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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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jeudi 31 août 2017

Homélie du 22ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 3 septembre 2017

Pierre, que Jésus vient de féliciter pour s’être laissé éclairer par le Père – c’était l’évangile de dimanche dernier – se fait maintenant vivement rabrouer. Celui qui avait confessé : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » et qui s’était vu répondre : «  Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise », est traité, par Jésus lui-même de « Satan ».
 
On comprend que Pierre ait été ébranlé par l’annonce que Jésus fait des souffrances du Messie. Il ne souhaite pas cela à son ami et Maître. Il ne peut se résoudre à une fin de l’aventure aussi tragique et dérisoire. Car son espérance est bien plus grande. « Passe derrière moi, Satan ! ». Jésus l’assimile au tentateur, à celui qui parlerait ici au nom du Malin comme pour le détourner de sa mission. Ambigüité étrange qui nous rejoint parfois et qui agite notre cœur alors que des puissances ennemies semblent s’y affronter. Notre foi est sincère, mais une voix en nous pousse à contrecarrer les plans de Dieu. Que ta volonté soit faite, oui, mais… pas ici, pas maintenant. Pierre, dans sa remarque : « Dieu t’en garde, Seigneur, cela n’arrivera pas », ressemble au tentateur relaté au début des évangiles de Marc, Matthieu et Luc. Alors que Jésus s’était imposé face au Malin par la force de la Parole de Dieu qui le mettait en déroute, on a l’impression ici que Satan n’a pas abandonné la partie. Peut-être Jésus connaîtra-t-il la peur ?
 
Jésus choisit l’amour du Père « qui vaut que la vie ». Ce choix a valeur d’enseignement. C’est ainsi que le Seigneur adresse à ceux qui désirent le suivre des paroles radicales : « Celui qui vaut sauver la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera ». Nul ne peut se prétendre disciple du Christ s’il ne se dispose pas à renoncer à sa vie propre et se prépare à supporter les souffrances liées à ce renoncement. Perdre sa vie à cause du Christ, ce n’est pas courir après le succès et les gloires de ce monde, c’est apprendre «  à tout donner et à se donner à Dieu », selon les paroles de saint Thérèse de l’Enfant-Jésus. Nous avons entendu les lignes de la lettre aux Romains : c’est l’apôtre qui nous demande de ne pas nous conformer aux habitudes de ce monde. La raison de cette demande ne réside pas dans des réserves contre la société mais surtout une alternative dans la manière de réagir. Paul recommande un changement de l’attitude fondamentale vis-à-vis du monde : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » La lettre à la communauté chrétienne n’accepte pas une passivité spirituelle mais invite à une réaction active comme réponse à la réalité de la vie commune et de la vie religieuse. Le christianisme de saint Paul n’est pas un mouvement discret mais un groupe qui observe bien les réalités et qui réagit.
 
Le chemin de l’amour que Jésus est venu révéler aux hommes se découvre à ceux qui acceptent d’entrer dans le mystère de la croix. Mystère déjà annoncé par le prophète Jérémie qui n’a jamais abandonné la mission reçue de Dieu. En dépit des railleries dont il est l’objet, il reconnaît qu’il est vain de vouloir renoncer à annoncer la Parole. Il garde confiance en ce qui l’a séduit et qui continue de brûler en son cœur comme un feu.
 
Aujourd’hui, nous sommes invités à nous laisser saisir par « la tendresse de Dieu » sans craindre les façons de penser du monde. Jésus demande de renoncer à nous-même et de porter la croix à sa suite. Il n’impose rien. « Jésus donne, encore une fois, toute liberté à ses disciples. ‘Si quelqu’un veut marcher à ma suite », dit-il. On ne peut forcer personne, on n’oblige à rien. Ce qui va être dit maintenant est terriblement radical. Aussi, avant que la loi d’obéissance ne soit annoncée, il faut que les disciples se voient donner toute liberté » (Dietrich Bohoeffer, Le prix de la grâce, Delachaux et Niestlé, 1962, p. 53. On n’obéit vraiment que lorsqu’on est libre de le faire. On ne peut suivre vraiment que lorsqu’on aime.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 26 août 2017

Homélie du 21ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 27 août 2017

Visiblement il ne suffit pas de vivre dans la proximité de Jésus pour pouvoir dire qui il est. Jésus offre à ses disciples, encore incertains à son sujet, l’occasion de s’exprimer. En pédagogue plus qu’en curieux, il s’intéresse à la manière dont les gens le perçoivent. Nulle question pour lui de s’intéresser aux études d’opinion ou à sa côte de popularité. La manière dont les gens le perçoivent rend compte de son activité messianique. Unanimement les paroles qu’ils prononcent, les gestes qu’ils posent sont reconnus comme venant de Dieu. Le Fils de l’Homme, tel qu’il se présente lui-même, apparaît bien être reçu comme l’envoyé de Dieu. Mais cela reste superficiel. Il est souvent très facile de se faire le porte-parole, de rapporter le qu’en-dira-t-on, de ne retenir que ce que les autres pensent, il est par contre bien plus difficile de rendre compte de ce en quoi nous croyons nous-mêmes. Comme s’il y avait là une pudeur à partager ce qui nous habite en profondeur.
 
Après donc leur avoir demandé ce que les gens pensent de lui, Jésus insiste : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». On connaît la réponse, celle de Pierre, et qui retentit depuis des siècles dans l’Eglise : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». « Simon, fils de Yonas », ne la tient pas de son père « de chair et de sang », mais du Père des cieux auquel Jésus vient nous donner accès. Aussi, en recevant de Jésus un nom nouveau, Simon-Pierre reçoit une promesse qui va bien au-delà de son existence propre : «  Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ».
 
Dans la Bible, le rocher qui soutient et sauve de la mort, est le symbole de Dieu qui accompagne son peuple. Après l'Exode, le peuple d’Israël est assoiffé dans le désert (Ex 17, 1). Il cherche querelle à Moïse et demande à boire. Et Dieu va donner à boire aux Israélites. Comment va-t-il faire ? Dieu donne à boire au peuple en ordonnant à Moïse de frapper le rocher. Drôle de moyen pour obtenir de l’eau ! Il est clair que cet acte est un signe porteur d’un message. Quel est ce rocher ? C’est l'apôtre Paul qui nous permet de décoder cette image. Dans sa première lettre aux Corinthiens (10, 1-4), il revient sur cette expérience des Israélites dans le désert, et il écrit que les Hébreux buvaient à un rocher spirituel qui les suivait ; et que ce rocher était le Christ. De la même façon, l’Eglise, grâce à la puissance de Dieu, ne sera jamais abandonnée face aux forces de la mort.
 
Un autre symbole caractérise le pouvoir donné à Pierre : « les clés du Royaume des Cieux » qui lui conféreront le pouvoir et lier et délier « sur la terre et dans les cieux », tel le serviteur Eliakim à qui est remise la clef avec laquelle il « ouvrira et fermera » l’accès à « la maison de son père ». Les clés évoquent le pouvoir de pardonner les péchés. Pierre, chef de l’Eglise, recevra l’autorité pour pardonner les péchés et ouvrir l’accès du Royaume des cieux. Ainsi l’Eglise rassemble un peuple de pécheurs pardonnés et Pierre lui-même fera grandement l’expérience de la miséricorde de Dieu. Songeons ici à l’épisode du reniement au moment de la Passion du Seigneur. L’Eglise est le lieu du pardon. Elle n’est pas la communauté des parfaits mais la communauté des pécheurs qui ont besoin du pardon et qui le cherchent. C’est même une des demandes-clé de la prière que Jésus nous a laissée, le Notre Père. Toute la mission de l’Eglise est là. Réconcilier les hommes avec eux-mêmes, entre eux et avec Dieu pour qu’ils puissent vivre, pleinement et sans aucune entrave, la relation d’enfant de Dieu. Parce que c’est la mission de l’Eglise, reçue du Christ, c’est aussi la mission de tous les baptisés. Etre acteurs de ce pardon qui sait parfois se donner jusque dans la folie de l’amour.
 
Si chacun de nous est capable de pardonner plus que de haïr, de se laisser pardonner et relever plus que de s’enfermer dans des fautes passées, alors le monde sera transformé par une force à laquelle rien ne peut résister, celle du Christ qui ouvre grand les portes des cieux.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

dimanche 13 août 2017

Homélie des vêpres de la solennité de l'Assomption de la Vierge Marie - 15 août 2017

"La vieillesse est un naufrage" disait de Gaulle. La vieillesse n’est plus dans nos pays, comme en Afrique, un signe de sagesse, elle devient honteuse. La vieillesse serait-elle un péché, serait-elle une maladie ? Non, elle est une réalité humaine naturelle qu’il nous faut accepter, comme toute limite liée à notre condition humaine, comme le fait d’être femme, ou homme et non pas les deux, comme le fait de vivre en ce siècle et non pas en un autre, et ici plutôt que dans un autre pays.
 
La vieillesse n’est pas un péché, mourir non plus, même de mort lente et dans son lit, tout naturellement. Marie, la mère de Jésus n’a pas été martyrisée. Elle a connu d’autres souffrances, voir torturer son fils de trente ans lui a valu le titre de « vierge des douleurs ». Marie, comme tout le monde aujourd’hui, ou presque, Marie a vieilli. Elle est morte finalement. Mais l’histoire n’a pas retenu pour elle de tombeau. Ni à Jérusalem ni à Ephèse où, avec saint Jean, elle aurait fini sa vie. La question est donc pour elle la question de « l’après mort ». Qu’est-elle devenue, où est son corps ? Et la foi des chrétiens depuis toujours, sans bien comprendre comment, mais de manière poétique comme s’expriment toutes les intuitions qui ne peuvent être démontrées, celle de l’amour en particulier, la foi des chrétiens a tout de suite perçu que Marie était associée à la Résurrection de son fils, sans attendre la résurrection finale de la récapitulation de l’histoire avec toute l’humanité. Marie anticipe en son corps la victoire de l’amour sur la haine et sur la mort.
 
Le mot « résurrection » n’est cependant pas prononcé, par égard pour nos frères orthodoxes qui parlent de « dormition » et non pas de « mort ». Le mot « assomption » est donc utilisé, qui se rapproche de l’  « ascension ». Marie est « auprès de Dieu » et si l’on imagine celui-ci « en haut », elle est « montée » auprès de Lui. Marie nous précède, on peut dire qu’elle est au-devant de nous. Avec son Fils, elle représente l’humanité en son devenir. Elle représente l’humanité saisie par la résurrection de Jésus, elle qui a représenté l’humanité dans son accueil de l’Esprit, et donné corps au Verbe de Dieu. C’est par elle qu’il est entré dans notre histoire, c’est par lui qu’elle sort de notre histoire et prend corps de gloire.
 
Savez-vous de quelle année date le dogme de l’Assomption ? 1950, sous le pontificat de Pie XII. Ce dogme est le plus jeune de tous les dogmes ! 1950 ans, voilà le temps qu’il a fallu à l’Eglise pour dire ce qu’elle croyait, depuis toujours et en tout lieu, mais encore confusément.
 
Un signe grandiose apparut dans le ciel : « une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. » Ces paroles du Livre de l’Apocalypse que nous entendions ce matin à la messe, et que nous aimons chanter, en particulier avec nos enfants, nous présente une femme, symbole de l’humanité accomplie, revêtue de la lumière de Dieu. Toute la création la contemple et lui sert de parure : le soleil, la lune et les étoiles soulignent sa beauté. C’est l’Eglise, transfigurée, c’est Marie, en tout premier lieu, la petite fille d’Israël, celle qui a cru à la promesse, celle qui a conçu le Fils de Dieu, celle qui l’a partout accompagné, celle qui est toujours à ses côtés, au pied de la croix et maintenant dans l’accomplissement de sa résurrection. Nous-mêmes, à cause d’elle, grâce à elle, nous pouvons être certains que la Résurrection de Jésus nous rejoint dans nos jours qui s’égrènent. La puissance de cette Résurrection transformera nos corps mortels et les rendra resplendissants.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie de la messe de la solennité de l'Assomption de la Vierge Marie - 15 août 2017

« Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères ».
 
Dans son chant d’action de grâce qui termine l’épisode évangélique de la Visitation, Marie rappelle que Dieu se souvient. Oui, frères et sœurs, Dieu n’a pas la mémoire courte. La fidélité à sa promesse fait partie de son identité. Marie ne fanfaronne pas auprès d’Elisabeth ; elle ne tire pas à elle la couverture de la grâce. Sa cousine, dans sa vieillesse, est comblée par une grossesse ; elle, jeune fille, l’est dans le mystère de sa virginité. Marie, plutôt, découvre dans son cœur de croyante que ce qui lui arrive est réellement une bénédiction : Dieu l’a choisie. Elle comprend très vite aussi que ce n’est pas en raison de ses mérites propres. Sans doute, c’est vrai, est-elle une jeune fille pieuse qui a grandi jusqu’à présent dans la foi de son peuple, soutenue dans sa vie familiale par ses parents, Anne et Joachim. Cela ne suffit pas. Dieu la choisit car Il se souvient d’une promesse qu’il a faite il y a très longtemps, des siècles auparavant. Il s’est lié à un peuple particulier qu’Il a élu comme le sien, malgré les infidélités successives et répétées de ce dernier, et malgré l’endurcissement régulier de son cœur. Dieu a décidé de rester fidèle à cette promesse, de ne pas se renier lui-même. Marie comprend donc qu’elle se situe dans cette lignée de croyants ; il faudrait même dire : dans l’appel de Dieu.
 
Dieu n’a pas la mémoire courte. Il est celui dont « la miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». « Marie parle, avec toute l’Ecriture, de la ‘crainte de Dieu’. Il s’agit peut-être là d’une parole que nous connaissons  peu et que nous n’aimons pas beaucoup. Mais la ‘crainte de Dieu’ n’est pas l’angoisse, c’est tout autre chose. En tant que fils, nous ne ressentons pas d’angoisse à l’égard du Père, mais nous ressentons la crainte de Dieu, la préoccupation de ne pas détruire l’amour sur lequel est placé notre vie. La crainte de Dieu est ce sens de la responsabilité que nous devons ressentir, la responsabilité de la portion du monde qui nous est confiée dans notre vie. » (Benoît XVI, Homélie, 15 août 2006). C’est ce même Dieu qui, un jour, « dispersa les superbes », « renversera les puissants », « renverra les riches les mains vides ». Le même Dieu, encore, qui reconnaîtra la force, la force et la persévérance d’aimer de tous les humbles et de tous les petits. Marie est de ceux-là. Rien ne la destinait, aux yeux du monde, à devenir le Mère du Sauveur. Rien ne la désignait, aux yeux du monde, à être associée, la première, en son âme et son corps à la résurrection du Christ avant la consommation des temps.
 
 
Dieu n’a pas la mémoire courte. Il se souvient « dans son amour ». C’est-à-dire qu’il n’est pas revanchard, qu’il ne se plaît pas à nous poursuivre tel un juge inique. Il nous porte dans son amour au long des âges. Marie ouvre un chemin à tout le peuple de Dieu dans lequel le baptême nous a intégrés. Elle en devient même la « parfaite image » (préface). Au point que : « ‘Toutes les générations te diront bienheureuse’: cela veut dire que le futur, l’avenir appartient à Dieu, qu’il est entre les mains de Dieu, que Dieu l’emporte. Et ce n’est pas le dragon, qui est si fort et dont parle aujourd’hui la première lecture, qui l’emporte, le dragon qui est la représentation de tous les pouvoirs de la violence du monde. Ils semblent invincibles, mais Marie nous dit qu’ils ne sont pas invincibles. La Femme - ainsi que nous montrent la première lecture et l’évangile - est plus forte parce que Dieu est plus fort. Certes, comparée au dragon, ainsi armé, cette Femme qui est Marie, qui est l’Eglise, apparaît sans défense, vulnérable. Et véritablement, Dieu est vulnérable dans le monde, parce qu’il est l’Amour et que l’amour est vulnérable. Et toutefois, c’est Lui qui a l’avenir entre ses mains : c’est l'amour qui l’emporte non la haine, à la fin, c’est la paix qui l’emporte. » (Benoît XVI, Homélie, 15 août 2006)
 
Dieu n’a pas la mémoire courte. Il nous le rappelle en Marie, en ce que Lui, le Puissant, a fait pour elle et que qu’Il ne cesse de faire pour nous. Parce que Dieu n’a pas la mémoire courte, Il est plus fort et son amour peut s’étendre « d’âge en âge » pour terrasser toutes les forces du mal, de violence, de recherche du pouvoir qui voudraient avoir raison de lui.
 
AMEN.
 
                                                                                                                                               
Michel Steinmetz