A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

jeudi 28 août 2014

Homélie du 22ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 31 août 2014

Souvent, nous nous faisons l’idée d’une Bible aseptisée, dépourvue de tout sens critique, de toute passion. Pourtant, l’histoire, la grande et belle histoire, de l’homme avec Dieu est remplie de tourments, de cris de joie, de pleurs, de révoltes. « Seigneur, tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté ». Voilà la confidence, aujourd’hui, du prophète Jérémie. Il se livre sans fausse pudeur.
La solitude de Jérémie, sa vie intérieure marquée par le combat contre sa volonté propre et, malgré tout, l’expérience du caractère irrésistible de la Parole de Dieu font du prophète une figure hautement attachante.
 
Au lecteur du livre qui porte son nom, Jérémie se présente comme un grand solitaire. « Je reste à l’écart » : ce sont les termes mêmes qu’il emploie pour caractériser ses rapports avec la société (15, 17). Incompris et persécuté, mal-aimé de ceux qui devraient l’entourer et l’encourager, les membres de sa famille, il n’est avec eux ni quand ils font la fête à des jeunes mariés ni quand ils pleurent un mort. Il ne connaîtra jamais le réconfort et les responsabilités de la vie conjugale et il ne sera jamais père. Incarcéré, brutalisé, entraîné malgré lui vers l’Egypte, il finira ses jours dans une terre lointaine et nul ne gardera le souvenir de sa tombe.
Pourtant, nous sommes assez bien renseignés sur sa vie intérieure. Nous savons que cette solitude ne correspondait nullement chez lui à une disposition naturelle. Elle lui était imposée par une force extérieure qui lui faisait violence, qui l’assaillait, qui le remplissait, le tenaillait, requérait une adhésion totale sa volonté, qui avait besoin de sa solitude comme d’un moyen d’action. Cette force impitoyable, c’était la Parole de Dieu.

 
Si le prophète avoue s’être laissé séduit, il n’en demeure pas moins critique à l’égard de Dieu, semblant dire : « Tu m’as eu, et me voilà dans de beaux draps ! ». Résister pour lui n’est plus possible, car la Parole du Seigneur est désormais en lui comme une force explosive.
Aucun prophète n’évoque la Parole de Dieu et sa manière d’agir avec autant de douloureuse précision que Jérémie. « Dès que je trouvais tes paroles, je les dévorais », dit-il (15,16) ; bien qu’elles le réjouissent, leur effet est souvent dévastateur : « à cause de tes paroles, je tremble de tous mes membres, je deviens comme un ivrogne, un homme pris de vin » (23,9).
     
   
 

Si Jérémie se plaint et souffre, il avoue cependant : « mais il y a en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être ». Ce feu est à mettre en relation avec la séduction dont il fait l’objet et qu’il confesse pareillement. Peu à peu sa volonté s’est fondue avec celle de Dieu, dont il a été le parfait porte-parole.
C’est l’expérience de Jésus dans l’évangile. Il n’est pas seulement le porte-parole de Dieu ; il est la parole de Dieu. Cette Parole le travaille intérieurement, elle le pousse à demeurer parfaitement fidèle à la volonté du Père jusqu’à entrevoir l’issue fatale de sa mission. Pour le disciple que nous voulons être, le chemin est tracé. Il pourrait faire peur. Il pourrait même nous inciter à abandonner. Jésus nous met en garde : « Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s'il le paye de sa vie ? »


 
Puissions-nous prendre un peu exemple sur Jérémie : quand nous répondons positivement à l’appel du Seigneur en nous efforçant de vivre chrétiennement, quand nous prenons part à la vie de l’Eglise, nous avons sans doute des raisons de râler, de maugréer contre Dieu. « Tu nous as bien eu ! Il est plus facile, plus confortable de faire et de vivre comme tous les autres, de ne pas nous encombrer encore avec ton Evangile !». Nous nous sommes peut-être laissés séduire contre notre volonté : mais une fois que nous avons pu faire l’expérience de cette convivance, de cette enracinement en nous de la Parole de Dieu, nous sommes aussi en mesure de savoir qu’il est juste, qu’il est bon de perdre un peu de notre volonté pour gagner en proximité avec Dieu. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera ».

        
AMEN.
 
                                                 
Michel Steinmetz

vendredi 22 août 2014

Homélie du 21ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 24 août 2014

L'endroit dans lequel Jésus choisit de poser la question à ses amis n’est pas neutre. Il est plein de sens. Il nous aide à mieux comprendre la réaction du Christ, et à comprendre que son interrogation est bien plus profonde qu’il n’y paraît. Césarée-de-Philippe, ville hautement religieuse dans sa diversité. La ville était parsemée de pas moins de quatorze temples dédiés au dieu syrien Baal. Mais ces dieux syriens étaient loin d’avoir le monopole du culte et de la vénération. Il y avait également une caverne dans laquelle, le dieu grec Pan, dieu de la nature vit le jour. Pour les Juifs de l’époque, le Jourdain prenait sa source dans cette même caverne. Les Romains, eux aussi, y avait érigé un temple de marbre blanc en l’honneur de la divinité de César. Dès lors, je crois que nous pouvons affirmer que cet endroit choisi par le Christ pour poser ses fameuses questions est loin d’être neutre. Voilà un homme, un homme simple, entouré de douze hommes tout aussi simples, dans un endroit littéralement submergés de magnificence, de temples syriens, grecs, romains, dans un lieu plein de sens pour les juifs également ; voilà cet homme qui demande à ceux qui l’accompagnent « Le Fils de l’homme, qui est-il d’après ce que disent les hommes ? ».
Ce que nous pourrions prendre au premier abord comme une crise d’identité de Jésus : qui suis-je ? quelle est finalement ma mission, ma raison d’être ?, est plus une question posée à ses disciples. Vous qui êtes déroutés par tant de cultes réunis en un seul lieu, que dites-vous de moi ? Pensez-vous que je sois un maître à penser parmi d’autres ? Estimez-vous que le Dieu dont je suis le visage soit un parmi d’autres ?
 

Les réponses fusent. Elles ne répondent pas à la question posée. Elles en restent au niveau du qu’en-dira-t-on ? Chacun répond de manière extérieure, sans se déterminer, donc sans s’engager. Au résultat, Jésus est peut-être bien tout le monde, sauf lui-même ! Cette question de l’identité de Jésus est sans cesse posée dans l’évangile. Elle l’est encore, et parfois violemment, à ceux qui aujourd’hui se risquent à annoncer l’évangile. A chacun, Jésus pose alors la question de manière personnelle : « Pour vous, qui suis-je ? ». Ce que déclare Simon-Pierre et qui lui est révélé par le Père des cieux : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » va devenir le trésor de la foi, confiée dès lors à l’Eglise. Pour l’heure, Jésus ordonne à ses disciples de ne dire à personne qu’il est le Messie. En effet, pour que s’accomplisse ce qu’il annonce, il lui faut aller jusqu’au bout de sa mission : la passion, la mort et la résurrection.

 
Cette histoire s’est passée il y a bientôt deux mille ans. C’était bien loin d’ici. Les lieux ont changé et il en va de même pour les dieux. Ces derniers sont aujourd’hui différents mais tout aussi présents. Nos dieux contemporains sont peut-être plus matériels, leur soi-disant bonheur est immédiat. Ils sont en tout cas plus palpables, plus réels. Mais comme les faux-dieux d’hier, ils risquent de nous enfermer dans une spirale qui va nous éloigner de nous-mêmes, nous enlever de notre raison d’être. C’est sans doute pourquoi cet évangile s’adresse à chacune et chacun d’entre nous dans le silence de nos cœurs. Un peu comme si le Christ nous susurrait : « je n’attends pas d’abord de toi une connaissance intellectuelle sur moi ; je vous demande juste une petite chose : me connaître, c’est-à-dire entrer en relation avec moi. Rien de plus ». Cette relation se vivra de diverses manières, en fonction de chacune de nos histoires personnelles. Elle sera directe, régulière pour certains ; elle passera par l’amour et l’amitié pour d’autre. Chacune et chacun nous avons notre chemin de rencontre avec Jésus. Il n’y a pas de recette. Il n’y a pas de chemin tout tracé. Puisqu’il s’agit avec tout d’une rencontre, d’une relation, voire même d’un amour, c’est à nous de trouver notre manière de connaître le Christ. Epris de ce désir, de cette soif de connaissance, nous aussi nous pourrons dire : « Oui, tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ».

 
 
AMEN.
                                             
Michel Steinmetz

jeudi 14 août 2014

Homélie de la solennité de l'Assomption de la Vierge Marie - 15 août 2014

Où allons-nous alors ? Et qu’est-ce qui nous pousse à y aller ? Cette question, l’humanité n’a jamais cessé de se la poser. Bien avant d’inventer le moteur à explosion, bien avant d’identifier un virus, bien avant de marcher sur la lune. Que sera cet ailleurs recherché, espéré, attendu ? A quoi ressemblera-t-il? Et nous, comment serons-nous ? Qu’en sera-t-il de notre esprit, de notre souffle, de notre cœur, de nos affections, de nos pensées ? Qu’en sera-t-il de notre corps ? Quel rapport y aura-t-il entre ce que je vis de plus intense et la matière même qui me permet de le réaliser ? Quelle sera la date ou l’heure du grand départ ? Le prix à payer ? Un aller sans retour ? Des réductions ? La durée du voyage ? Que peut-on emporter ? Trajet direct où par étapes ? Certains parlent de tunnel lumineux, c’est paradoxal. Une naissance à vivre ? Faut-il avoir peur ?
 
Devant la question de l’au-delà, le christianisme n’est pas bavard. De toutes les religions, il est probablement celui qui est le plus discret. Aucune carte de l’au-delà. Pas d’assurance-vie éternelle, pas d’agence de voyage pour « la vie après la vie ». Pas d’explications mais quelques grandes affirmations. Tout se joue maintenant comme germe de l’après. La bonne nouvelle que nous portons est celle de la Résurrection de Jésus le crucifié. Marie, la mère de Jésus a été associée étroitement au destin de son fils. Pour elle, l’histoire n’a pas retenu pour elle de tombeau. Où est-elle allée ? Qu’est devenu son corps ? La foi des chrétiens depuis toujours, sans bien comprendre comment, a tout de suite perçu que Marie était associée à la Résurrection de son fils au point d’être intégralement auprès de lui. Le mot « résurrection » n’est cependant pas prononcé, par égard pour nos frères orthodoxes qui parlent de « dormition » et non pas de « mort ». Le mot « assomption » est donc utilisé, qui se rapproche de l’ « ascension ». Une femme est « auprès de Dieu » et si l’on imagine celui-ci « en haut », elle est « montée » auprès de Lui. « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Cette femme, c’est l’humanité accomplie, revêtue de la lumière de Dieu. Toute la création la contemple et lui sert de parure : le soleil, la lune et les étoiles soulignent sa beauté. C’est l’Eglise transfigurée, c’est Marie, en tout premier lieu, la petite fille d’Israël, qui a cru à la promesse, qui a conçu le Fils de Dieu, qui est toujours à ses côtés, au pied de la croix et maintenant dans l’accomplissement de sa résurrection.
 
Mon âme exalte le Seigneur. Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ». Par cette phrase, si courante à nos oreilles et à notre prière, Marie nous donne la clé de ce grand mystère. Avez-vous bien prêté attention à ce que Marie prononce dans sa propre louange ? Habituellement nous demandons d’être exalté, c’est-à-dire d’être élevé, de sortir du lot, d’être au-dessus de la mêlée. Cela se traduit par nos réussites sociales, financières, notre train de vie, bref dans ce qu’on appelle le matérialisme. Pour d’autres cela se joue dans le fait qu’ils se placent au premier plan, y compris dans leurs engagements au service des autres. Peu importe. Marie ne nous enseigne pas cependant la dépréciation de soi. Oui, nous pouvons et devons être fiers et heureux de nos réussites si elles ne nous font pas devenir orgueilleux, méprisants envers les autres et refermés sur nous-même. Marie loue le Seigneur : elle l’associe à son destin et aux « merveilles » dont elle le confesse comme l’auteur. Elle, dont nous fêtons l’Assomption en ce jour, est élevée jusqu’au ciel et, par avance sur nous tous, bénéfice des grâces de la Résurrection du Christ. Elle est élevée en traversant la mort pour entrer dans la vie de Dieu. Nous voilà au cœur du mystère : c’est en laissant Dieu nous élever comme des humbles et non en orgueilleux, qu’Il nous exalte. C’est en laissant à Dieu la première place, en le reconnaissant comme la source et le terme de notre existence, qu’Il « comble de biens » les affamés que nous sommes. Si nous nous présentons à Lui en riches de notre suffisance, il nous renverra les mains vides puisque nous n’avons pas besoin de Lui. Vous ne savez comment vivre cela ? Regardez Marie, priez-la. Elle vous montre le chemin du Ciel.
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz