui qui nous rassemble ce soir et que les peuples adorent, comme un fait culturel, folklorique et anecdotique. N’aurions-nous donc plus la foi nécessaire pour confesser avec fierté et joie que notre relèvement vient du Christ seul et non de nous-mêmes, de nos réflexions philosophiques ou tactiques économiques ?
 
Il est inutile de tergiverser, on nous le rabâche assez, tout est en crise : les finances, l’environnement, l’économie, la nation, le couple, la famille, l’Eglise, l’Islam, la foi… Paradoxalement, que la situation soit grave nous met en position favorable pour recevoir positivement le message de Noël. Ce n’est pas un peuple chez qui tout allait bien, allègre et éclairé, mais bien un peuple ténébreux et tâtonnant qui a vu se lever « une grande lumière » (Is. 9, 1). Ce n’est pas parce que nous connaissons des crises que nous ne pouvons pas vivre pleinement de la joie de Noël. C’est parce que nous prétendons qu’il y a d’autres solutions que la joie de Noël pour sortir de nos crises. Le problème, c’est que chacun a son petit éclairage sur la situation. A force de se prendre pour une lumière, chacun en oublie la « vraie Lumière ». Chacun a sa « loupiotte » qu’il refuse de lâcher et qu’il veut substituer absurdement à la lumière de Dieu. Pour les chrétiens catholiques, la crèche est alors un moyen de vivre le sens de la naissance de Jésus. Elle montre que Dieu a pris notre condition humaine : comment le Fils de Dieu est né, pauvre parmi les pauvres.
 
Le Christ que nous fêtons ce soir, le petit Enfant de la crèche, vient nous rappeler qu’il est venu au milieu de nous pour nous relever. Dieu nous donne son Fils pour nous remettre debout ; Il ne se résout pas à nous voir courber l’échine, à ployer sous un fardeau trop lourd à porter. Il vient à nos côtés. Ce Dieu a droit de cité dans nos villes et nos villages ! Il n’enferme pas l’homme sur lui-même, il le libère.
 
AMEN.
                                
Michel Steinmetz

samedi 20 décembre 2014

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent (B) - 21 décembre 2014

L’ange entra ». L’évangéliste ne dit pas qu’il apparut. Il entra tout simplement, comme n’importe quel visiteur. Ici, point d’effets spéciaux, juste une visite. Ce n’est pas cette visite qui provoque l’étonnement et la stupéfaction de Marie, mais bien la manière dont l’ange Gabriel la salue.
Je  te salue, comblée de grâces», quelle bien étrange façon de saluer quelqu’un.  Que diriez-vous si je vous saluais en disant : je vous salue, rempli de péchés ? La façon d’interpeler quelqu’un est très importante et révélatrice de la relation que l’on veut avoir avec cette personne.  Rappelez-vous durant la période communiste tout le monde se saluait en disant camarade.  Cela soulignait le fait que l’on partageait le même labeur, le même combat.  Pendant la révolution française, on se saluait en disant citoyen.  Cela supprimait toutes les différences sociales et cela rappelait que tous formaient une seule nation à laquelle il fallait tout donner.  Ici, l’ange dit : salut, comblé de grâces.  Il ne dit même pas Marie.  Or appeler quelqu’un par son prénom, c’est le reconnaître comme une personne unique.  Mais non, l’ange ne se base pas sur l’individualité humaine de Marie, il se base sur sa grâce.  Car, quand on donne un nom à quelqu’un, on reconnaît qui il est et comment on le reçoit : avec amitié, courtoisie, respect ou au contraire fort inélégamment.  Si quelqu’un vous appelle : « salut, pointure quarante-deux », vous saurez que c’est un cordonnier qui voit en vous un client potentiel.  Si au contraire il vous appelle : « salut, carie numéro … », vous saurez que c’est un dentiste en manque de patient.  Ici, l’ange dit : « comblée de grâces ».  La grâce divine, c’est son domaine.  Inutile de dire que l’ange ne voit que cela dans une personne humaine. Pour lui, cette grâce qui émane de Marie, c’est la chose la plus importante, plus fondamentale même que son prénom. Pour l’ange, le plus important, c’est le rayonnement divin à l’intérieur de Marie.  Marie est toute rayonnante de grâce divine et c’est cela qui tout d’abord stupéfie l’ange. Et stupéfie Marie en retour. Voici un envoyé de Dieu qui ne voit pas d’abord en elle une jeune fille ordinaire, une croyante fidèle et assidue. Et on connaît cela : on a eu la chance de rencontrer des gens qui étaient tout rayonnants de Dieu, comme on a également rencontré des gens qui étaient tout remplis d’eux-mêmes et ce n’est pas la même chose.
 
Mais une question se pose aussitôt : pourquoi est-ce que c’est Marie qui a bénéficié de cette overdose de grâces, et pas moi.  C’est vrai : elle n’a rien fait de spécial pour cela, c’est Dieu qui l’a choisi.  Et pourquoi pas moi ? Poser la question de cette façon, c’est déjà y répondre, parce que c’est réagir comme un enfant jaloux de son frère ou de sa sœur.  C’est une attitude d’enfant difficile et jaloux.  La question est plutôt de savoir comment Marie a pu laisser s’ouvrir son cœur de telle façon que Dieu a pu le remplir de tant de grâces.  Le plus difficile dans la vie, ce n’est pas d’aimer, mais de prendre le risque d’être aimé.  Car alors on se met en position d’infériorité, on laisse sa vie entre les mains de quelqu’un d’autre qui peut nous laisser tomber, qui peut nous blesser par maladresse, car notre cœur est grand ouvert.  Et c’est sans doute une des raisons pour laquelle l’ange n’a pas appelé Marie par son prénom, c’est parce qu’elle était comme transfigurée par l’amour de Dieu.  Voir Marie, c’est voir Dieu dans ses yeux, dans son regard, dans son écoute, dans son aptitude à rendre service.  Marie n’a peut-être pas très bien compris tout ce qu’on lui demandait, mais cela n’avait pas d’importance ; elle avait confiance : que tout se fasse selon ta volonté.
 
Et l’ange repartir sur la pointe des ailes, comme il était venu. Discrètement, sans transport ni cérémonie. Marie cependant avait prononcé avec confiance son « oui » irrémissible. Remplie de grâce, parce qu’à cœur ouvert avec Dieu, elle venait en quelques instants de changer la face du monde pour toujours. En cette dernière semaine avant Noël, retrouvons cette attitude toute simple et pourtant pleine de risque de se laisser emporter par l’amour de Dieu afin que le soir de Noël nous ne soyons pas simplement émus par le petit Jésus, mais que nous aussi nous soyons rayonnants de l’amour de Dieu.
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz  

Homélie du 3ème dimanche de l'Avent (B) - 14 décembre 2014

Une silhouette, un visage, quelqu’un légèrement en retrait. Qui est-il ? D’où vient-il ? C’est un inconnu, un étranger qui est arrivé dans le groupe. Nous faisons régulièrement l’expérience de celui, de celle qui entre dans un nouveau groupe de personnes. Nous sommes alors un visage sans nom, une personne incognito. Inversement, en faisant partie du groupe, nous remarquons rapidement un nouveau venu, une nouvelle tête parmi nous. Lors de notre entrée dans un groupe de gens qui se connaissent, nous sommes un peu intimidés, quelques fois inquiets. Il se peut que l’on passe inaperçu, que personne ne nous remarque tant les apparences sont banales. Il nous est peut-être arrivé d’avoir cette impression d’être invisible. Les yeux sont tournés ailleurs, vers d’autres, jusqu’à ce que quelqu’un se préoccupe de nous faire reconnaître par les autres.

 
Il arrive fréquemment que nous soyons introduits par quelqu’un qui nous connaît déjà. Un ami peut par exemple nous présenter à un groupe auquel il appartient. Nous faisons alors l’expérience du nouveau venu qui est regardé avec sympathie par les autres puisqu’il a la confiance d’un d’entre eux. Evidemment, les autres ne connaissent encore rien, ou très peu, de nous. Est-ce que je serai connu selon les apparences que je donne ? Est-ce que certains irons plus loin que les apparences, car elles sont parfois trompeuses ?

 
N'est-ce pas là l’expérience que Jésus lui-même a faite ? Toute une foule s’est rassemblée autour de Jean-Baptiste avec des tas de questions. Il y a même des prêtres et des lévites venus de Jérusalem pour avoir des réponses à leurs interrogations. Mais il y a surtout ces gens qui connaissent Jean-Baptiste, qui l’écoutent depuis tout un temps. On le suit, on se fait baptiser par lui, on reconnaît chez lui une certaine autorité. Cet homme est aux yeux de tous une personnalité qui en impose. A côté de l’illustre prophète, un inconnu passe inaperçu. C’est une silhouette, un visage parmi d’autres. Peut-être vient-il d’arriver ? Peut-être est-il déjà là depuis un certain temps ? Mais le texte dit bien qu’il n’est pas connu. Tout à coup, le prophète du désert interrompt la valse des questions qui fusent de toute part : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Il ajoute de façon très déroutante : « C’est lui qui vient derrière moi et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale ». Tous les regards se sont à présent tournés vers l’inconnu à qui Jean Baptiste donne tellement d’importance. Le prophète a fait exister Jésus pour les hommes et les femmes rassemblés autour de lui. Jésus ne s’est pas avancé de lui-même. Il n’est pas monté sur un rocher pour haranguer la foule mais il est resté à sa place dans une totale discrétion. Les enquêteurs pensaient avoir trouvé l’Envoyé de Dieu, le « messie », sur les apparences d’une personnalité forte et reconnue. Et non ! Celui qu’ils cherchent est semblable à n’importe quel passant. Jean-Baptiste identifie Jésus car il sait voir au-delà des apparences. Il a pris conscience que ce jeune homme qui l’écoute porte en lui quelque chose d’unique, un don qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer. 

Jean-Baptiste était probablement un homme attentif aux autres qui n’en restait pas aux apparences. Il a été à la rencontre de Jésus, prenant le temps de le découvrir et de percevoir en lui une personnalité exceptionnelle. Ensuite, il a d’une certaine façon introduit Jésus dans le cercle de ses proches. Le prophète a ainsi ouvert un chemin pour le Christ.

 
Nous sommes invités à devenir comme Jean-Baptiste. En étant attentif, en prenant le temps de découvrir l’autre, l’inconnu, l’étranger, nous dirons aux autres qu’il y a là quelqu’un à voir et à rencontrer. C’est peut-être quelqu’un qui nous apporte une vraie raison de vivre... Et puis, autour de nous, au milieu de nous quand nous sommes rassemblés en son nom, se tient le Christ. Mais sommes-nous attentifs à sa présence ? Acceptons-nous de regarder en sa direction, de nous pousser pour qu’il avance et qu’enfin nous écoutions sa voix ?

 
AMEN.

 
Michel Steinmetz  

vendredi 5 décembre 2014

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent (B) - 7 décembre 2014

Jean Baptiste, sans doute l’imaginez-vous comme moi hirsute et rachitique dans son désert. Cet homme a quelque chose d’exceptionnel, quelque chose de paradoxalement mesuré et retenu. Il m’intéresse parce qu’il connaît quelque chose que nous vivons aussi. Jean Baptiste attend la venue du Messie, nous attendons son retour. Première ou dernière fois, dans un cas comme dans l’autre, il faut se préparer ! Le Messie va-t-il tolérer pareil désordre établi ?  Pour nous comme pour les contemporains du Baptiste, la venue des derniers temps exige de grands bouleversements ! Impossible de vivre l’Avent sérieusement sans tout révolutionner ! Mais où se trouve le changement le plus profond ?
 
Il y en bien sûr qui vivent Noël comme une gentille fête folklorique, tournée vers le passé. Mais ils n’ont rien compris ! Les chrétiens ne marchent pas à reculons. Pour nous, l’histoire n’est pas circulaire mais linéaire et irréversible. De même qu’elle a commencé, elle finira ! Nous rappelons la venue du Messie parce que nous attendons son retour définitif ! Le passé est avant tout un élan vers l’avenir car l’incarnation du Verbe en Jésus de Nazareth est le point de saisie du cosmos tout entier. L’histoire aura une fin, un accomplissement et, de même que Jean Baptiste préparait les chemins du Messie, nous travaillons, nous, au grand projet de Dieu. Nous attendons la Parousie, la manifestation triomphale du Ressuscité. Nous croyons qu’il achèvera et récapitulera en lui tout l’univers.
 
Dans cette perspective, découvrir que Jean Baptiste est mesuré, me fait prendre conscience, dans la cacophonie des exaltés, qu’il y a dans la foi chrétienne un équilibre et une retenue, une limite et un respect, sans équivalent. Le discours de Jean Baptiste est modéré. Son programme est mesuré : partager et ne pas faire d’excès. « Celui qui a deux habits, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » C’est tout, c’est peu ! Jean Baptiste est celui qui sait accepter l’autre comme différent. Tout, chez lui, est dans la limite consentie. A l’opposé du fanatique qui détruit l’autre ou cherche à le conditionner, Jean Baptiste reçoit l’autre, tel qu’il est. Il a compris qu’il faut lui laisser de la place : préparer les chemins de Dieu, c’est se préparer à l’accueil. « Il faut qu’il grandisse et que je diminue ». Il s’efface. Il désire l’autre, prépare sa venue et respecte celui qui vient après lui. Jean Baptiste m’impressionne par sa discrétion. Il ne se prend pas pour le Messie. Il ne s’imagine pas non plus son impresario (Jn 3, 27-30). Il ne prétend pas accélérer la venue du Messie par sa prédication. Homme de désir, Jean Baptiste reste patient. Il est la voix qui indique le Verbe. Jamais il ne se confond avec celui qu’il annonce et qu’il attend.
 
Jean appelle à le rejoindre au désert pour entendre la voix qui invite à préparer les chemins du Seigner. La symbolique biblique du désert est double. Le désert symbolise certes la désolation, le risque de mort. Mais il est aussi le lieu où, précisément parce que l’homme s’y sent petit et démuni, il peut y faire l’expérience de l’intimité avec Dieu. C’est cette expérience-là qui est proposée par Jean. Mais pour rencontrer le Christ, il ne s’agira plus de faire des milliers de kilomètres, ni de se vêtir de poils de chameau et de manger des sauterelles, il s’agira de « faire désert » : de se débarrasser des artifices, de retourner à l’essentiel, bref de se convertir. Préparer la venue du Sauveur, c’est nous préparer pour que sa parole porte du fruit en nous.
 
J'insiste donc sur ce point, mes amis : ne croyons pas non plus que le Christ se manifestera comme le résultat de notre agitation. Notre défaut est d’en faire beaucoup trop et notre hyperactivité nous sert d’alibi pour ne pas même apercevoir notre voisin immédiat. Tant pis si nous faisons pâle figure dans un monde d’excités : respectons les limites de notre condition. Comme Jean Baptiste, faisons place à l’autre, partageons ce que nous avons et transformons nos relations humaines, même limitées, en relations d’amour. C’est en devenant humains que nous accueillerons Dieu (Jn 10, 31-39 ; 17, 21).
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz X 

jeudi 27 novembre 2014

Homélie du 1er dimanche de l'Avent (B) - 30 novembre 2014


Noël ! Depuis quelques jours l’effervescence va crescendo. Partout on se prépare à la fête et les commerces nous encouragent à consommer. Il ne me reste que quelques petites semaines pour trouver l’idée de chaque cadeau génial et pas cher, qui me permettra de faire plaisir à ceux que je voudrais honorer. De quoi ont-ils besoin ? Ou, s’ils n’ont besoin de rien, comment pourrais-je leur faire une surprise personnelle qui puisse les réjouir ? Comment rejoindre leur désir ? Comment les étonner ? Comment leur manifester mon affection ? L’amour ne peut pas se prouver, il peut quand même s’exprimer ! Ces questions-là, il me plaît d’imaginer que Dieu se les pose aussi, pour nous, et que, même s’il se les pose depuis une éternité, il n’a toujours pas vraiment trouvé.
 
A leurs enfants, les parents peuvent donner de l’argent, pour les soutenir dans leurs projets et pour qu’ils en fassent eux-mêmes ce qu’ils désirent. Une partie de cet argent permet ainsi aux enfants de faire des cadeaux en réciprocité, et des surprises aussi à leurs parents. Car, plus que l’argent, le petit cadeau symbolique comme l’on dit, a plus de valeur que ce qu’il est. Il n’est pas seulement un objet isolé, il est signe, rappel, témoin, d’un souci et d’une affection. Tout au long de son histoire, Dieu n’a jamais cessé de faire ce genre de cadeaux à l’humanité. Mais nous ne sommes toujours pas rassasiés... Et nous doutons toujours qu’Il existe vraiment pour nous, ou plutôt que nous existions vraiment pour Lui, ce qui revient au même, finalement. Pourtant Dieu est là. Il nous a tout donné : de quoi vivre et nous développer, des signes multipliés, et puis sa Parole, son Souffle... Il est ensuite parti, pour que ce soit vraiment à nous. Il s’est éclipsé et cette absence, c’est bien lui : cette surprise qu’il nous fait par son absence, c’est « tout lui » ! Il a disparu pensent certains. Il n’a jamais existé affirment d’autres. Il s’est effacé et nous sommes seuls, pensons-nous, pour un temps. Nous avons tout, et certains semblent s’en satisfaire. Nous avons tout et plus encore : nous avons aussi la promesse de son retour. Un retour que personne ne peut imaginer, ni prévoir. Auquel on peut se préparer. Qu’il faut éviter d’oublier. Il faut veiller.
 
Dieu nous assure de sa présence. Mieux, il promet son retour. Cette attention que suppose la veille s’oppose au sommeil. Il s’agit d’être prêt, comme tous les parents quand ils attendent l’enfant, ou les malades le visiteur, les amoureux le rendez-vous. Veiller, c’est désirer. Le don de Dieu est discret, car Dieu lui-même est pudique. Il peut passer inaperçu si l’homme ne creuse, dans les profondeurs de son être, cette douce et silencieuse attente qui fait de lui un éveillé. Comme des enfants, nous avons reçu des cadeaux, des cadeaux tout faits et des cadeaux à fabriquer, des trains, des ponts, des maisons, des instruments pour écouter de la musique ou pour en jouer. Mais au-delà des dons, n’oublions pas le donateur. Il y a quelque part le sourire de celui qui a donné ! Et ce sourire, un jour nous le verrons, comme le plus merveilleux cadeau, par-delà tous les cadeaux ! Tout ce qui est autour de nous, à portée de main, est signe, rappel, témoin que nous ne sommes pas orphelins.
 
Le temps de l’Avent voudrait réactiver en nous ce désir de l’attente. Déjà la fin de l’année liturgique, souvenez l’évangile de dimanche dernier, nous invitait à penser au retour du Christ à la fin des temps. Nous risquons toujours, si nous n’y sommes pas vigilants, d’oublier le Maître parti en voyage ; d’abandonner le message de l’Evangile ; de renoncer petit à petit à notre foi. Nous nous laissons aller à la facilité, au plaisir immédiat, à la récompense qu’offre ce monde. Ne connaître ni le jour ni l’heure ne doit pas nous démobiliser, au contraire. Dieu nous laisse le temps de l’apprivoiser. Et lui patiente de nous savoir prêts.
 
Alors, veillons ! C’est en veillant que nous le trouverons. Peut-être comme Jacob s’éveillant au sortir de son songe (Gn 28, 16), nous nous exclamerons : « Vraiment le Seigneur est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas ». C’est cela le cadeau que Dieu nous prépare.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz X 

 

 

 

 

 

samedi 15 novembre 2014

Homélie du 33ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 16 novembre 2014

Langage bien étrange et déconcertant de l’évangile ; moins cependant si nous le relisons avec des images de nos journaux télévisés d’aujourd’hui, ou d’un hier plus ou moins proche mais toujours d’actualité. Vous vous souvenez des images d’un 11 septembre 2001, où l’ordre mondial semblait ébranlé. Vous avez à l’esprit les terrains de conflits présents : Syrie, Ukraine ; les terres convoitées par le fondamentalisme abject d’un Etat islamique du Levant. Vous connaissez la souffrance de nos frères chrétiens d’Irak et du Moyen-Orient. Malheureusement, nous pourrions encore continuer cette sombre liste.
« Vous entendrez parler de guerres » ; « on vous persécutera, on vous jettera en prison » ; « vous serez livrés par vos parents, votre famille ». Toutes ces paroles de l’évangile sont plus que jamais actuelles.
Hier comme aujourd’hui, les gens posent les mêmes questions que les disciples : quand Seigneur ? quel sera le signe que cela va se réaliser ? Quand ? Quels signes ? Nous trouvons toutes les réponses à ces deux questions dans les horoscopes, marcs de café, lignes de la main et autres prophéties (pas celles de la Bible, mais celles vendues par les charlatans du net et d’ailleurs). Mauvaises questions, aux yeux de Jésus ; questions sans réponse !
 
Quand ? Mais hier, aujourd’hui, demain. Quels signes ? Il n’y a pas de réponse évidente. Alors, dans l’incertitude, nous risquons de penser à autre chose, de passer à autre chose. C’est ce que font la plupart ; et toute la culture ambiante nous y pousse. Sitôt un évènement passé, les médias se mettent en quête d’un nouveau malheur, d’une nouvelle affaire à nous livrer en pâture. Cet enchaînement nous dédouane de nos responsabilités : que pouvons-nous y changer ? Alors, il vaut mieux pour nous jouir de la vie sans nous soucier de rien, et surtout pas de notre prochain.
 
Il faut que cela arrive ; mais ce ne sera pas tout de suite la fin. De génération en génération, nous vivons ces drames, ces violences. Voilà la vraie question qui nous est posée ! Il vaut la peine de l’affronter et d’écouter Jésus pour en avoir une vision juste.
Première évidence fondamentale. Tout sera détruit. Ce monde passera et notre petit monde personnel passera. A notre mort, déjà. Face à cette vérité, face à cette réalité inéluctable, Jésus nous propose quelques attitudes de base :
1.    Ne vous effrayez pas ! Quelques phrases plus loin, Jésus conclut son enseignement : « Quand tout cela arrivera, redressez-vous, relevez la tête ; car votre délivrance est proche. » Comment ne pas songer ici au redressement de Jésus lui-même au matin de Pâques ? Ce redressement de notre part sera communion à sa Pâque.
2.    Ne vous laissez pas égarer ; beaucoup viendront en mon nom en disant : le moment est tout proche. Ne marchez pas derrière eux ! Sans commentaire !
3.    Ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage. Moi-même, je vous inspirerai langage et sagesse, auxquels on ne pourra opposer ni résistance ni contradiction. Souci terriblement actuel : comment partager, communiquer nos raisons de croire à nos proches, nos amis, nos enfants, apparemment indifférents ?
4.    Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. Dieu est là, toujours là ; même et surtout quand tu y penses le moins.
5.    Par votre persévérance, vous obtiendrez la vie ! La persévérance, c’est le courage de durer, de continuer de miser sur Dieu. Cette persévérance en lui est fidélité.
6.    Vous obtiendrez la vie ! La vie est plus que la vie ; elle est vie éternelle, déjà entamée ; pour déboucher en vie, de plus en plus vie, sans fin.
Le Royaume de Dieu vient ; il est tout proche ; il est déjà là ; il est au milieu de vous ; multiples facettes de l’unique royaume : pas encore ; et pourtant déjà là. Le Soleil de justice apporte la guérison dans le rayonnement de son corps livré pour nous, l’Eucharistie que nous allons offrir et partager.
AMEN.
 
Michel Steinmetz +