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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 25 septembre 2015

Homélie du 26ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 27 septembre 2015

Sur la route qui le mène à Jérusalem où il va vivre sa mort et sa résurrection, Jésus donne en privé à ses disciples des instructions qui bouleversent leurs conceptions… et sans doute les nôtres !
Les guérisseurs de ce temps avaient coutume d’accompagner leurs soins et leurs exorcismes par des invocations aux dieux et à de grands personnages célèbres pour leurs pouvoirs thérapeutiques Les apôtres ont remarqué un guérisseur qui opérait des guérisons en invoquant le nom de Jésus et cela déplait beaucoup à Jean. Cet homme me respecte, répond Jésus, laissez-le faire ; vous n’avez pas le monopole de mon pouvoir, vous verrez beaucoup d’hommes qui ne partagent pas votre foi mais qui luttent contre le mal, font du bien aux gens, leur rendent la santé. Croyants ou non, les hommes ne doivent pas rivaliser mais collaborer pour guérir et sauver tout homme, faire advenir la justice et la paix.
 
Bien des gens, continue Jésus, ne se convertiront pas à l’Evangile mais ils montreront de la compassion, ils vous viendront en aide, vous soulageront dans vos détresses. Même sans une foi déclarée, la pitié, la charité seront pour beaucoup chemin du ciel. Le concile Vatican II disait magnifiquement : « Puisque le Christ est mort pour tout et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » (Lumen gentium, 22).
 
Après l’ouverture aux incroyants, Jésus recommande à ses apôtres une grande vigilance à l’égard des disciples. La foi est une flamme fragile, exposée aux grands vents des tentations mais elle est un trésor d’une telle valeur que la faire perdre à quelqu’un par des paroles ou un comportement inconvenants est chose extrêmement grave qui entraîne la destruction.
 
Ce n’est pas seulement le mauvais exemple d’un autre mais son propre comportement personnel qui peut faire perdre la foi. Le langage de Jésus est certes imagé, mais on comprend que sa mise en garde est extrêmement grave. Les tentations viennent du cœur, de l’esprit : elles incitent la main à voler, les pieds à se rendre en des endroits périlleux, les yeux à être fascinés au point d’exciter une envie irrésistible. Les tentations sont humaines et normales car nos sens sont sollicités par la beauté, l’intérêt, l’attrait, l’utilité. Mais, en chaque cas, lorsque le désir risque d’entraîner dans l’infidélité, il est impérieux de ne pas tarder, de ne pas s’accorder des permissions dangereuses et de « trancher dans le vif ». Sinon il y a un moment où la résistance sera impossible et où l’on tombera dans le scandale. La fidélité dans la foi et la charité mènent à la vraie Vie et cet enjeu mérite toutes les luttes et tous les sacrifices y compris celui de sa vie corporelle.
 
Les dérives voulues et décidées font basculer dans la « géhenne ». Comment comprendre cela ?  Il y avait à la bordure sud-ouest de la ville de Jérusalem une terre qui avait appartenu à un certain Hinnôn, et que l’on appelait en grec « guè-hinnôn » (d’où le français « géhenne »). Cette terre avait été maudite car on y avait pratiqué jadis des sacrifices d’enfants, si bien qu’on en avait fait le dépotoir, la décharge de la ville. La vision des tas de détritus et de la vermine, l’odeur pestilentielle, la chaleur et la fumée qui s’en dégageaient avaient conduit à voir là une image de la putréfaction où s’abîmeraient les condamnés. Et on a parlé d’ « enfer ».
La vie humaine n’est pas un processus automatique où tous, quoi qu’ils aient commis, se retrouvent dans les délices ou disparaissent dans le néant d’une géhenne. Notre liberté décide, nous optons pour tel chemin et pas tel autre. Certes notre faiblesse est immense mais à la dernière minute, le criminel peut crier : « Seigneur, souviens-toi de moi ». Certains refuseraient-ils jusqu’au bout la Miséricorde ?...
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 18 septembre 2015

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 20 septembre 2015

A y regarder de près, l’annonce que fait Jésus de son mystère pascal conserve un caractère quasi-secret : seuls ses disciples sont mis dans la confidence. C’est, dans l’évangile de Marc la deuxième annonce de sa Passion. Jésus traverse la Galilée mais ne souhaite pas qu’on le sache car, déjà, l’issue tragique de sa mission commence à se dessiner. Le Christ est en proie à l’incompréhension de beaucoup, y compris des siens. L’entrée à Jérusalem est proche et il devient capital que les disciples entrent dans la compréhension de ce qui va advenir. Rien n’y fait cependant. Car pour comprendre un tant soit peu ce qui signifie la mort et la résurrection de Jésus au troisième jour, il faut être dans l’intimité de Jésus, en communion spirituelle d’offrande avec lui et d’ouverture à la volonté de Dieu. « Les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger ». Cette peur s’explique sans doute par le caractère lourd et insécurisé de ces jours-là. Alors plutôt que de s’attacher à la personne de Jésus, à essayer d’entrer dans la profondeur de cette annonce, de la relire à la lumière de tout ce qu’ils ont déjà vécu et de ce que dit l’Ecriture, les disciples préfèrent préparer l’avenir. Sans le dire ouvertement, ils sentent que bientôt Jésus ne sera plus là. C’est lui qui le dit. Il faut donc savoir qui reprendra les rennes. S’ils avaient mieux compris à ce moment-là qui est véritablement le Christ – nous revenons à la question de l’identité de Jésus posée dimanche dernier –, ils auraient saisi que Jésus tire son pouvoir de l’offrande totale de lui-même à la cause de Dieu, et non d’une fantasmagorique côte de popularité issue de ses miracles. Est premier aux yeux de Dieu celui qui consent à s’abaisser comme Jésus le fera, jusqu’à devenir le serviteur de tous. Est premier pour Dieu celui qui accepte de renoncer à lui-même par amour.
 
Pour bien se faire comprendre, Jésus place au milieu du groupe un enfant. « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille ». Ce geste et cette phrase de Jésus nous semble aujourd’hui bien sympathique et nous en recevons très volontiers la leçon. Mais dans le contexte où Jésus a posé ce geste, il devait apparaître comme déplacé et même choquant. En effet, dans l’Antiquité, l’enfant n’était pas considéré pour ses qualités d’enfant mais uniquement comme futur adulte. Dans ce geste de Jésus, ce sont bien les qualités de l’enfance que Jésus « met au milieu », donne comme référence. Et non point seulement comme une petite leçon de pédagogie nouvelle mais comme condition indispensable, incontournable, pour prétendre accueillir Dieu dans sa vie. Accueillir Dieu, c’est-à-dire s’ouvrir à ce qu’il attend de nous pour se laisser connaître.
 
Quelles sont ces qualités d’enfance que Jésus « met au milieu » ? Elles ne sont pas citées ici mais on peut les identifier assez facilement. Une qualité absolument essentielle est la capacité de confiance. Pouvoir faire confiance est une condition essentielle pour grandir, tous les pédagogues s’en accordent. C’est cette relation-là que Dieu veut avec nous, que nous devons vouloir avec lui, et non une relation de soumission, de ritualisme, de marchandage ou de partage de pouvoir. Car ce que Dieu a à nous offrir de plus précieux, c’est de nous faire partager sa propre vie. C’est là, vous ne conviendrez avec moi, une perspective plus intéressante encore qu’une distribution de postes, même prestigieux ! Or l’accès et le partage du pouvoir, voilà le lieu où ont l’air de se situer les disciples. Ils mettent la charrue avant les bœufs. Le pouvoir est service, et le service n’est vécu que dans l’imitation de Jésus. Tout découle de cela.
 
L'évangéliste ne vise-t-il pas déjà un problème dans l’Eglise primitive ? Et qu’en est-il maintenant ? Et qu’en est-il parmi nous ? Pas seulement en Eglise mais dans nos relations professionnelles ou sociales ? Il n’y a pas de pouvoir à partager dans ce drôle de Royaume qu’est le Royaume de Dieu. Il n’y a que différentes manières de servir.
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz
 
 
 
 

samedi 12 septembre 2015

Homélie du 24ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 13 septembre 2015


