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jeudi 30 octobre 2014

Homélie pour la Commémoration de Tous les fidèles défunts - 2 novembre 2014

Pour les personnes qui se veulent disciples de Jésus, tout commence par un appel et se termine par la vie éternelle. C’est ce qu’ont vécu nos frères et sœurs défunts dont nous nous rappelons le souvenir aujourd’hui dans cette « commémoration des fidèles défunts ». C’est le cas pour nous, sur le chemin de notre vie. Car il nous est arrivé un jour d’être choisi par Dieu au jour de notre baptême. Comment dire et raconter cette réponse ? Répondre à l’appel à suivre Jésus, c’est entrer dans un compagnonnage, dans une expérience d’intimité qui ouvre sans cesse sur de l’inédit, des surprises, mais aussi sur un enchantement qu’on n’a jamais fini d’explorer. Si nous portons un peu attention à ce que nous sommes, nous pouvons comme toucher du doigt la puissance en même temps que la prévenance du Seigneur qui se tient à la porte et qui frappe.
 
Nos frères et sœurs qui nous ont devancés ont eu l’occasion d’ouvrir cette porte en laissant le Seigneur prendre totalement possession de leur être. « Car la volonté de mon Père, c’est que tout homme qui voit le Fils et croit en lui obtienne la vie éternelle ; et moi, je les ressusciterai au dernier jour », comme on l’a proclamé dans l’extrait saint Jean qui vient d’être lu.
« Voir le Fils et croire en Lui », n’est-ce pas le but de toute une vie ? En effet, le disciple de Jésus est quelqu’un qui se laisse séduire avant tout par une personne. Oui, c’est à « cause de Jésus » que les apôtres ont tout quitté. Ils l’ont connu, ils ont mangé avec lui, ils ont marché sur les routes de Palestine avec lui. Ils ont cru en lui, en la Bonne Nouvelle qu’il portait et qu’il répandait autour de lui.

Mais que se passe-t-il entre l’appel reçu et la vie éternelle, qu’on « espère » comme le dit la belle prière qui suit le Notre Père à la messe ? Il se passe pour chacun et chacune de nous un périple rempli de situations de vie, de moments intenses parfois ou encore plus douloureux, d’amitiés et de relations de toutes sortes. C’est la vie, notre vie qui se tisse au fil des jours qui passent. Comme le dit la lettre aux Hébreux (He 12) : nous sommes comme « des étrangers et des voyageur… à la recherche d’une patrie. » Notre vie n’est pas une parenthèse sur cette route vers la patrie céleste, elle est, je dirais, « la route elle-même », car c’est dans le quotidien de nos vies que se noue et se développe l’alliance que Dieu veut établir avec chacun d’entre nous, que se déploie l’appel que Jésus lance à tous ceux et celles qui veulent le suivre comme disciple. « Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. »
 
A travers la banalité du quotidien, le chrétien, disciple de Jésus, perçoit le « fond divin » de l’existence et laisse se libérer la beauté cachée, enclose sous cette rude écorce, une beauté qui éclate en vie éternelle. « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur » comme le dit saint Paul aux Romains. « Les gens voient cela sans comprendre ; il ne leur vient pas à l’esprit que « Dieu accorde à ses élus grâce et miséricorde, et qu’il veille sur ses amis » comme le note avec à-propos le passage du livre de la Sagesse proclamé dans la première lecture.
 
Nos frères et sœurs défunts, dans leur mort désormais, continuent d’appartenir au Seigneur. Cette appartenance commune nous fait demeurer dans la même famille de Dieu, dans la communion des saints. J’aimerais vous poser cette question, peut-être un peu directe, un peu brutale. Pensez-vous encore à vos défunts ? Non avec quelques vagues souvenirs ou remords, mais comme à des vivants, des membres de notre famille croyante et ecclésiale ? Vous demandez-vous ce qu’ils deviennent ? Aujourd’hui, bien que plus avancés sur la route que nous, ils continuent d’avoir besoin de votre affection, de votre prière, de votre sollicitude ! Alors, priez pour eux, chaque jour, comme l’Eglise nous le fait faire aujourd’hui en ce lendemain de la Toussaint ! Parce qu’eux intercèdent pour nous auprès du Père !
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ

Homélie des vêpres de la Toussaint - 1er novembre 2014

Les Béatitudes entendues ce matin dans l’évangile de la messe nous annoncent un monde différent, où la logique de Dieu l’emporte sur la logique des hommes. Enfin, les choses seront renversées : les petits, les exclus, les souffrants deviendront riches du Royaume de Dieu. Tout en cette vie n’aura pas été vain. Mais qu’en est-il aujourd’hui pour nous ? Que reste-t-il de ces affirmations lapidaires. Elles annonçaient un règne de bonheur et nous continuons de vivre dans un monde déchiré. Ce règne de bonheur devait s’engendrer à partir de la pauvreté et des larmes et c’est bien la souffrance et l’inégalité qui perdurent et elles n’engendrent que le chaos. Il faut se dire avant tout que c’est le même constat d’échec apparent que firent les premières communautés chrétiennes après la mort de Jésus.


A quoi d’ailleurs servirait la parole de Dieu si elle n’était que le miroir rassurant de nos vues à court terme et de nos égoïsmes ? Les Béatitudes nous disent que celui qui s’ouvre à Dieu sera toujours persécuté. Ce qu’il y a dans le monde d’impur, de perverti, luttera toujours contre le Bien. Ce combat est la condition du Royaume. Cette tension est le signe que le Royaume est bien là et que le monde s’y oppose.


Si vous souffrez du mal dans le monde, la parole de Dieu nous dit : vous êtes les élus du Royaume et c’est à vous que s’adressent ces béatitudes. Le mal n’aura pas le dernier mot. Il n’en sera pas toujours ainsi. La Résurrection du Christ vous assure de la victoire finale. La possibilité de vivre, un temps soit peu, cette foi en une telle parole n’est due qu’à la Résurrection du Christ, qu’à l’Esprit de Dieu en nous, qu’à la grâce de notre conversion à Dieu. Le mal du monde ne peut se supporter que dans la foi. Le deuil du monde ne peut se vivre que dans un grand amour. Pour l’évangile, il est certain que le Paradis n’est pas pour cette terre. Mais, les Béatitudes nous disent aussi que l’abandon de nos illusions ne signifie pas nécessairement le triomphe de nos afflictions. Face à nos malheurs accablants, ces fractures magistrales du monde, les Béatitudes proclament un Dieu qui veut faire de nous des Vivants !


Comment ? La grande leçon des Béatitudes, selon saint Luc, c’est face au mal, aux inégalités, aux injustices, un appel afin de retisser toutes les solidarités possibles entre nous, précisément à partir de nos expériences communes de douleurs et d’échecs. Ce Royaume de félicité, dont il est question dans les Béatitudes, à vous de l’établir ici-bas par tous vos efforts de solidarité. Cet appel des Béatitudes à nous sentir solidaires les uns des autres rejaillit sur ceux qui sont dans la tristesse et que nous portons dans la prière cette après-midi en nous rendant, tout à l’heure, au cimetière. Vous connaissez la souffrance vive de la perte d’un être cher, sachez que, humblement mais réellement, la prière d’une communauté vous porte et vous porte avec votre tristesse vers le Père de toute consolation. La solidarité des Béatitudes réaffirme encore notre communion avec tous ceux qui cherchent et ont cherché les traces du Royaume de Dieu dans leur vie terrestre. Tous sont vivants en Dieu : nous qui sommes encore là et qui avançons comme à tâtons, et ceux qui, déjà, découvrent qu’ils n’ont pas cherché en vain. Nous les pleurons mais ils sont pour nous une cause de réconfort et une occasion de joie.


Les Béatitudes nous invitent à réveiller en chacun de nous le désir de Dieu. Elles nous disent : « Nul bonheur n’est entier s’il n’est partagé. » Nos frères et sœurs les saints partagent ce bonheur avec nous. Nos frères et sœurs défunts qui entrent dans la lumière de Dieu et la découvrent nous invitent à la joie.

 
Michel STEINMETZ †

Homélie de la solennité de Tous les saints - 1er novembre 2014

Dostoïevski a écrit cette phrase extraordinaire : « Frères, ne craignez pas le péché des hommes, aimez l’homme jusque dans son péché, et cet amour sera à l’image de l’amour divin. Sur la terre, il n’y en a pas de plus grand. » N’est-ce pas la Bonne Nouvelle de la foi chrétienne en résumé ? Dieu aime tellement l’homme qu’il l’aime jusque dans son péché ! Le péché n’est pas un obstacle ; en s’approchant, Dieu veut transmettre sa Sainteté.
 
Dieu seul est saint. On lit dans le Livre du Lévitique (Lv 11,24) : « Vous serez saints parce que je suis Saint. » Dieu seul est Saint ! Trois fois saint, comme on le chante dans le « Sanctus », ce chant des Séraphins entendu par le prophète Isaïe (6,3), et repris dans  la liturgie céleste de l’Apocalypse (Ap 4,8) pour célébrer le « Dieu qui est, qui était et qui vient ». Dans le Temple de Jérusalem, Dieu demeurait dans le « Saint des saints » : depuis que ce Temple est détruit, les juifs religieux ne vont plus sur l’esplanade, de peur de fouler ce lieu saint.
 
 
N'est-il pas surprenant d’entendre dans l’évangile les démons appeler Jésus : « le Saint de Dieu » (Mt 1,21) ? L’homme Jésus est « Saint » parce que son humanité abrite la Présence du Saint. Selon l’Apocalypse : « Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi car Toi seul, tu es Saint » (Ap 15,4). C’est le sens de la fête de la Toussaint que le rassemblement de l’humanité autour du Christ son Sauveur. Nous nous unissons à ceux qui nous ont précédés pour chanter la gloire du Dieu Saint. Quand Jésus rencontre les pécheurs, les lépreux, les malades, il n’est pas contaminé par leur mal. Son contact guérit, purifie, sanctifie. Non seulement Jésus touche ceux qui sont impurs sans devenir impur mais surtout on constate que sa sainteté sanctifie ceux qui s’approchent de lui. Et quand Jésus touche les morts, ils ressuscitent. La Sainteté de Jésus donne la vie aux morts.  C’est cela qui a bouleversé ceux qui ont suivi Jésus. Sa Sainteté a sanctifié les vivants comme les morts ! La source de sanctification qui émanait de lui et qui sauvait ceux qui lui faisaient confiance, il l’a répandue sur eux et il ne cesse de la verser sur l’humanité. Car, le don du Saint Esprit, c’est Dieu qui sanctifie par sa présence tous ceux qui l’accueillent.
 
"Ne savez-vous pas que vous êtes le temple du Saint Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ? » disait saint Paul (1 Co 6,19). La sainteté est un don gratuit de Dieu. Saint Pierre écrit : « Puisque Celui qui vous a appelés est Saint, devenez saints vous aussi dans toute votre conduite selon qu’il est écrit : Vous serez saints parce que je suis Saint ! » (1 P 1,15-16).
 
Les Béatitudes constituent ainsi l’idéal de vie de tous ceux qui sont animés par l’Esprit-Saint.  « Bienheureux » ceux en qui l’Esprit a agi et ceux en qui il est à l’œuvre aujourd’hui encore : les pauvres, les humbles, les affligés, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix, tous ceux (et ils sont nombreux) qui aujourd’hui comme hier sont persécutés à cause de Jésus. Chaque Béatitude s’applique avant tout à Jésus qui les a toutes accomplies ! Pour mieux les comprendre, on peut les lire ainsi : « Bienheureux ceux qui, comme/avec Jésus sont pauvres... » Si les saints sont proclamés aujourd’hui « bienheureux », c’est parce qu’on trouve certaines ressemblances avec Jésus. Ils sont habités par le même Esprit Saint qui a agi en eux pour réaliser ce que saint Paul a exprimé : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! » (Ga 2,20).
 
 
La Toussaint, ce n’est donc pas la fête de tous ceux qui sont imitables à cause de leurs vies vertueuses, mais c’est la fête de tous les bienheureux pécheurs qui se sont laissé sanctifiés par l’Esprit de Dieu ; la plupart ne sont connus que de Dieu seul.
Le Dieu Saint n’a pas voulu vivre séparé de l’humanité. C’est pourquoi il aime l’homme, malgré son péché, jusque dans son péché. Sa Sainteté est plus contagieuse que notre péché. Quand l’humanité craint la contagion d’un virus aussi dangereux qu’Ebola et que toutes les mesures sanitaires veulent être prises pour en préserver, nous, chrétiens, nous prions pour que la sainteté de Dieu nous soit contagieuse. D’elle nous n’avons rien à craindre ! Mieux, c’est sa sainteté qui nous guérit de notre péché !
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

lundi 13 octobre 2014

Homélie du 29ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 19 octobre 2014

Homélie prononcée dans le cadre de l'assemblée générale de l'Union Sainte Cécile du diocèse de Strasbourg
 
 
Pour comprendre exactement le message de Jésus, dans cette scène de l’évangile, il nous faut d’abord comprendre qui sont les acteurs en présence et le sens de cet impôt à César pour le juif pieux de l’époque. Les Hérodiens, farouches partisans de la dynastie des Hérodes qui occupent leur fonction par la grâce de Rome, sont résolument du côté de l’occupant romain. Les Pharisiens, eux, sont simplement soucieux de trouver un compromis avec Rome et de garder leur indépendance religieuse. Cependant, les deux groupes se liguent, une fois n’est pas coutume, à propos de la très célèbre controverse sur les impôts civils. Tout comme nous, les Juifs étaient sujets à de multiples impôts dont l’impôt religieux, la dîme au temple et ceux dus à l’Etat romain étaient les plus importants. Les Juifs ne rechignaient pas trop à s’acquitter des premiers, expression de leur foi et de leur piété. En revanche, les autres étaient mal supportés et surtout des pharisiens. En effet, ceux-ci consistaient en un impôt foncier sur les terrains et les propriétés. Or, la Terre Sainte et Promise, était, pour eux, propriété de Dieu et non de l’Empereur.
 
Jésus est habilement piégé. Ne pas payer, c’est être un mauvais citoyen, payer c’est être un citoyen impie ! Dans un cas, c’est le triomphe des hérodiens, dans l’autre celui des pharisiens ! Mais Jésus dénonce là une manœuvre hypocrite et perverse. Quand Jésus se fait apporter un denier, il est bien démontré que ni lui ni ses disciples n’ont cet argent sur eux, tandis que les pharisiens, soi-disant opposés à Rome, eux, en possèdent. Quand Jésus renvoie à César ce qui lui appartient et à Dieu ce qui lui revient, il nous livre la véritable leçon de cet épisode. Il y a autre chose à faire qu’à controverser entre soi à propos de l’impôt.
 
La seule chose qui compte, le plus important, c’est de se situer face à la prédication de Jésus, pour ou contre Dieu, ouvert ou fermé au Royaume dont Dieu le Père est le Roi et Jésus le prophète. Par le baptême, le chrétien est citoyen du ciel. Et seul Dieu y règne, non par des impôts mais par sa grâce de lumière et d’amour. L’Etat est renvoyé à sa caducité, sonore et trébuchante. L’homme est renvoyé à sa vraie nature qui est d’être à l’image de Dieu. Si le denier est frappé à l’effigie de César, le chrétien, lui, est crée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous le savons depuis le livre de la Genèse quand Dieu fait l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance. L’image de Dieu, c’est l’humain, c’est le visage par excellence de son Fils, Jésus. Etes-vous décidé à lui appartenir aussi totalement que ce denier appartient à Tibère ? Voilà la conversion que Jésus attend de nous tous.
 
Cet épisode nous rappelle notre dépendance totale par rapport à Dieu. Il ne s’agit pas de fabriquer des dieux à notre image, surtout celle de l’argent, mais de découvrir que la seule image de Dieu, c’est nous. A nous d’en témoigner. Essayons de ne pas être un reflet de Dieu trop flou mais bien plutôt, un reflet exaltant et un instrument possible de générosité et de fraternité, afin que le monde en arrive à aimer la lumière de Dieu, à travers nous. Dans un monde où l’argent est devenu un dieu, donnez une autre image que celle d’être ses vassaux demande l’Evangile. Il nous propose une autre manière de vivre. Que le souci du bien-être personnel ne nous fasse pas oublier celui des autres ! Le denier, l’argent, César sont les symboles et les signes d’une vie bouclée sur elle-même et aux antipodes de la richesse vitale de la vie Eternelle. Si la préoccupation angoissante des biens terrestres nous distrait des valeurs évangéliques, c’est que nous rendons à César des devoirs que nous devons à Dieu. L’Evangile attaque le problème au niveau le plus profond, au niveau de l’option pour Dieu. Serez-vous serviteur du César-argent, esclave et idolâtre ou disciples de Dieu, ami et frère du Seigneur ?
 
Chers amis choristes, la même question nous est posée au cœur de l’acte de chant dans nos célébrations. Notre chant est-il ouvert sur le Royaume de Dieu ? Est-il l’expression de notre désir de conversion ou bien est-il seulement l’affirmation de notre faire-valoir, de nous mettre en scène sous couvert d’un service de la foi ?
 
AMEN.
 Michel Steinmetz  

samedi 11 octobre 2014

Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 12 octobre 2014

Le roi qui célébrait les noces de son fils envoya encore d’autres serviteurs.  On voit l’angoisse, l’inquiétude de ce roi.  Il a tout préparé et personne ne vient.  Cette situation désespérante est - hélas ! - facile à imaginer.  Vous l’avez déjà sans doute rencontrée. Vous vous imaginez que dans telle ou telle occasion, on pensera à vous, on viendra à vous, vous recevrez une marque de sympathie : et rien. Rien ne vient. 

Le Christ s’élance ainsi vers nous et ne rencontre souvent qu’indifférence ou inattention.  Oh ! Ce n’est pas de la méchanceté.  Ce n’est que de la maladresse.  Les invités aux noces royales ont tous de bonnes raisons pour ne pas venir.  L’un va à son champ, l’autre à son commerce.  L’un est occupé à ses prières, l’autre est plongé dans ses papiers.  Dieu nous parle pourtant de mille façons, dans la prière et les sacrements, mais aussi à travers les personnes que nous rencontrons, mais que nous ne voyons pas, parce que nous sommes trop occupés.  Et c’est ce que nous essayons de faire aujourd’hui, de laisser à l’extérieur de cette église tous nos soucis, toutes nos angoisses, simplement pour laisser Dieu nous parler, laisser Dieu nous murmurer des paroles d’amour et de tendresse. 
 
 
Réfléchissons un instant et tâchons de nous souvenir des bons moments passés ensemble, de ces moments de rencontre que l’on a eus avec Dieu.  Les autres ne le savent pas, cela fait partie de notre petite vie secrète avec Dieu.  Ces moments merveilleux de rencontre, on les oublie trop souvent, ils sont comme ensevelis sous la poussière des ennuis de tous les jours, sous le poids de la monotonie et de la grisaille.  Il faut les faire ressusciter.  Il faut nettoyer le souvenir de ces petits moments comme on nettoie des pierres précieuses qui se ternissent avec le temps.  C’est ce que nous faisons chaque dimanche quand nous relisons le récit des merveilles que le Seigneur fit pour nous, pendant l’Ancien et le Nouveau Testament, et surtout pendant la vie terrestre de Jésus.  Cela nous oblige à nous arrêter, et à nous demander pour qui, pour quoi on vit.  Alors, éclairés par cette belle lumière de l’amour de Dieu, nous pouvons aller aux noces royales.
Mais on ne peut pas y aller n’importe comment.  On ne peut aimer Dieu et haïr son voisin.  C’est souvent la tête chaude et le cœur en colère que l’on entre dans l’église.  C’est parfois avec, dans le repli de son âme, de la rancune contre son frère que l’on s’approche de l’autel.  Nous ne sommes pas toujours revêtus du vêtement de noces. 
 
Notre cœur est dur et résiste à la conversion. En effet, le Roi de cette parabole s’en prend à celui qui a bien dit oui à son invitation mais sans mettre le vêtement de noce. Il n’a pas revêtu « le vêtement de lin qui sont les actions justes des saints » (Ap 19, 8), ce qui veut dire que son cœur n’a pas changé, en prenant concrètement la voie d’une vie fraternelle, vers des sentiers de justice et de paix. Changer de vêtement, mettre le vêtement de noce, signifie changer de vie, changer totalement ses modes de vie et revêtir notre habit, le Christ lui-même. La partie de la parabole qui parle du « vêtement de noce » est un avertissement pour les chrétiens qui peuvent eux aussi être punis pour leur comportement indigne (il leur manque le vêtement de noce), comme les premiers qui ont refusé l’invitation à la joie. La vocation chrétienne n’est pas une garantie automatique du salut final et, pour les croyants, elle n’est pas une garantie magique de participation au Royaume. Nous ne saurions vivre notre festin de noce sans que cela se reflète dans notre manière d’être, dans notre manière de vivre de façon vertueuse. Comme le jour de notre baptême, où nous avons reçu un vêtement blanc, chaque jour nous devons nous revêtir du Christ, en accueillant l’invitation de l’apôtre Paul : « Vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau », c’est-à-dire du Christ. Revêtus de Lui, nous apprenons à aimer comme Lui, à regarder comme Lui, à faire comme Lui, à parler comme Lui, à prier comme Lui.
 
« Voilà le vêtement de noce. Examinez-vous : si vous l’avez, vous prendrez place avec confiance au banquet du Seigneur. »[1]
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz





[1] Augustin, Sermon 90, 1 5-6, PL 38, 559 561-56.

vendredi 3 octobre 2014

Homélie du 27ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 5 octobre 2014

Homélie prononcée à l'occasion de la messe de rentrée
 
Quelle page d’évangile ! Ne trouvez-vous pas quelque peu gênant d’être ainsi mis en cause ?  Car, qu’on le veuille ou non, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne nous sentions pas concernés par ces vignerons homicides. Au fond de nous, quelque chose nous pousse à nous questionner. Et si nous en étions ? Pensez-vous ! Quand même ! Nous ne sommes pas parfaits, mais nous n’irions pas jusque là. C’est vrai, et ce soir vous êtes là. Vous êtes à la messe, vous répondez à l’appel du Seigneur. Beaucoup, enfants, jeunes, familles, vous débutez cette année en cheminant vers un sacrement. Homicides, assassins, tueurs, c’est un peu fort. Passe encore pour reconnaître n’être guère assidus à la pratique religieuse, à la vie de prière, à la charité.
 
Pourtant, dans la parabole, les rôles sont clairs. Le maître, c’est Dieu. Les vignerons, c’est nous ! Et le fils envoyé, avec le fol espoir que lui au moins soir respecté, c’est Jésus-Christ. Nous sommes les vignerons, les gérants de la vigne du Seigneur. Cette vigne, c’est l’Eglise dont nous sommes tous responsables en vertu de notre baptême. Oui, cette Eglise n’est pas l’affaire des curés, voire des religieux ou des religieuses, vous le savez. Elle est constituée d’une multitude de membres, chacun à son importance, son utilité, sa nécessité. Alors, face à la sans doute plus sombre de l’Evangile, en quoi sommes-nous ces vignerons homicides ?
 
Nous le sommes chaque fois que nos calomnies, nos médisances, nos jalousies prennent le dessus. Nous sommes homicides dès que le Christ n’est plus au centre de nos préoccupations. Nous tuons le Christ chaque fois que notre intérêt propre, notre confort personnel l’emportent. Car nous laissons au Malin semer le trouble en notre cœur, nous lui permettons d’installer un rapport de concurrence. L’Eglise devient notre affaire personnelle et nous oublions qu’elle nous est confiée en gérance, mais que le Christ ne cesse de la conduire vers le Père.

 
Concrètement, ce danger guette nos communautés et notre communauté de paroisses. Sans cesse, chacun et chacune de nous doit remettre le métier l’ouvrage de sa conversion. Oui, il est plus confortable de rester chez soi que d’aller à la messe le dimanche ; oui, il est plus facile de sa laisser aller à la rumeur que de jouer la confiance en l’autre ; oui, il est plus aisé de démolir, de détruire que de se réjouir de ce que d’autres font. Quel témoignage donnons-nous ainsi du Christ Seigneur ? Pourquoi donc a-t-il donné sa vie pour nous si c’est pour un si piètre résultat ? Il veut nous sauver et nous semblons lui demander d’aller voir ailleurs.  
 
Nous avons cette formidable chance de pouvoir bâtir notre vie, et, chers parents, celle de vos enfants, sur une « pierre angulaire ». C’est le Christ. Dans un monde où tout semble vaciller, où rien ne semble plus établi avec certitude, où tout ne cesse de changer, nous avons cette folle mais avérée assurance que c’est là « merveille sous nos yeux ». Soyons sérieux ! Soyons conscients de la chance qui est la nôtre ! Qu’un jour nous ne soyons pas trouvés en insuffisance au point de nous voir déposséder du trésor du Royaume des cieux !
 
" Dieu conduit par sa grâce : voilà qui m’est apparu particulièrement tangible ces dernières semaines. Je crois que je distingue mon devoir plus clairement et plus précisément. Certes cela signifie aussi que je prends conscience, toujours davantage, de mes limites réelles ; mais dans le même mouvement et malgré ces limites, je prends conscience aussi de la possibilité d’être un instrument de Dieu », voilà ce qu’écrivait Edith Stein, la sainte patronne de notre communauté.
 
En ce début d’année pastorale, je vous exhorte, au nom du Christ, à vivre en chrétien ! Soyez fiers de ce que vous êtes ! Devenez-le plus ! Ayez le courage, heureux et respectueux, de vos convictions authentiquement chrétiennes !
 
AMEN.
                                                                                                                                                                                                                  
Michel Steinmetz