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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 29 mai 2015

Homélie de la solennité de la Sainte-Trinité (B) - 31 mais 2015

La Bible montre le cheminement séculaire qu’un petit peuple a dû parcourir pour épurer peu à peu ses conceptions religieuses. Dieu n’est pas un Baal qui assure fécondité des troupeaux et fertilité des champs ; Dieu n’est pas un guerrier qui envoie son peuple exterminer tous ses ennemis ; Dieu n’est pas un sadique qui demande aux pères de lui immoler leurs fils ; Dieu n’est pas celui qui assure toujours la victoire ; Dieu n’est pas un regard qui transperce le pécheur ; Dieu n’est pas un despote qui déchaîne sa colère contre l’innocent (Job) ; Dieu n’est pas un Juge faisant le compte de nos fautes pour nous envoyer en enfer. En Jésus, cette connaissance atteint son accomplissement. Dieu se lie à notre humanité. Dieu révèle son visage : Il est Amour.  C’est le lien entre ce Dieu et l’homme que les premiers chrétiens célébraient dans la joie - comme le montre l’Evangile, finale de l’évangile de Matthieu, dont les trois déclarations capitales sont à méditer.
Si l’idolâtrie est le péril capital où l’humanité s’enfonce dans l’horreur et va à la perdition, la reconnaissance du Christ Seigneur est la Bonne Nouvelle qui libère les hommes et les conduit à leur plénitude à la rencontre de Dieu. La mission n’est pas recherche de pouvoir d’une religion qui veut se soumettre le monde, elle n’est pas élan de fanatiques qui veulent imposer leurs convictions : elle est comme la fleur qui s’ouvre, comme la vigne qui offre ses fruits à tous, comme une joie qui se multiplie en se partageant, comme un bonheur que l’on ne peut cacher, comme un soleil qui dissipe les ténèbres.
« Allez, de toutes les nations, faites des disciples… ». Cette mission est universelle : elle s’adresse à tout être humain quelle que soit son statut social, sa langue, sa culture. Dans tous les continents, dans les bidonvilles crasseux comme dans les laboratoires en pointe, des temps apostoliques jusqu’à la fin des temps, l’Evangile ne sera jamais dévalué, inadapté. Quels que soient les refus auxquels il se heurte, le missionnaire sait que, au fond de tous les cœurs, même les plus corrompus, il y a une attente du Christ.
« Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » La mission reçue du Christ est l’annonce de la Bonne Nouvelle et le baptême des nations au nom du Dieu-Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Dès l’origine, ce rite a été proposé et accompli pour tous ceux qui désiraient se convertir. On ne se confère pas ce rite : il faut le demander à une Eglise que l’on sait pécheresse. Les premiers convertis savaient que Pierre avait été un lâche : il ne se prétendait pas parfait mais pardonné. En se laissant plonger dans l’eau, le païen meurt au péché et en se relevant, il communie à la Résurrection du Christ ; il renaît, il devient une créature nouvelle.
Il ne suffit évidemment pas d’être baptisé et inscrit dans un registre : le rite inaugural est la porte qui ouvre le nouveau chemin où le converti s’engage. Il a tout à apprendre : d’abord la vie de Jésus à travers les évangiles car la foi n’est pas d’abord une morale mais un lien, un attachement à une Personne. On n’exige pas du converti qu’il jure d’être un impeccable pratiquant de la Loi chrétienne : il est invité à se laisser aimer par Jésus et à l’aimer, à le reconnaître vraiment comme son Seigneur qui ne veut que son bonheur mais qui ne cessera jamais d’imposer toutes ses exigences : « tout ce que je vous ai commandé ».
 
« Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». A partir de la Galilée où ils avaient commencé à suivre le maître qui les appelait, les disciples peuvent maintenant s’élancer sur tous les chemins du monde, accompagnés invisiblement mais efficacement par ce même Jésus qui, ressuscité et vivant, demeure en eux, avec eux. Ils ne sont plus un groupe d’hommes qui suit un maître mais une communauté christique qui va essaimer, fonder ici et là d’autres communautés, toutes unies par la même confession de foi et par le partage du Pain et du Vin où se manifeste la présence du Dieu-avec-nous.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie de la solennité de Pentecôte (B) - 24 mai 2015

Lorsqu'un penseur éminent disparaît, ses disciples pleurent la perte de ce génie, composent des éloges funèbres, érigent des monuments à la mémoire du disparu. Lorsqu’un révolté, un meneur d’hommes, est capturé et exécuté, tous ses camarades se dispersent et disparaissent : la mort du chef provoque un irrésistible mouvement centrifuge, son programme est anéanti et la flamme de l’espoir s’éteint.  Or, après la mort de Jésus, tout se déroule différemment. Ses disciples réapparaissent complètement transfigurés : ceux que la peur avait dispersés dans la nuit sont réunis. Loin de pleurer, ils éclatent de joie ; au lieu d’organiser des pèlerinages sur la tombe du disparu, ils affirment qu’il est le Seigneur vivant en eux ; sans promettre des apparitions miraculeuses, ils se manifestent comme sa présence nouvelle. Jésus est ressuscité.
 
