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jeudi 24 septembre 2020

Homélie du 26ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 27 septembre 2020


« Vous dites : ‘La conduite du Seigneur n’est pas la bonne’. » Ne pourrions-nous pas mettre cette phrase du prophète Isaïe à la première personne du pluriel, voire même du singulier. Tant de fois nous sommes prompts à faire la leçon à Dieu, à lui faire comprendre que sa manière d’agir ou de nous traiter n’est pas la bonne. Tant de personnes en sont d’ailleurs convaincues qu’elles finissent par penser sérieusement que Dieu ne peut leur être d’aucun secours. Il est vrai, et nous l’entendions déjà dimanche dernier, que la logique de Dieu déborde les contours étriqués de notre propre logique. Elle n’est pas dans le calcul, mais dans la surabondance. Heureusement pour nous, d’ailleurs.


Quand nous sommes baptisés, nous entrons dans cette surabondance de dons qui va jusqu’à l’inconcevable : nous devons les enfants bien-aimés de Dieu. Cette condition, nul dès lors, ne pourra plus nous la ravir, quoi que nous fassions, disions ou pensions au long de notre existence parfois errante et tâtonnante. Nous entrons dans l’étonnant chemin du Christ qui est pour nous chemin du salut. Lui « qui est de condition divine » consent à s’abaisser pour assumer ce que nous sommes. C’est-à-dire qu’il vient rejoindre et comme épouser jusqu’aux bas-fonds de notre humanité. Tout ce que nous voudrions dissimuler de nos égarements et de nos péchés, Lui vient les habiter de sa présence. Il suffit que nous l’acceptions en devenant serviteur et obéissant comme Lui pour que notre vie s’en trouve exaltée, c’est-à-dire relevée, transformée, transfigurée. Car la rencontre en vérité avec le Christ ne laisse jamais indemne.


Nous lui demandons avec le psalmiste « de nous enseigner ses voies, faire connaître sa route et de nous diriger par sa vérité ». Il devient alors pour nous une boussole sûre. Car dans notre existence, il faut bien l’avouer, nous sommes tantôt l’un et l’autre fils de la parabole. Tantôt nous répondons à son appel et nous ne lui emboîtons pas le pas ; tantôt nous ne répondons pas à cette invitation, mais nous revenons plus tard à lui. Et nous nous voyons dépasser sur la longue route du Royaume par les publicains et les prostituées, entendez : celles et ceux que nous ne pouvons imaginés être sauvés parce que nous le leur refusons. Ainsi dans la parabole de l’évangile, Jésus évoque des gens qui avaient longtemps refusé d’écouter les commandements et qui vivaient dans le péché furent touchés par la prédication du Baptiste : après avoir longtemps dit non à Dieu, ils se sont convertis et changèrent de vie. Tandis que ceux-là, grands prêtres et anciens, ont répondu oui à Dieu mais sans accepter de mettre en pratique toutes ses volontés. Ils se présentent comme des croyants, pieux, fidèles aux cérémonies, mais lorsque le Baptiste leur a demandé, à eux également, de changer et de vous convertir à la vraie foi, ils se sont cabrés. Ils ressemblent à des hommes qui ont dit oui à Dieu mais en pratique vous dites non. D’ailleurs les interlocuteurs de Jésus eux-mêmes le reconnaissent : le vrai croyant, ce n’est pas celui qui dit oui du bout des lèvres...mais celui « qui fait la volonté du Père ». Celui, par contre, qui accepte d’ouvrir son cœur et de changer de vie, dépasse en chemin celui s’estime juste.


Voilà que deux enseignements nous rejoignent. Tout d’abord, gardons-nous de nous place trop rapidement parmi les jutes, les gens bien comme il faut, au risque d’estimer les autres inférieurs à nous et de nous voir allègrement dépassés sur la route du Royaume. Ensuite, il en va d’une bonne nouvelle. Bien souvent, nous disons oui du bout des lèvres, mais nos actes, notre manière de vivre, de considérer l’autre, ne suivent pas. Nous sommes assez prompts à reconnaître qu’il y a dans l’Evangile de très belles choses, des paroles qui peuvent très concrètement changer le cours de notre vie personnelle et celle du monde, mais cela reste au niveau des paroles et des idées. Quoi qu’il en soit de notre situation à l’instant présent, vieux briscards de la foi ou jeunes séduits, le Royaume de Dieu nous est ouvert. Si nous ouvrons notre cœur. Vraiment.


AMEN.


Michel STEINMETZ †


samedi 19 septembre 2020

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 20 septembre 2020


Homélie de la fête patronale de saint Maurice et baptême des catéchumènes


Chers catéchumènes, vous allez mourir. Vous n’allez pas mourir comme souvent tout homme sur terre le craint. Cette heure ne marquera pas la dernière, mais j’ose le dire, la première de votre existence. Désormais, en recevant le baptême et plus largement les sacrements qui feront de vous des chrétiens, vous commencerez à vivre et cette vie sera dès lors indestructible. Plus rien ne pourra jamais vous arracher à l’amour de Dieu qui vous choisit comme ses enfants bien-aimés. 


Vous avez cheminé depuis des mois à la découverte de Jésus, en vous ouvrant au mystère de la foi. Vous avez appris non seulement à connaître le Christ, mais à l’aimer, ou plutôt à vous savoir aimés de lui. Votre baptême a été retardé en raison du confinement ; vous ne le désirez, me semble-t-il, que plus. Or aux yeux du monde, il n’est pas normal de désirer mourir. Vous au contraire, vous avez saisi que de s’abandonner à Lui, que de mourir à sa liberté, en confiant sa vie au Christ pour qu’il la dirige, est un formidable gage de liberté en ce monde et de vie. Vous faites l’expérience, paradoxale il est vrai, de Paul : « pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. »


Vous savez cependant que si tout vous est donné ici, rien n’est pourtant achevé. La vie chrétienne se déploie au long de l’existence ; elle se vérifie dans la fidélité quand l’épreuve survient ; elle s’enracine quand l’amour vécu la fortifie. Autour de vous, il y a des baptisés de plus longue date, et j’en suis. Ils pourront vous dire qu’on n’en a jamais terminé de découvrir le Christ, de se laisser surprendre par les chemins sur lesquels il nous conduit, de revenir vers Lui quand notre volonté voudrait nous en égarer. Il viendra des jours où les choses vous paraîtront plus obscures que le ciel ouvert et sans nuages de la grâce aujourd’hui. Alors il vous faudra vous souvenir des paroles du prophète Isaïe : « Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. »  Vous pourrez revenir au Seigneur sans craindre car Lui ne vous aura pas oubliés. Si aujourd’hui certains vous jalousent peut-être parce que vous semblez être les ouvriers de l’évangile appelés par le maître de la vigne non tant à la fin de journée qu’à la mi-journée et que votre joie provoque celle que nous avons enfouie dans les soucis et les tracas de nos quotidiens, nous devons nous réjouir de ce que vous êtes. Vous témoignez devant nous de la jeunesse de notre Eglise. Sans cesse le Christ ne cesse d’appeler à Lui. Le problème de notre époque n’est donc pas le silence de Dieu que le bruit assourdissant de notre société qui nous empêche de l’entendre. Nous devons nous réjouir que Dieu vous appelle, vous et nous, comme autant d’ouvriers à sa vigne, comme collaborateurs de cette grande œuvre qui vise à redire à tout homme qu’il est aimé et sauvé. Car c’est cela le plus important.


Aux yeux de Dieu, il n’y a ni premier ni dernier. D’une certaine façon, il n’y a que des premiers. C’est nous qui, en oubliant le don qui nous a été fait de devenir enfant de Dieu, persistons à classer les personnes en fonction de leurs prestations. La logique de Dieu n’est évidemment pas celle de notre justice humaine, il s’agit d’une logique de surabondance. Le prophète a donc raison de dire que « les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et que nos chemins ne sont pas nos chemins ». 


Il y bien longtemps au début du IVe siècle, Maurice et ses compagnons refusèrent d’abandonner leur foi pour sacrifier aux divinités païennes. Eux aussi avaient compris que le don le plus précieux était, non plus leur vie humaine appelée à se consumer, mais le don de la vie éternelle qui était inscrite en eux depuis leur baptême. Que par l’intercession de saint Maurice nous n’oublions jamais l’amour infini et gratuit de Dieu pour nous. C’est ainsi que nous aurons « un comportement digne de l’évangile du Christ ».


AMEN.

Michel STEINMETZ †


samedi 5 septembre 2020

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 6 septembre 2020


L’amour ne fait rien de mal au prochain. » Cette phrase de l’apôtre semble trouver un écho dans la formule si célèbre d’Augustin : « Aime et fais ce que tu veux ». A première vue, il pourrait s’agir d’une invitation à profiter de la vie, une version chrétienne du carpe diem, voire une permissivité absolue. Tout est permis, du moment que l’on aime ! Il suffit de prononcer cette phrase devant un adolescent et de voir le sourire qui naît sur sa figure, tout en se demandant pourquoi ses parents ne lui ont jamais dit cela… En réalité, cette phrase de saint Augustin a un sens bien différent – qui peut justifier que le même adolescent soit bien puni par ses parents ! – qui nous emmène sur les chemins de la charité et de la correction fraternelle…


Cette maxime n’est pas un slogan qui revient régulièrement chez saint Augustin, même si plusieurs citations lui sont apparentées. Il s’agit d’un extrait unique d’une homélie prononcée pendant le temps pascal 407, plus précisément le samedi de l’Octave de Pâques. Imaginons les chrétiens d’Hippone se presser dans leur basilique pour écouter l’évêque qui a décidé de faire un commentaire suivi de la première épître de Jean. Et voici que le samedi, Augustin en arrive à commenter 1 Jean 4,8-9 : « En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : il a envoyé son Fils unique en ce monde afin que nous vivions par lui ». Le Père a livré son Fils, Judas l’a aussi livré, constate le prédicateur. Quelle est la différence entre les deux ? L’intention : Dieu a livré le Christ par amour pour les hommes, Judas l’a fait par amour de l’argent. Augustin en profite pour insister sur l’importance de l’intention pour juger de la valeur d’une action et de conclure : « Ainsi voilà une fois pour toutes le court précepte qu’on te dicte : ‘Aime et fais ce que tu veux’. Si tu te tais, tu te tais par amour ; si tu cries, tu cries par amour ; si tu corriges, tu corriges par amour ; si tu épargnes, tu épargnes par amour. Qu’au-dedans se trouve la racine de la charité. De cette racine rien ne peut sortir que de bon. » (Commentaire de la 1ère épître de saint Jean VII,8, traduction D. Dideberg, Bibliothèque Augustinienne 79, p. 305).


L’amour ne fait donc rien de mal au prochain quand il est orienté vers l’autre et vers son bien. Nous connaissons toutes et tous des personnes renfrognées qui disent aimer, ou le tentent, mais qui sont repliées sur elles-mêmes, avides de leur plaisir, de leur gain ou de leur pouvoir. Au contraire, celui qui aime à la manière de Dieu est tourné vers l’autre, quitte à se dessaisir de lui-même, comme le Christ l’a fait. Celui-là devient donc un guetteur pour son frère. Devenir un guetteur, c’est-à-dire devenir celui qui, du haut des murailles de la cité, remplit cette haute charge de détecter le danger lorsqu’il survient, de prévenir ses compagnons afin de garantir leur sécurité. Le guetteur accomplit son service avec zèle et attention, sans une once de relâche qui pourrait s’avérer fatale. Il est encore celui qui sait voir au loin, qui scrute et discerne. Cette mission est certes confiée au prophète, mais Jésus, dans l’évangile, nous rappelle que nous en sommes aussi dépositaires. N’avons-nous pas été faits, à notre baptême, « prêtre, prophète et roi », à la suite du Christ ?


Si Jésus nous demande d’agir avec patience et délicatesse, c’est parce que lui-même agit ainsi. Et s’il agit ainsi c’est parce que son Père agit ainsi. Il ne se décourage pas devant mes difficultés à me corriger. Là où le péché abonde, son amour surabonde. C’est ainsi que chacun de nous doit agir vis-à-vis de ses frères. Vous l’aurez compris, c’est à notre propre conversion que le Christ nous appelle. Car, comment souhaiter la conversion des autres sans d’abord penser à la sienne propre ? Et qui parle de conversion parle aussi de croissance pour nous découvrir tels que nous sommes, en vérité. 


Ainsi être chrétien, aimer ce n’est pas d’abord rechercher son intérêt propre ; mais quand on aime à la manière du Christ, en ayant le souci et le soin de l’autre, on ne fait rien de mal. « Le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour ». 


AMEN.


Michel STEINMETZ †