La question – fameuse – de Jésus à ses disciples est une question qui nous est renvoyée : « Pour vous, qui suis-je ? ». Les réponses étaient déjà variées et indécises du vivant de Jésus, elles l’ont été plus encore dans les premiers siècles du christianisme et jusqu’à nos jours : simple prophète adopté par Dieu, simple apparence humaine de la Parole divine, personnage tantôt homme, tantôt Dieu, pure nature divine pour en rester aux « classiques » parmi ce qu’on appelle les « hérésies » chrétiennes. Mais il y en eut bien d’autres où des dénominations et des concepts chrétiens, vite devenus incontournables, étaient simplement empruntés et plaqués sur des systèmes philosophico-religieux totalement étrangers et incompatibles dans leur fond au christianisme. Les polémiques sur l’identité du Christ ne sont pas terminées. Elles renaissent sans cesse, les unes procédant d’une honnête volonté de recherche, d’autres volontairement pernicieuses, s’exprimant sous forme d’ouvrages savants, de romans de gare ou de films à scandale. Le chrétien est là, comme le prophète Isaïe. Comme lui, il ne devrait ni se révolter, ni se dérober aux coups et quolibets de ses détracteurs. Il devrait être capable d’accueillir toutes les polémiques, même les plus injurieuses, sans condamner personne à mort mais en acceptant le débat.
 

Cette attitude d’ouverture ne signifie cependant pas ouverture au relativisme ni au laxisme. Le serviteur de Dieu, le disciple, est aussi celui qui ne se révolte ni ne se dérobe devant le contenu et l’exigence de la Parole de Dieu. Il est celui qui écoute cette Parole pour s’en instruire et pour en témoigner. En témoigner « valablement », car il faut être prêt à rendre compte de sa foi comme au tribunal ; il faut être prêt à s’avancer soi-même et dire : « comparaissons ensemble ! ». C’est le deuxième pas que veut nous faire faire l’évangile. Il ne suffit pas de rapporter des opinions ni d’y croire comme à une opinion. Jésus demande que l’on s’implique, que l’on s’engage, personnellement, dans une relation personnelle. Et entre Dieu et l’homme, cette relation personnelle est celle de la foi.
 
 
La foi ! L’épître de Jacques complète utilement le tableau qui risquerait, sinon, d’être abstrait. La foi sans les œuvres est une foi morte ! Non seulement la foi nous implique dans nos convictions, mais elle implique que l’on agisse, d’une action qui soit un témoignage du Salut en Christ et donc pas de n’importe quel acte de bienfaisance. Déjà la semaine passée, les paroles de saint Jacques venaient fortement nous interpeller. J’oserais dire : ce dimanche encore plus explicitement. Je suis persuadé que chacun de vous a une idée plus ou moins arrêtée sur la question de l’accueil des migrants. Ce mouvement ne va pas de soi, il interroge et questionne le fonctionnement sclérosé et parfois injustes de nos institutions étatiques. Je note aussi que l’on fait appel aux chrétiens considérés, pour le coup, des auxiliaires sérieux. Le pape François a demandé à toutes les paroisses et les communautés de se montrer accueillantes. J’en ai entendu qui ont dit : « Qu’il se mêle de ce qui le regarde ! », ou lu d’autres réactions stupides sur les réseaux sociaux. Personnellement je m’interroge. Mais peut-on le faire encore longtemps, une fois qu’on a entendu l’épître de Jacques ?

« Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller,
ni de quoi manger tous les jours ;
si l’un de vous leur dit :
‘Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim !’
sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ?
    Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. »

Ne faudrait-il pas que nous, Alsaciens, nous nous rappelions que le 1er septembre 1939, près de 500.000 personnes issues des 550 villages alsaciens situés le long du Rhin, furent évacuées en seulement 48 heures, emportant avec elles trente kilos d’effets par personne. A leur arrivée en Dordogne, certains les traitèrent de « sales boches », alors qu’elles étaient poussées à l’exil par la guerre et la barbarie nazie. C’était il y a seulement 76 ans.

"La peur de l’islamisation de l’Europe marque un déficit d’identité des chrétiens », a déclaré ces jours-ci l’évêque de Fréjus-Toulon dont le propos n’a pas manqué d’être relayé par la presse. Voilà pourquoi la question de l’identité du Christ est-elle aussi importante maintenant que quand elle fut posée à Pierre. Répondons au Christ comme et avec Pierre : « Tu es le Messie ».
 
