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samedi 28 novembre 2015

Homélie du 1er dimanche de l'Avent (C) - 29 novembre 2015

Devant les perspectives d’avenir, aujourd’hui beaucoup de gens ont peur... Peur depuis les attentats de Paris, peur devant une situation mondiale qui semble déraper, peur des dérèglements climatiques que la COP21 voudrait pouvoir enrayer. Peur aussi de perdre un emploi, de régresser dans l’échelle sociale, de disposer de moins de ressources pécuniaires. Peur surtout d’aller au fond de soi-même et de découvrir la profondeur de nos attentes. Alors beaucoup se réfugient dans des déserts au silence assourdissant et au goût de paradis artificiel. Ils cherchent des petits bonheurs dans des à-côtés. La société de consommation invite d’ailleurs à acquérir toutes sortes de biens éphémères à suivre les modes si vite dépassée par l’arrivée d’un nouveau modèle ou d’une mise à jour.... Et le qu’en dira-t-on excite à suivre le mouvement afin de rester dans le vent.
Et pourtant, elle se fait entendre aujourd’hui la voix de la promesse. Elle raisonne, claire comme le rire d’un enfant, lumineuse comme l’avenir dont il rêve. « Voici venir les jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda ». Elle n’est pas facile à entendre surtout dans le tintamarre du monde, cette voix de l’espérance. Elle vient d’ailleurs, de l’au-delà de toute créature. C’est une Parole du Seigneur qui vient.
 
Au moment où Jérémie la prononce, la situation de son pays est aussi dramatique. Le royaume de Juda est ravagé par l’envahisseur, la ville de Jérusalem détruite. Beaucoup ont été tués et d’autres, dont le roi, ont été déportés à Babylone. Mais Dieu veut restaurer la confiance chez ceux qui sont restés au pays. Un monde, leur fait-il dire, s’en est allé, mais mon amour pour le peuple et mon pouvoir de créer sont intacts. Un roi, issus de David, régnera à nouveau sur le pays redevenu libre et il rétablira une ère de justice, de paix et de bonheur pour tous.
Promesse de bonheur, adressée autrefois par le prophète à ceux qui étaient dans le malheur. Promesse de bonheur qui nous est adressée encore aujourd’hui par Dieu.
 
Il faudra vivre cette crise : sans continuité entre ce monde tel qu’il va et la manifestation du Ressuscité. Le monde nouveau n’est pas présenté ici comme le fruit de nos efforts ni de nos travaux. Il ne dépend pas de nous, il ne nous appartient pas, nous ne le contrôlons pas. Il survient librement, autrement. Et la rupture n’est pas seulement celle d’un monde d’en bas d’avec un monde d’en-haut, ou du monde matériel avec le monde spirituel. C’est le passage de l’avant à l’après. Ce qui était avant se décompose et se détruit. Cela ne se fait pas dans la douceur, comme un accomplissement progressif mais dans la tension, l’angoisse, la peur. L’enfantement du futur est douloureux. C’est dans un contexte de catastrophes et d’effondrements que survient la nouveauté radicale que nous attendons, que nous devrions espérer. Comment s’en réjouir ? Sinon en adoptant l’attitude d’esprit de ceux qui n’ont rien à perdre, tout à gagner ; en ayant l’attitude de cœur de ceux qui sont aimantés à ce point par Celui qui vient, que les convulsions du monde leur paraissent normales et même libératrices. Comment le Ressuscité pourrait-il en effet se manifester dans le monde tel qu’il va, sans faire tout exploser ? Sans faire craquer les structures d’égoïsme, de mensonge, de lâchetés collectives, tous les systèmes plus ou moins conscients d’exploitation et d’asservissement ? Les pauvres et les humiliés le comprennent naturellement. « Redressez-vous et relevez la tête car votre délivrance est proche ! »
La tentation serait de courber le dos, de se replier sur soi, dans un monde protégé. La tentation serait de s’isoler. Se tenir sur ses gardes, ce n’est pas vivre l’angoisse dans une hyper vigilance, mort de trouille et à l’écoute du moindre bruit. Se tenir sur ses gardes, ce n’est pas se replier dans une fidélité au passé pour se recroqueviller dans la pseudo-sécurité d’un monde à part et dépassé. Se tenir sur ses gardes, c’est vivre debout, comme le Ressuscité, comme ceux qui reviennent de la mort et n’ont plus peur de rien.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz
 
