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jeudi 31 mai 2018

Homélie de la solennité du Corps et du Sang du Christ (B) - 3 juin 2018

Il y a de cela très longtemps, Dieu décide de se lier à un petit peuple. Il désire faire alliance. Etre leur Dieu pour qu’ils deviennent son peuple. Cette alliance, nous l’entendions dans le livre de l’Exode, reçoit un code, c’est-à-dire une règle de conduite, comme on parle bien moins fondamentalement de nos jours d’un dresscode. Pour que le contrat de l’alliance soit maintenu, il fallait des clauses. Dieu les donne à son peuple à travers les Dix Commandements transmis par Moïse. Ils sont la tenue à revêtir pour paraître sans crainte devant Dieu. Mais cela n’est pas tout. Pour montrer la force de l’alliance, Moïse accomplit un sacrifice d’animaux afin de répandre le sang sur l’autel et le peuple. On dit qu’on est lié par le sang ; ou l’on parle encore des liens du sang. Voilà ce que signifie ce geste. Il ne s’agit pas de se concilier l’attention de Dieu ou de l’acheter parce qu’il trouverait un intérêt à une telle offrande. Le sang répandu exprime le lien unique qui unit Dieu à celles et ceux qu’il a choisis pour devenir son peuple.
 
Le lien étroit, cependant, entre le code de l’alliance et le sacrifice ne peut pas être établi, parce que le sacrifice offert à Dieu est réalisé sur un animal. Il aurait été inconcevable de faire un sacrifice humain. Dieu lui-même avait montré qu’il le refusait en s’opposant au sacrifice d’Isaac par son propre père Abraham. Dès lors le sang répandu n’avait la force que d’un symbole évocateur. La nouvelle alliance que Jésus met en œuvre n’est pas différente mais elle est complètement achevée. En ce sens, elle est nouvelle parce que le sacrifice offert pour établir la communion n’est plus simplement le sacrifice d’un agneau pascal mais c’est le sacrifice que Dieu lui-même donne en son Fils. Le sang de l’alliance n’est plus le sang des animaux versé sur l’autel et sur le peuple, c’est le sang de Jésus répandu sur le monde pour sceller l’alliance entre Dieu et l’humanité. S’arrêter ici pourrait nous faire penser que Dieu aurait trouvé un quelconque plaisir au sacrifice de son Fils, ou la raison d’apaiser son courroux devant nos infidélités. Les paroles que Jésus prononce quelques heures avant sa passion, lors du repas pascal, éclairent le sens de sa mort dans la lumière de la résurrection à venir. Il y a bien un sacrifice et du sang versé, et il y a bien plus. « Prenez et mangez, ceci est mon corps… Prenez et buvez, ceci est mon sang… Vous ferez cela en mémoire de moi ».
 
Jésus se donne en nourriture. C’est-à-dire que sa chair livrée et son sang versé, sous la figure du pain et du vin eucharistiques, ne sont plus appelés à rester extérieurs à nous-mêmes. En communiant, comme nous le ferons tout à l’heure, et comme nous devrions le faire chaque dimanche, nous acceptons d’établir entre Lui et nous un lien du sang. Nous consentons à entrer dans l’alliance et à devenir les partenaires que Dieu s’est choisi. Nous ne sommes plus aspergés d’un sang symbolique, car le sang de Jésus coule désormais dans nos veines et nous sommes transfusés en vie divine. Sa chair se mêle à la nôtre pour faire de nous des hommes nouveaux et nous faire grandir dans la réalité d’enfants de Dieu.
 
A chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, nous rendons cette alliance présente et actuelle. Nous nous mettons à l’écoute de la propre Parole de Dieu, de cette charte qui nous exhorte à vivre dans la lumière et la vérité de l’Evangile, là encore non plus en respectant des commandements qui nous seraient extérieurs mais en accueillant en notre cœur le Verbe de Dieu qui nous régénère. Dans le même acte de culte, nous célébrons encore le sacrifice de Jésus, définitif et unique, qui nous installe dans la nouvelle alliance. Ce que Jésus a réalisé une fois pour toutes, cela redevient présent quand nous faisons ce qu’il nous a dit de faire.
 
Nous communions au Christ mort et ressuscité, pour que notre vie devienne à son tour signe de la mort et de la résurrection du Christ. Reconnaissez Celui qui vit en vous et faites-lui une place. Vous êtes ce que vous recevrez ; devenez ce que vous êtes déjà : le corps du Christ.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 18 mai 2018

Homélie de la solennité de la Pentecôte (B) - 20 mai 2018

Voilà cinquante jours qui ont passé depuis que Jésus est ressuscité ! Que de choses étonnantes et inattendues se sont déroulées depuis. Nous avons été témoins de cette délicate et pourtant réelle présence dans l’absence, cheminant peu à peu dans ce mystère d’une vie plus forte que la mort. Cette réalité que seul le christianisme proclame et ose proclamer depuis deux mille ans. Il ne s’agit pas d’une théorie, d’une idée ou d’une idéologie. Car à une idée, si belle soit-elle on pourra toujours en opposer une autre ; et à une idéologie en succède une autre. A la question ultime pour l’homme de savoir ce qu’il deviendra, par-delà les richesses accumulées ou le pouvoir gagné au long de sa vie, le Christ ressuscité apporte une réponse. Il n’y a rien de plus grand que la vie, qu’une vie qui se glisse dans l’éternité de Dieu.
Et depuis l’Ascension nous demeurions dans l’attente, celle d’une force, la force de Dieu, qui nous serait communiquée. Voici que ce don nous est fait. Non pas comme le souvenir de ce qui s’est passé à Jérusalem pour les apôtres et la Vierge Marie, mais comme une pentecôte pour nous, ici et maintenant. C’est là un nouveau passage pour nous, après celui de la Pâque. La Pentecôte porte la Pâque à sa pleine réalisation. Ce n’est donc pas pour rien que saint Augustin osait parler de ces cinquante jours comme d’un unique jour de fête. Voilà pourquoi le cierge pascal, allumé dans la nuit de la résurrection, n’a cessé de répandre sa clarté au milieu de nous et que, chaque dimanche, nous avons mémoire de notre baptême par le rite de l’aspersion au début de l’eucharistie.
 
Voilà que nous célébrons un nouveau passage. Nous sommes passés de la Pâque ancienne à la Pâque nouvelle et nous passons de la Pentecôte ancienne à la nouvelle et actuelle Pentecôte. Qu’est-ce à dire ? Le judaïsme primitif fêtait le début du cycle agraire annuel avec le germination de l’orge et, après la sortie d’Egypte, cette fête est aussi devenue celle de la libération de l’oppression par l’immolation de l’agneau puis le passage de la Mer rouge à pied sec. Cinquante jours plus tard, Pentecôte, à l’origine célébration des moissons, allait devenir le mémorial du don de la loi au Sinaï. Pour nous, cinquante jours après le sacrifice de l’Agneau véritable, le Christ, nous ne célébrons plus le don de la Loi que le doigt de Dieu a écrit sur des tables de pierre, mais l’action de son Esprit qui grave la loi nouvelle au fond des cœurs et les embrase de son amour. Cela n’est donc plus une action extérieure dont nous serions les spectateurs, mais quelque chose d’intérieur dont nous devenons participants : Dieu vient habiter en nous.
 
Ce que nous avons reçu, nous sommes invités à en faire part, sans réserve. C’est l’expérience déroutante que font les apôtres. Alors qu’ils étaient encore claquemurés au Cénacle, la loi de Dieu est inscrite au plus profond d’eux. Leur Pentecôte n’est ni dans le bruit qui survient du ciel, ni dans le violent coup de vent, ni même dans les langues de feu qui se partagent au-dessus de chacun d’eux – ce ne sont là que des signes -, elle est dans le fait qu’ils sont « remplis de l’Esprit-Saint ». Cette force, ce dynamisme, cette énergie qu’ils reçoivent les pousse à sortir. La peur n’est plus de mise. Ils osent le coup d’audace. Ils trouvent les mots pour se faire comprendre de tous. « Nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu ». Dans la suite du récit des Actes des Apôtres, d’après vous, qu’est-ce qui explique le nombre impressionnant de gens qui désirent devenir disciples de Jésus-Christ ? Eh bien, non l’obligation ou la contrainte, mais l’attraction.  Saint Augustin prenait cet exemple :
« Tu montres un rameau vert à une brebis, tu l’attires. On présente des noix à un enfant, il est attiré... Si donc ce qui est révélé des délices et des voluptés terrestres à ceux qui les aime les attire, ...comment le Christ révélé par le Père n’attirerait-il pas ? » (De praedestinatione sanctorum, 26, 5, p. 497).
 
Aujourd’hui l’Esprit descend sur nous et veut achever en nous l’œuvre de Pâques. Que Dieu devienne pour nous l’objet de notre désir. Alors nous en serons contagieux. C’est la nouvelle Pentecôte ! Laissons-Dieu embraser nos cœurs !
 
 
AMEN.
 
                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz

jeudi 10 mai 2018

Homélie du 7ème dimanche du Temps pascal (B) - 13 mai 2018

Le passage que nous venons d’entendre rapporte les dernières paroles de Jésus avant l’entrée dans sa Passion, selon le récit de l’évangile de Jean. Il s’agit d’une prière que Jésus adresse à son Père. Cela est très intéressant pour nous car cela nous encourage à avoir, dans notre propre prière, cette même intimité avec Dieu : tout lui dire, sans craindre de mal formuler, de demander l’inconcevable. Jésus nous offre là un modèle de prière qui consiste à entrer en dialogue avec Dieu. Il nous permet aussi de mieux saisir l’essentiel de sa mission dans le monde.

 
Nous avons bien présent à notre mémoire les termes de cette prière : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom pour qu’ils soient un comme nous sommes nous-mêmes » (Jn 14,21-22). Nous pouvons évidemment comprendre cette prière de Jésus pour l’unité de ses disciples dans un premier sens qui paraît assez clair. Que les disciples de Jésus soient capables de vivre unis les uns avec les autres, c’est la moindre des choses puisqu’ensemble, ils suivent celui qui les a appelés. Mais nous savons que parfois cette unité entre les disciples a pu apparaître fragile, en particulier quand ils discutaient entre eux pour savoir quel serait le premier.
 

Il y a un deuxième niveau de lecture : l’unité entre les disciples est une condition pour que leur message soit reçu et que le monde croit. Mais il ne faut pas nous tromper sur ce que le monde doit croire. Doit-il croire que les disciples sont meilleurs que les autres et donc que ce qu’ils disent est plus vrai que ce que disent les autres ? C’est là que nous arrivons au troisième niveau de lecture de ce que Jésus dit dans cette prière. L’unité pour laquelle il prie n’est pas simplement une sorte d’arrangement pour développer, comme on dit aujourd’hui dans notre société, une meilleure manière de « vivre ensemble » ; ce n’est pas simplement un appel à la tolérance mutuelle qui s’apparente par bien des côtés à l’indifférence, que chacun, selon ce qu’il croit, et que tous s’interdisent d’avoir le moindre avis sur ce que pensent les autres ou ce que vivent les autres… Le vivre ensemble serait cette espèce de tolérance universelle dans laquelle serait suspendu tout jugement moral pour éviter de susciter des tensions ou des conflits. Finalement ne rien penser pour avoir la paix et vivre dans le rêve utopique que tout penseraient la même chose.

 
Ce n’est pas cela que Jésus demande pour ses disciples. Il demande qu’il y ait entre ses disciples la même union, la même communion qui existe entre lui et son Père. Cela signifie que l’amour auquel il a invité les disciples, et qu’il leur a laissé comme son commandement, est plus qu’une obligation morale. Dans une amitié forte ou une relation d’amour, cela passe d’abord par la découverte mutuelle, puis par la confiance qui s’établit, cette belle certitude de pouvoir être sans craindre de jugement. Cette confiance ainsi instaurée, l’amour va plus loin encore : il cherche à répondre aux attentes de l’autre, et, s’il le fallait, jusqu’à se donner entièrement pour lui. Il ne s’agit donc pas simplement d’une question de bon exemple, ou d’une belle illustration de la doctrine chrétienne, ou de meilleure efficacité de l’apostolat, c’est la véritable identité de la communauté chrétienne. « Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et qui n’aime pas son frère qu’il voit, est un menteur », nous dit saint Jean (1 Jn 4,20).

 
Aussi, croire au Dieu de Jésus-Christ, c’est croire que Dieu est Père, c’est croire qu’il veut établir une communion radicale avec les hommes. C’est croire que malgré nos différences, malgré nos faiblesses, malgré nos fautes, nous sommes capables, non seulement d’établir des relations les uns envers les autres mais encore d’entrer dans une véritable communion fraternelle. Elle est le premier signe de la foi et donc le premier témoignage que nous sommes appelés à rendre. On ne peut pas vivre comme des frères si on ne reconnaît pas un même Père. Et inversement on ne peut annoncer que Jésus est le Fils de Dieu, que Dieu est notre Père, sans être entraînés immanquablement à vivre comme des frères. Laissons-nous à Dieu la possibilité d’être Père si nous refusons de nous reconnaître frères ?  

 

AMEN. 

 
 Michel Steinmetz

mardi 8 mai 2018

Homélie de la solennité de l'Ascension du Seigneur (B) - 10 mai 2018

Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir. Et pourtant, il le faut bien. L’Ascension du Christ est tout à la fois la fin d’un rêve et le début d’une espérance. Pour les apôtres, c’est la fin du rêve du rétablissement du royaume d’Israël tel qu’il avait existé au temps de la puissance de David. Comme le souligne le récit des Actes des Apôtres, les disciples avaient encore ce rêve, même après la mort et la résurrection de Jésus. Au moment où ils sont réunis autour du Seigneur, ils lui demandent en effet : « Seigneur est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » (Ac 1, 6). Et les deux disciples à qui Jésus s’était manifesté sur le chemin d’Emmaüs ne lui avaient-ils pas dit : « Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël » (Lc 24, 21) ?
 
Les disciples et les foules qui ont suivi Jésus au long de sa vie publique, ont entendu sa prédication et vu les signes qu’il faisait en guérissant les malades ou en multipliant les pains. Ils ont laissé grandir en eux l’espoir que la venue du Messie serait le rétablissement du Royaume. Mais l’arrestation, la condamnation, la Passion et l’exécution de Jésus ont ruiné cet espoir. Jésus ne rétablira pas le royaume d’Israël avec force et puissance ! Avec sa résurrection, commence l’annonce d’une espérance nouvelle. Le Christ ressuscité ne va pas établir sa puissance contre les Romains, et délivrer la Judée de l’occupant. Il ouvre un nouveau chemin dans l’histoire de l’humanité et donne à l’avènement du Royaume d’Israël une dimension nouvelle. Celui-ci ne consiste plus simplement dans le rétablissement du pouvoir politique sur Jérusalem et son Temple, mais il permet l’accomplissement de la vocation universelle du peuple élu d’être le signe de l’alliance au milieu des nations pour annoncer aux païens la bonne nouvelle du Salut.
 
L’Ecriture nous fait comprendre que le fait que le Christ quitte cette terre et n’y soit plus visible ne constitue pas une privation mais inaugure une nouvelle manière dont Dieu va se rendre présent à l’humanité. L’espérance nouvelle s’accomplira par le don de l’Esprit au jour de la Pentecôte et par la mission des apôtres. L’Evangile sera perçu comme devant être annoncé à tous sans distinction, et non pas comme réservé à un petit groupe. Dieu ne se sert pas des apôtres pour prendre possession de l’univers et donner à son dessein une forme politique. Il fait plutôt ce don aux hommes pour « organiser le peuple saint et accomplir les tâches du ministère » (Ep 4, 12). L’organisation du peuple saint n’est pas la structuration politique du monde, mais la construction d’une famille dans laquelle s’exercent les charismes selon les dons de Dieu pour « que nous parvenions tous ensemble à l’état de l’homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ » (Ep 4, 13).
 
La disparition physique du Christ en ce monde, n’est pas un abandon, mais substitue à la présence visible de Jésus le signe nouveau donné par l’Église à travers la communion de ses membres et l’organisation de ses ministères. Il est bon pour nous que le Christ nous ait quittés, car nous ne sommes pas plongés dans la tristesse de son absence, mais au contraire conviés à l’action de grâce devant les dons faits par Dieu à l’humanité. Le Christ confie sa mission à l’Église et rassemble en elle tous les peuples. Ils sont appelés à constituer un seul corps et un seul esprit pour manifester la puissance de son amour. Cette communion de tous en un seul Corps se réalise quand tous sont unis au Christ, qui agit comme le dénominateur commun. Unis en Lui, nous nous découvrons unis les uns aux autres. C’est ce qu’il se passe quand nous communions avec foi à l’eucharistie.
 
J’ai parfois l’impression que certains chrétiens sont sans force, ils ont tous reçu les sacrements, mais leur vie spirituelle tourne un peu en rond. C’est comme une voiture avec l’air climatisé, un bon moteur mais très peu d’essence. A quoi carburons-nous ? Il est temps plus que jamais de faire le plein d’essence, le plein de la force du Saint Esprit, pour notre Eglise, pour chacun de nous.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

mercredi 2 mai 2018

Homélie du 6ème dimanche de Pâques (B) - 6 mai 2018

Les paroles de Jésus que nous entendions à l’instant se situent au soir du Jeudi-Saint, tout juste après la Cène. C’est là comme le testament que Jésus laisse aux siens, des ultimes paroles pour tenter de leur rappeler l’essentiel de tout ce qu’ils ont vécu avec Lui, et ce qui leur permettra de comprendre ce qu’ils vont encore traverser avec Lui dans les heures à venir. Il y a quelques semaines nous avons célébré la semaine sainte, le vendredi saint, la mort de Jésus et sa Résurrection, le jour de Pâques, et nous avons été confrontés, comme les disciples, à la grande question de savoir ce que cela veut dire. En effet, on peut interpréter la mort de Jésus de toutes sortes de façons, soit comme une injustice, soit comme une lâcheté de Pilate, soit comme un acharnement des grands prêtres, on peut toujours trouver des explications humaines à l’événement lui-même, mais la question à laquelle notre foi est confrontée est beaucoup plus grave et beaucoup plus profonde : qu’est-ce que cela veut dire de la part de Dieu ? Faut-il voir la mort de Jésus comme un signe que Dieu a abandonné les hommes, comme un signe de désintérêt, d’indifférence de la part de Dieu sur les événements auxquels nous sommes confrontés ?
 
Ceux qui ont été témoins de la mort de Jésus pensaient que Dieu l’avait abandonné, et beaucoup au cours des siècles ont considéré que la mort du Christ sur la croix était comme un signe de la trahison de Dieu. Par les paroles que Jésus adresse à ses disciples, c’est une tout autre interprétation qui nous est proposée. Ce qu’il nous propose de voir dans ces événements ce n’est pas l’indifférence de Dieu, c’est au contraire l’amour de Dieu pour l’humanité. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Cet amour premier de Dieu va jusqu’au bout de sa logique : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Le signe que Dieu nous aime de l’amour le plus grand qui est imaginable, c’est précisément que Jésus offre sa vie pour l’humanité qu’il aime. C’est cela la bonne nouvelle de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus. C’est pourquoi cette annonce de la puissance de l’amour de Dieu à l’œuvre pour l’humanité est présentée par le Christ comme le cœur de son message, il n’y a qu’un seul commandement : le plus grand qui est le commandement de l’amour. Nous savons qu’existe dans l’univers au moins une personne dont l’amour est plus fort que l’infidélité, l’indifférence, ou la haine. Nous savons qu’il y a au moins une personne capable de pardonner quand on lui a manqué et que l’on se tourne vers lui. C’est cette proclamation de l’amour et de la miséricorde de Dieu qui doit remplir de joie ceux qui en reçoivent l’annonce : « Je vous ai dit cela » dit Jésus à ses disciples, « pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11).

C’est cette même personne, Jésus, qui se fait proche de nous au point de venir en nous chaque fois que nous communions à son corps. L’amour de Jésus va jusque-là. Il est à nos côtés à chaque instant. Il se propose à nous pour nous remplir de sa vie et de son amour. Alors si, bien sûr, il y a dans chacune de nos existences humaines des causes de souffrance et de tristesse, si nous n’avons pas tous les jours l’occasion d’être dans la joie, ce n’est pas la bonne fortune qui nous rend heureux, c’est la promesse de Dieu de nous aimer plus que tout et jusqu’au bout. Cette vraie joie vient de la parole de Jésus à ses disciples : « je ne vous appelle plus serviteurs mais je vous appelle amis » (Jn 15,15). Nous ne sommes plus par rapport à Dieu comme des serviteurs, nous sommes devenus les amis du Christ et les amis de Dieu, non pas parce que nous serions montés en grade, mais parce que Dieu nous a dévoilé le secret de son mystère qui est la miséricorde et le pardon. Oui, nous avons été choisis, nous avons été appelés, nous avons été établis comme Jésus nous le dit : pour porter du fruit et un fruit qui demeure.
 
La réponse que le Christ attend de ses disciples quand il leur fait cette annonce pleine de joie et d’espérance, c’est simplement qu’ils mettent en pratique le commandement qu’il leur donne : « nous aimer les uns les autres » (Jn 15,17) comme lui-même nous a aimés.
 
                                              
AMEN.
 
Michel Steinmetz