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samedi 21 avril 2007

Homélie du 3ème dimanche de Pâques - 22 avril 2007


« Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage ». Jean 21.

Dans les jours qui suivent la résurrection, Jésus continue de se rendre présent à ses amis. Simplement, discrètement, mais réellement.
Quand, aujourd’hui, nous disons que, tant qu’à faire, « autant aller à la pêche », nous exprimons de manière fleurie et imagée qu’à défaut de faire autre chose ou de s’occuper plus intelligemment, il vaut mieux vaquer à des occupations distrayantes.
Si les apôtres vont bel et bien « à la pêche » pour ramener du poisson, ils ré-envisagent leur existence comme un triste retour au quotidien. Devant leur désabusement face à la fois à la mort de leur Seigneur et au trouble provoqué au matin de Pâques par la mystérieuse disparition de son corps, ils n’ont d’autre choix que de recommencer comme avant, comme si de rien n’était. C’est là que Jésus ressuscité les rejoint et bouleverse leur vie, les rappelant à la mission pour laquelle ils ont été choisis. Le geste de Pierre, celui de couvrir sa nudité, n’est pas qu’un réflexe pudique : il montre jusqu’où va cette expérience transformante de rencontre avec le Vivant.

I.- « Je m’en vais à la pêche. » - « Nous allons avec toi. »

Que faire maintenant que tout semble terminé ? Les espoirs des apôtres sont déçus. Ils savent bien que Jésus n’est pas vraiment mort, qu’il serait même revenu à la vie. Mais face au côté si prodigieusement unique de l’évènement du matin de Pâques – au point même qu’il faudra inventer un terme pour le dire ! –, leurs esprits sont embrumés. Jésus n’est plus là au milieu d’eux comme il l’a été précédemment. Il n’est plus là pour les enseigner, pour les exhorter, pour les envoyer. Ils sont livrés à eux-mêmes.
Que faire ? Comment faire ? Le naturel revient au galop, la routine – a priori lointaine – refait son apparition. Pour des hommes de la trempe de Pierre, la pêche, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ! Et pour vivre, il faut travailler. Alors, comme si les trois années passées dans l’intimité de Jésus n’avaient été qu’une heureuse parenthèse, Pierre décide de revenir à sa profession d’origine. Ce jour-là, il invite ses compagnons à le rejoindre.
Les voilà à nouveau dans leur barque. Comme si tout cela n’avait servi à rien, comme si la mort et la résurrection de Jésus ne portaient aucun fruit. De plus, « ils passèrent la nuit sans rien prendre ».

II.- « Au lever du jour, Jésus était là sur le rivage ».

Alors que, non seulement les disciples se sentent orphelins et abandonnés, ils ne prennent rien dans leurs filets. Rien ne va plus. Pourtant Jésus est là.
Leur cœur est ce point endolori qu’il ne leur permet de voir clair et de le reconnaître. Présence discrète mais ô combien réelle, pourtant. Il faut un geste qui accompagne la parole : Jésus les interpelle et leur demande de jeter le filet à droite. Après une nuit malheureuse, pourquoi ne pas essayer ce que propose ce mystérieux personnage ? Tant qu’à faire… A la vue d’une telle pêche – cent cinquante-trois poissons : c’est-à-dire la totalité des espèces recensées et connues à l’époque –, Jean reconnaît le Maître. Comme au tombeau au matin de Pâques, avec un grand sens de la primauté et de la hiérarchie, il ne fait rien de lui-même mais adresse sa remarque à Pierre.
A l’instar des disciples d’Emmaüs qui reconnurent Jésus à la fraction du pain, Pierre, Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée et deux autres disciples encore, sont bouleversés par cette rencontre. On n’a guère de mal à imaginer la surprise mêlée de joie qui règne à ce moment-là : Pierre se jette à l’eau, les autres se précipitent pour rejoindre le rivage. Jésus est bien là : avec eux, pour eux.

III.- « Quand Simon-Pierre entendit Jean déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui ».

Le geste de Pierre n’est pas anodin. Il est plus qu’un réflexe pudique. Il nous rappelle celui d’Adam et d’Eve au jardin d’Eden. Devant l’arbre défendu, suite à la malice du serpent trompeur, Adam et Eve, nourri du fruit de la connaissance, se découvrent nus et honteux de l’être. Ils se cachent devant Dieu, avant de se couvrir. Sur les rives de lac de Tibériade, ce n’est pas le fait d’avoir mangé d’un quelconque fruit défendu qui pousse Pierre à passer un vêtement : c’est le résultat de la grâce.
Le premier des apôtres n’est pas rejoint par un sentiment de culpabilité : son cœur et son intelligence s’ouvrent à la présence aimante et bienveillante du Ressuscité. Là où Adam et Eve goûtaient amèrement à la conséquence de leur faute, là où cette faute les éloignait de fait de Dieu, Pierre, quant à lui, est réconforté, apaisé, joyeux. Il troque, comme dit le psaume (Ps. 29) « l’habit funèbre » de sa nudité, de son retour au morne quotidien de sa profession contre une « parure de joie », celle de l’homme nouveau, rendu à la grâce et à la vie en Jésus !
Le « deuil » de sa déception est changé en « danse ». Quand avec le soir étaient venues les larmes et le découragement durant la nuit, au matin, à nouveau comme à Pâques, viennent les « cris de joie ». « C’est le Seigneur ! ». Car l’expérience pascale se répète, se renouvelle pour les apôtres, comme pour nous.

Ces apôtres iront, quelque temps plus tard, répandre la Bonne nouvelle. Ils partiront, dans la joie, pour une campagne électorale sans fin à la suite d’un candidat qui en vaut la peine. Campagne juste et honnête qui annonce et défend que Dieu fait toutes choses nouvelles. Campagne soumise à la volonté de Dieu et portée par son Esprit. Soyons, chers amis, non seulement des citoyens responsables, mais bien plus encore des témoins, des militants du Christ à jamais vivant, au point d’être, comme les apôtres, joyeux d’avoir été « jugés dignes de subir les humiliations pour le nom de Jésus ».
« Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce ! » (Ps. 29).

AMEN.

+ Michel Steinmetz.

mardi 17 avril 2007

Homélie du Saint jour de Pâques - 08 avril 2007


« Voici que Dieu a ressuscité Jésus le troisième jour. Il lui a donné de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance ». Ac 10, 40.

En précisant de la sorte que le Seigneur, après sa résurrection, ne se montre qu’à ceux qui ont été choisis par avance, l’auteur des Actes des Apôtres laisse la question pendante : mais qui fait donc bien partie de ce groupe d’initiés ? Et cette autre question qui y est fatalement liée : nous-mêmes, pouvons-nous prétendre à faire partie de ce groupe-là ? Pour faire bref, nous pourrions résumer en forçant quelque peu le trait : le christianisme est-il depuis son origine fondatrice une religion d’initiés ? Est-il réservé à une élite ?
Triple grâce qui nous est faite pour nous rassurer, s’il le fallait : grâce du témoignage, grâce de la confiance, grâce, enfin, du compagnonnage avec Jésus.

I.- La grâce du témoignage.

Car, si les actes des Apôtres parle uniquement – me direz-vous – des manifestations, des apparitions de Jésus ressuscité à ses disciples, il ne va pas jusqu’à rejeter de la foi en Christ ceux qui n’auraient pas été gratifié de telles apparitions. Car, dans ce cas, nous ne pourrions aujourd’hui ni prétendre confesser dans la foi que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts, ni faire partie de l’Eglise. Pourtant, il faut bien reconnaître de manière quelque peu troublante que la distinction est clairement établie entre ceux à qui il a été donné de voir le Christ vivant et ceux à qui cela n’a pas été donné. Ce sont ces premiers qui seront les témoins de la joie pascale, témoignage qui sera lui-même à l’origine de la foi d’un grand nombre. La foi chrétienne ne repose sur rien d’autre, puisqu’elle est affaire de foi, donc de confiance, que sur le rapport de témoins qualifiés et désignés comme tels.
C’est cette chaîne ininterrompue au cours des siècles de témoins, qui se sont faits confiance les uns aux autres, qui nous permet aujourd’hui de dire en toute vérité et de manière autorisée que, nous aussi, nous croyons, nous savons que Jésus est vivant et qu’Il continue de l’être pour nous.

II.- La grâce de la confiance.

Le cœur, plus prompt, fait nous incliner à croire en Jésus ressuscité. Mais comment notre intelligence se laisse-t-elle entraîner sur cette voie ? Elle en appelle aux choses élémentaires et bien établies : le corps de Jésus était dans le tombeau, et, à y croire les femmes arrivées là les premières puis Pierre et Jean, il n’y est plus. Notre raison est alors confrontée à ce dilemme : soit ces témoins ont menti, soit ils en dit vrai. Et s’ils ont dit vrai, il faut reconnaître que la puissance coalisée des Juifs et des Romains a été incapable de retrouver le corps et de lever l’énigme.
Il n’y a pas d’accommodement possible, aucune échappatoire : soit Jésus est donc bel et bien ressuscité, soit il ne l’est pas. Mais, s’il ne l’est pas, alors il me faut croire que les sornettes de trois pauvres femmes apeurées ont abusé le monde depuis plus de vingt siècles ! La supercherie de ces femmes aurait-elle soulevé une chape plus lourde que la pierre d’un tombeau ? Qu’y a-t-il, tout compte fait, de plus difficile à croire ? Que Jésus soit ressuscité des morts ou les ragots de trois femmes aient changé la face du monde ?

III.- La grâce du compagnonnage avec Jésus.

Le texte des Actes des Apôtres précise encore que ceux qui ont été choisis par avance pour voir le Ressuscité sont ceux-là même qui « ont mangé et bu avec lui après sa Résurrection d’entre les morts ». Ce sont les mêmes qui ont été, aux jours de sa vie terrestre, ses compagnons de route, ceux qui avaient déjà, peu ou prou, partagé avec lui quelques instants de son existence. Car la foi dans le Christ ressuscité s’enracine sur une expérience, sur un compagnonnage. Si Jean, entrant dans le tombeau, peut, à la vue du linceul posé là, non seulement voir mais croire, c’est que son cœur et son intelligence ont été disposés à cet acte de foi. Il y a été préparé. Il s’est laissé nourrir, enseigner et aimer par Jésus. Alors la seule vision du tombeau vide suffit, par-delà le désarroi du Vendredi-saint, à raviver son espérance. Le chemin de vie avec Jésus et la grâce de l’Esprit lui valent de témoigner ainsi.
Nous-mêmes, par le baptême, Dieu a mis en nous cette capacité à confesser Jésus comme Christ et Seigneur, comme le Ressuscité à jamais vivant. Nous sommes baptisés en Eglise, c’est-à-dire dans la longue succession et filiation des témoins de Pâques. Nous faisons route avec Jésus, nous partageons son repas pascal en chaque eucharistie, nous nous laissons enseigner et façonner par sa Parole. Alors nous pouvons raisonnablement affirmer à notre tour, dans la confiance, que, sans former une élite, nous faisons partie de ceux qui Dieu a choisis pour porter, aujourd’hui encore, et à notre tour, la bonne Nouvelle de la Pâque : « Christ est ressuscité ! ».

Une élite se suffit à elle-même ; elle ne recherche pas le contact avec d’autres, dans la crainte de perdre son statut. L’Eglise, au contraire, ne reste Eglise que si elle annonce sans cesse, en son sein d’abord pour fortifier et faire croître sa foi, à l’extérieur ensuite – mais les deux toujours indissociablement liés, que Jésus est ressuscité des morts et qu’il y a là matière à vivre !

C’est à cette noble tâche que nous sommes convoqués. Que Dieu soit avec nous, comme Il était avec Jésus. « Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! Non, je ne mourrai pas, je vivrai pour annoncer les actions du Seigneur ! » (Ps. 117).

AMEN.

+ Michel Steinmetz.

jeudi 5 avril 2007

Homélie du Vendredi-Saint - 6 avril 2007


"Nous avons une loi et suivant la loi, il doit mourir,
parce qu’il s’est prétendu Fils de Dieu."
Jn 19, 7

Alors qu’il m’était donné de réentendre en concert, il y a peu, la Passion selon saint Jean de Jean-Sébastien Bach, j’ai été prodigieusement saisi, comme jamais je ne l’avais été à vrai dire auparavant, au moment où, dans cette grande fresque mettant en musique les paroles même de l’évangile que nous entendions, cette phrase a résonné sous les voûtes d’une des plus belles cathédrales gothiques de France : « Wir haben ein Gesetz, und nach dem Gesetz soll er sterben ; denn er hat sich selbst zu Gottes Sohn gemacht.» (« Nous avons une loi et suivant la loi, il doit mourir, parce qu’il s’est prétendu Fils de Dieu »). Le chœur reprenait sans cesse ces mots avec une vigueur vindicative, à l’image sans doute de celle de la foule rassemblée ce jour-là devant le palais de Pilate. La géniale musique de Bach venait traduire la terrible, et stupide parfois, logique humaine prenant les aspects d’un cercle vicieux, celui de la fatalité, auquel on ne saurait échapper.
« Nous avons une loi et suivant la loi, il doit mourir, parce qu’il s’est prétendu Fils de Dieu. »

Mais quelle est cette loi ?
C’est tout d’abord la Loi, avec une majuscule, celle de Moïse, celle de l’Alliance. Cette Loi a été donnée au peuple élu pour le faire progresser dans la connaissance de Dieu, comme un moyen pour vivre dans la fidélité, la droiture et la justice. Elle favorise la sainteté, au sens habituel d’une plus grande proximité avec Dieu. C’est au nom du respect de cette Loi, de ces paroles de vie, que les prophètes se sont levés au sein du peuple dans l’ancienne Alliance pour fustiger avec passion, véhémence même, les infidélités des croyants. Cette Loi a été donnée comme un moyen non une fin en soi. Le Christ n’est pas venu abolir cette Loi mais bien l’accomplir. C’est-à-dire qu’il en révèle son sens ultime, qu’il le manifeste. Pour la foule devant le palais de Pilate ce jour-là, cette Loi était devenue une fin et non plus un moyen : elle assombrissait leur esprit et leur cœur, elle devenait pour eux un bandeau posé sur leurs yeux, les aveuglant au point de ne pas reconnaître au milieu d’eux Celui qui donnait enfin un sens à la Loi.

Cette Loi, c’est aussi la loi du monde.
La Loi de Dieu est pervertie, dévoyée. Elle devient prétexte. Elle devient la loi du monde et de sa vilénie. Que de fois, aujourd’hui encore, ne tue-t-on pas, ne fait-on pas la guerre au nom de Dieu? Cette loi-là porte la marque du péché, au lieu d’en préserver. Elle égare et corrompt. Jésus meurt et il est condamné par les hommes, par une foule versatile qui, quelques jours auparavant, lui avait réservé un triomphe pour son entrée dans la Ville sainte. Pascal disait que le Christ serait en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne se trompait puisque le Christ est toujours outragé par notre péché. Nos reniements ne cessent de le crucifier. Sa mort sur la croix ne viendrait-elle pas plus éclairer nos cœurs que ceux de cette foule, pour que nous restions à ce point passifs et cois devant tant d’amour ?

La loi de l’amour.
Ce que Jésus vient révéler dans sa mort, c’est précisément le sens de toute la Loi de Dieu : notre existence ne peut prétendre à trouver de sens si elle n’est orientée comme l’a été celle de Jésus. Nous vivons quand nous aimons. Nous vivons de la vie de Dieu quand nous mourons à nous-mêmes. Nous tenons notre grandeur de notre service. La loi est pour nous, en Christ, une béquille solide et ferme dont nous ne saurions nous passer pour avancer vers Dieu : c’est la loi de la foi, de la prière, c’est encore la Tradition et l’enseignement de l’Eglise. Il ne s’agit donc pas « d’interdire d’interdire », mais bien plus pour le chrétien d’entrer dans l’expérience réelle de la présence de Dieu. Alors nous comprenons les paroles de saint Augustin : « Aime et fais ce tu veux ». Oui, si tu aimes, comme le Christ a aimé les siens, alors tu peux jouir de la sainte liberté des enfants de Dieu. Ton cœur sera uni à Dieu et tu sauras ce qui est bon pour toi, ce qui contribue à ton bonheur et à ta sainteté.

AMEN.
+ Michel Steinmetz.