A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

vendredi 31 mars 2017

Homélie du 5ème dimanche de Carême (A) - 2 avril 2017

Contrairement aux autres signes de Jésus dans l’évangile de Jean, nous n’avons pas affaire ici à « un » paralytique, ou à « un » aveugle, mais à une personne proche de l’entourage de Jésus. Jésus est face à la mort de son ami et à la tristesse de ses sœurs. Jésus entretient une forte amitié avec cette famille, Lazare et ses deux sœurs Marthe et Marie. Une amitié sincère et profonde. Il est rare que les émotions de Jésus soient exprimées dans les évangiles. Jésus est bouleversé. Il pleure. Il est gagné lui aussi par cette atmosphère de tristesse des personnes présentes.

 
Jésus adresse une prière à son Père dont le contenu est exprimé : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé » (v. 42). Juste avant de se laisser gagner par l’émotion, Jésus rencontrait Marthe. Dans l’échange qu’il a avec elle, il se révèle : Il est Dieu, celui qui donne la vie. Il est « la résurrection et la vie » (v. 25). Humanité et divinité. Là apparaissent les deux natures du Christ. Ce que la foi de l’Eglise a ainsi défini : Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu… un seul et même en deux natures… sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation. Entre ces deux natures, pas de concurrence ou de conflit, mais une relation particulière où la nature divine et la nature humaine sont liées de manière indivise et sans mélange. Voilà tout le mystère de l’incarnation !
 

Ce dernier signe de Jésus suscite l’étonnement et la foi de beaucoup. Ce geste miraculeux, de vie mais aussi d’amour et d’humanité, restera dans les mémoires... Il dérangera. Pourtant, il montre un Dieu au milieu des siens, au plus proche d’eux dans les tristesses : un Dieu miséricordieux.

 
Difficile alors de définir ce signe, de mettre des mots sur ce qui s’est passé. Comment d’ailleurs le définir ?
         Le « réveil » de Lazare ? Lazare s’est endormi dans la mort, Jésus le réveillera à la vie. Mais le mot « réveil » n’est pas assez fort. Lazare n’est pas seulement endormi. Il est bien mort ! De petits détails dans le texte confirment cela. Depuis quatre jours, il repose dans le tombeau (v. 39). À ce stade, le processus de putréfaction a déjà commencé, d’où la célèbre phrase « Seigneur, il sent déjà » (v. 39). Dans la conception juive de l’époque, il n’y a plus aucun espoir après trois jours : l’âme s’est alors séparée du corps. Il n’y a plus là qu’un cadavre. Jésus accomplit le signe au-delà de tout possible.
         La « renaissance » de Lazare ? Lazare ne recommence pas sa vie au stade de l’enfance… Il la reprend là où il l’a laissée, au pied du tombeau.  
         La « résurrection » de Lazare ? Lazare n’est pas ressuscité comme le sera le Christ. Lazare n’inaugure pas la  vie éternelle mais il retourne dans la vie physique où il devra mourir une seconde fois. D’ailleurs, il sera au repas de sa sœur au chapitre suivant (12,1-11).
         Au final, l’expression « retour à la vie » est sans doute la meilleure… Lazare, qui était mort depuis quatre jours déjà est à nouveau vivant. La mort n’est plus une fin et la vie porte un autre nom dans la personne de Jésus. Par son geste, Jésus, celui qui est « la résurrection et la vie », marche vers sa mort. Le signe de la vie retrouvée pour Lazare signera l’arrêt de mort de Jésus. Il est comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, le signe de trop pour les autorités juives. Ce signe miraculeux, signe ultime, donne un aperçu de la victoire sur la mort. Le signe de la vie déclenche la foi des foules et amène doucement Jésus sur le chemin de la mort. Le retour à la vie de Lazare est une pâle esquisse de la mort-résurrection de Jésus qui approche à grands pas...
 

Jésus nous invite à croire que notre foi en Lui donne la vie éternelle. Dans ce vibrant « Lazare, viens dehors ! », Jésus nous appelle, nous aussi, à sortir de nos tombeaux. Quels sont les tombeaux dans lesquels je suis enfermé ? Suis-je prêt à être comme Lazare, à qui Jésus rend la vie, à venir au dehors ?


AMEN.
 

Michel STEINMETZ † 

vendredi 24 mars 2017

Homélie du 4ème dimanche de Carême "Laetare" (A) - 26 mars 2017


Un aveugle assis à la sortie du temple mendiait sa pitance quotidienne. Il n’a pas de nom. Pourquoi lui en donner un ? Il est aveugle. Voilà sa condition, voilà son nom : un aveugle de naissance. Il ne connaît que le noir de sa vie, de sa condition. Il est aveugle de naissance, c’est-à-dire que jamais il n’a vu la lumière. C’est ainsi. Irrémédiable. L’aveugle ne demande rien. Il n’interpelle même pas Jésus.

Le regard de Jésus se pose sur l’aveugle. La guérison se fait dans la simplicité d’une rencontre entre Dieu et l’homme. La raison de l’aveuglement de cette personne est claire dans la logique de l’époque. La foi populaire assimilait une telle infirmité à une faute (Dt 5,9 ; Ex 20,5 ; Nb 14, 33 ; Lm 4,7). Jésus par son regard casse les clichés. Il rompt le lien maladie-péché. Il se révèle comme un Dieu qui sauve, un Dieu qui guérit, un Dieu qui donne vie ! Il n’est pas un Dieu qui punit, génération après génération. Ce qui est l’œuvre de Dieu, ce n’est pas la maladie, mais la guérison. L’œuvre de Dieu ou la mission de l’envoyé du Père c’est de donner la vie en abondance ! Malgré la guérison spectaculaire, tous ne croiront pas. Tous n’accéderont pas à la vue, à la lumière vivifiante comme l’aveugle qui sera guéri corps et âme dans sa confession de foi.

Le procédé thérapeutique de Jésus, qui peut rappeler la guérison de Naaman le Syrien dans l’Ancien Testament (2 R 5), se fait avec les moyens du bord. L’usage de la salive dans le procédé de guérison n’est pas un détail farfelu qu’aurait rajouté l’évangéliste dans son récit. Il se retrouve dans bien d’autres textes de guérisons d’aveugle (Mc 8,22-26) ou de sourd-muet (Mc 7,31-37). Le geste de Jésus rappelle celui du Créateur : il prend de la terre, il fait de la boue avec sa salive, il l’applique sur les yeux de l’aveugle. L’homme est modelé à partir de la terre du sol et animé du souffle de vie (Gn 2,7). Jésus rend l’humanité à cet homme qui n’a même pas de nom. Il lui offre la lumière, comme au premier jour de la Création : « Que la lumière soit ! ». Le récit ne s’arrête pas à la guérison physique de l’aveugle. Le cheminement ne fait que commencer pour aller de plus en plus vers la lumière, vers le Christ, « lumière du monde » (Jn 8,12). Le signe renvoie à Jésus. Il signifie un peu plus qui il est. Dans l’Ancien Testament, seul Dieu a le pouvoir de guérir les aveugles (Ex 4,11 ; Is 29,18 ; 35,4-5).

L’aveugle est envoyé à la piscine pour s’y laver. Il ne voit pas encore pour l’instant. La boue est sur ses yeux. Il n’a pas vu celui qui l’a guéri. Il n’a pu qu’entendre sa voix. Il espère retrouver la vue, découvrir cette vie. Cette piscine, située sur le flanc sud-ouest de la colline de la vieille ville, est elle aussi source de vie pour Jérusalem. Il faut dire que le problème de Jérusalem a toujours été son alimentation en eau du fait de sa situation géographique. Le roi Ezéchias (VIIIe siècle av. J.-C.) régla ce souci grâce à des travaux souterrains. La population de Jérusalem était alors assurée de survivre en cas de siège. La piscine est alimentée par la source du Guihôn (2 R 20,20 ; Es 22,11). L’eau passe dans un tunnel et sort à la lumière dans la piscine du nom de Siloé, de l’hébreu « envoyé ». L’homme est envoyé par Jésus, lui-même l’envoyé du Père. La piscine de Siloé est bien plus qu’une petite indication géographique dans le récit. Elle renseigne sur le signe accompli par Jésus et sur sa mission d’envoyé du Père.

Par deux fois, Jésus vient chercher cet homme. Quand il le croise à la sortie du Temple et quand les pharisiens l’ont jeté dehors. Sa guérison suscite la division, auprès de ses voisins, auprès des autorités juives. L’aveugle-né est témoin de la puissance et du don divin, mais il est aussi en marche. Nous pourrions dire qu’il illustre la vie de chaque baptisé, témoin du Christ Ressuscité, toujours en recherche. L’aveugle ira jusqu’à la confession de foi. C’est là le deuxième signe, le deuxième don, celui de la foi.

Ce récit de guérison, comme il y a en a tant dans les évangiles, n’est pas un signe de plus... Il illustre le combat entre la lumière et les ténèbres pour cet homme, mais aussi pour chacun de nous. Le Christ vient vers nous, qui bien souvent ne lui demandons rien. À nous de faire le pas supplémentaire.

AMEN.
                                                 
 
Michel Steinmetz

vendredi 17 mars 2017

Homélie du 3ème dimanche du Carême (A) - 19 mars 2017

La vie de chacun en ce monde est comme un chemin qui commence à sa naissance et se termine à sa mort. Ce chemin, le Christ a décidé de l’emprunter et de nous inviter à Le suivre pour que notre destinée soi transformée. Pendant le Carême, nous sommes tout particulièrement invités à suivre Jésus sur le chemin qui le conduit à Jérusalem. Là encore, il s’agit de découvrir avec lui ce que Dieu attend de nous. La méditation des tentations de Jésus au désert nous a montré comment Jésus vivait sa liberté d’homme. Dans la transfiguration de Jésus sur la Montagne nous avons vu comment dans son existence humaine Jésus est le Fils bien-aimé du Père, et comment cette présence cachée du Fils unique de Dieu peut transformer nos existences humaines.
 

En ce jour, Jésus nous est révélé comme Sauveur du monde, comme celui qui est venu pour que tous les hommes aient la vie. Cette manifestation se fait au cours d’une des étapes de son chemin vers Jérusalem, dans ce village de Samarie où il rencontre cette femme venue puiser l’eau. Cette femme est une étrangère ; elle ne partage pas la foi d’Israël. Prophétiquement, cette rencontre représente comme un débordement de la promesse faite à Israël vers les nations. Ce qui avait été réalisé pour le Peuple élu lors de la traversée du désert, ce Salut qui « vient des Juifs » (Jn 4, 22), sera annoncé et proposé à tous sans distinction d’origines ou de races. Cette femme de Samarie symbolise l’humanité en quête de Salut, en quête d’une eau qui pourrait apaiser son désir et sa soif.
 

Jésus se présente comme celui qui donne « l’eau vive » (Jn 4, 10), comme le Messie (Jn 4, 26), et comme celui qui accomplit la volonté et l’œuvre du Père (Jn 4, 34). Pour nous qui sommes baptisés, la méditation de cette étape de Jésus en Samarie nous aide à mieux entrer dans la grâce baptismale que nous avons reçue. Cette eau vive du baptême, c’est la vie de Dieu lui-même qui nous est offerte et qui fait de nous des enfants bien-aimés du Père. A cette occasion, nous pouvons accueillir cette parole du Christ à la Samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit donne-moi à boire, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné l’eau vive » (Jn 4, 10). Jour après jour, semaine après semaine et année après année, nous sommes appelés à mieux connaitre ce don que Dieu nous a fait dans notre baptême, et à reconnaître Jésus comme le Sauveur du monde. Autour de nous, beaucoup se demandent si le Christ a aujourd’hui quelque chose à dire aux hommes. Nous devons d’abord nous demander ce que nous recevons nous-mêmes de la parole du Christ. Car comment pourrait-il dire quelque chose à l’humanité si sa parole reste pour nous lettre morte et si nous ne la recevons pas comme une parole de vie ?
 

Comment la Parole du Christ éclaire l’expérience familiale que vous avez vécue, que vous vivez, ou que nous vivons tous, puisque tous nous appartenons à une famille ? Comment peut-elle guider le chemin de la jeunesse ? Comment est-elle une espérance pour ceux qui s’engagent dans le mariage et qui élèvent des enfants ? Comment est-elle une lumière pour affronter les situations imprévues auxquelles la vie nous confronte ? Comment permet-elle que cette expérience de la vie familiale soit vraiment un lieu de vie, de joie, de charité ?
 

Nous essayons de croire au Christ et de le suivre. Dès lors, si nous n’arrivons pas à mettre en pratique sa parole dans les circonstances les plus communes de notre vie que nous partageons avec tous nos contemporains, comment voulez-vous que ceux-ci puissent croire que le Christ change quelque chose à la vie des hommes ? Devenir témoins du Christ, c’est d’abord faire la volonté du Père. C’est y trouver, comme Jésus, une nourriture (Jn 4, 34). Si nous accueillons cette parole et si nous acceptons de faire la volonté du Père en toute chose et en particulier dans le domaine de la vie familiale et de l’éducation des jeunes, alors la parole du Christ atteindra le cœur de ceux au milieu desquels nous vivons. Et comme les Samaritains le disaient à la femme après avoir entendu Jésus, ils pourront nous dire à nous aussi : « ce n’est plus à cause de ce que vous nous avez dit que nous croyons maintenant, nous l’avons entendu par nous-mêmes et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde ! » (Jn 4, 42).
 

AMEN.
 

Michel Steinmetz  

jeudi 9 mars 2017

Homélie du 2ème dimanche de Carême (A) - 12 mars 2017

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il les emmène sur une haute montagne. Ils le connaissent maintenant assez bien. Ils ont entendu une grande partie de son enseignement, ils ont vu les miracles qu’il a accomplis. Ils savent que c’est un homme qui parle avec autorité, qu’il peut guérir les malades et expulser les démons. Ils trouvent profond et convaincant son enseignement. Tout cela explique pourquoi ils continuent à le suivre : c’est un homme qu’il vaut la peine de suivre. Mais qui est-il vraiment ? Est-il plus qu’un prophète ou un homme qui fait des miracles ? Est-il simplement envoyé par Dieu pour exhorter le peuple ? Que signifie au juste la profession de foi de Pierre lorsqu’il dit à Jésus : « tu es le Christ, le Messie, le Fils du Dieu-vivant » ? Reconnaît-il simplement que Jésus est quelqu’un d’exceptionnel ?
Dans les évangiles, la Transfiguration du Christ marque la montée de Jésus vers Jérusalem, et prépare les disciples aux événements qu’ils auront à vivre. Cet épisode succède à la profession de foi de Pierre (« Tu es le Christ, le Fils du Dieu-vivant » en Mt 16, 16) et aux premières annonces de la Passion. Mais celles-ci restent d’une certaine manière mystérieuses pour les apôtres qui ne sont pas prêts à comprendre ce que signifie que « le Fils de l’Homme devra souffrir beaucoup, être tué, et, le troisième jour, ressusciter » (Mt 16, 21). Seule la résurrection ouvrira vraiment l’intelligence des disciples à la compréhension de ces paroles et c’est pourquoi, à la fin de ce récit, Jésus leur ordonne de « ne parler de cette vision à personne avant que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts » (Mt 17, 9). Mais en manifestant sa gloire sur la montagne de la transfiguration, Jésus veut néanmoins préparer leur cœur à ce qu’ils vont vivre.
Pierre, Jacques et Jean y découvrent que Jésus est beaucoup plus que ce qu’ils imaginaient ou percevaient, qu’il est beaucoup plus qu’un homme dont les paroles et les gestes sont impressionnants, et dont les valeurs sont profondes. Il est transfiguré devant eux ; il brille comme le soleil, ses vêtements comme la lumière. Ceci n’est pas simplement un spectacle, ou encore un miracle. Ici, il ne s’agit pas de ce que Jésus fait, mais plutôt de la révélation de ce qu’il est. Il est révélé comme source de la lumière. Ce n’est pas un homme éclairé ; Jésus est celui qui éclaire, qui illumine, qui, dans l’obscurité de cette vie, est lumière. Depuis le début, quand Jésus les a appelés là au bord du lac de Galilée, Pierre, Jacques et Jean sont, sans le savoir, en présence de Dieu. Maintenant, ils voient la divinité de Jésus. La voix qui vient de la nuée lumineuse le confirme : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ». Depuis quelques mois, peut-être depuis des années, ils marchent avec Dieu, et Dieu avec eux, d’une manière humaine, familière, intime.
Comment, nous-mêmes, dans ce temps de conversion et dans notre cheminement vers Pâques, pouvons-nous être fortifiés par la méditation de ce récit de la Transfiguration ? Nous ne sommes pas Fils de Dieu à la manière de Jésus, mais nous sommes bien devenus par notre baptême fils et filles bien-aimés du Père par adoption, à travers les faiblesses de notre vie humaine. Comme pour Jésus de Nazareth, notre filiation divine n’est pas visible. Mais en dépit de la pauvreté de ce qui se voit, le choix qu’Il a fait de nous pour être ses enfants, la vie divine que nous avons reçue au baptême et à laquelle nous sommes appelés à nous conformer de plus en plus ; tout ceci forme la réalité profonde de chacune de nos existences.
 