 

vendredi 20 novembre 2015

Homélie de la solennité du Christ, roi de l'Univers - 22 novembre 2015

Les tragiques évènements du 13 novembre dernier et la barbarie qui les ont accompagnés sont encore bien présents dans nos esprits. La fête de ce jour, celle du Chris-Roi de l’Univers, marque à la fois la fin de l’année liturgique et dessine à nos yeux l’horizon de la fin des temps, celui où le Christ reviendra – enfin – récapituler toutes choses. Beaucoup de réactions, les derniers jours, semblaient appeler et attendre un jugement, une justice qui viendrait éradiquer le fanatisme qui, par un détournement honteux, prétend user de Dieu pour étendre son pouvoir sur les terres et les consciences. Cette attente du jugement pouvait se comprendre comme le souhait d’un déchaînement de la colère de Dieu. Mais ce serait là détourner Dieu à notre profit : l’instrumentaliser pour répondre à notre propre colère, notre propre peur. Le Dieu, révélé en Jésus, n’est pas celui de la vengeance. Il est celui qui accepte l’autre, prend patience et prend en pitié. Il est le Dieu qui souffre de voir ses enfants ainsi s’égarer loin de la vérité.
Dans l’évangile de ce jour, le Christ apparaît comme un roi, non celui que s’imaginent les hommes, qui gouverne en puissant, mais celui qui règne par la manière dont il rend témoignage à la vérité. Il en impose car sa puissance se dégage de sa faiblesse. Son unique trône sera celui de la croix dans laquelle toute l’humanité sera rassemblée. Ce Christ n’est pas venu imposer une idéologie, mais apporter de la lumière, rendre témoignage à la vérité. Suivre le Christ, être obéissant au Christ, c’est être fidèle à la vérité, c’est toujours chercher la vérité. Cette vérité n’est pas la production d’un tel ou d’un tel, le résultat de son désir de puissance et de domination. Cette vérité, vérité de l’Evangile, dépasse tous les courants de pensées, toutes les idéologies. Elle s’impose comme l’évidence de la vérité de Dieu. Vérité qui n’écrase pas mais qui rend libre, vérité qui ne fait pas souffrir mais remet debout. L’Eglise elle-même reçoit cette vérité comme le don le plus précieux qui lui est fait. Elle est en dépositaire au milieu des hommes. Toujours à réformer, toujours à convertir, sa mission est de préserver cette vérité dans sa pureté et la transmettre pour le salut de tous. Les chrétiens, ceux qui suivent Celui qui est venu rendre témoignage à la vérité, ont toujours le devoir de chercher la vérité et de ne pas se laisser séduire par ce qui est moins que la vérité, par ce qui est partiel et partial. Si nous cherchons la vérité, nous pouvons nous tromper, bien sûr - nous pouvons tomber, même sur le bon chemin - et en la cherchant il faut profiter de la sagesse et de l’expérience des autres, mais c’est finalement notre responsabilité de rester fidèle à la vérité elle-même.
L’Église nous présente le Christ comme roi, non pour insister sur sa préférence en faveur d’un type de régime politique. L’Eglise emploie plutôt ce vocabulaire parce qu’elle le reçoit du langage biblique. C’est évidemment un titre très paradoxal. Si nous appelons Jésus « roi », c’est un roi qui n’assujettit pas son peuple mais qui les libère, qui ne s’impose pas à son autorité mais qui lave les pieds de ses disciples. La royauté de Jésus, son règne, dépassent cependant de loin tout ce que les systèmes politiques de ce monde pourraient nous en donner comme représentation. Et pourtant, Jésus règne bel et bien. Sa royauté n’est pas de ce monde. Son pouvoir, il le tient de Dieu, son Père ; les finalités de son action se trouvent dans le salut de l’humanité. En fait, quand Pilate lui demande : « Alors, tu es un roi ? », Jésus détourne la question, il change le vocabulaire. « C’est toi qui dit que je suis roi. Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».
 
Si la vérité était le fruit d’une majorité, la résultante d’un consensus, nous pourrions en changer au gré des modes ou des revirements de pensée. Or, la vérité, celle que le Christ nous révèle, ne souffre aucune dictature, ni celle d’un fanatisme de la peur, ni celle du relativisme qui gangrène notre société, qui voudrait nous faire croire que tout se vaut. Nous ne pouvons pas rester fidèles au Christ en ne restant pas fidèles à la vérité ; mais si, par contre, nous insistons pour suivre le chemin de la vérité, nous restons forcément fidèles au Christ, même sans le savoir, car le Christ est la vérité. Et cette vérité est notre vie. C’est elle qu’il nous fait chercher à tout prix, en ces jours troublés.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 13 novembre 2015

Homélie du 33ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 15 novembre 2015

Au terme de sa dure montée vers Jérusalem, Jésus n’a pas correspondu aux attentes de la foule qui attendait une révolution. Au lieu de s’en prendre aux Romains ou aux pécheurs, il est entré dans l’enceinte du Temple pour y enseigner et, pendant plusieurs jours, sans tomber dans les pièges tendus par ses adversaires, il n’a pas réussi à se faire comprendre. Alors, dit Marc, « il sort du temple » (13, 1) où il ne reviendra plus. Il a échoué à convertir le système rituel et religieux. Celui-ci est livré à son destin : la mort. En sortant, à un disciple qui s’extasie sur la beauté de l’édifice, Jésus répond par une annonce stupéfiante : « Tout cela sera détruit » ! Peu après, sur le mont des Oliviers en face de la capitale, quatre apôtres en privé le prient de leur expliquer : « Quand donc cela arrivera-t-il ? ». Alors Jésus leur tient un grand discours sur l’avenir. Il n’a plus que deux jours à vivre mais ensuite l’histoire continuera, chaotique et souvent dangereuse : aussi exhorte-t-il les disciples à « prendre garde » car des événements extrêmement graves et douloureux surviendront. 
 
On peut compter cinq « prévisions », mais chaque fois, Jésus révèle à ses disciples la juste attitude à avoir pour persévérer dans la foi et tenir bon.
1.     D’abord paraîtront, sans cesse, de faux messies qui, en promettant libération et bonheur, subjugueront les foules naïves : il ne faudra pas se laisser « égarer »  même si ces menteurs réalisent des prodiges (13, 5. 22). Or que de fois des baptisés ont suivi des « führers » ou des « grands timoniers » !
2.     Des guerres ne cesseront d’éclater ici et là, des conflits déchireront les peuples et multiplieront les victimes : il ne faudra pas s’alarmer car ce ne sera pas encore la fin (13, 7).
3.     Des catastrophes naturelles, inondations, famines, tremblements de terre, sèmeront la panique : ce ne sera pas la fin mais le commencement des douleurs de l’enfantement (13, 8). Le vieux monde s’en ira mais pour que naisse un nouveau monde.
4.     Les disciples de Jésus seront poursuivis, traînés devant les tribunaux, condamnés, même dans les familles on se dénoncera les uns les autres : les chrétiens pourront rendre témoignage parmi toutes les nations. Et qu’ils ne s’inquiètent pas pour leur défense : l’Esprit-Saint parlera en eux.
5.     Un jour surviendra un mystérieux événement à  Jérusalem : « l’abomination de la Désolation » siègera là où il ne faut pas. Il n’y aura qu’une seule issue : fuir au plus vite.
 
Pour évoquer l’événement final, Jésus reprend les images terrifiantes utilisées déjà par certains prophètes : effrayés par l’observation de certains phénomènes (étoiles filantes, éclipses...), ils imaginaient la fin du monde comme la chute des puissances divines qui dirigent la marche des astres. Dans ces pages « apocalyptiques », tout sera bouleversé. Mais « apocalypse » ne signifie pas ruines, destructions et épouvante mais « révélation », dévoilement des choses cachées. L’univers se déchirera pour laisser apparaître le mystère qu’il cache et qui est la Bonne Nouvelle : Jésus viendra dans la Gloire divine, comme Seigneur et Juge. Cette venue est inspirée par la vision de Daniel, nous l’entendions dans la première lecture. Ainsi l’évangéliste affirme avec assurance que Jésus, ce misérable condamné par Pilate, ce pendu horrible du Golgotha, que tous croient mort à jamais, est bien cet Homme plongé dans la Gloire divine à qui Dieu remet le Royaume éternel, Royaume de lumière et de bonheur, de vérité et de justice. C’est le signe qui nous est donné d’un Royaume nouveau qui vient à notre rencontre, le signe qu’un monde nouveau est en train de germer.
 
Nous n’errons pas dans l’absurde vers la déflagration finale mais nous allons, durement, à la rencontre de celui qui est devenu Seigneur parce qu’il nous a aimés jusqu’à la croix. Notre assemblée eucharistique dominicale préfigure et réalise déjà « le rassemblement » annoncé par Jésus. Restons éveillés et crions dans la prière : « Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 20).
 
AMEN.
                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz