Il est ressuscité.
Nous l’avons entendu. Nous le savons. Nous le croyons. Nous le chantons, et
même éperdument durant cinquante jours jusqu’à la Pentecôte. La belle affaire.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que cela implique pour nous. Pour
nous autres chrétiens, cela pourrait ressembler à un slogan fédérateur, à une
marque déposée ou à une affirmation identitaire. Nous sommes de ceux qui
croient que Jésus de Nazareth, le prophète puissant par les actes et les
paroles, vraiment mis à mort sur la croix, est ressuscité. Mais y croyons-nous
vraiment ? Ne serait-ce pas là une formule aussi rabâchée que devenue
creuse comme une coquille ?
En même temps, c’est peut-être un peu vrai. Il n’y a rien à croire. Ou plutôt il n’y a rien à voir. Circulez. Il y un tombeau vide, et rien de plus. Finalement, notre foi se baserait sur ce vide, cette absence. La foi des chrétiens est qu’il n’y a rien à voir. Ou bien ce qu’il y a à voir est déjà ailleurs. « Il nous précède en Galilée ». La foi des chrétiens interroge les témoins : « Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu en en chemin ? » (Victimae paschali laudes). Rien d’autre qu’un sépulcre vide, une pierre roulée, et un suaire roulé à part. Il faudra attendre que cet absent, aux allures de jardinier, se fasse reconnaître à sa voix, puis ce soir au geste de la fraction du pain, pour que les dires des saintes femmes se trouvent corroborés. Et encore… Jésus a pu manifester au cours des trois dernières années par des signes miraculeux et par son enseignement que ce qui avait été annoncé du Messie de Dieu se réalisait en lui, les plus proches n’arrivaient pas à y croire. Mais le pouvaient-ils ? Le pouvons-nous avec eux ? Quand bien même nous nous agrippons à la vie, surtout quand elle semble fragile ou vouloir se dérober, nous ne pouvons raisonnablement admettre que la mort ne pourra rien. Cette mort, fin ultime de toutes choses qui marque notre anéantissement, ne peut être, selon la logique du monde, un passage. Celui qui annonce que quelqu’un est ressuscité ne pourrait être pris au sérieux. Sans doute est-ce l’expérience désagréable de ces femmes. Il faut que Pierre et Jean aillent vérifier par eux-mêmes. Et ils en sont pour leurs frais.
En quoi ce matin
cette découverte du vide nous rejoint-il ? En quoi cette présence dans l’absence
nous bouleverse-t-elle ? Il y a là plus qu’un concept ou une leçon de
catéchisme. L’annonce de la résurrection de Jésus renverse l’ordre du monde.
Désormais l’impensable est manifesté. Osez identifier vos peurs, vos obstacles
dans votre histoire ou votre présent. Osez regarder en face ce qui vous
paralyse, voire vous terrorise. Osez défier ce qui ressemble à la mort. Osez,
car désormais vous ne craignez plus. Jésus, en éclaireur, franchit ces limites.
Plus rien ne nous contraint désormais.
Aujourd’hui nous ne
fêtons pas un anniversaire (fût-il insigne !). Car nous ne faisons pas
uniquement mémoire d’un évènement passé dont l’Histoire et ses manuels auraient
gardé la trace. Car cet anniversaire aurait un goût de promesse. Il traverse
les âges et nous rejoint avec la même force que celle du matin de Pâques.
Aujourd’hui Christ est ressuscité. Aujourd’hui. Cela signifie que sa victoire
sur la mort n’en fait pas le seul bénéficiaire. Aussi bien que Jésus a souffert
pour nous et que c’est pour nous qu’il a porté nos souffrances, c’est encore
pour nous qu’Il est ressuscité. L’aventure ne s’arrête à la constatation de
l’évènement du tombeau vide, comme on dresserait un procès-verbal ou un acte de
naissance au matin de ce 1er avril. Notre nouvelle naissance, celle
scellée dans notre baptême, nous fait demeurer toujours jeunes. Certains ne
manqueront pas de me rétorquer qu’il est encore facile de dire cela à mon âge.
C’est pourtant vrai : nous sommes déjà passés du côté de la vie plus forte
que la mort. Et si nous sommes attachés à Dieu, nous devenons comme lui :
éternels. Donc éternellement jeunes.
Cette vie de Dieu,
il nous faut maintenant nous y entraîner. Il nous faut accepter de nous laisser
rejoindre par la réalité de la résurrection.
AMEN.
Michel
Steinmetz †