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samedi 30 mai 2009

Homélie de la solennité de la Pentecôte - dimanche 31 mai 2009

En fêtant la Pentecôte, en nous souvenant du don de l’Esprit après la résurrection de Jésus, nous faisons une place dans notre prière à l’Esprit-Saint. Avouons-le : il en est en général le grand absent… Dans la tradition occidentale, d’ailleurs, l’Esprit est souvent même l’oublié. Le monde oriental – et orthodoxe – le vénère bien plus en le reconnaissant comme la puissance agissante et bien présente de Dieu. Si nous avons ainsi du mal à recourir à lui, c’est peut-être bien parce que nos esprits pratiques et cartésiens sont plus à l’aise avec la personne du Père, le Créateur, et avec celle du Fils, Jésus venu en notre monde. Comment s’imaginer ou même représenter l’Esprit du Père et du Fils ? L’art a abondamment eu recours à l’image de la colombe. L’image, elle est peut-être là la clé : nous ne pouvons nous représenter l’Esprit que par des images, des comparaisons…
Je vous propose d’en méditer trois que nous livre les lectures bibliques de ce jour. L’Esprit comme feu, comme souffle et comme eau.

I.- L’Esprit comme feu.

Nous l’entendions dans le passage des Actes des Apôtres : « ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux ».
L’Esprit de Dieu leur est donné à eux, les compagnons d’épreuve qui avaient vu leur maître et ami crucifié. Il le leur avait promis : « Je m’en vais, mais je vous enverrai un Défenseur, l’Esprit de vérité ». C’est chose faite. L’Esprit en descendant sur eux sous la forme du feu les remplit de cette force intérieure qui les pousse à sortir et à annoncer les merveilles de Dieu. En se donnant ainsi, l’Esprit, comme le feu, n’en est pas moindre : le feu en se divisant reste du feu et conserve toutes ses qualités. Ainsi en est-il de l’Esprit de Dieu. Il les brûle maintenant intérieurement du feu de l’amour, les consume en les purifiant de leurs peurs, de leur sentiment de culpabilité, de leurs péchés.
L’Esprit est comme le feu : en se partageant, il garde sa force et nous brûle de l’amour de Dieu.

II.- L’Esprit comme un souffle.

Qu’est-ce qu’un souffle ? Quelque chose d’invisible, de tenu, de vital. Ne parle-t-on pas du souffle de vie ? Un grand souffle, le vent, par exemple, est toujours invisible. Il en va de même de l’Esprit, discret et indispensable. Le vent de la Pentecôte est reconnaissable à ses effets, et notamment au bruit violent qu’il provoque – nous l’entendions encore dans les Actes des Apôtres.
L’Esprit-Saint est souvent, dans nos vies, la brise légère plutôt que le grand vent de tempête. S’il est ténu, il n’en est pas moins indispensable. Le psalmiste le chante bien ainsi : « Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre » (ps. 103). Nous avons reçu cet Esprit à notre baptême et à notre confirmation : c’est lui seul qui, habitant en nous, nous rend capables de dire : « Jésus est le Seigneur ! » (1 Co 12). Est-ce cette phrase ou plutôt ce cri d’émerveillement que les Apôtres ont lancé aux quatre vents dans Jérusalem, à la Pentecôte ? Ce qui intéresse Luc, c’est que chacun des pèlerins étrangers présents ce jour-là dans la ville sainte a été interpellé dans sa langue maternelle, entendez dans tout ce qui fait la matière de nos vies. Jésus « répand son souffle » sur les Apôtres et leur dit : « Recevez l’Esprit-Saint ! ».
Oui, l’Esprit est comme un souffle : il se laisse reconnaître à ses effets ; discret, mais indispensable, il pénètre en nous et nous donne la vie de Dieu.

III.- L’Esprit comme l’eau.

Saint Paul affirme : « Nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps. Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit ». Nous sommes bien baptisés avec de l’eau et invités à renaître de l’eau et de l’Esprit.
Saint Cyrille de Jérusalem explique aux nouveaux baptisés du IV ème siècle pourquoi le don de l’Esprit est appelé une eau. Il leur dit : « C’est parce que l’eau est à la base de tout ; parce que l’eau produit la végétation et la vie ; parce que l’eau descend du ciel sous la forme de pluie ; parce qu’en tombant sous une seule forme, elle opère de façon multiforme. […] Elle est différente dans le palmier, différente dans la vigne, elle se fait toute à tous. Elle n’a qu’une manière d’être, et elle n’est pas différente d’elle-même. La pluie ne se transforme pas quand elle descend ici ou là mais, en s’adaptant, à la constitution des êtres qui la reçoivent, elle produit en chacun ce qui lui convient ». Et Cyrille poursuit : « L’Esprit-Saint agit ainsi. Il a beau être un, simple et indivisible, il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté. […] Bien que l’Esprit soit simple, c’est lui, sur l’ordre de Dieu et au nom du Christ, qui anime de nombreuses vertus ».
L’Esprit est comme l’eau. Il procure en nous l’ « adoucissante fraîcheur » (Veni Sancte Spiritus) : il « lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé ».


L’Esprit est comme le feu : il nous fait brûler de l’amour de Dieu. L’Esprit est comme un souffle : il nous donne la vie de Dieu. L’Esprit est comme l’eau : il est nécessaire à notre vie de baptisé.
« Viens, Esprit-Saint, en nos cœurs !
Viens en nous, père des pauvres ! Viens dispensateur des dons ! Viens lumière de nos cœurs ! »

AMEN.

Michel Steinmetz †

mercredi 27 mai 2009

Notice sur la "prière du matin" à paraître in "Caecilia" N°4 / 2009

- La prière du matin-

A première vue, il semble quelque peu paradoxal d’évoquer ici une prière habituellement personnelle et faisant partie de la vie spirituelle individuelle de chacun. Comment l’articuler avec les questions du chant ? A moins que de ne chanter tout seul ? Comment rejoindre la dimension communautaire et donc liturgique de cette prière ? A vrai dire, nous ne voulons pas retenir pour notre propos la prière privée mais nous souhaitons envisager la louange matinale telle qu’elle peut être effectivement célébrée modestement par plusieurs chrétiens ensemble, à des moments privilégiés et particuliers : au comencement d’une réunion matinale de laïcs, à l’accueil avant une journée de formation, etc…

Au cours des premiers siècles, le christianisme voit se développer deux formes de prière quotidienne, alors que l’eucharistie n’est pas systématiquement célébrée, quant à elle, chaque jour : l’office cathédral[1] et l’office monastique. Ainsi, s’appuyant d’ailleurs sur l’usage juif de prier à des moments déterminés de la journée pour en faire une seule et même louange, les premiers chrétiens s’approprient cette pratique. Dans la première Lettre aux chrétiens de Rome, datée de la dernière décennie du Ier siècle, saint Clément de Rome précise déjà que les croyants sont fidèles aux recommandations de leur Maître lorsqu’ils s’acquittent des fonctions liturgiques « non pas au hasard et de façon désordonnée, mais à des temps et à des heures déterminées ».
Sans entrer dans des considérations historiques quelque peu complexes quant à la préexistence de l’une ou l’autre forme, on peut affirmer que l’ « office cathédral » a des racines plus proprement pastorales puisqu’il visait à rassembler les chrétiens d’un même lieu pour la prière commune, tandis que l’ « office monastique » est lié à une communauté particulière dans la volonté de vivre l’idéal monastique qui lui est propre.
Les offices monastiques n’avaient pas de relation particulière à l’heure du jour à laquelle ils étaient célébrés ; ils étaient un stimulant de la prière ininterrompue du moine. Ils consistaient en une psalmodie continue suivant la numérotation du psautier.
Les offices de type cathédral, construits autour de la louange matinale et du chant vespéral, développaient un symbolisme du soleil levant et de la lampe du soir en tant qu’images du Christ, lumière du monde. A la différence des offices monastiques, les heures cathédrales étaient clairement mises en rapport avec le temps de la célébration. Les psaumes, les chants, les symboles étaient choisis pour s’adapter à l’heure.

I. – Des repères théologiques

Il convient dans un premier temps de retenir trois critères qui nous permettront d’habiter le plus justement possible notre propre prière.
a. Une sanctification du temps par la prière.
La plus forte impulsion pour la prière quotidienne de la communauté primitive vient assurément de Jésus lui-même. Il s’est conformé aux usages de la loi juive et de nombreux passages des évangiles nous rapportent qu’il était bien un grand priant, qu’il a appris à ses disciples à prier (Mt 6, 9-13 ; Lc 11, 2-4) et qu’il les exhortait « à prier sans cesse sans se décourager » (Lc 18, 1). La communauté des disciples a suivi fidèlement l’exemple du Seigneur comme l’attestent encore les Actes des Apôtres et les épîtres. Il n’est pas étonnant que, très tôt, des heures fixes aient été instituées pour la prière : parmi elles, les prières du matin et du soir. La prière chrétienne habite donc l’ensemble du temps de la journée, le marque autant qu’elle le sanctifie, en faisant une louange unique ininterrompue qui traduit l’attitude d’une âme tout entière tournée vers le Seigneur.
b. Prier par, avec et dans le Christ.
La « filiation » que nous avons pu repérée précédemment (Jésus se conforme à la prière du Peuple élu et aux recommandations de la Loi, ses apôtres suivent son enseignement, tout comme les premières générations chrétiennes) nous permet d’établir que les croyants en priant de la sorte à différents moments de la journée agissent comme le Christ et s’établissent dans la même filiation. Leur prière, personnelle et communautaire, est donc appelée à devenir authentiquement la prière même du Fils à son Père dans l’Esprit :
« La prière adressée à Dieu se relie au Christ, Seigneur de tous les hommes et unique Médiateur, le seul par qui nous avons accès auprès de Dieu […]. Car c’est dans le Christ et en lui seul que la religion humaine trouve sa valeur salvatrice et atteint son but. »[2]
c. La prière de l’Eglise
Depuis le temps des Apôtres, l’Eglise cherche non seulement à répondre à la sollicitude de Dieu en célébrant l’eucharistie par la louange et l’action de grâce, mais elle n’a jamais cessé d’intercéder pour tous les hommes. Elle se présente comme une « Eglise en prière » (Ecclesia orans). Cette attitude s’exprime particulièrement dans ce qu’on appelle la « liturgie des Heures ». En s’unissant à Jésus-Christ dans sa prière, l’Eglise accomplit sa nature, elle accomplit ce qu’elle est déjà et crée ainsi l’énergie qui lui permet de devenir ce qu’elle doit être et n’est pas encore. A ce titre, la prière qui marque les heures même s’il est de fait privée ou personnelle, par défaut, est toujours liturgique et doit se rattacher, si ce n’est dans les formes mais au moins en esprit, à la grande prière de l’Eglise qui dialogue avec son Seigneur.

II.- Deux modèles

A partir du moment où la prière du matin est célébrée en commun, il importe encore bien plus qu’on témoigne du souci de s’inscrire dans la prière de l’Eglise qui rend grâce pour le jour nouveau du Christ qui se lève, mémoire quotidienne du mystère de Pâques où Dieu fait toutes choses nouvelles et recrée l’univers dans la victoire de son Fils. On proposera ci-après deux modèles possibles qui permettront d’élaborer une trame.
a. La prière du matin dans l’office cathédral
La structure fondamentale de la louange du matin, telle qu’on peut la faire apparaître des différentes traditions locales jusqu’au VIème siècle, apparaît comme suit :
- Psaume d’ouverture (50 ou 62) suivie d’une oraison
- [ Psaumes (nombre variable) ]
- Lecture biblique
- Cantique de l’Ancien Testament
- Psaumes 148 à 150 avec oraison conclusive
- Hymne à la lumière
- Gloria in excelsis[3]
- Intercession et oraison
- Bénédiction conclusive
- Renvoi
b. La prière du matin (Laudes) dans la Liturgie des Heures
D’une structure, pour le coup, fort différente et héritière de l’office monastique, les « laudes » sont construites sur le schéma commun à la Liturgie des Heures. Aujourd’hui elles prennent en compte la vérité de l’heure et les textes proposés font référence à la louange matinale.
- Versets introductifs et doxologie (Gloire au Père…)
- Hymne (en lien avec le lever du jour)
- Psaume
- Cantique de l’Ancien Testament
- Psaume
- Lecture biblique brève
- [ Répons]
- Cantique de Zacharie (Lc 1)
- Intercession
- Notre Père
- Oraison
- Bénédiction conclusive.

A partir des repères théologique, qui sont autant de critères, à partir du donné historique, il est sans doute plus aisé d’envisager et de proposer une prière du matin qui entre dans le mouvement et rejoint la prière de l’Eglise. Bien sûr, les modèles proposés pourront, et devront, être adaptés en fonction des personnes, des moments et des lieux, mais on se gardera de dénaturer l’un et l’autre, et surtout les laudes qu’on aura tout avantage à célébrer telles qu’elles sont prévues[4] .
Il importe en effet de ne pas s’en tenir à une prière par trop personnelle qui ferait fi de tout lien à la prière proprement liturgique – matrice de toute prière !- dont le but est bien de nous orienter et de nous agréger à la prière même du Christ. Ce dessaisissement du chrétien de ses envies du moment, de ses angoisses, de ses marottes et dévotions personnelles lui garantit de grandir en liberté en s’abandonnant à une prière ecclésiale qui le porte lui-même en portant l’ensemble des croyants.

[1] Cet office n’a rien à voir avec la liturgie spécifique à une cathédrale, même si, primitivement, il était célébré par la communauté locale rassemblée autour de son évêque.
[2] Présentation générale de la Liturgie des Heures, N°6.
[3] On notera ici l’emploi de cette hymne avant qu’elle ne fasse partie intégrante de la messe au Xème siècle. Ce chant loue la divinité du Christ qui a pris notre nature humaine.
[4] On pourra se reporter soit à Prière du temps présent, soit à la Liturgie des Heures en 4 volumes. On trouvera aussi dans le mensuel Magnificat des propositions quotidiennes, ainsi que les textes officiels dans leur version intégrale et simplifiée sur le site : http://services.liturgiecatholique.fr/heures.php

dimanche 24 mai 2009

Homélie du 7ème dimanche de Pâques (B) - 24 mai 2009

Frères et sœurs,
Le départ de Jésus de ce monde change considérablement la donne. Désormais, il se sera plus jamais là à nos côtés comme il a pu l’être durant sa vie humaine, ni même encore dans les quarante jours qui ont précédé son Ascension. Non, Celui qui, ressuscité, s’était pourtant encore donné à voir à ses proches, à ceux qui avaient partagé sa vie et sa mission, est dorénavant absent. On peut comprendre le bouleversement et l’effroi des disciples : ils ont bien conscience de cet état de fait et se trouvent comme abandonnés, orphelins, livrés à eux-mêmes.
Jésus, au moment de son départ, leur promet le don de son Esprit pour poursuivre son œuvre. Il sait aussi, comme il l’avait déjà dit à Marie dans le jardin de la Résurrection, qu’il serait néfaste que ses proches s’imaginent que tout pourrait continuer comme avant, comme avant sa mort sur la Croix. Il pourrait rester là, présent sous une modalité nouvelle, pas vraiment comme avant, mais presque… Il faut, pour les disciples, vivre dorénavant dans la seule foi que leur ami et Maître demeure néanmoins présent au milieu d’eux par la force de son Esprit, qui est aussi l’Esprit du Père.
L’Esprit est-il alors la seule manière dont nous pouvons rester en contact avec Jésus ? Depuis deux mille ans, n’avons-nous pas d’autres moyens de bénéficier de sa présence ? Nous le savons : Il se donne dans sa Parole, Il est présent « là ou deux ou trois sont réunis en son Nom », Il agit par son Corps qui est l’Eglise. Mais remarquez qu’au centre même de tout cela se trouvent les Apôtres : ils sont les premiers témoins de l’annonce de l’Evangile, les chrétiens ne se réunissent qu’en lien avec la foi confessée par les Apôtres, l’Eglise tout entière est fondée sur leur foi.


I.- Qui sont les Apôtres ?


Il faut d’emblée rappeler que le terme d’apôtre apparaît seulement après l’évènement de la Résurrection. Auparavant, on parle du groupe des Douze et d’un cercle plus large de disciples. Au sens strict, l’apôtre est celui qui reçoit mission d’agir en nom et place de celui qui l’envoie. C’est en quelque sorte un représentant plénipotentiaire. Or, tant que Jésus est physiquement, humainement présent au milieu des siens, il n’y a nul besoin d’avoir un tel représentant. La question évolue par contre après son Ascension et la Pentecôte. Les Douze seront considérés comme des Apôtres, mais d’autres aussi : Paul, notamment. Présentement, il s’agit alors pour les Onze de choisir le remplaçant de Judas. Nous lisons dans les Actes des Apôtres : « il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis son baptême par Jean jusqu’au jour où il a été enlevé. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection ».
L’apôtre est donc celui qui partage un compagnonnage effectif de vie avec Jésus, ou tout du moins qui l’a connu, et celui surtout qui peut attester de sa résurrection d’entre les morts. C’est là en même temps que le critère de choix, la mission même de l’apôtre chargé de témoigner de ce que les Onze appréhendent déjà comme le cœur de la foi chrétienne.

II.- Des Apôtres pour quoi faire ?


Avec le départ de Jésus pour la droite du Père, les disciples passent d’une visibilité historique, selon l’expression des théologiens, à la foi. Pour faire simple, on peut dire que dorénavant ils ne pourront plus s’appuyer sur la présence de Jésus, ils devront faire face par eux-mêmes à la mission qui leur est confiée. Jésus connaît leurs faiblesses et leur humanité : il est le premier à avoir foi en eux. Il sait qu’il sauront, avec l’aide de l’Esprit, se montrer à la hauteur.
Les Apôtres auront à être témoins, c’est là leur rôle essentiel : ils devront rendre compte de ce qu’ils auront pu vivre, de l’expérience bouleversante de foi qu’il auront pu faire. Ils appelleront à la foi : si Jésus leur a fait confiance, d’autres devront pouvoir à leur tour leur faire confiance.
Si la foi se compose de notre assentiment à un certain nombre de valeurs évangéliques, de préceptes, de dogmes, elle repose bien plus fondamentalement encore sur cette confiance dans le témoignage des Apôtres. Je crois que ce qu’ils nous ont rapporté, que ce qu’ils ont vécu est vrai, et, à ce titre, je consens à le recevoir comme vrai au point d’y fonder mon existence.

III.- L’Eglise des Apôtres.

Bien sûr, nul ne peut aujourd’hui prétendre au titre vénérable d’apôtre. Est-ce pour autant que la mission des Apôtres a disparu ? Quand nous disons le Credo, nous affirmons croire en l’Eglise apostolique. Cela signifie que notre Eglise est tout entière fondée sur le témoignage premier et fondamental des Apôtres, mais cela signifie aussi qu’au cours de siècles, ce témoignage s’est transmis de génération en génération. La mission des Apôtres s’est ainsi perpétuée.
Dans quelques jours, nous fêterons la Pentecôte, nous nous souviendrons du don de l’Esprit et mieux encore nous le demanderons pour nous. Je crois que tous les baptisés, clercs ou laïcs, chacun à la place qui lui revient, est appelé à se saisir à pleines mains de cette mission apostolique. Je disais il y quelques instants que tous les moyens de rencontrer le Christ – et l’annonce de la Parole, et la présence du Christ au milieu des croyants, et la vie entière de l’Eglise, reposent sur ceux qui ont reçu mission d’agir au nom du Christ.

Je vous laisse avec ces questions : comment, aujourd’hui, sommes-nous des témoins de la foi transmise par les Apôtres ? Comment avons-nous à cœur de la transmettre aux générations futures ? Comment en parlons-nous ? avec dérision, légèreté, respect, conviction ? Avez-vous à cœur de vous ouvrir à l’Esprit-Saint dans votre prière ? Si ce n’est pas le cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire dans ces jours qui nous séparent de la Pentecôte…

AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie du 6ème dimanche de Pâques (B) - 16 mai 2009



Profession de foi des jeunes


Pourquoi sommes-nous chrétiens ? Quelle est la raison fondamentale qui nous pousse à nous déclarer comme tels ? Parce que nous inclinons à penser que Jésus est dans le vrai ? Parce que son message retient notre intérêt ? Parce que nos opinions personnelles rejoignent peu ou prou les valeurs de l’Evangile ou s’accordent avec celle de l’Eglise ? Hélas, toutes ces réponses passent à côté de l’essentiel. Mais elles nous renvoient, elles vous renvoient chez jeunes, à l’essentiel. Aujourd’hui devant vos familles, vos amis venus vous entourer, vous « professez » votre foi, vous reprenez à votre compte les engagements de votre baptême. Vous entendez assumer cette identité, en appréhender les richesses malgré les clichés qui circulent sur les gens qui décident de croire, sur les chrétiens et l’Eglise en particulier. Alors, croire est-ce une tare ? Est-ce un « emmerdement », pardonnez le langage, de plus dans la vie ? N’est-elle pas assez compliquée pour y rajouter encore un fardeau supplémentaire ? Il nous faudrait adopter une ligne de conduite spécifique, vivre selon l’Evangile, c’est-à-dire poser des actes et renoncer à d’autres au nom de nos valeurs… alors que d’autres autour de nous paraissent vivre plus facilement, plus légèrement… Quel intérêt y aurait-il donc à croire ? Toutes nos réponses ne doivent pas nous faire oublier ce que les textes de la liturgie nous rappellent ce soir : nous sommes chrétiens, premièrement et fondamentalement, parce que Dieu nous a choisis : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis », dit Jésus à ses disciples. Cela renverse complètement la donne.

Etre chrétien, ce n’est pas d’abord une question d’engagement humain mais de volonté venant de Dieu. Bien sûr, notre désir de suivre le Christ est important et nécessaire. Mais si nous pouvons le suivre, si pouvons prétendre être ses disciples, témoigner de Lui dans un monde qui ne porte pas à le reconnaître, c’est parce que Lui nous en donne la force et nous appelle à cela. Etre chrétien, c’est le choix de Dieu, c’est faire l’expérience de son amour pour nous, c’est se laisser rejoindre par sa présence à nos côtés. Etre chrétien, c’est encore être convaincu que Dieu, quoique nous fassions, quoique nous disions, quoi que nous pensions, est toujours plus grand que les limites de notre cœur. Il veut notre bonheur et sait même être patient. Il nous choisit dans cet amour et se réjouit à l’idée que nous y répondions. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés ». Le choix de Dieu désigne d’abord sa volonté de nous choisir et ensuite, seulement, la ratification que nous faisons à cet appel en optant pour Dieu. Dans cet ordre-là, et pas dans l’autre !

Il nous retrouver le sens d’un christianisme qui soit celui d’une réponse plutôt que d’une obligation. Trop souvent, me semble-t-il, les gens s’imaginent qu’être chrétien consiste à respecter une morale dont on ne comprend plus tôt sur quoi elle est fondée ni les valeurs qu’elles portent. Beaucoup n’hésitent pas à dire que ce sont là des choses d’un autre âge, parfaitement dépassées. D’autres vont plus loin en affirmant que nous n’avons plus besoin d’un ordre moral. Concernant les chrétiens, ils n’ont rien compris, permettez-moi de le dire ! Et parmi eux, des chrétiens eux-mêmes sont dans le même cas ! Je n’obéis pas à une règle, une loi parce qu’elle m’est imposée, c’est tout le contraire : c’est moi qui comprend que l’amour que Dieu me porte est premier, et que, pour y répondre, la conséquence logique pour moi est de faire de ma vie la traduction, la réponse à cet amour. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Tout ce qui est chrétien est de l’ordre de la réponse. Notre prière ? Elle jaillit de notre écoute de la Parole de Dieu. Notre amour ? Il fait écho à l’amour de Dieu « qui nous a aimés le premier ». Ce serait une erreur grave que d’oublier la part de Dieu. Ainsi, si je suis chrétien, ce n’est pas d’abord parce que j’ai décidé de l’être, mais parce que Dieu l’a voulu et m’en a donné la grâce.

Chez jeunes, aujourd’hui, vous pourriez dire, et certains l’ont fait : « Quand j’étais petit, mes parents m’ont fait baptiser mais, maintenant, je suis grand, je vais choisir librement par moi-même ». Ce n’est pas totalement faux, mais qu’est-ce que cette liberté d’adolescent qui a envie d’en découdre avec l’autorité parentale sans ce choix de Dieu ? Quand, dans un instant, vous allez professer votre foi devant la communauté chrétienne, et avec elle, je vous invite à ne pas d’abord penser que c’est vous qui dites la foi de l’Eglise, mais c’est Dieu qui vous fait le cadeau de pouvoir la dire. Prenez ce don comme une chance qui vous est donnée. Ce soir, vous vivez une étape qui vous conduira vers la Confirmation, l’an prochain ; saint Jean nous rapporte les paroles de Jésus ainsi : « demeurez dans mon amour ». Pour l’évangéliste, « demeurer » a le sens de « persévérer ». Je ne saurai que trop vous inviter à « persévérer » avec sérieux et assiduité ; cette invitation, je l’adresse aussi à vos parents pour qu’ils s’impliquent toujours mieux et plus dans cette démarche qui achève le choix qu’ils ont fait pour vous au jour du baptême.Pour l’heure, ensemble, bénissons Dieu de vous avoir choisis, de nous avoir choisis !

AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie du 4ème dimanche de Pâques (B) - 3 mai 2009

Les hommes auxquels s’adresse Jésus, et qui, nous dit Jean, ne comprennent pas ce qu’il veut dire, ont pourtant lu dans Jérémie ou dans Ezéchiel que les chefs d’Israël se sont souvent conduits non pas comme des pasteurs, mais comme des prédateurs. Mieux que d’autres ils devraient comprendre à quoi on reconnaît un vrai berger.

On le reconnaît d’abord à ceci : alors qu’un berger ordinaire vit de son troupeau, le berger christique vit pour ses brebis : loin de se nourrir d’elles, le jour viendra où il se donnera lui-même en nourriture. Il ne prendra pas leur vie, il leur donnera la sienne. Car il veut qu’elles vivent.

C’est pourquoi, le vrai berger entre par la porte de la bergerie, il appelle chaque brebis par son nom et – ce sont les termes de l’évangile – il les fait sortir. Faire sortir, conduire dehors, ce sont les mots mêmes de l’Exode, qui est l’histoire d’une libération. C’est pourquoi, si Jésus est comme un nouveau Moïse qui va rassembler le peuple de Dieu, ce n’est pas pour le maintenir calfeutré dans un enclos faussement sécurisant, mais pour le libérer de tous ses enfermements et le faire sortir vers des terres de liberté, comme autrefois Moïse avait fait sortir son peuple de la maison de servitude.

Le sens de cette parabole est clair. Cet enclos fermé, sans issue, c’est l’image de notre monde, tout entier enfermé dans l’enclos de ses servitudes, et spécialement de la plus grande, à savoir la mort. Et qu’est venu faire le Christ, sinon ouvrir une brèche dans ce monde fermé ? Lui-même est le premier à être passé par la porte étroite de la mort, ouverte désormais sur des terres de vie et de liberté, pour que nous y passions à sa suite.

Mais Jésus nous dit autre chose. Cette pâque, ce passage de toutes les servitudes, celles de nos faiblesses, de nos convoitises et de notre mort à la liberté joyeuse des enfants de Dieu, ce n’est pas la transhumance d’un troupeau anonyme. Non : pour ce passage ultime, chacun de nous est appelé par son nom. Et comment ne pas être sensible à cette voix, puisqu’elle nous parle de notre Père ?

Car c’est le Père qui nous confie au Fils, et si Jésus nous demande de le suivre, c’est pour nous conduire à ce Père qui est notre source. A cela aussi on reconnaît que le Christ est le vrai berger : il ne nous garde pas pour lui, il ne nous confisque pas. Ce Pasteur est aussi un Passeur. Il nous séduit mais sans nous asservir. Il nous attire à lui, mais c’est pour nous tourner vers le Père.

Nous côtoyons chaque jour des hommes et des femmes désemparés, à la dérive et sans berger. Alors rappelons-nous que la vie que Dieu nous donne par grâce ne nous est pas donnée seulement pour apaiser notre désir de vivre. Mais pour que, Jésus l’a dit un jour à une femme de Samarie, cette eau vive devienne en chacun de nous une source à laquelle d’autres puissent venir à leur tour s’abreuver. C’est là le sens même de notre vocation commune à tous, celle donnée par le baptême. En ce jour où l’Eglise nous invite à prier pour les vocations, et évidemment de manière plus spécifique et insistante pour les vocations sacerdotales et religieuses, nous pouvons prier le Maître de la moisson, le Bon Berger de son Peuple :

Seigneur Jésus, toi qui choisis ce qui est faible
Pour confondre ce qui est fort,
Et ce qui n’est rien aux yeux du monde
Pour construire ton propre Royaume de vérité,
de justice, de beauté, d’amour et de paix,
Appelle aujourd’hui sans les retirer du monde,
Mais en les gardant du Mauvais,
Des disciples dont le cœur soit plein de tes pensées,
La bouche ardente de tes paroles,
Les mains promptes à tracer sur toute chair tes gestes de salut.
Donne-leur de prononcer par amour pour toi
un « oui » si spacieux
Qu’il embrasse, pour lui donner sens et fécondité,
Leur existence tout entière ;
Si spacieux, aussi, que, loin de le condamner,
Il embrasser le monde entier que tu aimes
Et pour lequel tu t’es livré jusqu’à la croix.
Donne-leur de sentir que l’appel une fois entendu
N’est jamais un événement passé,
Mais que chaque jour de fidélité
en révèle l’inépuisable richesse.
Fais de leur vie tout entière,
par ta grâce et pour ta gloire, une promesse tenue.
Conduis-les là où le vieil homme, en eux, répugne d’aller
Et donne-leur d’avancer en eau profonde
Jusqu’à cet Océan de lumière et d’amour
Que tu es toi, éternellement,
Avec le Père et le Saint-Esprit. Amen. (Fr. François Cassingena)

AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie du 3ème dimanche de Pâques (B) - 26 avril 2009

Quelle leçon scandaleuse nous donnent les disciples !

Cadenassés dans leur demeure, enfermés chez eux, non seulement ils ne courent pas les rues pour annoncer la Bonne Nouvelle, mais ils sont transis de crainte, travaillés par le doute. Même les femmes qui allèrent au tombeau demeurèrent muettes de crainte, nous dit l'évangéliste Marc (chapitre 16, verset 8).
Quel étrange exemple ne donnent-ils pas, eux qui les premiers devraient se répandre dans le monde pour annoncer la Résurrection du Seigneur? Et aujourd'hui même dans la lecture que nous venons d'entendre, il faut que Jésus en personne force les portes, s'impose à ses disciples, les oblige à une démonstration spectaculaire en s'invitant à leur table contre leur gré, pour les sortir de leur incrédulité.
Qu'en est-il alors de la joie rayonnante de Pâques, de l'éclat communicatif du message, de la lumière soi-disant vainqueur des ténèbres ? Tout le discours fébrile qui remplit nos liturgies depuis Pâques ne serait-il pas ainsi contredit par la tiédeur et la paralysie des disciples ?


Mais c'est peut-être que nos enthousiasmes sont quelque peu déplacés. En matière religieuse, l'enthousiasme et l'exaltation ne sont jamais bonnes conseillères, et la réserve des disciples, leur peur même devant le message à diffuser, leur incrédulité pourraient bien nous enseigner quelque chose de fondamental. Si vraiment la résurrection de Jésus est une nouvelle inouïe, sans précédent, une réalité sans commune mesure avec l'expérience commune, comment serait-il possible d'être de plain-pied avec elle? Comment pourrait-on la diffuser comme une denrée banale vendue sur les trottoirs au hasard des rues? Comment serait-il possible de la monnayer comme de l'évident ou de l'immédiatement accessible? On opérerait alors un faux monnayage à l'égard d'une expérience dans laquelle on ne peut entrer que peu à peu, qui ne peut que se dévoiler avec le temps, en ayant travaillé, bouleversé, retourné, converti ceux et celles qui l'ont d'abord accueilli sans comprendre, sans pouvoir comprendre.


C'est pourquoi Jésus promet à ses disciples dépassés par l'événement que l'Esprit leur sera donné ; et cette annonce de la Pentecôte indique qu'en effet ils ont encore du chemin à faire, qu'ils ont à s'ouvrir à ce qui leur échappe, qu'ils ont à être initiés pour entrevoir un peu mieux ou un peu moins mal de quoi il s'agit.
Comment ne pas comprendre que l'expérience des disciples doit être la nôtre? Ne faisons pas les fanfarons, ne proclamons pas trop hâtivement que nous avons compris, que nous savons de quoi il s'agit avec la résurrection de Jésus. Admettons humblement que l'événement nous dépasse, que nous avons toujours à nous ouvrir à son mystère, à sa grandeur, à son inouï. Admettons que nous ne comprenons pas bien et que nous avons besoin de l'Esprit pour grandir dans une expérience qui nous dépasse. Jésus doit forcer la porte de notre entendement et de notre cœur pour qu'Il nous explique les Écritures et pour que nous échappions à nos doutes et à nos peurs. Pour cela, encore convient-il, comme les disciples, de reconnaître nos doutes et de confesser nos peurs…


Mais il faut éviter une nouvelle méprise. On pourrait penser qu'une fois l'Esprit advenu, la clarté va nous envahir, que tout sera net et bien compris, bref que la résurrection du Seigneur aura en quelque sorte perdu son mystère. Comme si l’Esprit venait boucler, fermer, conclure ce qui doit rester ouvert, béant, toujours mystérieux. Bien au contraire il nous faut avouer que, même animés de l'Esprit, nous ne sommes jamais bien assurés de croire ce que nous professons croire, que l'objet de notre foi nous reste toujours à distance. Bienheureuse distance si elle veut dire que la Résurrection du Seigneur suscitera toujours en nous l'étonnement, la stupeur, la surprise, qu'elle ne sera jamais réduite à du bien connu, à du familier vulgaire et disponible. Cette ouverture sera alors la condition de notre croissance dans la foi, et comment serait-elle possible en effet si nous pensions que l'Esprit nous comble de certitudes apaisées ou que nous savons tout de ce qui est à croire ? L'attente de l'Esprit est donc l'attente de cet émerveillement qui creusera en nous le désir de croire et de comprendre, en sachant qu'un tel désir ne sera jamais saturé ou satisfait, puisqu'en l'affaire il y va du désir de Dieu même.

AMEN.

Michel Steinmetz †