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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 28 février 2015

Homélie du 2ème dimanche de Carême (B) - 1er mars 2015

Quand Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, seuls, à l’écart, c’est qu’il va se passer quelque chose. Quand, en plus, cela va se passer sur une haute montagne, c’est le signe que ce sera très sérieux. C’est sur l’Horeb que Moïse reçut la révélation du Nom divin et c’est sur le Sinaï qu’il reçut la Loi. Nul doute que ce qui va se passer ici sera du même ordre, de la même importance.
 
Les vêtements resplendissants ne sont pas non plus un détail anodin. C’est ainsi qu’était déjà décrite la venue du Fils de l’homme dans l’Apocalypse de Daniel (trois siècles avant l’évangile). Mais que viennent faire ici Elie et Moïse ? Elie était, dans la tradition juive, le Prophète par excellence. Il était passé par l’Horeb et la tradition disait qu’il n’était pas mort mais qu’il avait été enlevé au ciel. C’est lui dont on attendait le retour. Moïse représentait à lui seul la Loi, donnée - on se le rappelle - par Dieu sur une haute montagne. Par la présence de Moïse et d’Elie, ce sont les deux piliers les plus officiels de la tradition biblique qui sont témoins et associés à cette « rencontre au sommet ». Jésus en est la continuité, le renouvellement.
La proposition de Pierre de monter trois tentes est habituellement interprétée comme le désir de prolonger un moment de béatitude. Mais ce geste est aussi celui, toujours pratiqué actuellement dans le judaïsme, de la fête des Tentes au cours de laquelle, en souvenir des quarante ans au désert, on se remet dans la condition du nomade, où l’on se souvient de la Tente de la Loi que les tribus transportaient partout où elles allaient, présence de Dieu auprès de soi. Voilà donc reconstitué le contexte favorable où Dieu peut parler, a parlé, va parler et où nous serons dans les dispositions pour l’écouter.
 
Son message est de nous dire que ce Jésus est plus qu’un Législateur, plus qu’un Prophète (tout en les supposant), qu’il est avec Dieu dans la relation la plus intime, la plus précieuse qui soit : celle de Fils par rapport à un Père, celle de Fils bien-aimé. Située dans le contexte des annonces de la Passion, cette scène de la Transfiguration nous annonce déjà que le Christ de la Passion va souffrir certes mais qu’il est déjà et restera dans sa Passion même le Christ en gloire, un Christ vainqueur du mal parce qu’il est le Fils bien-aimé du Père.
 
Le transfiguré sait qu’il sera bientôt défiguré. Jésus, avant sa Passion, se libère de son image, de son apparence ou de son personnage, il ne fait pas écran, il ne se crispe pas sur lui-même mais se reçoit du Père qui l’envoie. Il rayonne cette relation de confiance et de vie qui le constitue dans son identité. Il est « resplendissant » : c’est ce que l’on dit d’une personne que l’on trouve particulièrement radieuse ou charismatique. Le signe de la Transfiguration est donné comme un avant-goût de sa Pâque. Celui qui accepte de passer par la défiguration sera transfiguré dans l’amour de Dieu. Celui qui n’aura plus figure humaine sera le visage de la gloire de Dieu. Dans notre propre existence, nous pouvons connaître de ces moments lumineux de sérénité, de paix, de connaissance. Nous avons l’impression que nous pouvons toucher du bout des doigts ce que nous espérons. Et nous aimerions que ce moment ne passe pas, qu’il ne finisse pas. Alors bien sûr, nous aurions aimé être là, comme Pierre et construire trois tentes pour durer dans ce moment hors du temps.
 
Ce Carême nous fait revenir à la source de notre vie chrétienne, à notre baptême. Nous y avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ, nous y avons vécu le même élan d’amour du Père. L’être défiguré par le péché que nous sommes a été transfiguré dans la vie de Dieu. Chaque instant de notre existence doit nous faire croître dans la transfiguration pour y être rayonnants de la proximité avec le Père. Nous aurions aimé être là, ce jour-là, sur la montagne. Nous aimerions retenir cet instant. Pourtant, il nous faut endurer les jours où le péché revêt d’un masque de laideur le visage transfiguré, où la figure humaine est défigurée par la douleur, la maladie et la mort. Ces jours-là, nous ne doutons que le Transfiguré-Ressuscité est partout sauf où l’on meurt. Souvenons de cette montagne et du tombeau vide de Pâques. Nous vivrons notre nouvelle naissance.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 20 février 2015

Homélie du 1er dimanche du Carême (B) - 22 février 2015

Trois versets seulement. Voilà ce qu’il faut à saint Marc pour nous relater le passage de Jésus au désert. Si le récit est court, il n’en est pas moins dense.  Le décor planté est tout simple : un désert, des bêtes sauvages et des anges.
 
Un désert, tout d’abord. Spontanément, le désert peut évoquer la solitude, le manque, la privation, voire la stérilité. Mais pourquoi alors, y être poussé par l’Esprit ? Le désert que nous sommes invités à fréquenter durant ce temps de Carême n’est pas ce désert de solitude. Le désert est justement ce lieu où on ne peut survivre tout seul. Il est ce lieu où nous reconnaissons que nous avons besoin d’un autre pour nous conduire ; c’est un lieu où nous nous sentons dépendants. Dans ce désert, il y des anges et les bêtes sauvages. Lorsque nous nous risquons à visiter ces lieux déserts en nous-mêmes, il n’est pas rare d’y trouver quelques bêtes sauvages, un peu de violence, de l’égoïsme, une vague envie de domination, et des anges de toute-puissance : toutes ces choses qui en définitive nous isolent et nous empêche d’être libres. La réaction spontanée est de fuir ces parts menaçantes et de nous tourner vers une part de nous idéalisée, angélique. C’est tout le contraire que nous sommes invités à faire. Vivre en paix, être libre, c’est apprivoiser nos ombres sans être angélique. C’est vivre avec une animalité maîtrisée sans se croire plus haut que ce que nous ne sommes. Jésus vivant tant avec les bêtes sauvages et les anges nous montre un chemin d’une humanité réconciliée avec elle-même, une humanité démasquée. Une telle réconciliation ne peut se vivre que dans le désert, lieu où les fantasmes s’effondrent, où nous pouvons vaincre celui qui nous divise intérieurement, le lieu où l’homme se découvre lui-même, puisqu’au désert, il n’y a pas d’ombre pour se cacher.
 
" Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » Nous avons souvent entendu cet appel de Jésus. Toutes les semaines, mais surtout en carême, l’église nous invite à nous convertir, à ne plus pécher, à vivre dans la vertu et pas dans le péché. L’appel à la conversion ne retentit pas dans le bruit des villes, dans le tumulte de vies agitées : il se fait entendre au désert. C’est bien là que les masques tombent quand nous sommes mis face à nous-mêmes. Entendre cet appel à la conversion demande que nous fassions la vérité avec nous-mêmes. Souvent nous passons beaucoup de temps à nous convaincre que nos péchés, nos petits péchés, sont des broutilles, que tout le monde a ses défauts, qu’il n’y pas mort d’homme, etc… Alors nous hésitons à abandonner cette part d’ombre de nous-mêmes, à nous en débarrasser parce que nous nous y sommes accoutumés. Mais, il n’est pas tout à fait exact de dire la conversion, la pénitence, est un rejet du péché. Quand nous nous convertissons - si nous nous convertissons - nous ne nous détournons pas du péché. Nous nous tournons plutôt vers Dieu. Si la conversion est un concept important pour Jésus, ce n’est pas parce que le péché lui semble tellement laid ou horrible. L’importance de la conversion vient de la beauté de Dieu. Même si le péché n’était pas très intéressant, ce ne serait pas la peine de s’en détourner. Pour que nous regardions ailleurs, il faut quelque chose de plus attrayant, un meilleur bien, qui attire nos yeux, notre attention. Pour Jésus, c’est Dieu qui est plus attrayant, le plus attrayant. C’est lui qui attire, c’est lui qui satisfait nos désirs les plus importants et les plus profonds. Quand il parle de la conversion, c’est toujours la conversion vers Dieu. Il ne condamne pas le péché, il ne condamne pas les pécheurs, il leur offre quelque chose de meilleur, de plus attrayant, de plus satisfaisant. C’est seulement parce qu’il y a une bonne nouvelle, quelque chose de meilleur, que cela vaut la peine de se convertir.
 
Le but de la conversion n’est pas un rejet. Un simple rejet nous laisse avec rien. Le but est plutôt de voir la beauté, l’attrayant, de Dieu. Et c’est important, parce que c’est Dieu qui est notre destin, pas le péché. Nous ne sommes pas faits pour le péché. Nous sommes faits pour Dieu.
 
AMEN.
Michel Steinmetz

mardi 17 février 2015

Homélie du Mercredi des Cendres - 18 février 2015

C'est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du Salut. C’est le moment favorable pour vous, chère catéchumène : ce Carême est le dernier avant votre renaissance dans le Christ. C’est le moment favorable pour vous tous, frères et sœurs : le moment de revenir nous-mêmes à la vie de Dieu que vous avez laissé affadir en vous, recouvrir par vos soucis, étioler par le cortège de vos préoccupations. Le Seigneur a exaucé la prière de son peuple en envoyant son Fils dans le monde pour qu’il prenne sur lui notre péché et qu’il extermine le mal du péché par le don qu’il fait de sa vie et par sa résurrection.
 
C'est pourquoi, comme saint Paul le dit aux Corinthiens, nous sommes invités au nom du Christ, à nous laisser réconcilier avec Dieu. Ce temps de la réconciliation n’est pas un temps de tristesse, mais c’est un temps d’espérance et de joie. Depuis la mort et la résurrection de Jésus, nous sommes entrés dans le temps favorable, dans le jour du Salut. Nous savons que le renouvellement de notre vie baptismale et la restauration de la plénitude de la grâce dans notre vie ne sont pas l’œuvre de nos mains, c’est l’œuvre de Dieu qui se réconcilie le monde avec lui dans la mort et la résurrection de son fils. C’est pourquoi nous entendons, avec beaucoup d’espérance, l’appel à la conversion qui nous est adressé par les prophètes comme ils l’ont adressé au peuple d’Israël, promesse que Dieu ne reste pas sourd et indifférent quand il voit l’homme pécheur supplier pour sa conversion. Nous le savons, l’une des ruses les plus profondes du péché, c’est de se dissimuler à nos propres yeux, c’est de nous donner le sentiment que, finalement, nous ne sommes pas si pécheurs que cela, que finalement nous sommes à peu près dans les conditions que Dieu attend de nous. Or ce que les prophètes ont rappelé, et ce que nous entendons aujourd’hui, c’est que nous avons besoin de revenir à la source baptismale, nous avons besoin de revenir à l’authenticité de la vie chrétienne, nous avons besoin de revenir au sermon sur la montagne dans l’évangile de saint Matthieu et dont nous venons d’entendre encore un passage aujourd’hui. Revenir à Dieu de tout notre cœur, ce n’est pas simplement prendre des postures, des attitudes de conversion, faire des gestes de pénitence, c’est vraiment ouvrir notre cœur au renouvellement que Dieu nous propose. Vivre ce Carême en vérité, c’est d’abord laisser travailler Dieu en nous, plutôt que de nous agiter pour savoir ce qu’il convient de faire.
 
Mais ce chemin de conversion s’exprimera évidemment par des gestes extérieurs, comme nous allons le faire tout à l’heure en recevant les cendres en signe de deuil et de pénitence, mais nous devons être bien attentifs à ce que ces signes extérieurs expriment une réalité intérieure. Le Christ nous invite à faire dans le secret ce que seul notre Père voit : « ton Père qui voit au plus secret te le rendra » (Mt 6, 18). La prière intérieure s’exprime par des gestes extérieurs, mais les gestes extérieurs de la prière ne sont rien, s’il n’y a pas la prière intérieure. L’aumône se manifeste par des gestes de partage, mais l’aumône ne serait rien si elle se réduisait qu’à une offrande économique. Elle doit exprimer aussi l’ouverture de notre cœur dans la relation aux autres. L’exercice concret et réel de la charité ainsi que le jeûne ne doivent pas devenir un spectacle que nous donnons aux hommes mais l’expression de la contrition que nous vivons en nous-mêmes en pensant à toutes nos dépendances, à toutes les manières dont nous sommes asservis à la consommation.
 
Chère catéchumène, vous allez recevoir tout à l’heure de la communauté chrétienne deux trésors de sa foi : le Credo et le Pater. Par ces deux prières, reprises jour après jour, méditées, toujours mieux comprises, vous permettrez à Dieu de vous transformer. Frères et sœurs, ce que nous allons transmettre à notre catéchumène, il nous faut le tenir en très haute estime. Il vous faut l’apprendre à vos enfants et petits-enfants dès leur plus jeune âge. Ces mots, simples et si exigeants, nous permettront de  vivre un retournement intérieur qui correspond à la réconciliation qui nous est promise et à laquelle nous aspirons, et qui exprime par le changement de notre cœur, la volonté d’être un peuple de rachetés.
 
 
AMEN.               
Michel Steinmetz   

vendredi 13 février 2015

Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 15 février 2015

Pourquoi Jésus guérit-il des malades ? Ce n’est en tout cas pas pour asséner des « preuves » et contraindre à croire en lui, ni pour accroître sa célébrité, épater la galerie, s’attirer des fans puisque Jésus ordonne impérativement aux personnes guéries de se taire et de ne pas aller clamer ses bienfaits partout. Il ne veut pas être réduit au rôle de guérisseur, il n’est pas « une potion magique ». S’il soigne les malades, c’est que les corps ont de la valeur et que le salut ne se confine pas au niveau des âmes. Le Règne de Dieu concerne l’homme tout entier et Jésus accueille avec bienveillance tous ceux qui accourent vers lui afin d’obtenir la guérison. Il reste que, au-delà de la guérison du corps, Jésus ne cesse d’appeler à la conversion de l’être. Car c’est du cœur que viennent les jalousies, les haines, les décisions de faire souffrir l’autre, de l’écraser, de lui nuire, de l’exterminer (7, 21).
 
En ces temps anciens, le mot lèpre désignait toute infection purulente, tout suintement malodorant et même toute moisissure sur les murs des maisons. On était effrayé devant ces phénomènes que la médecine de l’époque ne parvenait à vaincre que rarement. Et on comparait souvent la lèpre et le péché : tous les deux commencent de façon subreptice et insensible, rongent et étendent peu à peu leurs ravages, résistent au traitement, enlaidissent et défigurent, contaminent l’entourage, brisent la société, entraînent l’exclusion. Il fallait de toute urgence éloigner les lépreux de la société : aussi ces malheureux « impurs », excommuniés, étaient condamnés à la solitude où ils se regroupaient, compagnons d’infortune qui ne pouvaient circuler qu’en signalant de loin leur présence aux passants. Lorsqu’un de ces lépreux était guéri, il devait se rendre au temple de Jérusalem pour faire constater la guérison par un prêtre, offrir un sacrifice de reconnaissance à Dieu et recevoir une attestation pour pouvoir réintégrer son entourage.
 
Un jour, sur une route, un de ces pauvres malades abîmés et rejetés vient à la rencontre de Jésus dont sans doute on lui a vanté les dons de guérisseur. Il se fait tout petit, implorant à genoux, dans la posture d’adoration, il croit que la guérison ne sera pas le fruit d’une incantation magique mais une décision, une volonté personnelle de Jésus : « Si tu veux » car je sais que tu es plus fort que la lèpre. « Saisi de compassion », Jésus le touche : il est guéri. Alors que les lépreux contaminaient ceux qui les touchaient, ici au contraire c’est Jésus qui est rayonnant et contagieux de pureté et de sainteté. Comme souvent Jésus demande à l’homme de ne pas raconter cela partout mais d’aller à Jérusalem remplir les obligations imposées par la Loi. Il ajoute un mot curieux : « Ce sera pour eux un témoignage ». Mais évidemment, fou de joie, l’homme ne peut se taire et Marc désigne son action en employant les verbes utilisés pour Jésus : « il proclame, il répand la Parole ».
 
Cette merveille, à la suite des autres, provoque stupeur et enthousiasme au point que Jésus, assailli par les foules, n’entre plus dans les villages où on le prend pour une vedette et peut-être pour un messie qui vient supprimer la maladie, la souffrance et la mort. Il reste donc au-dehors : lui qui a réintégré l’ancien lépreux dans son milieu social est à présent exclu des agglomérations. Troublant et mystérieux échange ! Il faut désormais sortir pour le rencontrer. Plus tard la haine se déchaînera contre Jésus : déshabillé, criblé de coups, fouetté, ensanglanté, il apparaîtra comme un homme défiguré, aussi horrible à regarder qu’un lépreux. On ne voudra plus qu’il souille la ville de Jérusalem et on l’en chassera. Au Golgotha, qui se situe hors ville, abîmé et excommunié comme un lépreux, il s’offrira pour tous les pécheurs atteints par la lèpre du péché. Mais après Pâques, ses disciples – souvent rejetés par les autres - constitueront des communautés vers lesquelles viendront les pécheurs. Il ne leur sera demandé qu’une chose : avoir totale confiance dans l’amour du Christ vivant. Oui, j’en suis sûr : Tu peux me purifier de mes souillures.
 
Nous sommes leurs héritiers, pécheurs purifiés.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz  

jeudi 5 février 2015

Homélie du 5ème dimanche du Temps oridnaire (B) - 8 février 2015

Voici Jésus qui annonce à Capharnaüm la Bonne Nouvelle de l’avènement d’un Royaume des cieux. Voici Jésus qui instaure de nouveaux rapports sociaux. Voici Jésus qui inaugure des temps nouveaux en guérissant les malades et en chassant les esprits mauvais.

A la vue des malheurs de tout un peuple, Jésus ne cherche ni à expliquer ni, à plus forte raison, à justifier le mal et la souffrance. Il est pris d’une immense compassion à la vue de l’humanité souffrante et il décide d’emblée de se battre contre les préjugés et contre l’emprise du malheur. Il faut dire qu’en son temps, il n’y avait d’assurance contre la maladie et l’invalidité. On ne s’occupait pas de soigner les malades, les infirmes et tous ceux qui étaient atteints par quelque forme de désordres mentaux. Les pharisiens et les maître de la Loi considéraient volontiers que maladie, handicaps divers, infirmités n’étaient autres qu’un châtiment de Dieu. Tous ces gens ignares, qui en étaient atteints, étaient aussi incapables de connaître et bien sûr d’observer la Loi du Seigneur. C’est pourquoi ils étaient ainsi punis. Il ne fallait pas s’en occuper puisque tous ces misérables n’avaient que ce qu’ils méritent. On ne pouvait s’opposer au châtiment divin. Aussi tous ses malheureux se sentaient exclus, mis à l’écart.


Pris de pitié pour eux, Jésus se met à les guérir, en leur rendant confiance en eux-mêmes : ta foi, ta confiance en Dieu et en toi-même, t’a sauvé. Il les remet debout. Ainsi nous voyons aujourd’hui le Christ tendre la main à la belle-mère de Pierre et l’aider à se lever. Le soir venu, on lui amenait tous les malades et il se met à les guérir. Etonnant Jésus qui, le lendemain matin, s’enfuit tout seul dans la montagne pour prier ! Ce faisant, il repousse la séduction que peuvent exercer les prouesses d’un guérisseur. Il refuse de se laisser enfermer dans le rôle d’un « messie » accumulant les succès spectaculaires. Sa mission est d’annoncer aussi ailleurs la Bonne Nouvelle du Royaume. En effet, si tous les malades, les boiteux, les aveugles, les lépreux venaient vers lui, c’était un peu comme on va chez le rebouteux quand on a tout essayé, un peu comme on attend un miracle d’un Saint, en désespoir de cause. Et cela jusqu’à ce matin, où les apôtres lui ont dit : « Tout le monde te cherche ». Alors il s’est rendu compte que le pèlerinage commençait, qu’on allait bientôt le porter en triomphe, faire de lui un dieu. Et il est parti, en les laissant là. Comme s’il voulait relancer la balle. En réalité, en partant ailleurs, c’est qu’il voulait que les malheureux de Capharnaüm se prennent désormais eux-mêmes en charge, que les guéris parmi eux, deviennent des guérisseurs, que les sauvés deviennent à leur tour des sauveurs.
 
Il est parti. Et sans doute de village en village, il a recommencé la même chose, annonçant un nouvel ordre des choses, de nouveaux rapports sociaux. En guérissant les malades, en remettant debout ceux qui étaient écrasés, en réinstallant dans les communautés humaines ceux qui en étaient exclus, en rendant confiance à chacun. Et puis, lorsque le succès grandissait, il est à nouveau parti ailleurs, forçant ainsi chacun non seulement à devenir autonome, mais les invitant à remettre debout et à rendre confiance à tous ceux qui partageait les même souffrances et les mêmes malheurs.
 
Il est parti. Et depuis lors, il est l’insaisissable. L’enfermerait-on sous une pierre scellée, qu’il en sortirait vivant. L’ensevelit-on dans le tombeau de nos oublis, qu’il surgit à nouveau, un jour ou l’autre, à la croisée de nos chemins. C’est pourquoi, dans notre monde d’aujourd’hui, il nous invite à faire comme lui-même a fait : ne pas céder à la fatalité mais croire, et faire en sorte, que le malheur de ce monde peut être changé. Nous n’arrivons pas à expliquer ou à justifier le mal et l’injustice. Nous sommes petits et pauvres devant ce mystère. Alors, comme Jésus, il nous faut nous engager pour changer l’apparente fatalité. Nous nous y engagerons, avec lui et comme il nous a dit le faire, parce que les temps nouveaux du Royaume sont en train de germés. Des exclus, il y a plus qu’on ne le pense ; des exclus, il y en a dans nos propres communautés chrétiennes. A nous qui avons été guéris par l’amour du Christ, de devenir à notre tour des guérisseurs.

AMEN.

Michel Steinmetz