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jeudi 31 octobre 2013

Homélie de la messe de suffrage pour Tous les fidèles Défunts - 2 novembre 2013

Il n’est pas neutre qu’au lendemain de la solennité de tous les saints, l’Eglise, dès le XIe siècle, ait voulu se souvenir de l’ensemble des frères et sœurs défunts par une journée spéciale consacrée à leur souvenir et surtout à la prière pour eux. Pourtant, porter ainsi les défunts dans la prière au lendemain de la Toussaint renseigne sur un aspect essentiel de notre foi. Cela indique une direction. Nous nous souvenons de nos défunts par le prisme de la sainteté.

C’est un peu comme un vitrail qui colore l’intérieur de notre espace. Nous sommes dans l’église encore dans la pénombre, mais déjà la lumière arrive du dehors et nous éclaire, tout en faisant chatoyer sur nous, sur les murs, les traces lumineuses des coloris des vitraux.
A l’extérieur, il y a la lumière du soleil, image de la lumière du Christ qui est toujours plus forte que nos ténèbres. Entre cette lumière et nous, les vitraux. Certains sont plus sombres, d’autres plus clairs. Certains ont besoin d’une lumière plus vive pour faire danser les couleurs et être traversés par la clarté. Pour certains, il suffit d’un rayon de soleil pour que tout s’illumine et semble briller de mille feux. D’autres encore, salis et appauvris pour les outrages du temps, auront besoin d’une restauration : il faudra que nous y mettions du nôtre pour qu’ils retrouvent leur splendeur première.
Ces vitraux, ce pourrait être nos défunts. Parvenus au terme de leur route au milieu de nous, ils se sont approchés de la lumière du Seigneur. Ils y sont plus directement exposés. Certains auront besoin d’un peu plus de temps pour se laisser complètement traverser par la grâce et redevenir rayonnants. Le mystère et la complexité de leur vie, ses blessures et ses outrages, auront eu quelque peu raison de leur cœur. Mais devant l’amour rayonnant du Seigneur, et avec une telle puissance, ils finiront par redevenir lumineux. D’autres au contraire, et heureux sont-ils, auront passé leur vie à se laisser fasciner par la lumière qu’ils pouvaient déjà contempler. Ses formes, ses chatoiements, ses traces sur leur corps auront creusé leur désir d’être déjà, à leur manière, rayonnants de la présence du Seigneur. La lumière reçue, ils auront déjà voulu la communiquer autour d’eux. Pour d’autres encore, une restauration sera nécessaire. Elle demande notre intervention. Il ne s’agira pas pour nous de nous transformer en artisans-verriers, à manier le verre et le plomb. Il s’agira pour nous de devenir des priants et des intercesseurs en leur faveur !

C’est bien là que notre prière aujourd’hui prend tout son sens. Comme chrétiens, nous ne faisons pas aujourd’hui que de nous souvenir. Nous prions. C’est tout différent. Nous intercédons pour nos défunts auprès du Seigneur comme nous sommes sûrs qu’ils mettent à profit leur nouvelle proximité avec le Seigneur pour intercéder aussi pour nous. Membres d’une unique famille, la famille du Christ, dans la communion ses saints que la mort ne vient pas rompre, nous restons unis dans une solidarité fraternelle et spirituelle.
Ce que nous pouvons déjà saisir de la vie qui nous attend dans notre patrie céleste est aussi un encouragement pour nous à vivre autrement. Aujourd’hui, au lendemain de la Toussaint, notre espérance est raffermie parce que nous avons mieux compris que Dieu nous appelle toutes et tous à lui. Pourtant, il nous faut laisser sa lumière nous traverser pour que nous devenions resplendissants de son amour. De là-haut, nos frères et sœurs défunts nous y appellent ! Il nous faut rendre compte de l’espérance qui est en nous, non comme des spectateurs passifs qui resteraient là à contempler ce qui se passe pour d’autres, mais comme des saints en devenir, joyeux de voir Dieu à l’œuvre ! Il nous faut montrer le Christ ressuscité. Le montrer à travers l’annonce de la Parole, mais surtout à travers nos vies de ressuscités. Le montrer par la joie d’être des enfants de Dieu ! Tournons-nous vers la patrie céleste, nous aurons une lumière et une force nouvelles également dans notre engagement et dans nos difficultés quotidiennes. C’est un service précieux que nous pouvons rendre à notre monde qui souvent ne réussit plus à lever les yeux vers le haut, qui ne réussit plus à lever les yeux vers Dieu !

AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie des vêpres de la Toussaint - 1er novembre 2013

 Nous avons tendance à considérer les saints comme une race à part. La sainteté serait une catégorie de la vie chrétienne : il y en qui en ferait partie, d’autres pas. C’est oublier qu’il ne peut y avoir de sainteté sans baptême. Nous qui avons été baptisés, nous sommes donc tous appelés à devenir des saints. Dès lors nous comprenons mieux que, dans le Credo, la communion des saints nous concerne. Il s’agit de l’une des vérités les plus consolantes de notre foi, parce qu’elle nous rappelle que nous ne sommes pas seuls mais qu’il existe une communion de vie entre tous ceux qui appartiennent au Christ. C’est une communion qui naît de la foi ; en effet, le terme « saints » se réfère à ceux qui croient dans le Seigneur Jésus et qui sont incorporés à lui dans l’Église par le baptême. C’est pourquoi les premiers chrétiens étaient appelés « les saints » (cf. Ac 9,13.32.41 ; Rm 8,27 ; 1 Co 6,1).

1. La communion entre le Père et le Fils.
L’Évangile de Jean atteste qu’avant sa Passion Jésus a prié son Père pour la communion entre ses disciples, en ces termes : « afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (17,21). Cette relation entre Jésus et le Père devient la « matrice » du lien entre nous, chrétiens : si nous sommes intimement insérés dans cette matrice, alors nous pouvons vraiment devenir un seul cœur et une seule âme entre nous, parce que l’amour de Dieu brûle nos égoïsmes, nos préjugés, nos divisions internes et externes.

2. La communion entre nous.
S’il y a cet enracinement dans la source de l’amour, qu’est Dieu, alors se vérifie aussi le mouvement réciproque, des frères vers Dieu ; l’expérience de la communion fraternelle me conduit à la communion avec Dieu. Être unis entre nous nous conduits à être unis à Dieu. Notre foi a besoin du soutien des autres, spécialement dans les moments difficiles. Si nous sommes unis, notre foi se fortifie. Je dis cela parce que la tendance à se replier dans sa vie privée a aussi influencé la vie chrétienne, au point que souvent nous avons du mal à demander une aide spirituelle à ceux qui partagent avec nous l’expérience chrétienne. Qui parmi nous tous n’a pas expérimenté des moments d’insécurité, des déceptions et même des doutes sur son chemin de foi ? Nous avons tous fait cette expérience, moi aussi : cela fait partie du chemin de la foi et de la vie. Pourtant, dans ces moments difficiles, il est nécessaire de se tourner vers le Seigneur dans la prière, et en même temps, il est important de trouver le courage et l’humilité de s’ouvrir aux autres et leur demander de l’aide. Je crois que nous avons plus de mal à aller ainsi vers les autres qu’à prier. Qui ici a déjà osé ouvrir son cœur à un frère, une sœur croyant, non pas d’abord parce qu’il est un ami, une connaissance, mais un membre de la même famille croyante ? Pourtant dans cette communion, nous sommes une grande famille, nous tous, où tous les membres s’aident et se soutiennent entre eux.

3. La communion au-delà de la mort.
La communion des saints va au-delà de la vie terrestre, au-delà de la mort et dure à jamais. Cette union entre nous est spirituelle : elle naît du baptême et n’est pas détruite par la mort. Mais, grâce au Christ ressuscité, elle est destinée à trouver sa plénitude dans la vie éternelle. Il existe un lien profond et indissoluble entre ceux qui sont encore pèlerins dans ce monde – entre nous – et ceux qui ont franchi le seuil de la mort pour entrer dans l’éternité. Tous les baptisés ici-bas sur la terre, les âmes du purgatoire et tous les bienheureux qui sont déjà au paradis forment une même grande famille.

Chers amis, nous avons cette beauté ! C’est une réalité qui nous appartient, à tous, qui fait de nous des frères, qui nous accompagne sur le chemin de la vie et nous rassemblera à nouveau là-haut, au ciel. Un chrétien doit être joyeux, de la joie d’avoir tant de frères baptisés qui marchent avec lui et d’être soutenu par ces frères et sœurs qui marchent sur la même route en direction du Ciel ; et aussi avec l’aide de nos frères et sœurs qui sont au Ciel et qui prient Jésus pour nous. Avançons sur cette route dans la joie !

Michel STEINMETZ †

Méditation inspirée de la catéchèse du Pape François du mercredi 30 octobre 2013.

Homélie de la solennité de Tous les Saints - 1er novembre 2013

Vous vous imaginez que la sainteté concerne les morts ? Vous vous trompez. Vous vous imaginez que la sainteté est faite pour d’autres ? Vous êtes encore dans l’erreur. La sainteté commence avec notre baptême. Chacun de nous commence ce jour-là une histoire sainte. Parce que la sainteté, c’est la place que nous laissons à Dieu dans notre vie pour que sa vie soit en nous. La sainteté, c’est laisser Dieu être chez lui en nous. Le baptisé est donc appelé à prendre cette sanctification au sérieux et à la vivre, c’est-à-dire accepter de perdre tout ce qui éloigne de Jésus-Christ, adorer Dieu et aider les autres.

L’homme a été re-fait dans le Christ ! Ce que le Christ mort et ressuscité a fait est une recréation, c’est une seconde création : en d’autres termes, si, avant, toute la vie de l’homme, son corps, son âme, ses habitudes étaient sur la voie du péché, de l’iniquité, après cette recréation, il doit faire l’effort de marcher sur la route de la justice, de la sanctification.
Trop souvent nous galvaudons la sainteté. Nous disons de quelqu’un : « c’est un saint », ou bien tout le contraire : « ce n’est vraiment pas un saint ». Trop souvent nous faisons aussi de la sainteté l’apanage d’une élite à laquelle nous n’appartiendrions pas : « ce n’est pas pour moi ! ». Je crois qu’il faut reparler de la sainteté comme quelque chose de beau et d’accessible. Il s’agit de mettre en œuvre la première sanctification reçue par le baptême, lorsque les parents ont fait l’acte de foi pour leur enfant : « Je crois en Jésus-Christ », qui a pardonné les péchés. Cette foi en Jésus-Christ doit être réassumée et mise en œuvre par la manière de vivre ; car vivre en chrétien, c’est s’approprier cette foi dans le Christ, et réaliser les œuvres qui naissent de cette foi.
L’homme – c’est vrai – est vraiment faible et souvent, très souvent, accomplit des péchés, va d’imperfection en imperfection. Cependant même les imperfections servent à quelque chose sur ce chemin de sanctification. Si tu t’habitues : « J’ai une vie un peu comme ça ; je crois en Jésus-Christ, mais je vis comme j’en ai envie »… Ah, non, cela ne te sanctifie pas ; cela ne va pas ! C’est un contresens ! Mais si tu dis : « Oui, je suis pécheur ; je suis faible et je me tourne sans cesse vers le Seigneur pour lui dire : ‘Mais Seigneur, toi tu as la force, donne-moi la foi !’ », alors Il t’accompagne.
Avant l’acte de foi, avant d’avoir accepté Jésus-Christ qui recrée par son sang, l’homme était sur la voie de l’injustice, dans une impasse. Après, en revanche, il est sur la voie de la sanctification, mais il doit le prendre au sérieux en faisant des œuvres de justice car s’il accepte la foi mais ensuite ne la vit pas, il n’est qu’un chrétien de par la mémoire. Un chrétien du souvenir, qui n’a rien à dire et rien à apporter. Ces œuvres sont simples : adorer Dieu. Dieu est toujours le premier ! Et puis faire ce que Jésus conseille : aider les autres. Ce sont les œuvres que Jésus a faites dans sa vie. Ce sont les œuvres de justice.
Sans cette conscience de l’avant et de l’après, le christianisme ne sert à personne ! Et plus encore : il est sur la voie de l’hypocrisie. « On me dit chrétien, mais je vis comme un païen ». Ces « chrétiens à mi-chemin » ne prennent pas cela au sérieux. Ce sont des chrétiens tièdes, des chrétiens du « ni-oui,ni-non ». Un peu « des chrétiens à l’eau de rose ». Un peu de vernis de chrétien, un peu de verni de catéchèse… Mais à l’intérieur, il n’y a pas de vraie conversion.

Vous vous dites peut-être que ce programme est tellement exigeant et tellement engageant qu’il est urgent de ne pas vous l’appliquer. Pourtant, on peut y arriver : pas seulement les saints, mais aussi les saints anonymes, ceux qui vivent sérieusement le christianisme. Les Béatitudes que nous entendions ne sont pas une idéologie, une utopie ou un doctrine spirituelle. Jésus n’a pas dit : « Heureux les vedettes et les thaumaturges », mais il a dit : « Heureux les pauvres de cœur ». C’est là un encouragement pour nous tous. En vérité, nous le savons, nous sommes de cette race-là : des pauvres. Le Christ nous attend et veut notre bonheur. Allons à lui ! C’est la voie finalement si simple et si joyeuse de la sainteté.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

Homélie du 30ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 27 octobre 2013


La parabole du pharisien et du publicain prolonge la parabole du juge inique et de la veuve importune que nous avons entendue la semaine dernière. L’évangile met aujourd’hui en opposition deux prières : celle du pharisien, qui se dit juste, et celle du publicain, qui s’avoue pécheur. Les pharisiens sont les héritiers de juifs courageux, qui ont animé l’héroïque résistance durant la persécution païenne au temps des Maccabées, deux siècles avant le Christ ! Au temps de Jésus, ils représentent sans conteste ce qu’Israël compte de plus pur et de plus noble et cette fidélité aux traditions des anciens leur vaut la faveur et l’estime de beaucoup. Les publicains, au contraire, sont l’image de la déchéance morale et de l’impureté religieuse. Chargés de percevoir taxes et impôts, ils devaient verser d’avance au fisc une somme déterminée, qu’ils avaient ensuite à récupérer, augmentée bien sûr d’un intérêt personnel laissé à leur libre appréciation, en extorquant le plus possible le malheureux contribuable. Ces percepteurs étaient directement au service de l’occupant romain.

La prière agréée par Dieu est au cœur de nos deux passages évangéliques. Ici et là c’est la même leçon : Dieu écoute la plainte des humiliés, des méprisés, des rejetés, des exclus, des pauvres, et la première lecture du Siracide le résume avec force. Ainsi les pauvres dont il est question ne sont pas seulement les pauvres matériellement, puisque le publicain de notre parabole obtient le même résultat. Un publicain en effet ne fait pas partie des infortunés puisqu’il recueille les impôts à la solde des autorités romaines et au passage s’octroie une part non négligeable des sommes prélevées, et pourtant ce publicain sans doute riche prie et est exaucé.

On a peine à imaginer quel a pu être l’étonnement de l’auditoire de Jésus quand ce dernier énonce la sentence finale de la parabole : c’est le publicain qui fait partie de la catégorie des pécheurs qui a reçu un accueil favorable par Dieu et non pas le pharisien qui appartient à la catégorie des justes. Une telle conclusion de la parabole ressemble à une provocation de la part de Jésus, ou plutôt il s’agit d’une invitation vigoureuse à un renversement des valeurs qui ont cours en son temps comme au nôtre : le juste n’est pas forcément celui qui paraît l’être et mieux encore Dieu n’est pas Celui qu’on se représente souvent trop humainement

L’histoire racontée ici par Jésus est en réalité une mise en garde contre un danger subtil qui guette sans cesse le croyant : croire que le salut s’obtient par ses propres forces. La prière du pharisien est une action de grâce dans laquelle il s’admire d’abord et se targue de ses bonnes actions, mais il ne demande rien, il est fermé aux dons de Dieu, parce qu’il est plein de lui-même, et donc vide du vrai Dieu. A la limite, il n’aurait plus besoin de Dieu. On pourrait même être tenté de croire que, selon la justice, le Seigneur est tenu de récompenser toutes les bonnes actions accomplies. Or la valeur du chrétien ne se mesure pas au nombre d’exercices de piété ou de bonnes œuvres. Le disciple de Jésus n’est pas nécessairement celui qui en fait le plus. L’important, c’est la qualité intérieure commandant les actions. L’important aux yeux du Christ, c’est l’amour que chacun y met. Le croyant n’a donc pas à se glorifier de sa foi, ni ses œuvres : cela lui vient d’ailleurs. Il doit simplement reconnaître les dons reçus de Dieu et l’en remercier.

L’évangéliste termine la parabole par une sentence de Jésus : « Qui s’élève, sera abaissé ; qui s’abaisse, sera élevé » Ce n’est pas qu’un bon conseil. Mais cela évoque une révélation sur Dieu, celle qui est présentée dans le Magnificat et que déclineront cette semaine, lors de la fête de Tous les saints, les Béatitudes. Dieu est celui qui abaisse les puissants, c’est-à-dire ceux qui trouvent leur soutien dans leurs seules richesses ; il élève les humbles, ceux qui attendent tout de lui.
Frères et sœurs, que le publicain repentant et priant demeure un constant modèle pour nos vies de chrétiens ; et pour s’opposer au pharisien qui sommeille en chacun de nous, ne cessons pas de répéter les paroles du publicain que Jésus lui-même nous donne comme un remède à nos inclinations naturelles.

AMEN.

† Michel STEINMETZ

vendredi 18 octobre 2013

Homélie du 29ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 20 octobre 2013

« Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager ». Luc 18, 1

C’est facile à dire. J’entends les prières des malades qui ne guérissent pas, de tous ces infirmes qui vont à Lourdes ou dans nos sanctuaires dans l’espoir d’une guérison et qui reviennent aussi handicapés qu’avant ! J’entends les demandes de ces jeunes ou moins jeunes qui subitement sont atteints par un cancer ou arrivent en face terminale ! J’entends le cri de révolte des parents devant leur enfant mourant tout jeune ! J’entends l’appel au secours de toutes celles et de tous ceux qui ne trouvent plus de sens à leur vie et sont tenté de se supprimer ! J’entends aussi la détresse de tous ceux que les guerres ou les restructurations d’entreprises et les délocalisations, laissent pour compte au bord des routes, de tous ceux qui n’ont plus de place dans la société ! J’entends la plainte de ceux qui luttent pour plus de justice, pour la liberté et dont le combat est toujours à recommencer !

Comment ne pas laisser tomber les bras quand Dieu ne répond pas, quand il semble rester sourd à nos cris et à nos supplications ? C’est déjà une vieille histoire que celle du silence de Dieu ! Déjà, tout au long de l’Ancien Testament, les croyants s’étonnent de son mutisme. Il y a de quoi laisser tomber les bras. Même Moïse n’en peut plus. La fatigue est plus forte que sa persévérance. Pourtant, dès que ses bras retombaient, les ennemis prenaient l’avantage.
Au temps de Jésus, cette question du silence de Dieu était aussi bien présente dans la pensée des juifs pieux. Beaucoup attendaient une intervention divine, qui ne semblait pas venir, beaucoup espéraient la venue d’un « messie » qui chasserait les romains et établirait un règne de Dieu ! Comme souvent, Jésus répond à cette question en racontant une histoire, une parabole, celle des démêlés d’une veuve – symbole de la faiblesse dans la Bible – avec un juge – un homme profondément antipathique et peu pressé à rendre la justice. Malgré la mauvaise volonté du juge, cette femme obtient justice par son opiniâtreté. Comme la veuve, il faut sans cesse revenir à la charge. Et puisque Dieu est bon, qu’il exauce sans tarder ses élus, le croyant ne doit pas se lasser de demander. Même s’il y a retard dans l’exaucement de la prière.

« Il faut donc toujours prier. » C’est Jésus qui parle comme si cela allait de soi ! Mais je l’ai vu partir au jardin de Gethsémani. A l’approche de la mort, il se mit à demander : « Père, fais donc que ce supplice s’éloigne de moi ». Il n’eut pas de réponse. Il partit vers la croix. Et quand il fut pendu au bois du supplice sa prière se fit plainte : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il n’eut pas de réponse. Il mourut. Ainsi donc lui aussi s’est heurté au silence de Dieu. Mais parce qu’il est resté en relation avec le Père, sa vie a été plus forte que la mort : Il est ressuscité ! Plus tard, Luc a repris cet enseignement de Jésus comme paroles d’encouragement à sa communauté chrétienne, ne comprenant pas que l’attente du retour du Seigneur soit si longue. Si, au bout d’un certain temps la veuve a réussi à se faire entendre par le juge malhonnête, à plus forte raison les croyants persécutés se feront-ils entendre, sans tarder, par le Père qui les aime.

Jésus pose pourtant une question terrifiante : « Le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? ». Pas de grande théorie ici sur l’avenir géo-politique du christianisme dans le monde, mais une question qui, pour chacun, est personnelle. A la fin des temps, au jour de Dieu, y aura-t-il encore des gens sur terre qui prieront, des gens qui seront ainsi en relation avec Dieu, qui lui présenteront le silence de leurs frères et sœurs en humanité ? Aujourd’hui, notre prière à chacun est vitale parce qu’elle entretient cette prière, en faisant de nous des veilleurs au cœur du monde. Je me souviens encore de Moïse. Ses compagnons lui soutinrent les bras jusqu’à la fin du jour quand il n’en pouvait plus. Et je me suis dit que, dans la prière, on ne peut parvenir à persévérer seul. Mais qu’ensemble, qu’en communauté, qu’en Eglise on peut se soutenir mutuellement les bras, pour les élever vers le Père jusqu’à ce qu’il nous aide.

AMEN.

Michel STEINMETZ

samedi 12 octobre 2013

Homélie du 28ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 13 octobre 2013

Aujourd’hui, la liturgie nous donne à entendre deux veilles histoires. L’une est même plus vieille que l’autre. Il y a tout d’abord celle d’un général syrien, Naaman. Il était atteint de lèpre et il supplie le prophète Elisée de le guérir. Sur son ordre il se plonge sept fois dans les eaux du Jourdain. Il en sort guéri. Etranger, non-croyant, il se convertit et rend grâce à Dieu. Il y a encore ces dix lépreux qui viennent à Jésus et, tout en restant à bonne distance, crie vers lui : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! ». Jésus les renvoie vers l’autorité compétente pour authentifier leur guérison. Ils obéissent, sans même encore être guéris. En chemin, leur mal disparaît ; un seul homme, là encore, un étranger, revient pour rendre grâce. Deux vieilles histoires. Pas tant que cela…

Le lépreux crie vers le Sauveur. Et le Seigneur l’entend. Criant vers lui, il faisait l’acte de foi réclamé. Les dix hommes de l’évangile interpellent en effet Jésus comme un « maître », c'est-à-dire un homme dont l’autorité est reconnue et qu’ils reconnaissent eux-mêmes comme ayant autorité. Que d’applications nous pouvons trouver dans nos vies ! Prier, appeler, demander, supplier, n’est certes pas – et de loin pas – la seule manière de faire la volonté de Dieu. Mais c’est un début. Un bon début. Je m’y arrête un instant en raison de l’importance de la prière de demande. Combien de fois l’Evangile nous invite-t-il à la prière de demande. La prière par excellence, celle que Jésus nous a enseignée, est aussi prière de demande. Ainsi, dans la Notre Père, nous disons bien : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Nous disons encore : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés, et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal. » La demande est si importante dans notre vie spirituelle que nous en arrivons même à réduire toutes les paroles de Jésus au point de répéter, en schématisant : « Demandez et vous recevrez. »

Beaucoup de réticences se manifestent là. Nombre de chrétiens prétendent justement que ces demandes, leurs demandes, sont rarement exaucées. Inutile d’insister sur la véritable injustice dont nous nous rendons coupables en isolant une telle phrase de l’évangile : « Demandez et vous recevrez ». Le Seigneur, en effet, a mis une condition à la demande : « Si vous m’aimez et si vous accomplissez mes commandements ». Ceux qui protestent ont-ils commencé par faire la volonté de Dieu ? L’essentiel n’est encore pas là. Je pense à cex qui s’efforcent d’aimer Dieu et qui peinant à accueillir la volonté de Dieu. De ceux-là je peux dire et affirmer que, quoi qu’ils demandent, ils sont toujours exaucés. Pourquoi ? Si l’on fait la volonté de Dieu, Dieu fait aussi la nôtre. Nous nous rendons compte que de demander dans la prière, ce n’est pas d’abord dire – intimer ? – à Dieu ce que nous voulons ou pensons bon qu’il fasse ; c’est bien plus, et au contraire, considérer ce que Dieu attend de nous et le supplier de nous aider à faire en retour sa volonté. Dans l’évangile, les dix lépreux ne disent pas « Guéris-nous ! », en précisant d’ailleurs comment, quand et où, avec quelles modalités, quels remboursements de soins, quelle chambre dans quelle clinique. Ils disent : « Maître, prends pitié de nous ! », c'est-à-dire : « tu sais bien notre mal, qui fait notre malheur, aide-nous ! ». Cela est fondamentalement différent.

La vraie prière de demande est toujours accompagnée de l’action de grâce. Parce qu’elle confesse toujours l’initiative de Dieu. Quand tout va bien, que de fois n’oublions-nous pas de remercier le Seigneur ? Comme si cela était un dû, une chose normale et que, même, nous en serions l’origine. Notre foi pourtant est « génétiquement » action de grâce, non un optimise niais, mais une constante louange pour ce que Dieu fait pour nous. C’est ce que la liturgie de l’eucharistie nous donne à vivre. Je vous invite, dans un instant, à prêter une attention toute particulière aux paroles de la grande prière eucharistique : certes nous demandons des choses au Seigneur, mais cette demande est toujours ordonnée à l’action de grâce : « Tu es vraiment saint Dieu de l’univers […] nous te présentons cette offrande pour te rendre grâce. » (Prière eucharistique III). Que ce mouvement de la prière infuse maintenant notre vie durant la semaine !

AMEN.

Michel STEINMETZ †

samedi 5 octobre 2013

Homélie du 27ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 6 octobre 2013

L’évangile de ce dimanche commence de façon abrupte : pourquoi donc les apôtres demandent-ils tout à coup à Jésus d’ « augmenter leur foi » ? Pour comprendre la raison de cette question, il faut revenir en arrière.

Parmi la foule de gens et de disciples qui, emballés par ses enseignements et ses guérisons, mettaient leurs pas dans ses pas, Jésus, après une nuit de prière, a décidé d’en choisir douze auxquels il donne le nom d’Apôtres - mot qui signifie « envoyés » (Luc 6, 12). Leur nombre fait évidemment référence aux douze tribus : Jésus refonde le véritable peuple de Dieu.
Quelque temps plus tard, Jésus envoya ces Douze en mission : pour proclamer le règne de Dieu et faire des guérisons, sans rien emporter, dans la pauvreté totale, en espérant être accueillis par certains et prêts à essuyer les rebuffades des autres (9, 1-6).
Dans une parabole, Jésus précisa leur fonction de dirigeants de communautés : ils doivent être des intendants fidèles, avisés, établis par le Maître pour distribuer à tous, en temps voulu, les rations de blé. Heureux seront-ils s’ils persévèrent dans ce travail lorsque le Maître reviendra (12, 41-44).Ils ont donc à nourrir régulièrement les fidèles par l’Evangile et le Pain de Vie, sans fléchir.
Juste avant le passage que nous entendions, Jésus a donné deux enseignements brefs mais très exigeants à tous les disciples. D’abord, dit-il, il y aura, hélas, des « scandales » dans le groupe, c’est-à-dire que certains (par leurs paroles ou leurs comportements) feront perdre la foi à d’autres. Faute tellement grave qu’il vaudrait mieux qu’on attache une meule au cou de leurs auteurs et qu’on les jette à la mer ! Donc vous, les apôtres, veillez à vos paroles et à vos attitudes ! La foi est fragile : gare à celui qui la fait perdre à un autre ! Ensuite Jésus a ordonné à tout disciple, blessé par un autre, de lui pardonner (17, 1-4). Les apôtres devront lutter pour que la miséricorde soit pratiquée et que l’effort incessant de réconciliation préserve l’unité du groupe.

Voilà pourquoi surgit leur demande : « Augmente en nous la foi ! » Ces hommes ne demandent pas des méthodes psychologiques, des « trucs » pour réaliser leurs tâches : ils prient le Seigneur de leur donner plus de foi. C’est bien là qu’est le fondement du travail apostolique, la source indispensable pour accomplir cette œuvre qui est au-dessus de toute force humaine. L’Apôtre doit croire de tout son être c’est-à-dire avoir une confiance absolue en son Seigneur, l’aimer, s’en remettre à lui, être sûr de lui. Et Jésus, en langage imagé, leur montre ce qui leur serait possible s’ils avaient un peu de foi. Oui, tout cela est possible aussi pour nous ! Si nous croyons, cela est possible. Plus nous croirons, plus cela sera possible. Or nous ne croyons pas assez. Que sommes-nous prêts à faire durant cette année qui s’offre à nous pour progresser ? Nous ne pouvons d’une part nous lamenter d’un peu d’attrait pour l’Evangile si cet Evangile ne nous fait pas d’abord vivre. D’autre part nous ne pouvons espérer vivre de l’Evangile si nous ne laissons pas au Seigneur le soin d’être à la manœuvre. Parents, demandez-vous quelle est la place laissée au Christ dans votre vie. Catéchistes, interrogez-vous sur votre intimité de fait avec le Christ. Laïcs engagés, discernez quel est le moteur de votre action. Nous ne sommes pas une association dont les membres auraient plaisir à se retrouver. Nous ne sommes pas une entreprise qui doit traverser la crise et garantir son chiffre. Nous ne sommes pas plus une ONG qui voudrait saupoudrer une aide quelconque aux miséreux. Nous, c’est le Christ qui nous fait vivre et cette Bonne Nouvelle nous ne pouvons la garder pour moi. Il nous faut aller jusqu’aux périphéries pour le dire : à ceux qui n’ont plus entendu parler de la foi depuis bien longtemps, à ceux dont le fardeau est trop lourd à porter. Nous n’avons pas à conserver des institutions, des traditions parce que cela ferait partie d’un patrimoine villageois tantôt folklorique, tantôt déjà fossilisé. Nous avons à annoncer. Donc à être créatifs, courageux et audacieux. Quitte à bouleverser les habitudes.

Considérables sont le titre d’apôtre et la mission qui y est liée ! Mais attention à l’orgueil : aussi Jésus poursuit-il par une mise en garde. « De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : ‘Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir’.
Si l’Apôtre a un peu de foi, il est débarrassé de toute vanité, il n’a plus aucune envie de s’attribuer des mérites, il sait que ce qu’il a fait dépasse ses possibilités, que son œuvre certes est utile, nécessaire même, mais qu’elle lui est ‘donnée’. Il met sa joie non dans ses talents, ses vertus, ses réussites mais dans le fait de servir le Seigneur Jésus : il reste toujours prêt à se donner éperdument à cette tâche, quitte à en mourir, persuadé qu’il n’est pas indispensable. Sa grandeur, son honneur, son allégresse est d’être serviteur du Christ. Chaque fois que l’on félicitait mère Térésa pour ses réalisations, elle répondait : « Ce n’est pas mon œuvre, c’est celle du Seigneur ! »

« Seigneur, augmente en nous la foi ! ». Augmente en nous la fois pour être de véritables disciples. Tu seras le cœur de notre vie, la source de notre engament. Tu seras notre unique fierté. Nous serons des serviteurs quelconques. Cela nous suffit parce que tu es notre plus grand bien.

Michel STEINMETZ †