L’orgueil est dénoncé depuis les origines de la Révélation biblique. A commencer par le récit de la chute d’Adam et Eve. Ils se sont pris pour Dieu en prétextant connaître ce qui est réellement bon à leurs yeux. A la tour de Babel, les hommes ont cru arriver par la force de leurs mains et par leur génie à la hauteur de Dieu. Voilà que nous continuons de rêver : nous voulons être grands, d’une manière ou d’une autre, comme si cela était inscrit dans nos gênes. Les Béatitudes, elles, viennent nous bouleverser et renverser les perspectives. Là où nous persistons à regarder avec les yeux du monde, le Christ sur la montagne nous invite à regarder comme Dieu. Il n’est plus dès lors question d’apparence, de prestige, de vanité. Il s’agit de regarder le cœur en priorité. Dieu voit dans notre cœur, tout le reste n’a pour lui guère d’importance. Que fais-je de ma vie ? Qu’est-ce qui en est le moteur, le dynamisme premier ? Le fait d’être grand, reconnu, aimé ? De briller, d’être admiré ou adulé ? Ou au contraire la joie de l’humble serviteur de la paix, de la miséricorde, de la justice ?
De manière tragique, avec l’attentat de Nice, nous avons vu comment Dieu peut être relégué à la dernière place. Car la folie des hommes, la barbarie et l’idéologie ne conduisent qu’aux idoles. La revendication d’un Dieu puissant est en fait une trahison de Dieu. Nous le croyons, et viscéralement nous ne changerons pas de cap : le Dieu que nous professons, chrétiens, est celui des Béatitudes qui fait mettre les petits devant. Il est celui non qui fait pleurer, mais qui console ; non qui persécute, mais qui prend soin ; celui qui n’apporte pas la terreur, mais la paix ; qui ne prend pas plaisir à l’iniquité, mais à la justice. Ce Dieu nous est devenu proche : en Jésus il nous est révélé et nous révèle que cela n’est pas au-dessus de nos forces. Ce germe de Béatitudes est présent dans l’humanité.
Celles et ceux que l’Eglise honore en ce jour, et auxquels nous pouvons demander d’intercéder afin notre colère se change en charité, que notre vengeance se fasse pardon, ceux-là et la « foule immense que nul ne pouvait dénombrer » nous enseigne que le chemin de la sainteté n’est pas une illusion. Des hommes et des femmes comme nous ont vécu dans leur vie les Béatitudes et ont trouvé leur joie à se faire petits. Certains ont versé leur sang pour les autres, ou pour demeurer fidèles au Dieu d’amour ; d’autres ont accepté de transformer leur morne et banal quotidien en se convertissant. Tous n’ont pas cherché à être grands aux yeux du monde, mais seulement grands aux yeux de Dieu. Ils ont vécu leur existence avec simplicité, acceptant de se laisser aimer de Dieu et de devenir toujours plus semblables à Lui. Voilà le chemin du chrétien, du disciple du Christ. Toute autre voie serait le renier.
AMEN.
Michel STEINMETZ †