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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 20 septembre 2008

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 21 septembre 2008

« Les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers ». Passe encore ! Tant que nous sommes ou nous considérons comme les derniers !
Mais quand il s’agit du salaire, de la rétribution, alors là, nous avons plus de mal à faire passer la pilule ! « Faut pas pousser ! », avons-nous envie de nous exclamer. Franchement, pour le coup, nous nous sentons lésés. En matière de foi, nous ne nous situons aucunement parmi ces derniers arrivés ; notre présence à cette célébration en est déjà un signe : nous ne sommes pas à reléguer à la dernière place. Contrairement à d’autres, qu’on se le dise, nous essayons de pratiquer, de mettre notre foi en œuvre, de vivre chrétiennement. Parfois nous peinons sur le rude chemin des exigences de l’Evangile. D’autres paraissent mener une vie si simple, si libre : ils paraissent délivrés de bien des fardeaux dont nous nous chargeons « à cause de Jésus », même si c’est en toute liberté et souvent avec joie, disons-le aussi.
Raison de plus, donc, de nous sentir flouer. Comment, nous, qui agissons de la sorte, qui donnons de notre personne au Christ et à son Eglise, nous ne saurions espérer rien de plus que ceux qui, un jour, prendraient le train en marche ?
La justice semble prise en défaut. Et à l’évangile de nous introduire à une justice étrange, une justice différente car selon le cœur de Dieu. Enfin, la récompense tant attendue n’est-elle pas non un salaire mais l’expérience même du Christ vivant ?

I.- Une justice prise en défaut.

Nous pensons spontanément qu’un travail plus long et plus pénible se doit d’être rémunéré davantage. A vue humaine, le maître de la vigne agit en dépit de toute justice sociale. Nous pouvons légitimement nous interroger sur cette parabole. La justice de Dieu n’en serait tout compte fait pas une ? La justice de cette parabole peut-elle donc devenir la mesure de notre justice terrestre ?
Certes, l’évangile ne dit pas que soit mauvaise cette justice qui est nôtre sur terre et demande l’égalité. Il ne nie pas qu’une telle justice soit un premier pas vers l’humanisation de l’homme, un premier effort pour surmonter la violence et son arbitraire. Que serions-nous sans la justice, bien imparfaite certes, mais à laquelle nous ne cessons de vouloir œuvrer pour bâtir un monde plus fraternel ?
La Parole de l’évangile manifeste, cependant, pour sa part, que le fameux « œil pour œil, dent pour dent » est totalement incapable de chasser la violence qui pervertit toute relation. A y réfléchir un temps soit peu sérieusement, on sait bien qu’infliger à l’autre le mal qu’il nous a fait subir n’endigue pas la violence : il conduit au cercle vicieux de la vengeance.

II.- Une justice selon le cœur de Dieu.

Sans donc mépriser la justice humaine, Jésus nous introduit, par la parabole, à la justice selon le cœur de Dieu. Il ne s’agit pas de politique sociale ou de management, il s’agit de l’inépuisable générosité de Dieu.
Isaïe l’annonçait déjà, en s’exprimant au nom de Dieu : « mes pensés ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins ». Et d’ajouter, pour bien se faire comprendre : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées ».
Le maître que nous servons n’a jamais assez d’ouvriers à sa vigne et il embauche largement : toute contribution, grande ou petite, sera payée de retour. Si cela vous choque, vous réagissez comme un salarié venu vendre sa force de travail. Si cela vous réjouit, vous réagissez comme une fille ou un fils heureux de faire fructifier sur la terre l’héritage que le Père destine à ses enfants ; vous êtes entrés dans la logique de cœur de Dieu.

III.- L’expérience du Christ vivant.

La récompense promise n’est pas un salaire, un dû – vous l’aurez compris – au prorata de l’ancienneté, de notre conscience professionnelle, de notre intéressement, des heures supplémentaires, fussent-elles défiscalisées… ou que sais-je d’autre encore, c’est le droit à participer aux travaux de la vigne du Seigneur, et pour reprendre le langage de la parabole, d’avoir le Christ pour Maître, de le côtoyer, d’être associé à son ouvrage.
Le Seigneur connaît chacun de nous : Il sait ce dont nous avons besoin. Nous ne pouvons douter que, dans sa bonté, Il ne nous comble. Il n’oublie aucun de nos actes d’amour, de persévérance, de sacrifice, même les plus petits ou les plus ambigus, et Il leur donne un prix infini.
Oui, en vérité, ce qui compte par dessus tout, c’est de connaître le Christ ! « Cherchez le Seigneur tant qu’Il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu’Il est proche. » Il n’est pas question de récompense autre que celle-là, car une fois qu’on en jouit, on ne peut en espérer de plus grande !

Prions, en ce jour, afin que le Seigneur nous embauche à sa vigne ! Que nous puissions tous faire dès maintenant l’expérience du Christ vivant !
« Vas-tu regarder avec un œil mauvais, parce que moi, je suis bon ? », dit Jésus. Purifions notre cœur de toute jalousie pour nous réjouir d’être nombreux à être ainsi comblés !

AMEN.

Michel Steinmetz †

samedi 6 septembre 2008

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 7 septembre 2008

« Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël ! ». Devenir un guetteur, c’est-à-dire devenir celui qui, du haut des murailles de la cité, remplit cette haute charge de détecter le danger lorsqu’ils survient, de prévenir ses compagnons afin de garantir leur sécurité. Le guetteur accomplit son service avec zèle et attention, sans une once de relâche qui pourrait s’avérer fatale. Il est encore celui qui sait voir au loin, qui scrute et discerne. Cette mission est certes confiée au prophète, mais Jésus, dans l’évangile, nous rappelle que nous en sommes aussi dépositaires. N’avons-nous pas été faits, à notre baptême, « prêtre, prophète et roi », à la suite du Christ ?
Pourtant, j’ai déjà tant de mal avec mon propre péché et voilà que le Seigneur veut que je me mêle de la santé spirituelle de mes frères ! Non, croyez m’en ! Que chacun s’occupe de ses propres oignons, sans quoi ce sera la pagaille, non ? Imaginez si chacun se prenait de réprimander autrui !
Que signifie donc ce précepte de la correction fraternelle ? Si je dois reprendre mon frère qui a péché, c’est pour moi, c’est pour lui, c’est pour l’Eglise.

I.- Pour moi, tout d’abord.

La première lecture nous enseigne que le salut du prophète dépend de l’exercice de son ministère : il ne « sauvera sa vie » que s’il a « averti le méchant d’abandonner sa conduite ». Entendons bien : le Seigneur ne rejette pas le prophète qui aurait failli ; mais l’indifférence de celui-ci trahirait qu’il n’est pas - ou qu’il n’est plus - en communion avec Dieu, « qui fait lever son soleil lui, sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les justes » (Mt 5,45).
"Si ton frère a péché…" Tout d'abord, ne jamais oublier que celui qui a péché, c'est "mon frère". Avant d'être un coupable à punir, il est un frère à aimer. Cela change tout par rapport au regard que nous allons porter sur lui. Ce ne sera plus un regard soupçonneux ou accusateur, mais un regard qui accueille et redonne confiance. Jésus se présente à nous comme le médecin par rapport aux malades spirituels que nous sommes tous.
Si Jésus nous demande d'agir avec patience et délicatesse, c'est parce que lui-même agit ainsi. Et s'il agit ainsi c'est parce que son Père agit ainsi. Jésus avance lentement, s’il le faut, il marche à mon rythme. Il ne se décourage pas devant mes difficultés à me corriger. Là où le péché a abondé, son amour a surabondé. C'est ainsi que chacun de nous doit agir vis-à-vis de ses frères.
Vous l’aurez compris, c’est à notre propre conversion que le Christ nous appelle. Car, comment souhaiter la conversion des autres sans d’abord penser à la sienne propre ? Telle cette grand-mère qui disait : « Vingt ans j’ai prié pour la conversion de mes petits-enfants jusqu’au jour où j’ai entendu : ‘Et la tienne, Madeleine ?’. »

II.- Pour mon frère, ensuite.

Le pécheur est, hélas, toujours sa propre victime. C’est à nous-même d’abord que nous faisons le plus grand mal en succombant au péché, parce que nous nous éloignons de Dieu.
Nous devons faire cependant très attention à ne pas nous tromper sur le sens de cet évangile : vouloir "corriger" son frère, lui faire la morale, lui dire ses quatre vérités, c'est une manière de justifier tous les anathèmes lancés au nom de Dieu, c'est la porte ouverte à tous les fanatismes, tout cela au nom de l'idée que nous nous faisons de Dieu. Nous oublions alors que Jésus en est le centre. Il veut la vie et non la mort du pécheur. C'est autour de lui que doit se construire l'unité de ses disciples.
Lorsque quelqu'un se noie ou est victime d'un accident, la loi nous impose de lui porter secours. Si nous ne le faisions pas, nous serions coupables de non-assistance à personne en danger. Aujourd'hui, l'évangile nous rappelle que ce danger n'est pas que matériel. Il peut aussi atteindre l'esprit, l'âme et le cœur. Il peut compromettre l'équilibre psychologique et affectif d'une personne.

III.- Pour l’Eglise, enfin.

L’Eglise n’est pas un tas de sable, une poussière d’individus insulaires. Elle est ce grand corps dont nous parle l’apôtre Paul. Un membre est-il affecté ? C’est tout le corps qui souffre. Un membre est-il corrompu ou malade ? C’est tout le corps qui en pâtit. Croyez-vous que l’un de nous puisse faire le mal sans que cela nous affecte tous ?
A la question de Caïn « Suis-je le gardien de mon frère »[1], Jésus répond sans hésiter : « Bien sûr, puisque je te l’ai confié ; comment pourrais-tu prétendre m’aimer, sans porter le souci de ceux que j’aime ? » Si le prophète Ezékiel est établi comme guetteur pour la Maison d'Israël, c’est la même mission qui est confiée à l'Eglise d'aujourd'hui. S charité doit être non seulement prévenante, il faut qu’elle soit aussi guérissante. En tout ce qu’elle entreprend, elle doit viser non seulement à la construction de la communauté dans l’unité, mais aussi au maintien de sa paix, en la gardant dans la vérité de l’Evangile. Et il faut nous souvenir que nous ne sommes pas propriétaires, mais « serviteurs » de la Parole de Dieu : « L’Eglise envoie des évangélisateurs … prêcher non leurs idées personnelles, mais un Evangile dont ni eux ni elle ne sont maîtres et propriétaires… mais dont ils sont ministres (serviteurs) pour le transmettre avec une extrême fidélité. », écrivait Paul VI [2]. Et ceci ne vaut pas que pour les communautés paroissiales ou religieuses : nous portons cette responsabilité au cœur de tous les groupes humains que nous fréquentons : familiaux, professionnels, associatifs.

Cet évangile se termine par un appel à la prière. Quand deux ou trois sont réunis en son nom, il est là. Il est présent tout comme au Cénacle parmi les apôtres. Il veut entrer toujours plus dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle pour la rendre de plus en plus conforme à son amour. En venant à l'Eucharistie, nous accueillons tout cet amour qui est en lui pour mieux le communiquer aux autres.

AMEN.

Michel Steinmetz †
[1] Gn, 4, 9.
[2] Paul VI, Exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi », 8 décembre 1975.