Sur la route qui le mène à Jérusalem où il va vivre sa mort et sa résurrection, Jésus
donne en privé à ses disciples des instructions qui bouleversent leurs
conceptions… et sans doute les nôtres !
Les guérisseurs de ce temps avaient coutume d’accompagner leurs soins et leurs
exorcismes par des invocations aux dieux et à de grands personnages célèbres
pour leurs pouvoirs thérapeutiques Les apôtres ont remarqué un guérisseur qui
opérait des guérisons en invoquant le nom de Jésus et cela déplait beaucoup à
Jean. Cet homme me respecte, répond Jésus, laissez-le faire ; vous n’avez pas
le monopole de mon pouvoir, vous verrez beaucoup d’hommes qui ne partagent pas
votre foi mais qui luttent contre le mal, font du bien aux gens, leur rendent
la santé. Croyants ou non, les hommes ne doivent pas rivaliser mais collaborer
pour guérir et sauver tout homme, faire advenir la justice et la paix.
Bien des gens, continue Jésus, ne se convertiront pas à l’Evangile mais ils
montreront de la compassion, ils vous viendront en aide, vous soulageront dans
vos détresses. Même sans une foi déclarée, la pitié, la charité seront pour
beaucoup chemin du ciel. Le
concile Vatican II disait magnifiquement : « Puisque le Christ est mort pour
tout et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir
divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu
connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » (Lumen gentium, 22).
Après l’ouverture aux incroyants, Jésus recommande à ses apôtres une grande vigilance
à l’égard des disciples. La foi est une flamme fragile, exposée aux grands
vents des tentations mais elle est un trésor d’une telle valeur que la faire
perdre à quelqu’un par des paroles ou un comportement inconvenants est chose
extrêmement grave qui entraîne la destruction.
Ce n’est pas seulement le mauvais exemple d’un autre mais son propre comportement
personnel qui peut faire perdre la foi. Le langage de Jésus est certes imagé,
mais on comprend que sa mise en garde est extrêmement grave. Les tentations
viennent du cœur, de l’esprit : elles incitent la main à voler, les pieds à se
rendre en des endroits périlleux, les yeux à être fascinés au point d’exciter
une envie irrésistible. Les tentations sont humaines et normales car nos sens
sont sollicités par la beauté, l’intérêt, l’attrait, l’utilité. Mais, en chaque
cas, lorsque le désir risque d’entraîner dans l’infidélité, il est impérieux de
ne pas tarder, de ne pas s’accorder des permissions dangereuses et de «
trancher dans le vif ». Sinon il y a un moment où la résistance sera impossible
et où l’on tombera dans le scandale. La fidélité dans la foi et la charité
mènent à la vraie Vie et cet enjeu mérite toutes les luttes et tous les
sacrifices y compris celui de sa vie corporelle.
Les dérives voulues et décidées font basculer dans la « géhenne ». Comment
comprendre cela ? Il y avait à la
bordure sud-ouest de la ville de Jérusalem une terre qui avait appartenu à un
certain Hinnôn, et que l’on appelait en grec « guè-hinnôn » (d’où le français « géhenne »). Cette terre
avait été maudite car on y avait pratiqué jadis des sacrifices d’enfants, si
bien qu’on en avait fait le dépotoir, la décharge de la ville. La vision des
tas de détritus et de la vermine, l’odeur pestilentielle, la chaleur et la
fumée qui s’en dégageaient avaient conduit à voir là une image de la
putréfaction où s’abîmeraient les condamnés. Et on a parlé d’ « enfer ».
La vie humaine n’est pas un processus automatique où tous, quoi qu’ils aient
commis, se retrouvent dans les délices ou disparaissent dans le néant d’une
géhenne. Notre liberté décide, nous optons pour tel chemin et pas tel autre.
Certes notre faiblesse est immense mais à la dernière minute, le criminel peut
crier : « Seigneur, souviens-toi de moi ». Certains refuseraient-ils jusqu’au
bout la Miséricorde ?...
AMEN.
Michel Steinmetz †