Devant les
perspectives d’avenir, aujourd’hui beaucoup de gens ont peur... Peur depuis les
attentats de Paris, peur devant une situation mondiale qui semble déraper, peur
des dérèglements climatiques que la COP21 voudrait pouvoir enrayer. Peur aussi de
perdre un emploi, de régresser dans l’échelle sociale, de disposer de moins de
ressources pécuniaires. Peur surtout d’aller au fond de soi-même et de
découvrir la profondeur de nos attentes. Alors beaucoup se réfugient dans des
déserts au silence assourdissant et au goût de paradis artificiel. Ils
cherchent des petits bonheurs dans des à-côtés. La société de consommation
invite d’ailleurs à acquérir toutes sortes de biens éphémères à suivre les
modes si vite dépassée par l’arrivée d’un nouveau modèle ou d’une mise à
jour.... Et le qu’en dira-t-on excite à suivre le mouvement afin de rester dans
le vent.
Et pourtant, elle se
fait entendre aujourd’hui la voix de la promesse. Elle raisonne, claire comme
le rire d’un enfant, lumineuse comme l’avenir dont il rêve. « Voici venir
les jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison
d’Israël et à la maison de Juda ». Elle n’est pas facile à entendre
surtout dans le tintamarre du monde, cette voix de l’espérance. Elle vient d’ailleurs,
de l’au-delà de toute créature. C’est une Parole du Seigneur qui vient.
Au moment où Jérémie
la prononce, la situation de son pays est aussi dramatique. Le royaume de Juda
est ravagé par l’envahisseur, la ville de Jérusalem détruite. Beaucoup ont été
tués et d’autres, dont le roi, ont été déportés à Babylone. Mais Dieu veut
restaurer la confiance chez ceux qui sont restés au pays. Un monde, leur
fait-il dire, s’en est allé, mais mon amour pour le peuple et mon pouvoir de
créer sont intacts. Un roi, issus de David, régnera à nouveau sur le pays
redevenu libre et il rétablira une ère de justice, de paix et de bonheur pour
tous.
Promesse de bonheur,
adressée autrefois par le prophète à ceux qui étaient dans le malheur. Promesse
de bonheur qui nous est adressée encore aujourd’hui par Dieu.
Il faudra vivre cette
crise : sans continuité entre ce monde tel qu’il va et la manifestation du
Ressuscité. Le monde nouveau n’est pas présenté ici comme le fruit de nos
efforts ni de nos travaux. Il ne dépend pas de nous, il ne nous appartient pas,
nous ne le contrôlons pas. Il survient librement, autrement. Et la rupture n’est
pas seulement celle d’un monde d’en bas d’avec un monde d’en-haut, ou du monde
matériel avec le monde spirituel. C’est le passage de l’avant à l’après. Ce qui
était avant se décompose et se détruit. Cela ne se fait pas dans la douceur,
comme un accomplissement progressif mais dans la tension, l’angoisse, la peur. L’enfantement
du futur est douloureux. C’est dans un contexte de catastrophes et d’effondrements
que survient la nouveauté radicale que nous attendons, que nous devrions
espérer. Comment s’en réjouir ? Sinon en adoptant l’attitude d’esprit de ceux
qui n’ont rien à perdre, tout à gagner ; en ayant l’attitude de cœur de ceux
qui sont aimantés à ce point par Celui qui vient, que les convulsions du monde
leur paraissent normales et même libératrices. Comment le Ressuscité
pourrait-il en effet se manifester dans le monde tel qu’il va, sans faire tout
exploser ? Sans faire craquer les structures d’égoïsme, de mensonge, de
lâchetés collectives, tous les systèmes plus ou moins conscients d’exploitation
et d’asservissement ? Les pauvres et les humiliés le comprennent
naturellement. « Redressez-vous et relevez la tête car votre délivrance est
proche ! »
La tentation serait
de courber le dos, de se replier sur soi, dans un monde protégé. La tentation
serait de s’isoler. Se tenir sur ses gardes, ce n’est pas vivre l’angoisse dans
une hyper vigilance, mort de trouille et à l’écoute du moindre bruit. Se tenir
sur ses gardes, ce n’est pas se replier dans une fidélité au passé pour se
recroqueviller dans la pseudo-sécurité d’un monde à part et dépassé. Se tenir
sur ses gardes, c’est vivre debout, comme le Ressuscité, comme ceux qui
reviennent de la mort et n’ont plus peur de rien.
AMEN.
Michel
Steinmetz †