Contrairement aux
autres signes de Jésus dans l’évangile de Jean, nous n’avons pas affaire ici à «
un » paralytique, ou à « un » aveugle, mais à une personne proche de l’entourage
de Jésus. Jésus est face à la mort de son ami et à la tristesse de ses sœurs. Jésus
entretient une forte amitié avec cette famille, Lazare et ses deux sœurs Marthe
et Marie. Une amitié sincère et profonde. Il est rare que les émotions de Jésus
soient exprimées dans les évangiles. Jésus est bouleversé. Il pleure. Il est
gagné lui aussi par cette atmosphère de tristesse des personnes présentes.
Jésus adresse une
prière à son Père dont le contenu est exprimé : « Père, je te rends grâce parce
que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je
le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui
m’as envoyé » (v. 42). Juste avant de se laisser gagner par l’émotion, Jésus
rencontrait Marthe. Dans l’échange qu’il a avec elle, il se révèle : Il est
Dieu, celui qui donne la vie. Il est « la résurrection et la vie » (v. 25). Humanité
et divinité. Là apparaissent les deux natures du Christ. Ce que la foi de l’Eglise
a ainsi défini : Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu… un seul et
même en deux natures… sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation.
Entre ces deux natures, pas de concurrence ou de conflit, mais une relation
particulière où la nature divine et la nature humaine sont liées de manière
indivise et sans mélange. Voilà tout le mystère de l’incarnation !
Ce dernier signe de
Jésus suscite l’étonnement et la foi de beaucoup. Ce geste miraculeux, de vie
mais aussi d’amour et d’humanité, restera dans les mémoires... Il dérangera.
Pourtant, il montre un Dieu au milieu des siens, au plus proche d’eux dans les
tristesses : un Dieu miséricordieux.
Difficile alors de définir
ce signe, de mettre des mots sur ce qui s’est passé. Comment d’ailleurs le
définir ?
Le
« réveil » de Lazare ? Lazare s’est endormi dans la mort, Jésus le réveillera
à la vie. Mais le mot « réveil » n’est pas assez fort. Lazare n’est pas
seulement endormi. Il est bien mort ! De petits détails dans le texte
confirment cela. Depuis quatre jours, il repose dans le tombeau (v. 39). À ce
stade, le processus de putréfaction a déjà commencé, d’où la célèbre phrase «
Seigneur, il sent déjà » (v. 39). Dans la conception juive de l’époque, il n’y
a plus aucun espoir après trois jours : l’âme s’est alors séparée du
corps. Il n’y a plus là qu’un cadavre. Jésus accomplit le signe au-delà de tout
possible.
La
« renaissance » de Lazare ? Lazare ne recommence pas sa vie au stade
de l’enfance… Il la reprend là où il l’a laissée, au pied du tombeau.
La
« résurrection » de Lazare ? Lazare n’est pas ressuscité comme le sera
le Christ. Lazare n’inaugure pas la vie
éternelle mais il retourne dans la vie physique où il devra mourir une seconde
fois. D’ailleurs, il sera au repas de sa sœur au chapitre suivant (12,1-11).
Au
final, l’expression « retour
à la vie » est sans doute la meilleure… Lazare, qui était mort depuis
quatre jours déjà est à nouveau vivant. La mort n’est plus une fin et la vie
porte un autre nom dans la personne de Jésus. Par son geste, Jésus, celui qui
est « la résurrection et la vie », marche vers sa mort. Le signe de la vie
retrouvée pour Lazare signera l’arrêt de mort de Jésus. Il est comme la goutte d’eau
qui fait déborder le vase, le signe de trop pour les autorités juives. Ce signe
miraculeux, signe ultime, donne un aperçu de la victoire sur la mort. Le signe
de la vie déclenche la foi des foules et amène doucement Jésus sur le chemin de
la mort. Le retour à la vie de Lazare est une pâle esquisse de la
mort-résurrection de Jésus qui approche à grands pas...
Jésus nous invite à croire
que notre foi en Lui donne la vie éternelle. Dans ce vibrant « Lazare, viens
dehors ! », Jésus nous appelle, nous aussi, à sortir de nos tombeaux. Quels
sont les tombeaux dans lesquels je suis enfermé ? Suis-je prêt à être comme Lazare,
à qui Jésus rend la vie, à venir au dehors ?
AMEN.
Michel
STEINMETZ †