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samedi 31 août 2013

Homélie du 22ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 1er septembre 2013


« Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé ». Lc 14,11

Jésus est déconcertant. Il a l’art de nous bousculer. Ici pas de situation de crise, pas de conflit, pas de question pernicieuse de la part des scribes et des pharisiens. Juste un repas le jour du sabbat. Certes un repas chez un des notables pharisiens, et Luc précise que « tous l’observaient ». Pour Jésus, tout est prétexte à parabole. Un banal évènement de la vie quotidienne devient le lieu d’un enseignement. Il suffit ce jour-là que Jésus remarque comment les invités choisissent les premières places, les places d’honneur à proximité de l’hôte qui les reçoit. Le maître-mot de l’enseignement, même s’il n’est pas prononcé, est l’humilité.

Si nous rêvons secrètement d’une vie faite de paillettes, de strass et de légèreté, comme les médias people aiment nous la faire miroiter, alors, à n’en pas douter, l’humilité n’est pas ce que nous recherchons comme principe de vie. Car nous l’envisageons comme une faiblesse plutôt qu’une force. On pense souvent que l’humilité consiste à se rabaisser soi-même, jusqu’à nier ses qualités ou ses talents, ou à considérer par principe, ou avec un arrière-fond de culpabilisation moralisatrice, les autres comme supérieurs à soi.

L’humilité ainsi envisagée semble donc encourager la médiocrité, le manque d’ambition, la mesquinerie…
La véritable humilité, l’humilité évangélique, n’a rien à voir avec cette peu enviable caricature ! Souvenons-nous du Magnificat : « Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ! » (Lc 1, 48-49). Loin de s’effacer ou de se taire, Marie chante haut et fort l’action de Dieu dans sa vie. Car l’humilité est une reconnaissance et un décentrement. Reconnaissance qu’un Autre, Dieu, nous est supérieur, que nous tenons de lui « la vie, la croissance et l’être », comme nous le chantons dans une des préfaces de la messe. Rien de ce que nous vivons, rien de ce que nous sommes, rien de ce que nous recevons n’est étranger à sa grâce. Nous tenons tout de Lui. Bien sûr, et vous en conviendrez, cela suppose la foi. L’humilité n’est pas qu’une vertu morale que tous les hommes pourraient partager ; l’humilité évangélique est le propre des croyants, des « sages », comme les appelle Ben Sirac. Décentrement, ensuite, car est humble celui est considère la grandeur et Dieu et s’en émerveille. En latin, humilis signifie « proche de la terre », or, nous dit la Genèse, c’est de la terre qu’a été tiré le premier homme, Adam, dont le signifie précisément le « terreux ». L’humilité consiste donc à se tenir dans la vérité de la condition de créature face à son Créateur. Et cette condition est bonne, puisque Dieu nous a donnés la vie par amour.
Cette attitude faite de reconnaissance et de décentrement nous fait « trouver grâce devant le Seigneur ». Celui qui s’imagine ne dépendre en rien de personne, de quelque manière que ce soit, ne peut pas prétendre attendre quelque chose en retour puisqu’il se suffit à lui-même !

L’humilité nous ouvre à Dieu. Elle est une inclination du cœur. Mais qui s’ouvre ainsi à Dieu se rend capable de s’ouvrir en vérité à ses frères : le regard qu’il porte alors sur eux est transformé, purifié de l’orgueil. Il ne se considère plus comme supérieur à eux, mais comme leur égal partageant en toutes choses et dans une même fraternité humaine la condition de créature, d’un être fondamentalement aimé de Dieu. Cet humble-là aura un cœur assez généreux pour donner sans espérer en retour. Il y trouvera sa joie. Il participera à l’amour de Dieu : comme lui, son Créateur, il donnera en toute gratuité, il aimera sans calcul. Celui-là apportera encore sa pierre à la construction en ce monde du Royaume des cieux. Sa vie sera tout entière marquée de la présence de Dieu.
Puissions-nous, frères et sœurs, être préservés de cet écueil, de ce danger en ouvrant notre cœur à l’amour de Dieu qui ne cesse de faire pour nous des merveilles. Demandons la grâce de vivre d’une vraie humilité évangélique.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 23 août 2013

Homélie du 21ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 25 août 2013

« Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant. »

Un jour, Jésus « a durci son visage et a pris résolument la route de Jérusalem » (9, 51) où il sera mis à mort. Luc n’oublie pas de nous rappeler cette longue montée qui était alors géographique et qui aujourd’hui doit être spirituelle : nous ne pouvons nous laisser aller « à notre pente », il faut continuer à « monter ». Jésus suit les chemins qui relient les lieux d’habitation, il passe d’un endroit à l’autre, il demeure au cœur du peuple, il ne lance pas l’appel au désert comme s’il fallait fuir dans la solitude. Il ne faut pas changer de lieu : c’est là où nous vivons que nous sommes sollicités à nous « retourner ». Et c’est dans ce but que Jésus instruit. Inlassablement, depuis le début de sa mission, Jésus parle aux hommes, il n’a pas d’autre arme que la Parole qui respecte souverainement notre liberté.

Au sens premier du terne, « se convertir » n’est pas d’abord passer de l’incroyance à la foi, ni changer de religion, mais lutter afin de « retourner » notre vie et mieux obéir aux appels du Seigneur. Combien donc en seront capables ? « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? ». Jésus répond : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas. »
Combien y a-t-il de fauteuils au ciel ? Jésus se dérobe à la question : le problème n’est pas de supputer le nombre futur mais de donner toute sa valeur au présent, de multiplier dès aujourd’hui, pour soi, les efforts de conversion. « Efforcez-vous ». Lors de la décision de partir à Jérusalem, Jésus avait dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive » (9, 23). Maintenant il n’a pas adouci cette exigence radicale : « La porte est étroite ».

Tout au cours de l’histoire, l’entrée dans la demeure de Dieu est possible, certains peuvent même s’y glisser à l’ultime minute (le bon larron). Mais à un moment, « le maître fermera la porte » et ceux qui se sont endurcis dans le mal s’y heurteront. Il y aura « un dedans et un dehors ». Le désir de Dieu, qui les habitait et qu’ils auront toujours refusé d’écouter, les projettera vers un accomplissement qui sera désormais impossible.
C’est donc l’exercice de sa propre liberté qui peut couper de la relation à Dieu. Pour expliquer ce que sera le « dedans » de la parabole de ce jour, les prophètes avaient proposé l’image du festin : ce sera comme un grand banquet où l’on mange à satiété (image de la vie en surabondance), ensemble (image de la communion des saints), en buvant du bon vin (image de l’allégresse et de la vie de Dieu en nous). Isaïe annonce : « Le Seigneur va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, viandes succulentes et grands crus…Il fera disparaître la mort pour toujours » (Is 25, 6). Jésus reprend l’image mais il omet la montagne : le Royaume n’est plus réservé aux fils d’Israël mais ouvert à l’humanité universelle, « pour tous les peuples ». On ne naît pas « fils de Dieu » : on le devient par la grâce du baptême et par « l’option pour Dieu » que nous ne cessons de déployer au long de notre existence. Par les actes que nous posons, par les choix de vie que nous faisons, nous laissons – ou non – se déployer en nous

« Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers »Jésus ne dit pas que tous les premiers appelés seront rejetés et tous les derniers admis : mais « des... des…». Il n’y a pas de monopole de race, de nation, de culture : les convives au Banquet céleste seront de toutes les origines. L’eucharistie où les croyants de toutes classes, de tous pays se nourrissent de la Parole de Vérité et du Pain
de la Vie est une anticipation réelle de cette finalité. Intercèdent-ils afin que « ceux du dehors » puissent enfin, et quand même, entrer ? S’interrogent-ils pour savoir s’ils sont toujours « dedans » ?
Laissons l’avenir à Dieu et ne nous lassons pas, chaque jour, de travailler à cette immense tâche : nous convertir. La foi est notre boussole infaillible.

AMEN.

Michel STEINMETZ †



dimanche 18 août 2013

Homélie du 20ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 18 août 2013

 
Jésus s’adresse à ses disciples pour leur parler de lui. « Je suis venu apporter un feu ! » Mais les disciples et, après eux, tous les chrétiens ont eu peur. Le feu, c’est dangereux. Il peut brûler. Et en nous tous, il y a tant de bois sec et mort, mais auquel nous tenons fort. Il y a tant d’habitudes acquises, il y a tant de compromis avec le ciel, avec les exigences du christianisme. Le feu de l’Evangile, cela peut nous mener très loin, là où nous n’aimons pas tellement d’aller ! C’est pourquoi chacun n’hésite pas à tailler des coupe-feu. On se dit : voilà ce qui est bien et voilà ce qui est mal ; ceci est important tandis que cela l’est beaucoup moins. Il y a bien sûr des manquements graves, les péchés mortels, mais beaucoup de fautes aussi sont vénielles. On se rassure comme on peut. Mais Jésus lui, avait dit : « Comme je voudrais que ce feu soit déjà allumé ! »


L’Ancien Testament laissait prévoir que la colère de Dieu, à la fin des temps, s’abattrait, tel un feu, sur un monde infidèle. Jean-Baptiste lui-même faisait écho à cette prédiction en annonçant aux foules : « Moi, je vous baptise d’eau : mais il vient, celui qui est plus fort que moi...Il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. Il a sa pelle à vanner ...La bale, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas » (Luc 3, 16-18). Jésus étant le Messie annoncé pour la fin des temps, Jean est donc persuadé qu’il va déchaîner le châtiment de Dieu sur les impies. Les deux frères Zébédée partageaient encore cette croyance lorsqu’ils voulaient faire descendre le feu du ciel sur un village qui refusait d’accueillir Jésus (Luc 9, 54) : mais Jésus les avait vertement rabroués. Il sait en effet qu’il ne vient pas détruire mais convertir. Oui, il aspire de toute son âme à accomplir sa mission mais celle-ci consiste à transmettre le feu de l’Esprit-Saint dans les cœurs. C’est le feu de l’amour de Dieu qui descendra sur les disciples assemblés au cénacle lors de la Pentecôte.

Jésus avait ajouté en parlant de sa Passion et de sa mort : « Je voudrais être baptisé » Le baptême qu’il doit recevoir est essentiel dans sa mission. Ce baptême a tout d’abord un goût d’épreuve. Mais le baptême qu’il annonçait est fondamentalement une naissance et une Pâque : le passage à un monde où celui qui ne parvient pas à respecter la loi et qui se sait pécheur est pardonné avant le juste qui est irréprochable et le fait sentir à tous ; un monde où l’humble femme du temple qui n’a qu’une petite pièce à donner est plus généreuse que l’homme qui est riche et fait de grandes offrandes. A l’aube de ce monde nouveau, ce serait la croix du Christ qui allumerait le feu. Et depuis lors, jamais, les chrétiens ne seraient en paix, dans cette paix tranquille qu’affectionnent les puissants et les autorités.

Depuis lors, il y aura toujours des divisions : comme dit Jésus dans l’évangile « trois contre deux et deux contre trois... » Il y aura toujours des Jérémie, des gens accusés comme le prophète de démoraliser tout ce qui reste de combattants, des témoins parlant à contre-courant de la pensée véhiculée en leur temps. Jésus comprend qu’il va déclencher ces disputes. Il n’en a cependant pas l’intention : il vient apporter la paix mais celui qui recevra sa paix verra peut-être ses proches les plus aimés se dresser contre lui. L’Evangile allumera en même temps la paix dans le cœur de l’un et le feu de la discorde et de la haine dans le cœur des autres. L’option pour Jésus n’est pas anodine, la conversion ne sont pas un vague événement sans importance. Devenir disciple de Jésus est une décision qui remet en question la manière de vivre de ceux qui ne la partagent pas. Ils pourront demeurer muets, moqueurs, sceptiques, amusés, ou pire enragés. Car le disciple, par son choix de vie, conteste les comportements des autres. Il le fait sans ostentation, sans volonté d’hégémonie, mais en silence et avec amour.

Peut-on confesser vraiment sa foi et tenir à tout prix à l’entente avec l’entourage, voire la compromission ? L’incompréhension et l’hostilité sont le prix à payer de la fidélité, mais toujours à la manière de Jésus, c’est à dire avec charité. Si nous ne gênons personne, sommes-nous croyants ? Si notre manière de vivre n’interroge pas, sommes-nous vraiment disciples?

AMEN.

Michel STEINMETZ †



Homélie de la solennité de l'Assomption - 15 août 2013

L’Eglise fête aujourd’hui l’Assomption de la Vierge Marie. Au cœur de l’été, nous goûtons cette fête avec une vraie joie, sans doute à la mesure de la sérénité augurée par un rythme de vie plus calme. Nous avons plaisir à savourer les choses, à prendre du temps, à vivre des relations plus intenses. Pourtant, l’Assomption de Marie peut demeurer quelque peu obscure. Que fêtons-nous au juste ? Marie montée au ciel avec un corps préservé de la dégradation. Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? En quoi l’expérience dont Dieu a gratifié son humble servante nous rejoint-elle ?

Beaucoup parmi vous, et peut-être même ces dernières semaines, ont déjà été en haute montagne. Quelle e
xpérience avez-vous pu y vivre ? Par delà le contact plus direct avec la nature, vous avez commencé par prendre de la hauteur. Cela vous a demandé tout d’abord de la volonté. Vous avez du emprunter des routes parfois sinueuses, ralentir votre rythme. Ensuite pour tenter de rejoindre un sommet, vous n’avez pu compter que sur vos pieds. Vous avez adapté votre marche à votre condition pour aller jusqu’au bout. Cela vous a donc aussi demandé de l’effort et de la ténacité. On ne gravit pas un sommet sans se donner un peu de temps et de sueur.

Parvenus au but, vous avez enfin pu découvrir ce que vous n’aperceviez que de manière encore partielle au long de votre ascension. Votre vision balayait l’horizon sans que rien ne vienne l’altérer. En regardant dans la plaine, c’était comme si un monde se découvrait à vous. Les choses, les personnes même, prenaient une autre dimension. Vous admiriez les merveilles de la création, le chatoiement de ses couleurs, l’harmonie de ses formes. Il fallait cette montée pour que vous preniez conscience de la beauté de ce dont vous vous vouliez vous échapper. Plus encore, en prenant de l’altitude, vous vous rapprochiez curieusement de celui qu’on fait habiter dans les cieux : Dieu.

Marie, en son assomption, n’a pas gravi de montagne. L’expérience que Dieu lui a donnée de faire est comme le fruit d’une existence parfaitement croyante. A chaque instant de sa vie, fût-il douloureux, joyeux, glorieux ou lumineux, Marie est restée dans la volonté du Seigneur, redisant sans cesse son « oui ». Ainsi, anticipant déjà pour elle la grâce de la résurrection, Dieu lui a accordée d’y prendre part d’une manière toute spéciale. Elle n’a pas connu la dégradation du tombeau.

L’Assomption de Marie n’est donc pas pour nous quelque chose d’inatteignable, comme si entre elle et nous il y avait un fossé infranchissable. En nous faisant aujourd’hui contempler « les merveilles » de Dieu pour Marie, cette fête nous convie à prendre de la hauteur et à gravir le sommet de la vie spirituelle. Marie nous devance ; elle nous montre que la Résurrection est notre avenir. Voilà pourquoi nous devons garder à l’esprit la leçon de la montagne.

Bientôt le cours du quotidien reprendra ses droits, avec son lot d’activités et de stress. Pourtant, il nous faudra nous souvenir que la joie ressentie en ce jour n’est pas celle d’un instant, légère et éphémère, mais celle, profonde et durable, de la foi. Oui, il faudra encore faire preuve de courage et d’effort pour continuer la route. Oui, nous ne continuerons qu’à apercevoir partiellement ce que nous espérons. Oui, nous ne contemplerons que de manière fugace mais bien réelle la beauté de la vie. Pourtant, le sommet demeure et nous attend : c’est le Christ. Le propre de Dieu est d’élever : les humbles dans le Magnificat, son Christ en le faisant sortir du tombeau, Marie en ce jour. Le propre de la bête de l’Apocalypse, du démon, est de renvoyer vers le bas, de précipiter vers la terre. En vivant à l’exemple de la Vierge Marie, en mettant en œuvre l’Evangile par notre attention aux pauvres et aux petits à qui Dieu se révèle d’abord, nous poursuivrons notre route vers le haut. Et, avec Marie, nous sommes sûrs que Dieu nous comblera largement.

AMEN.

Michel STEINMETZ †