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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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samedi 22 juin 2013

Homélie du 12ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 23 juin 2013

Chaque fois que Jésus arrive à un moment essentiel de sa vie, saint Luc nous le montre en prière. Car il ne s’agit pas pour lui de foncer n’importe comment en multipliant les activités, ni, avec ses disciples, de prendre une décision à la majorité. Une seule chose compte : accomplir exactement la mission que son Père lui a confiée. Que veut le Père ? Que doit-il faire, Jésus, pour lui être fidèle ?

« Un jour, Jésus priait à l’écart. »
En commençant par ces mots, l’évangile de ce dimanche souligne la gravité de l’instant. Jésus s’est à nouveau retiré dans la solitude, il a écouté son Père, il a médité les Ecritures, il a compris, il a pris une décision et il veut en faire part à ses amis. De retour près des disciples, il leur demande ce que les gens pensent de lui : « Tu serais comme Jean-Baptiste ou un autre prophète ». Il les accule non à répéter simplement les bruits qui courent à son sujet mais à se prononcer eux-mêmes : « Et vous, que dites-vous que je suis ? ». Car la foi n’est pas de colporter un on-dit, de répéter une leçon apprise des parents ou du catéchisme, de se conformer aux modes : il faut confesser la conviction à laquelle on est soi-même arrivé de manière personnelle par la médiation de l’Eglise.
Impulsif comme toujours, le brave Pierre lance le premier : « Tu es le Messie de Dieu ». Donc je crois que tu es plus qu’un prophète, un sage, un guérisseur : tu es l’ultime envoyé de Dieu pour sauver le peuple, tu es le Messie annoncé par les Ecritures. Jésus doit être heureux qu’enfin, après des mois, son groupe de disciples soit parvenu à cette foi ! Mais là-dessus il va leur livrer un enseignement auquel ils ne s’attendent absolument pas et qui va les renverser.

D’abord il leur interdit de répandre cette découverte. Pourquoi ? Parce que ce titre de Messie ne peut être compris par les gens que comme celui d’un meneur révolutionnaire qui va appeler au soulèvement afin de chasser les envahisseurs. Or Jésus s’est toujours démarqué de tout emploi de la violence armée. Ensuite, il annonce son destin paradoxal : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs de prêtres et les scribes, qu’il soit tué mais que, le troisième jour, il ressuscite ». Coup de tonnerre mais c’est pourtant ce qui arrivera. Jésus ne peut ignorer ce qu’il risque : rien moins que la mort. Mais, c’est là est son espérance et sa certitude, il ne doute pas que s’il accomplit exactement la mission de son Père, celui-ci ne l’abandonnera jamais et il le sauvera.

Deuxième coup de tonnerre pour les disciples. Jésus enchaîne : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, chaque jour, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi, la sauvera ».
Si quelqu’un veut être un vrai disciple (pas seulement de tradition), il doit renoncer à sa tranquillité et ses opinions toutes faites pour accepter le programme de Jésus. Il devra même « prendre sa croix chaque jour ». Ce qui ne signifie pas qu’il faut se résigner aux accidents de la vie ni encore moins s’infliger des peines et chercher des souffrances. Jésus n’est pas allé vers la souffrance et la mort parce que c’était le prix à payer pour calmer la colère de Dieu. Il est allé défier les maîtres du Temple à Jérusalem parce que, contrairement à ce qu’ils croyaient, ils étaient profondément infidèles à la Volonté du Père et qu’il fallait tenter de les convertir. Cette falsification de la religion était pour Jésus infiniment plus grave que l’occupation du pays par les troupes romaines. La vérité de la foi vécue - donc la révélation du vrai Dieu- est l’enjeu principal de la mission de Jésus.

Il n’y a pas d’autre chemin, et aujourd’hui encore Jésus nous répète : « Si tu écoutes la foule, si tu cherches à sauver ta vie par les moyens prônés par ta société, je te préviens, tu la perdras. Si tu me donnes ta vie, si tu la risques pour l’Evangile, si tu es prêt à tout perdre, tu gagneras ». On le comprend : impossible d’obéir à cette injonction sans que le disciple, à son tour, ne se mette à prier. Beaucoup. Longtemps. Sans arrêt.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

samedi 15 juin 2013

Homélie du 11ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 16 juin 2013

Les évangélistes ont tracé un portrait tellement noir des Pharisiens que ce mot a pris un sens péjoratif, synonyme d’hypocrite. Or le mouvement pharisien partait d’une excellente volonté. En terre d’Israël piétinée par les armées païennes et où la ferveur religieuse de beaucoup se relâchait, les Pharisiens se voulaient de vrais fidèles, décidés à appliquer la Loi de Dieu dans toute sa minutie et avec la plus extrême rigueur. Pour eux, ce n’était pas l’usage de la violence, préconisée par le mouvement zélote, qui apporterait la libération du pays mais au contraire l’obéissance la plus exacte possible à toutes les obligations de la Loi, donc à la volonté de Dieu. Acharnés à pratiquer les plus menus détails des observances, certains pharisiens en oubliaient l’essentiel ; les actes pieux et ascétiques se substituaient à l’amour et au partage ; la mentalité juridique durcissait les cœurs ; on se targuait d’être de meilleurs croyants que les autres, et on méprisait les pécheurs. On voulait faire son salut ! Pour cela, on se mettait « à part » (pharisien voudrait dire « séparé »).

Selon saint Luc, Jésus, à trois reprises, a accepté une invitation dans une maison pharisienne. Mais, à chaque fois, il ne se gênait pas pour démasquer l’hypocrisie. Ne faut-il pas alerter celui qui se croit en bonne santé alors qu’il est atteint d’une grave maladie ? Avec virulence, Jésus secouait ses hôtes pour leur ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard. Ce jour-là, Jésus est invité chez un Pharisien nommé Simon. Soudain, une femme se glisse subrepticement dans l’assemblée et s’agenouille derrière le divan où Jésus est allongé (on avait alors adopté les mœurs grecques des repas solennels).

Le texte suggère que, dans une circonstance non racontée, cette femme a rencontré Jésus, elle lui a avoué son état de péché et Jésus lui a offert gracieusement le pardon. D’où son effervescence, son allégresse qu’elle ne peut contenir, sa gratitude qu’elle exprime par ses gestes un peu fous accomplis ici devant tout le monde. Sa vénération, sa façon d’honorer Jésus montre de quelle immense miséricorde elle a bénéficié. Enfermée dans sa faute, réputée « impure » par l’entourage pharisien, condamnée sans appel, elle venait d’être libérée par le pardon. Comment ne pas faire mille folies lorsqu’on reçoit pareille libération, lorsqu’on se voit restituée dans sa pureté ?

« Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour » dit Jésus à Simon. Toi, tu es un honnête homme, tu n’as pas connu de grosses défaillances, tu te crois irréprochable, tu n’aurais même pas l’idée d’implorer pitié - en tout cas pas à moi, Jésus. Tu m’as reçu par curiosité, de façon très froide, polie mais sans plus. Tu désirais sans doute avoir avec moi une conversation intéressante sur des questions de théologie, de morale, de liturgie mais sans jamais te remettre en question. Elle, parce qu’elle était tombée très bas, désirait être sauvée et elle a cru dans la parole de pardon que je lui adressais. Et Jésus de dire à la femme : " Ta foi t’a sauvée. Va en paix ". Evidemment ce mot provoque l’effarement, le scandale.

Nos assemblées réunissent des bons pratiquants honnêtes, appliqués à faire leurs devoirs, persuadés qu’ils sont « des gens bien » et se tenant quitte en chantant distraitement « Seigneur prends pitié ». Aujourd’hui en des temps difficiles, quand tout autour de nous semble se déliter de la foi chrétienne, au moins de la manière dont nous l’avons vécu et pratiqué jusqu’ici, certains sont tentés par le repli dans un cercle des « convaincus, des engagés ». Sans doute, même en notre Alsace, nous ne pourrons plus être chrétiens sans nous laisser remettre en question, sans nous engager, sans payer de notre personne pour suivre le Christ. Si le christianisme doit donner l’impression d’être une religion d’un doux confort, alors il faut se méfier : un tel christianisme n’est pas l’école de l’évangile à la suite de la croix de Jésus. Restons-nous des pauvres, acceptons-nous de le devenir, suspendus à l’Infinie Miséricorde ?

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 7 juin 2013

Homélie du 10ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 9 juin 2013

Si l’événement de la résurrection d’un garçon à Naïn, petit village au sud-est de Nazareth, avait été raconté sur le champ par un journaliste présent, quel tintamarre, gros titre, accumulation de détails, appel à l’émotion, cris, larmes. Mais Luc raconte le fait cinquante ans plus tard, de façon très sobre, comme s’il s’agissait d’un incident somme toute ordinaire : rien de sensationnel, nul effort pour convaincre de la réalité du fait. Jésus se rendait dans une ville appelée Naïn. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule. Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on transportait un mort pour l’enterrer : c’était un fils unique et sa mère était veuve. Une foule considérable accompagnait cette femme.
Deux foules se rencontrent inopinément : Jésus suivi par ses disciples, émerveillés par ses guérisons miraculeuses, et un cortège funèbre où les gens pleurent autour d’une maman effondrée, avec des pleureuses qui crient des lamentations. La joie et la tristesse. La vie et la mort. L’espérance et la tragédie.

Jésus voit cette mère écrasée de chagrin, il est touché, il agit.
Le mot « pitié » est bien trop faible pour traduire Luc qui écrit : « Jésus est bouleversé aux entrailles », un verbe qui n’est utilisé par les évangélistes que pour Jésus. Il est touché au plus profond de son être devant les hommes perdus, devant les foules affamées, devant les pauvres…
Nous, trop souvent hélas, nous essayons de ne pas voir les faits qui nous dérangent, ou nous ressentons une vague pitié qui nous serre le cœur un instant et, la larme à l’œil, nous sentant impuissants, nous retournons à nos affaires en tentant d’oublier au plus vite. Jésus, lui, ose regarder vraiment l’autre souffrant, il entre dans son affreux malheur, il en est retourné comme une mère qui perd « le fruit de ses entrailles » ; ce drame l’interpelle, il se sent « responsable » (tenu de répondre) ; il s’approche au lieu de fuir ; il passe à l’action.
« Je te l’ordonne : lève-toi » : ce verbe tout simple est un des deux que les apôtres emploieront pour désigner la Résurrection de Jésus à Pâques : « Son Père l’a relevé…Il s’est réveillé ». Mais tandis que le jeune homme bénéficie d’un sursis qui lui permet de retrouver sa mère, de vivre encore quelques années sur cette terre avant de connaître une mort définitive, Jésus, lui, vivra de la Vie éternelle. C’est pourquoi il conviendrait mieux de parler ici de la « réanimation » de ce jeune plutôt que de sa « résurrection ».

Là où l’homme fait l’expérience de sa faiblesse et de la précarité de son existence, il fait aussi l’expérience de la puissance de Dieu, plus forte que la mort. Nos lamentations et nos interrogations sont vaines face à la mort, vaines aussi nos paroles de réconfort et de compassion. Les deux mères de la première lecture de l’évangile ont perdu leur plus cher trésor en la personne de leur enfant, et nul ne peut rien pour elles, sauf Dieu. La prière d’Elie sera vaine également, si elle ne suscitait pas cette merveilleuse réponse divine du souffle vivant et vivifiant. Elie s’efface devant le prodige, et la femme a compris quelle en est la source : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu ».
Bien plus qu’un homme de Dieu et bien plus grand qu’un prophète, Jésus, le propre Fils de Dieu, dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi et marche ! ». Qui aurait l’audace de commander la mort, sinon Dieu ? Sa compassion pour la mère anéantie n’a pas été une simple sympathie humaine, comme celle de la foule. C’est un amour puissant et agissant qui annonce déjà la vraie résurrection, au matin de Pâques.

Notre société moderne est très fière de s’être débarrassée des vieilles superstitions religieuses et des légendes de la Bible : la seule chose qui vaille, c’est de goûter le bonheur, profiter de la vie, aménager un nid douillet, jouir des loisirs inédits, donc gagner plus d’argent et se divertir. Pourtant la mort demeure. Mais en osant, malgré tout, chanter la victoire de Pâques, la communauté chrétienne compatissante célèbre le retour du Fils unique et, à sa suite, des fils « se lèveront » pour ne plus jamais mourir.

AMEN.

Michel STEINMETZ †