Etre chrétien ce n’est pas vivre des choses extraordinaires. C’est partager la destinée humaine en étant habité de manière invisible par la force et la vie de Dieu. Sa parole nous révèle la réalité invisible de notre existence. Elle nous rend confiance dans la capacité de la grâce reçue au baptême à transformer et même à transfigurer notre vie. Par grâce, cette dignité habituellement cachée sera-t-elle rendue perceptible, non par des signes extraordinaires mais à travers notre manière de vivre et d’être avec les autres, à travers la transformation de notre existence personnelle, à travers notre relation au monde et à travers l’espérance que nous avons en face de la mort ?
AMEN.
Michel Steinmetz   

jeudi 2 mars 2017

Homélie du 1er dimanche de Carême (A) - 5 mars 2017

Les lectures liturgiques que nous venons d’entendre du livre de la Genèse, de l’épître aux Romains et de l’évangile selon saint Matthieu, chacune dans un genre différent, nous invitent à regarder le destin de l’homme d’une façon nouvelle et originale. Tout homme, toute femme, sur cette terre finit par mourir un jour, et nous n’y pouvons rien. On peut retarder la mort, on peut allonger la vieillesse, on peut mieux accompagner les derniers moments de la vie, mais on ne peut pas empêcher de mourir. Là où nous ne voyons qu’une fatalité, cet événement imposé par la nature même de l’existence humaine, l’Écriture nous invite à le considérer autrement que comme une fatalité biologique ou comme un événement qui échappe à toute emprise de l’homme.
 
L’Écriture fait un lien entre la mort et le péché, non pas le péché personnel comme si chacun d’entre nous causait sa propre mort par le mal qu’il accomplit. Souvent les gens pensent ainsi : devant l’injustice de la maladie et de la mort, ils demandent : « Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Qu’est-ce que j’ai pu faire au Bon-Dieu ? » Comme si la maladie, le mal et la mort étaient une rétribution pour ce que nous avons fait. Mais ce n’est pas cela que l’Écriture nous dit. Paul, en particulier dans l’épître aux Romains, essaye de nous faire comprendre qu’il y a une solidarité totale dans l’humanité et que cette contrainte universelle de la mort est liée à la faillite universelle elle aussi de la liberté humaine. C’est parce que l’homme a voulu se prendre pour Dieu dans le premier Adam, c’est parce qu’il a voulu accaparer pour lui ce que Dieu s’était réservé, que la mort est entrée dans le monde. L’homme s’est enfermé dans sa prétention à l’autosuffisance. C’est parce que nous sommes tous concernés par cette défaillance de la liberté humaine originelle que tous, nous pouvons espérer que le nouvel Adam, le Christ, va apporter une liberté restaurée par sa victoire sur la mort.
 
Car au fond, cela nous intéresse-t-il tellement que Jésus soit ressuscité comme s’il s’agissait d’un match d’où il est sorti vainqueur ? En quoi cette résurrection nous intéresse-t-elle, nous ? Justement parce que sa victoire sur la mort, c’est la victoire sur la défaillance initiale de la liberté humaine : en dominant la mort, il nous rend, non pas la vie sans danger, mais la vie libre. Il nous rend notre liberté. Le drame de la liberté humaine, sa grandeur mais aussi les risques qu’elle représente, c’est que, pour chacune et chacun d’entre nous, à chaque moment de notre vie, dans les grandes occasions comme aussi dans les situations les plus ordinaires de la vie de tous les jours, nous avons à faire des choix, nous avons à décider. Nous savons, par notre expérience, que ces choix ne sont pas facile à faire et que, même quand on les a faits, ils ne sont pas toujours faciles à tenir. Nous savons en effet que les résolutions de notre liberté sont fragiles, qu’elles sont à la merci d’une rechute. Aussi nous n’avons pas d’illusion. Nous ne nous imaginons pas, comme quelquefois les enfants le pensent ou plutôt les adolescents qui sont plus durs que les enfants : il n’y a qu’à décider pour faire, il n’y a qu’à vouloir pour obéir. Nous savons bien que l’on peut décider et ne pas faire, vouloir et ne pas réussir. Pourtant, Dieu a voulu que le bonheur de l’homme, l’accomplissement de sa vocation se réalise à travers cette liberté. Renoncer, c’est choisir.
 
Toi, aujourd’hui, que choisis-tu ? La vie et le bonheur ? La mort ou le malheur ? Choisir la vie, c’est choisir de vivre non pas sur nos forces (elles sont trop faibles), non pas sur nos résolutions (elles sont incertaines), non pas sur notre volonté (elle est trop faillible). C’est nous appuyer sur la puissance de Dieu comme le Christ le fait dans ses tentations au désert : devant la tentation présentée par Satan, la réponse du Christ, c’est la parole de Dieu lui-même : « Le Seigneur a dit ». Le chemin de la vie, c’est le chemin que nous ouvre la parole de Dieu que nous recevons et que nous essayons de mettre en pratique. Sommes-nous résolus à choisir avec le Christ ce que Dieu veut pour notre vie et notre bonheur ?
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz