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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 30 décembre 2016

Homélie de la messe de la solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu - 1er janvier 2017

Nous avons entendu les paroles de l’apôtre Paul : « Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (Ga 4, 4). Que signifie le fait que Jésus naisse à « la plénitude des temps » ? Si notre regard se dirige vers le moment historique, nous pouvons vite être déçus et rester sur notre faim. Rome dominait une grande partie du monde connu par sa puissance militaire. L’empereur Auguste était arrivé au pouvoir après avoir combattu cinq guerres civiles. Même Israël avait été conquis par l’empereur romain et le peuple élu était privé de liberté. Pour les contemporains de Jésus, par conséquent, ce n’était certainement pas le temps le meilleur. Ce n’est donc pas vers la sphère géopolitique que l’on doit regarder pour définir le sommet du temps.
 
Une autre interprétation est alors nécessaire, qui comprenne la plénitude à partir de Dieu. Lorsque Dieu établit que le moment d’accomplir la promesse faite est arrivé, alors pour l’humanité se réalise la plénitude des temps. Donc, ce n’est pas l’histoire qui décide de la naissance du Christ ; c’est, plutôt,  sa venue dans le monde qui permet à l’histoire d’atteindre sa plénitude.  C’est pour cela qu’à partir de la naissance du Fils de Dieu, commence le calcul d’une nouvelle ère, celle qui voit l’accomplissement de l’antique promesse. La plénitude des temps, donc, est la présence de Dieu personnellement dans notre histoire. Maintenant, nous pouvons voir sa gloire qui resplendit dans la pauvreté d’une étable, et être encouragés et soutenus par son Verbe qui s’est fait « petit » dans un enfant. Grâce à Lui, notre temps peut trouver sa plénitude.
 
Cependant, ce mystère semble contraster avec la dramatique expérience historique. Chaque jour, tandis que nous voudrions être soutenus par des signes de la présence de Dieu, nous devons rencontrer des signes opposés, négatifs, qui le font plutôt sentir comme absent. La plénitude des temps semble s’effriter devant les multiples formes d’injustice et de violence qui blessent chaque jour l’humanité. Parfois nous nous demandons : jusqu’à quand la méchanceté humaine sèmera sur la terre violence et haine, provoquant d’innocentes victimes ? Comment ce peut être le temps de la plénitude, ce que nous donnent à voir des multitudes d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient la guerre, la faim, la persécution, disposés à risquer leur vie pour voir respectés leurs droits fondamentaux ? Un fleuve de misère, alimenté par le péché, semble contredire la plénitude des temps réalisée par le Christ.
 
 
Pourtant, ce fleuve ne peut rien contre l’océan de miséricorde  qui inonde notre monde. Nous sommes tous appelés à nous immerger dans cet amour de Dieu, à nous laisser régénérer et reconstruire de l’intérieur. La grâce du Christ, qui porte l’attente du salut à son accomplissement, nous pousse à devenir les coopérateurs de ce Maître intérieur dans la construction d’un monde plus juste et fraternel, un monde pacifié.
 
Au début d’une nouvelle année, l’Église nous fait contempler la maternité divine de Marie comme icône de paix. L’antique promesse s’accomplit en sa personne. Elle a cru aux paroles de l’Ange, elle a conçu le Fils, elle est devenue Mère du Seigneur. À travers elle, à travers son « oui », est arrivée la plénitude des temps. L’Évangile que nous avons entendu dit que la Vierge « retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19). Elle se présente à nous comme un vase toujours rempli de la mémoire de Jésus, où puiser pour avoir l’interprétation cohérente de son enseignement. Aujourd’hui, elle nous offre la possibilité de saisir le sens des événements qui nous touchent personnellement, qui touchent nos familles, nos pays et le monde entier. Là où ne peuvent arriver la raison des philosophes ni les négociations de la politique, là peut arriver la force de la foi qui porte la grâce de l’Évangile du Christ. C’est cette sagesse que nous demanderons dans la prière, comme nos vœux les uns pour les autres.
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ

Homélie de la messe d'action de grâce pour l'année écoulée - 31 décembre 2016

Il est possible de reparcourir les jours de l’année passée soit comme un souvenir des faits et des événements qui nous ramènent à des moments de joie et de douleur, ou bien en cherchant à comprendre si nous avons perçu la présence de Dieu qui renouvelle toute chose, et qui soutient de son aide. Nos yeux ont besoin de se concentrer particulièrement sur les signes que Dieu nous a accordés, pour toucher du doigt la force de son amour miséricordieux. Nous ne pouvons oublier que de nombreuses journées ont été marquées par la violence, la mort, les souffrances indicibles de tant d’innocents, de réfugiés contraints de quitter leur patrie, d’hommes, de femmes et d’enfants sans domicile fixe, sans nourriture ni moyens de subsistance. Pourtant, que de grands gestes de bonté, d’amour et de solidarité ont rempli les journées de cette année, même s’ils n’ont pas fait la « une » des journaux télévisés. Ces signes d’amour ne peuvent et ne doivent pas être obscurcis par la puissance du mal. Le bien triomphe toujours, même si parfois, il peut sembler plus faible et caché.
 
La liturgie  nous rappelle la phrase de saint Paul qui nous parle de la « plénitude des temps » (Ga 4, 4). Donc, en ce jour il nous manifeste comment le temps qui a été — si l’on peut dire — « touché » par le Christ, le Fils de Dieu et de Marie, et qui a reçu de Lui des significations nouvelles et surprenantes, est devenu le « temps salvifique », c’est à dire le temps définitif du salut et de la grâce. C’est tout cela qui nous conduit à penser à la fin du chemin de la vie, à la fin de notre chemin. Il y eut un commencement et il y aura une fin, « un temps pour naître et un temps pour mourir » (Qo 3, 2). Avec cette vérité, si simple et fondamentale mais si négligée et oubliée, l’Église nous enseigne à conclure l’année et également nos journées par un examen de conscience, à travers lequel nous reparcourrons ce qui est arrivé. Rendre grâce et demander pardon. C’est ce que nous faisons aussi aujourd’hui au terme de l’année.
 
Dieu a fait de nous des fils. D’abord, c’est vrai, parce qu’il nous a créés. Mais ces fils et ces filles turbulents et désobéissants que nous sommes se sont éloignés de Lui par le péché. Alors Il a décidé de nous rétablir dans notre dignité première. C’est pour cela que Dieu a envoyé son Fils pour nous racheter au prix de Son sang. Et s’il y a un rachat, c’est parce qu’il y a un esclavage. Le don même par lequel nous remercions est aussi le motif d’un examen de conscience : quel est notre manière de vivre ? Vivons-nous en fils ou vivons-nous en esclaves ? Vivons-nous comme des personnes baptisées dans le Christ, ointes par l’Esprit, rachetées, libres ? Ou bien vivons-nous selon la logique mondaine, corrompue, faisant ce que le diable nous fait croire être notre intérêt ? Il existe toujours sur notre chemin une tendance à résister à la libération ; nous avons peur de la liberté et, paradoxalement, nous préférons plus ou moins inconsciemment l’esclavage. La liberté nous effraie parce qu’elle nous place face au temps et à notre responsabilité de bien le vivre. L’esclavage, en revanche, réduit le temps à « l’instant » et ainsi nous nous sentons plus sûrs, c’est-à-dire que cela nous fait vivre des moments détachés de leur passé et de notre avenir. L’esclavage nous fait croire que nous ne pouvons pas rêver, voler, espérer. De cet examen de conscience dépend aussi, pour nous chrétiens, la qualité de nos agissements, de notre manière de vivre, de notre participation aux institutions publiques et ecclésiales. Sommes-nous levain dans la pâte ? Ou alors sommes-nous éteints, insipides, hostiles, méfiants, insignifiants et fatigués ?
 
Frères et sœurs, conclure l’année revient à affirmer qu’il existe une « dernière heure » et qu’il existe la « plénitude des temps ». En concluant cette année, en remerciant et en demandant pardon, cela nous fera du bien de demander la grâce de pouvoir marcher libres pour pouvoir ainsi réparer tout le mal fait et pouvoir nous défendre contre la « nostalgie » de l’esclavage. Que la Sainte Vierge, la Sainte Mère de Dieu, nous y aide !
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ †

vendredi 23 décembre 2016

Homélie de la messe du jour de Noël - 25 décembre 2016

Etes-vous allés à la messe hier soir ? Rassurez-vous, je ne suis ni enquêteur ni inquisiteur. J’étais à la messe de la nuit, forcément. Certains y étaient aussi… Je suis toujours frappé par le contraste entre ces deux messes de Noël. Deux messes pour aborder différemment la richesse de ce que nous célébrons : face nord ou face sud si l’on peut dire, en prenant un vocabulaire alpin. La messe de la veille, avec le récit des bergers, des anges et de la crèche, raconte l’événement alors que la messe du jour, avec les prologues solennels de l’épitre aux Hébreux puis de l’évangile de Jean, avec le climat de silence admiratif qu’ils induisent, médite le mystère. Le mystère de Dieu qui se donne et le mystère de l’homme qui l’accueille. L’évangile de cette messe résonne comme un Credo médité – Je voudrais en méditer trois thèmes : « naissance », « connaissance » et « Incarnation. »
 
Naissance. Parler de naissance le jour de Noël frise la redondance. Pourtant, si l’évangile d’hier nous racontait la naissance de Jésus, celui d’aujourd’hui n’en décrit rien : «  le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous  », ce qui englobe au fond toute la vie terrestre de Jésus, de l’Annonciation à son Ascension, évoquée dans la lettre aux Hébreux. Le Prologue de saint Jean évoque en fait plus explicitement une autre naissance, la nôtre : « devenir enfants de Dieu. » Telle est bien la naissance à désirer aujourd’hui : «  A quoi sert que le Christ soit né il y a si longtemps dans une étable s’il ne nait pas aujourd’hui dans ton cœur ? », demandait déjà Maître Eckart citant lui-même Origène. Prises isolément, de telles paroles pourraient faire oublier l’enracinement historique de ce que nous célébrons en réduisant Noël à une simple expérience individuelle. A l’inverse, compris comme un simple anniversaire, l’événement que nous célébrons pourrait devenir anecdotique. Tenons donc ensemble face nord et face sud, messe du soir et messe du matin : le Christ est né pour que nous accueillions aujourd’hui la vie divine.
 
Connaissance. Connaître Dieu qui se donne et se révèle car Dieu, dans le mystère de Noël, s’est entièrement donné à nous. Il nous a tout dit par son Fils. La naissance de Jésus est l’avènement d’une nouvelle connaissance de Dieu, d’une nouvelle relation à lui, d’une nouvelle présence : présence d’un enfant puis d’un homme aux paroles et aux faits inoubliables, à la mort et résurrection toujours agissant en nous par les sacrements. Fêter Noël, c’est donc croire que Dieu s’est donné à connaître et, chose au fond inouïe, que l’on peut dire effectivement quelque chose de lui. Cela mérite deux précisions. Ce que l’on peut dire de Dieu restera toujours en deçà : « Dieu personne ne l’a jamais vu (…) le Fils unique, c’est lui qui l’a fait connaître.  » L’autre précision est là : toute connaissance de Dieu se fait en et par Jésus-Christ, l’unique médiateur qui nous révèle le vrai visage de Dieu-Père. Oui, fêter Noël d’année en année, c’est avancer sur ce chemin, inépuisable et parfois épuisant, de connaissance et d’inconnaissance, de foi lumineuse et obscure, d’émerveillement et de déprise face au mystère de Jésus.
Incarnation. C’est renoncer à opposer le charnel au spirituel, le ciel à la terre, la messe du soir à celle du matin ou à osciller sans cesse entre matérialisme (il n’y aurait que le charnel) et spiritualisme (il n’y aurait que le spirituel). Comme écrivit Péguy, « le spirituel est lui-même charnel, l’arbre de la grâce est raciné profond, plonge dans le sol et cherche jusqu’au fond. » Tel est aussi le sens de Noël. Tel sera toujours la marque d’authenticité de notre vie avec Dieu. Croire ne consiste pas à toujours parler de lui, ni même à lui. Au cœur de nos vies, de notre humanité, de notre fragilité, rencontrer Dieu se vit dans l’expérience de sa Paix, de sa douceur, de la fraternité. Noël a ainsi toujours été compris comme fête des pauvres et attestation de la dignité inouïe de l’homme, de tout homme…
Accueillir le mystère de Noël, c’est ainsi laisser sourdre en nos vies, sa joie secrète mais irrésistible, joie qui rayonne, joie qui s’exprime ou joie qui s’accueille, joie intérieure, joie qui irrigue. Messe du soir ou messe du jour, il n’y a pas à choisir : que le mystère accueilli sous toutes ses formes nous donne de vivre et de croire à l’enfance toujours nouvelle de Dieu !
 
AMEN.
               
Michel STEINMETZ †

Homélie de la messe de la nuit de Noël - 25 décembre 2016

Noël est le début d’une aventure qui n’est autre que celle de la grâce en nos vies. La fête qui nous rassemble est bien plus qu’un anniversaire que nous commémorerions chaque année. Noël vient infuser chacune de nos existences. Dieu se fait tout proche au point de nous rejoindre dans ce que nous avons de plus glaiseux. Aucune parcelle de notre vie n’est désormais perdue pour Dieu. En se liant à notre nature, il nous offre – si nous le voulons bien – de diviniser notre existence. Ce mystère de la naissance du Sauveur est inouï et profond, mais il se laisse appréhender dans l’actualité dans nos vies et du monde.

Pour essayer de nous en approcher, il faut dépasser les effluves et les scintillements de la fête, les mirages de la société de consommation, pour nous arrêter devant la crèche. La contempler. Ne pas rester comme des spectateurs d’une scène attendrissante, mais se mêler aux personnages. Avoir les mêmes sentiments que Marie et Joseph. Déborder d’allégresse à l’instar des anges. Se laisser bouleverser avec les bergers par l’annonce qui est faite. Le Sauveur est là. Au milieu de nous. C’est Lui que le prophète Isaïe annonçait des siècles auparavant comme le « Conseiller-Merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». C’est aussi simple que déroutant que cela : Dieu à portée de main, comme un petit enfant. Celui qui vient nous sauver, sauver notre vie. Pourtant, nous le savons parce que nous en faisons l’expérience, la Lumière de Dieu se heurte à l’épaisseur du péché. Les guerres, les atrocités en Syrie ou en Irak, la peur diffuse que sème le terrorisme au cœur de nos sociétés si promptes à ériger des murs mais si timorées à vivre des valeurs qui les ont façonnées, tout cela nous donne l’impression de faire barrage à cette Lumière. C’est là une vérité difficile et grave, que l’image poétique de l’Enfant dans la crèche ne doit pas nous masquer. Pourtant Noël est ce grand mystère de l’Amour semé dans l’obscurité, et finalement victorieux ! 
 
 
Le chant  des anges qui annonce la gloire de Dieu mêlée à la paix des hommes résonne dans la nuit d’un monde engourdi. Il est tel un appel qui doit se frayer douloureusement son chemin dans nos cœurs. Car Noël est déjà l’écrin de l’appel du Sauveur que les disciples entendront résonner : « Suis-moi ». Cette même invitation nous est adressée ce soir et nous place devant le choix entre lumière et ténèbres. Oui, Noël est le début d’une aventure qui n’est autre que celle de la grâce en nos vies. La grâce veut se déployer en nous comme une semence de vie qui nous transforme en nous faisant communier à la Vie même de Dieu. Et c’est précisément en Jésus que s’accomplit ce mystère, Lui dont nous devenons, par le baptême, les membres vivants de son Corps qui est l’Eglise.
 
Quels sont donc les signes fondamentaux d’une existence humaine unie à Dieu ? L’amour de charité envers le prochain, – qu’il soit parent ou non, que nous le trouvions sympathique ou non, qu’il soit ou non moralement digne de notre aide –, et la remise de notre volonté entre les mains du Père. Faire la volonté de Dieu c’est « mettre nos mains dans celles de l’Enfant divin » à l’imitation de la Vierge Marie, de saint Joseph et de tous les saints, comme le dira sainte Edith Stein. Par conséquent, l’enjeu de Noël est de laisser la grâce pénétrer de vie divine toute une vie d’homme. Ce qui suppose d’être chaque jour en relation avec Dieu par l’écoute de sa parole, par la prière intérieure et liturgique, par la vie sacramentelle. A l’école de l’Enfant-Dieu nous apprenons à vivre en « enfant de Dieu ».
 
Si Noël est la fête de la joie c’est sans doute parce que la joie est un mouvement qui nous tire hors de nous-mêmes. La contemplation de Jésus dans la crèche réalise précisément cette sortie de nous-mêmes. L’émerveillement devant la beauté cachée du Sauveur nous libère de nous-mêmes et nous ouvre au monde qui attend que lui nous annoncions par nos vies « la Lumière éternelle qui est Amour et Vie ».
Edith Stein avait une amie très estimée en la personne de la poétesse et résistante allemande Gertrud von le Fort. De bien belle manière la poétesse résume cet appel que Noël fait tinter au cœur de chaque chrétien : « Chantez-le dans l’attente de l’aube, chantez-le doucement, doucement à l’oreille des ténèbres du monde ! ».
 
 
AMEN.
                                                                                                   
Michel Steinmetz

Homélie de la messe du soir de Noël - 24 décembre 2016

Homélie de la messe du soir de Noël et bénédiction du nouveau mobilier liturgique
 
 
Noël n’est pas un anniversaire. Nous ne fêtons pas, ce soir, l’anniversaire de Jésus et les lumières qui scintillent autour de l’Enfant posé sur le livre ouvert de la Parole ne sont pas les bougies de son gâteau d’anniversaire. Il devrait, sans cela, en avoir beaucoup plus. Alors que célébrons-nous ? C’est l’initiative de Dieu qui nous rassemble. C’est le mouvement qu’Il a choisi de faire envers nous qui nous réjouit ce soir. Cette motion de Dieu est pour nous une Bonne Nouvelle. Dieu a décidé de nous choisir pour faire de nous au milieu de ce qu’il y a de plus obscur, de plus sombre et vil en ce monde, un peuple ardent à faire le bien. Il nous donne en partage sa Lumière pour que nous brillions des mille feux de son amour. Cette Alliance de Dieu avec nous, au point de se faire l’un de nous pour nous fortifier et nous régénérer de l’intérieur, voilà ce qu’est Noël.
 
Ce soir, nous voulons nous redire cette proximité de Dieu auprès de nous en son Fils Jésus. Car Dieu prend un visage d’homme et nous pouvons désormais le connaître, le voir, l’entendre, le toucher, le comprendre. Notre humanité est transformée. Chaque jour de notre vie chrétienne voudrait nous rapprocher un peu plus de Lui et devenir un chemin.
 
 
En entrant dans cette célébration, tout à l’heure, auprès du baptistère désormais installé ici près de la porte de l’église et dans l’axe de l’autel, nous avons demandé à Dieu de bénir l’eau dont nous avons été ensuite aspergés. Nous nous souvenions que le baptême a fait de nous des enfants de Dieu et nous a placés dans la fraternité de Jésus. C’est donc une fête de famille, au sens le plus fort du terme, qui nous rassemble. Ensuite, nous avons écouté les textes de l’Ecriture qui sont sa Parole, et qui le rendent présent au milieu de nous chaque fois qu’ensemble, nous les proclamons. Ce n’étaient pas là que des vieilles histoires. Non, le Christ nous parlait et nous donnait d’entrer en relation avec Lui. L’Evangile, symbolisé ici par ce livre de pierre, un marbre venant d’Inde, est porté par l’annonce des quatre grands prophètes de l’Ancien Testament (Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Daniel) dont les noms ont été gravés dans les montants de l’ambon. Cette Parole de Dieu demande à s’enraciner dans nos vies, à ne pas y rester lettre morte. Au contraire, elle nous aide à ce que la communion avec Jésus-Christ devienne toujours plus forte, plus solide, plus parfaite. Pour que nous puissions nous reconnaître de la même chair et du même sang. Pour que notre relation avec Lui atteigne sa plénitude. Pour que ce qui est humain et glaiseux en nous fasse place à ce qui est divin dans chacune de nos vies, même si vous pensez que le vôtre est ténébreuse. Voilà donc que le Christ nous donne en nourriture son Corps et son Sang. Dans quelques instants, nous allons nous approcher de l’autel et nous y célèbrerons son eucharistie. C’est là un grand mystère et parfois notre esprit est lent à croire. Notre cœur veut pourtant s’ouvrir à cette présence car nous sentons qu’elle nous fait du bien, qu’elle nous apaise et nous réconforte. Cela demande de notre part la foi. Faire confiance que dans les signes bien humbles du pain et du vin, Dieu tout entier, est réellement présent, plus fort que toute mort. Toute notre vie chrétienne jusqu’à son dernier instant est orientée vers ce désir, plus fort que tous les autres, car c’est là que notre âme trouve sa paix, de ne faire qu’un avec Lui. En finir avec ce qui rend notre vie clopi-clopante, torturée et égoïste, pour devenir enfin libre et heureux. Vraiment heureux. Notre foi n’a alors d’autre choix que d’engager notre confiance. Elle doit s’appuyer sur le roc qu’est le Christ et que l’autel en pierre symbolise au milieu de nous. Il abrite la pierre qui a reçu la consécration et il soutenu par ceux qui, les premiers, ont fait confiance : les Apôtres dont les noms sont incisés dans les piliers de la table eucharistique.
 
Si ce soir, nous nous laissons émouvoir par la fragilité et la beauté de l’Enfant de la crèche, n’oublions pas le chemin qu’Il dessine pour un chacun. Il se fait l’un de nous, lui qui est de la lignée de David, celui dont la statue en cette église retrouve en ce Noël, la harpe qu’il avait perdue depuis des dizaines d’années. Il est tout proche pour que nous devenions plus proches de lui. Entrons, si vous le voulez bien, dans sa familiarité et réjouissons que l’Enfant-Jésus fasse de nous des enfants de Dieu.
 
 
AMEN.
                                
Michel Steinmetz

samedi 17 décembre 2016

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent (A ) - 18 décembre 2016

Je suis toujours surpris devant les commentaires qui sont postés sur les réseaux sociaux. Ils ont souvent pour auteurs des personnes parfaitement non-informées sur le sujet qu’elles se croient en capacité de commenter. Mais le plus grave est que tout aussi souvent des propos hargneux et blessants viennent se mêler à tout cela. Jadis, ces paroles étaient l’œuvre des piliers de bar au bistrot du quoi, et ne portaient finalement pas plus à conséquence que cela ; aujourd’hui, elles sont écrites et diffusées très largement. Il y a de quoi être affligé. Imaginez dans la Palestine du Ier siècle, l’histoire de Joseph. Elle a probablement scandalisé les habitants du petit village de Nazareth : le récit de Marie, fiancée à Joseph et enceinte avant son mariage, a dû certainement alimenter des ragots... et les commentaires déplacés ! J’imagine qu’au café du coin, où dans le quotidien « Le Jourdain », la presse à sensation locale, les commentaires ont dû aller bon train...
 
Il est facile d’attaquer pour ne pas se remettre en question. Dans nos familles, dans nos lieux de vie, nous aussi, nous alimentons souvent, involontairement, la suspicion, les intrigues... Nous discutons, convaincus parfois d’avoir certaines clés, alors que celles-ci nous manquent. Les murmures sont souvent des moyens de ne pas se remettre en question, de ne pas faire face à la réalité. Les murmures sont aussi des signes d’orgueil car nous croyons savoir. Et l’histoire de Joseph nous montre précisément que nous ne savons pas tout. Que l’intimité ne peut jamais nous appartenir. Joseph, lui non plus, ne savait pas tout et il n’était pas prêt. Mais il a accueilli simplement et sans juger la vie qui lui était confiée. Accueillir sans juger : voilà ce qui fait de lui un homme juste. Et comme Joseph, nous pouvons entendre une voix nous dire : « Ne crains pas ». « N’aie pas peur de ce qu’on dit de toi ». C’est parce que tu ne connais pas l’intimité des histoires de ceux que tu rencontres que tu es invité à ne pas juger. Juger, c’est avant tout ne pas connaître. Voilà pourquoi la justice dans l’antiquité grecque  souvent représentée avec un  voile sur les yeux. Comme si tout jugement s’accompagnait toujours d’un mouvement d’inconnaissance, qui peut restaurer la confiance.
 
Dans l’Evangile, alors que Luc nous présente l’histoire de Jésus à travers les yeux de Marie, Matthieu nous présente la même histoire, la naissance de Jésus, à travers les yeux de Joseph. Joseph ne comprend pas ce qui lui arrive. Deux possibilités s’offrent alors à lui : la suspicion qui murmure ou la confiance qui ne juge pas. Joseph est un homme juste, c’est aussi un homme religieux. Il connaît les Ecritures et il est pétri de l’attente de son peuple. Un jour, Dieu enverra un Sauveur. Il va naître d’une vierge. Elle sera enceinte et on lui donnera le nom d’Emmanuel. Voilà le signe que Dieu donnera. Joseph, pas plus qu’Acaz, n’exigera de signe. Il l’accueillera, tout simplement, et fera confiance. Confiance à Marie, confiance à l’ange, confiance à Dieu.
 
Le temps de l’Avent est donc bien plus qu’un temps d’attente. C’est un temps qui nous invite à transformer notre regard, pour accueillir avec confiance l’imprévu, ce que nous n’avons pas choisi, ce que nous n’avons pas décidé pour nous-mêmes. Cela prend du temps de découvrir qui nous sommes. Une vie ne suffit jamais. Cela prend du temps de discerner qui nous pouvons devenir, ce que Dieu nous invite à être.  Parfois nous prenons des décisions, et nous ne comprenons nos choix que bien plus tard. Il ne s’agit pas de tout justifier, mais où que nous soyons, il est toujours possible de relire sa vie. Nous ne pouvons changer notre histoire, mais nous pouvons changer sa lecture pour intégrer dans nos vies ce qui semble  impossible à accepter ou à digérer. Voilà la liberté des enfants de Dieu. C’est cette liberté que nous montre Joseph : un chemin d’humilité et d’inconnaissance. Joseph, en ne craignant pas de prendre Marie pour épouse, veut ainsi le non-voulu. Comme le dit le poète, « Lorsque tu désires ce que tu as, tu as ce que tu désires. »  
 
Peut-être que c’est seulement lorsque nous désirons pleinement ce que nous avons (c’est à dire notre humanité), que se dévoile ce que nous désirons au plus secret de nous, l’intimité de Dieu.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 9 décembre 2016

Homélie du 3ème dimanche de l'Avent (A) - 11 décembre 2016

Selon les récentes enquêtes sur les croyances en Occident, le pourcentage des chrétiens diminue tandis qu’augmente celui de ceux qui se disent incroyants  et dont certains demandent que leurs noms soient même rayés des registres de baptême. Par-delà les scandales qui éclatent dans l’Eglise, c’est surtout l’omniprésence du mal et le silence de Dieu qui conduisent à la conclusion : « Le ciel est vide. Non Jésus n’est pas le sauveur : il y a trop d’injustice ! ».  Qui n’a pas butté sur cette objection massive qui effectivement ébranle les certitudes ? Même Jean-Baptiste se l’est faite : en prison, menacé d’exécution, il s’est demandé s’il avait eu raison de désigner Jésus comme le Messie attendu. Un Messie qui laisse les innocents périr ?
 
Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ».  Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez…».Devant le mal triomphant et parfois l’inertie des croyants que nous sommes, l’incroyant nous questionne encore : « Ne faut-il pas attendre un autre que Jésus ? ». Gardons Noël comme fête de lumière mais sans crèche. Attendons le salut du progrès, de l’enrichissement, ou même ne rêvons plus, résignons-nous à  la vie telle qu’elle est. Que répondre ? Aux ambassadeurs de Jean, Jésus semble faire une réponse décevante. Au lieu de leur promettre une intervention rapide, il leur donne plutôt une mission : « Rapporter ce que vous entendez et voyez ». Oui nous pouvons affirmer que des guérisons se réalisent dans l’Eglise. Rarement miraculeuses, elles ne sont pas des preuves mais elles « font signe ». Non, l’Evangile n’est pas une utopie à ranger dans les oubliettes car nous pouvons raconter que partout des chrétiens mènent une lutte acharnée contre la souffrance. Nous pouvons songer à tout ce qu’on fait les saints, et récemment la « jeune » sainte Mère Térésa de Calcutta, mais aussi tout ce que les baptisés entreprennent au nom de leur foi pour que change le monde. La foi n’est pas une fuite ni une indifférence. Hélas beaucoup de chrétiens ignorent le travail de l’Eglise, l’impact évangélique sur la santé du monde et ils sont désemparés par les questionneurs. Parce qu’ils ne savent pas ouvrir les yeux.
 
Toutefois, pour Jésus, le grand signe est le dernier : « la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Des malades et des handicapés ne sont pas guéris de leur mal, des justes emprisonnés ne sont pas libérés de leur geôle mais pourtant cette Bonne Nouvelle est pour eux une force réelle, d’un autre ordre. Elle suscite une espérance terriblement active et efficace et mobilise des artisans de paix sur toute la planète. « Heureux » donc l’homme qui parvient à reconnaître que, s’il n’élimine pas, apparemment et immédiatement, le scandale de la souffrance et du mal, comme s’il était un despote ou un magicien, Jésus est vraiment le Messie, le Sauveur. Car Jésus permet de renouveler notre humanité de l’intérieur, par sa présence qui fait de nous ses collaborateurs.
 
Tandis que les envoyés de Jean se retiraient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ?... Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Qu’êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. » Pendant tout un temps, Jean avait attiré des foules qui admiraient sa pauvreté, étaient atteintes par sa prédication de feu, recevaient son baptême. Il n’était pas un « roseau » qui se plie au gré des vents des opinions, ni un homme qui profite de la crédulité des foules pour s’enrichir. Inébranlable jusqu’à oser dénoncer la turpitude du roi, austère jusqu’au dénuement total, courageux jusqu’au martyre, Jean avait vraiment rendu un témoignage de « prophète », d’envoyé de Dieu.  Et nous ? Serons-nous un roseau agité par le vent, balloté au gré des modes, des opinions de qui nous aurons en face de nous ? Saurons-nous rendre compte de notre foi, parce que nous aurons ouvert les yeux et vu la Bonne Nouvelle à l’œuvre ?
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 3 décembre 2016

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent (A) - 4 décembre 2016

La manière dont notre monde fonctionne est parfois bien surprenante. Un grand patron racontait un jour : « dans une réunion, où une quinzaine de personnes assistent, lorsqu’il faut discuter d’un investissement de plusieurs milliards d’euros, seulement trois ou quatre prendront la parole. Par contre, quand il faut décider de la couleur du tapis qui va être changé au troisième étage de l’immeuble, là chacun a son mot à dire ». Plus les décisions sont complexes, plus elles nous dépassent. Plus elles s’éloignent de nous, plus nous ne nous sentons pas concernés. Phénomène intéressant, quand on nous parle de décisions au niveau de la Commission européenne, de mondialisation, de globalisation, nous sentons que notre prise sur la réalité prend une certaine distance. Tout s’éloigne de nous comme si inexorablement nous ne pouvions rien faire.
 
Peut alors s’installer en nous un sentiment de découragement, voire même de déprime et nous entrons alors dans la pathologie de l’aquabonite aigüe, celle qui pousse à dire comme une rengaine : « ah quoi bon ! ». Comme si le fatalisme était notre réponse. Si personne ne bouge pourquoi n’en ferais-je pas autant ? Allons-nous inexorablement vers un monde mauvais, où tout va finir par s’écrouler ? La peur devient-elle moteur de nos existences ? Si tel est le cas, il est plus que temps de nous tourner à nouveau vers les textes de notre liturgie d’Avent. Notre monde n’a pas été créé pour aller vers une catastrophe cosmique. Nous sommes sur terre pour découvrir le bonheur. Et si nous nous sentons bien seul face à l’immensité de l’évolution de notre humanité, rappelons-nous que les Juifs vivaient la même chose à l’époque de Jésus.
 
Depuis plus de quatre siècles déjà, la voix prophétique s’était tue. Et voilà qu’aujourd’hui une voix à nouveau crie dans le désert. C’est celle d’un homme original, vêtu d’une tunique en poils de chameaux, hirsute et se nourrissant de sauterelles. Cette voix crie, vitupère et s’ne prend à ceux qui voudraient déserter, fuir, se dédouaner de leurs responsabilités. Cette voix résonne aujourd’hui encore dans nos déserts. Au cœur de notre société que je crois polluée par tant de bruits inutiles, Dieu nous invite à retrouver la route du silence et du calme. Dans nos déserts intérieurs, nous sommes conviés à oser prendre le temps de nous arrêter, à faire taire tous ces bruits qui nous protègent de nous-mêmes et nous empêche de réfléchir. Dans nos silences intérieurs, une voix se fait entendre : « préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ». Un homme a transformé le monde, il y a deux mille ans. C’est Jésus. Nous aussi osons croire, osons faire ce pari que nous pouvons transformer le monde dans lequel nous sommes, parce que nous le ferons à sa suite et parce qu’il nous demande de poursuivre son œuvre.
 
Alors que tout semble à ce point nous échapper, l’espérance permet de prendre part à la construction de notre monde. A nous de décider, quel type de société nous léguerons aux générations ultérieures. Et cette construction se vit maintenant, chacune et chacun y a sa place. Ce chemin à préparer, cette venue à célébrer, Jean l’adresse à chacune et chacun d’entre nous. A nous d’y répondre avec ce que nous sommes, avec les moyens dont nous disposons. Ce ne sera peut-être qu’une petite goutte dans un océan. N’oublions jamais que celui-ci est formé de la somme de ces petites gouttes. Si nous nous y mettons toutes et tous à préparer ce chemin, les solidarités naîtront, l’autre que nous croisons prendra un autre visage, celui d’un frère ou d’une sœur à aimer.
 
La  route qui nous est donnée de vivre est belle, empreinte de douceur et de tendresse, respectueuse des différences et s’enrichissant de celle-ci. Une route qui nous conduit à un monde de paix. Vous ne me croyez pas ? Pourtant ce n’est pas moi qui le dit, mais Isaïe. Rappelez-vous : « le loup habitera avec l’agneau, le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ». C’est cela la paix de Dieu, le monde que nous sommes invités à construire. Il n’y a plus de temps à perdre, préparons le chemin du Seigneur.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz