Merci à l’apôtre Jean d’avoir osé rapporter
dans son évangile le témoignage d’un apôtre qui a vécu l’incrédulité. Thomas a
connu le doute qui travaille le cœur du croyant. A ce titre, comme il nous
ressemble avec son besoin de réel et de tangible, sa méfiance pour tout savoir
qui n’a pas de prise sur le quotidien !
Thomas est un homme qui se fie à son bon sens,
voire à ses cinq sens tout court et qui se méfie du Seigneur. Comme l’homme
moderne et l’esprit positif, il a besoin d’évidence sensible. Voilà une
attitude imparfaite, sans nul doute, puisque Thomas s’entendra reprocher par
Jésus ce manque de confiance dans la foi. Mais, si dans la foi de Thomas, il y
a une imperfection, il y a aussi une attitude humainement respectable. On ne
croit pas simplement parce que les autres croient. Si nous croyons en Jésus, c’est
parce que nous percevons sa présence vivante et agissante dans nos vies et dans
le monde. L’apparent scepticisme de Thomas nous apprend comment la foi chemine
au cœur de l’homme. Thomas l’incrédule nous enseigne à ne pas être trop vite
crédule et à ne pas donner sa foi à n’importe quel discours ou témoignage. Il
faut penser aussi que sa revendication n’était pas si déplacée puisque le
Seigneur va y répondre. Mais pas tout de suite. En effet, le soir de Pâques,
lors de la première apparition du Seigneur à ses disciples, Thomas était
absent. Il avait exprimé son scepticisme à ses frères. Une semaine après, un
dimanche, Jésus réapparaît et Thomas est présent. Mais tout ne se passe pas
comme Thomas l’avait prévu. Que se passe-t-il au juste ? A ce moment-là, Thomas
ne mettra pas sa main au côté blessé du Seigneur. C’est le Seigneur qui,
lui-même, l’invite à ce geste. Thomas ne songe plus à exiger les conditions qu’il
avait lui-même fixées à sa foi. Il est comme arraché et soulevé de tout son
être par une certitude fulgurante. Pour lui, il ne s’agit plus de preuves mais
d’une lumière venue d’ailleurs.
Que fut cette lumière pour Thomas ? Nous sommes
un dimanche. Les apôtres sont réunis pour se souvenir de la résurrection de Jésus
et sans doute pour la célébration eucharistique. Jésus vient au cœur de ce
rassemblement où il est fait mémoire du sacrifice de la Croix, avec les
stigmates de sa Passion. Ce que Thomas comprend, c’est que la résurrection
échappe à la perception humaine. Le toucher est devenu inutile. Thomas comprend
qu’on a la foi, c’est à dire que l’on fait l’expérience de la Résurrection du Seigneur.
La foi, c’est expérimenter la puissance de la résurrection dans la force de l’amour
que peut manifester notre vie. La foi, c’est faire que cette force du Seigneur
vivant, par nous, guérisse les plaies de nos frères les hommes. Cet épisode
nous dit : la foi ne naît pas d’évidence mais d’amour. On croit parce qu’on
aime.
Aussi dans nos doutes, il faut se dire deux
choses :
1.
Si Dieu est mystère, Dieu
seul peut nous éclairer sur nos doutes et se révéler lui-même. Quand on doute,
il faut continuer à prier et à faire confiance au Seigneur. Il ne faut pas être
trop fier ou orgueilleux pour croire. Ce supplément d’intelligence que donne la
foi sera toujours difficilement accessible à ceux qui sont tentés de se
complaire dans la suffisance de leurs dons.
2.
Après la prière, le recours
à nos frères, à leur lumière et à leur intercession, est le second moyen d’apaiser
nos inquiétudes. Seul, Thomas doute, appuyé par ses frères il voit clair.
Croire sans avoir vu ! Le Christ est mystérieusement présent au milieu des
hommes partout où germent des semences de bonheur et de paix. Nous le rendons
visible quand nous semons l’amour et l’espérance. Nous le rendons présent par
la transparence de notre témoignage de foi, par la valeur de nos services et
par la ferveur de nos prières.
Aujourd'hui, témoigner du Christ ressuscité
veut dire qu’il existe quelqu’un qui croit en nous, qui souffre avec nous, qui
nous appelle à la vie. Aussi, laissons derrière nous ce qui assombrit notre foi
et osons reprendre à notre crédit le cri de ravissement de l’apôtre Thomas et
dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
AMEN.
Michel
Steinmetz †