AMEN.


Michel Steinmetz   

mercredi 9 septembre 2015

Homélie du 23ème dimanche du TEmps ordinaire (B) - 6 septembre 2015

L'actualité dramatique de ces derniers jours laisse peu de gens insensibles. Des flux de migrants arrivent vers l’Europe, comme rarement. Des populations entières fuient devant la barbarie et l’obscurantisme de leurs semblables. Elles se tournent vers l’Europe qui, croient-elles, est encore éclairée par sa belle âme. Or nous pouvons-nous demander quelle est encore cette âme ? Ne l’avons-nous pas perdue ou ne sommes pas en train de la perdre ? Il y a sans doute un nouveau monde qui se dessine à nos yeux. Son contour est flou, incertain. Nous ne savons pas s’il sera un monde de fraternité ou bien plus malheureusement un monde qui génèrera des conflits comme jamais. De telles migrations bouleverseront inévitablement les grands équilibres – déjà précaires – européens jusque dans les racines de notre continent. Que l’avenir pour la foi dans ce contexte ? Difficile d’y répondre.

 
Mais il est sûr que de telles situations demanderont aux chrétiens d’être plus engagés et audacieux, moins endormis et léthargiques qu’aujourd’hui. Si la foi chrétienne n’est pas annoncée de manière joyeuse et explicite, il est fort à parier que des solutions faciles et populistes l’emporteront. Dans ce contexte, l’appel de saint Jacques retentit au cœur de notre assemblée avec force en ce jour : 

Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps
un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or,
et un pauvre au vêtement sale.
    Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant
et vous lui dites :
« Assieds-toi ici, en bonne place » ;
et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout »,
ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied. »
    Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous,
et juger selon de faux critères ?

Frères et sœurs, selon quels critères jugeons-nous ? Nous jugeons-nous les uns les autres ? Quel regard portons-nous sur des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières qui doivent fuir leur terre ? Quelle sollicitude avons-nous envers nos frères et sœurs chrétiens persécutés dans ces mêmes terres ? « Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? »

 
L'audace missionnaire, celle dont nous manquons, Jésus en a fait preuve en rejoignant le territoire de la Décapole, une terre païenne. La foule – des païens donc – amènent à Jésus un sourd qui avait aussi des difficultés d’élocution. Devant le miracle accompli,  ils disaient : « Il a bien fait  toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets ». Très astucieusement Marc termine son petit récit en plaçant dans la bouche des païens la phrase d’Isaïe 35 qui évoquait l’allégresse des Judéens revenant d’exil au VIe siècle avant Jésus-Christ. Plus qu’un souvenir à rappeler, c’est une promesse pour l’avenir. En Jésus, Dieu aujourd’hui vient répandre ses bienfaits : enfin les aveugles voient et « les oreilles des sourds s’ouvrent ».          « Effata » ; les captifs de l’incrédulité s’ouvrent à la lumière de la foi ; la tristesse de la fatalité se mue en joie folle devant Jésus. Juifs et païens qui suivaient, depuis des siècles,  des routes différentes se rejoignent maintenant sur « la voie sacrée », le chemin de l’Evangile, Bonne Nouvelle de la libération universelle.


En racontant cette scène, Marc nous invite à poursuivre aujourd’hui ce travail d’« ouverture ». L’heure est venue de sortir de notre enfermement et de remarquer les « sourds ». Ne soyons pas scandalisés par les propos parfois odieux, parfois obscènes, par les affirmations d’athéisme. Ces gens « parlent mal » parce qu’ils n’ont pas entendu la Bonne Nouvelle. L’ouïe, bouchée par les décibels déchaînés ou les slogans menteurs d’une société fermée sur elle-même, ne peut entendre la douce voix de l’Evangile. Nombreux sont ceux qui attendent que quelqu’un vienne les prendre par la main et les conduise à la rencontre du Seigneur. Que nos communautés s’ouvrent, elles aussi, qu’elles les accueillent avec allégresse. Alors le chœur de la louange s’agrandira et ensemble nous proclamerons tout joyeux : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets ! »


AMEN.

                                                                                                                                                                                                                      
Michel Steinmetz