Comment expliquer ce retournement, cette conversion ? On a prétendu que les apôtres, d’abord anéantis par l’échec de ce maître qui les avait subjugués, s’étaient convaincus de sa survie, et que, jouets d’une hallucination, ils avaient inventé cette légende. Mais pourquoi inventer quelque chose qui allait leur coûter tellement cher ? En effet, ils étaient rejetés par leur peuple et même par leurs familles. Bref leur foi nouvelle les coupait de leur milieu, les rendait dangereux à fréquenter. D’ailleurs très vite Pierre, Jean et d’autres seront arrêtés, flagellés, jetés en prison ; Etienne sera lynché ; Jacques décapité ; la vie de Paul sera un chemin de croix. A tous ceux qui leur demandaient la raison d’une telle transformation, les premiers disciples n’avaient qu’une réponse : nous avons reçu l’Esprit de Dieu, la Force divine que Dieu par ses prophètes, puis Jésus lui-même, avaient promis d’envoyer. Cette heure est arrivée. Tout est accompli, plus rien n’est à attendre ; il n’y a plus qu’à répandre cette Bonne Nouvelle par tout l’univers et inviter tout être humain à recevoir l’Esprit qui recrée une humanité nouvelle.
 
Celui qui reçoit l’Esprit est comparable à un miroir. Il n’est pas lumière, il en se prend pas pour la lumière. Il n’en est que le bénéficiaire, le réceptacle. Mais le propre du miroir n’est pas non plus de conserver la lumière : il la réfléchit et la renvoie. Peut-être avez-vous déjà l’expérience de distinguer un miroir au loin : il peut même éblouir. Cela dépend de son positionnement face au soleil, de son inclination. La force de son rayonnement est extraordinaire. Nous-mêmes qui avons reçu l’Esprit par notre baptême et, en plénitude, au jour de notre confirmation, nous avons été polis par la grâce de Dieu  et ce n’est que notre péché, notre non-ouverture à la grâce, qui vient ternir notre éclat. Le disciple du Christ ne se prend pas pour une lumière car il sait qu’il la reçoit d’un autre qui vient brûler son cœur. Le disciple du Christ est fait pour réfléchir la lumière, pour la communiquer, pour en illuminer ceux qui souffrent et demeurent dans les ténèbres de l’existence humaine. Voilà pourquoi le disciple du Christ ne peut se contenter de se tapir dans un coin, bien à l’abri, en un lieu sûr et protecteur. Il doit sortir, au grand jour ! La prière chrétienne isole d’abord mais elle ne met pas à part, n’écarte pas dans la solitude ni n’enferme dans un peuple ou une culture : toujours l’Esprit démolit les protections, ouvre les portes, pousse à la rencontre, abolit toute frontière.
 
Le pape François le proclame depuis son premier jour : « Ne vous enfermez pas, je vous en prie ! C’est un danger...Quand l’Eglise reste fermée, elle tombe malade. Imaginez une pièce fermée pendant un an : quand on y entre, il y a une odeur d’humidité, beaucoup de choses sont en mauvais état. Une Eglise fermée, c’est la même chose, c’est une Eglise malade. L’Eglise doit sortir d’elle-même. Où ça ? Vers les périphéries existentielles quelles qu’elles soient...Que se passe-t-il quand on sort de soi-même ? Il peut arriver ce qui peut arriver à toute personne qui sort de chez elle et va dans la rue : un accident. Mais je vous dis : Je préfère mille fois une Eglise accidentée, exposée aux accidents, à une Eglise malade parce qu’elle ne sort pas. Allez dehors !  Sortez ! »     (Veillée de Pentecôte, 18 mai 2013)
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 15 mai 2015

Homélie du 7ème dimanche de Pâques (B) - 17 mai 2015

Le chrétien s’imagine souvent que sa prière doit être la plus parfaite possible. Régulière, fidèle, pieuse. Ensuite il faudrait trouver les bons mots, la bonne méthode. Certains diront qu’il vaut mieux essayer de prier tout le temps, d’autres penseront qu’il vaut mieux trouver des moments propices, non perturbés par le quotidien et ses tracas. Et puis nous savons que la prière chrétienne doit entrer en résonnance avec la volonté divine ; nous savons aussi que cette prière s’insère dans celle d’une communauté. Tout cela est vrai. Mais dit comme cela, nous avons l’impression qu’il faudrait trouver le bon moyen pour se faire entendre de là-haut, voire pour l’amadouer au mieux.
 
Et voilà que Jean nous raconte dans l’évangile que Jésus prie. Il prie pour ses disciples, les disciples qui sont avec lui au soir de la Cène, mais aussi les disciples de tous les âges et de tous les temps, c’est-à-dire nous ici ! Quelle preuve plus belle du prix immense que nous avons à ses yeux ? Jésus nous reçoit de son Père, jésus nous présente à son Père, Jésus nous confie à son Père. Cette prière est notre roc, notre rempart, notre encouragement dans l’épreuve.
 
Nous comprenons par là notre propre prière. Nous savons qu’elle est vraie, qu’elle est efficace, qu’elle sera exaucée quand elle se fonde sur la personne du Christ. Elle n’est pas d’abord un pieux marchandage ; elle est ouverture à la prière du Christ pour nous. Il désire que nous soyons unis à Lui. C’est l’enjeu le plus important, le plus vital : communier à sa mort-résurrection pour entrer dans la gloire du Père. Il est bon d’entendre ce passage de l’Evangile dans les jours qui suivent l’Ascension. Bien qu’il ne soit plus physiquement présent au milieu de la communauté des disciples, le Ressuscité continue son œuvre. En montant au ciel, il ne fait pas que de désigner une direction, ou même d’ouvrir un avenir, il nous attend près du Père et nous désire avec lui.
 
Comment donc imaginer que la prière du Fils pour nous ne soit pas exaucée ? « Qu’ils aient en eux ma joie », accueillons toujours davantage cette joie de lui appartenir. « Que tu les gardes du Mauvais », rejetons les ténèbres pour vivre enfants de lumière. Et quel est ce Mauvais ? Quel est ce démon qui peut nous détruire ? C’est l’orgueil et l’amour-propre. C’est le péché originel, c’est le péché d’Adam.  Adam, en voyant toute la beauté de Dieu, a pourtant préféré faire sa vie tout seul, sans Dieu.  Il a piqué sa crise d’adolescence.  Mais il faut aussi qu’il devienne adulte, c’est-à-dire qu’il découvre ses forces comme sa faiblesse structurelle, et sa faiblesse comme sa fierté.  L’homme n’est pas fait pour vivre seul.  L’homme ne peut pas vivre sans Dieu.  Le Mauvais rôde dans le cœur de chacun d’entre nous, car nous tous, nous voulons être maîtres de notre vie et de notre destin, nous voulons même être maîtres de notre entourage et nous ne sommes même pas capables d’être maîtres de notre corps, de notre esprit, de notre cœur.  Nous ne sommes pas maîtres de notre vie, nous ne sommes pas maîtres de notre mort.
 
C’est encore pour cela que le Christ demande dans sa prière : « sanctifie-les dans ta vérité » : depuis le jour de notre baptême, la sainteté est notre vocation, et la Parole de Dieu ne cesse d’éduquer notre cœur. Enfin, quand le Christ pour que « nous soyons un », comme le Père et lui-même, cela concerne à la fois le groupe des disciples et chacun de ses membres. Si notre cœur est unifié sous le regard du Christ, si notre vie est unifiée par l’Evangile, alors l’unité grandira dans nos familles, dans nos communautés, dans tous nos cercles d’appartenance.
 
Le ferment de l’unité authentique, c’est l’amour, l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs, qui nous rend capables de répondre à toutes les situations – y compris les tensions, les tracas, voire la haine – par l’amour et la miséricorde. A la prière du Fils, que l’amour du Père grandisse en nous et ne cesses de nous façonner à son image.
 
AMEN.  
 
Michel Steinmetz

vendredi 8 mai 2015

Homélie de la solennité de l'Ascension du Seigneur - 14 mai 2015

 
 

" Jésus ressuscité apparaissait à ses disciples." Avec l’arrestation de Jésus, les procès bâclés, les tortures, la mort et la mise au tombeau les disciples ont vécu trois journées terribles de désespérance. Dieu semble avoir vraiment abandonné, renié celui qui prétendait venir de lui et parler en son nom. Ensuite, à partir du matin de Pâques, des rencontres multiples, fortuites se succèdent ; des expériences que les disciples se transmettent les uns aux autres et qui entraînent une conviction de plus en plus profonde : « Il est vivant ! ».
 
Dieu ne l’a pas abandonné. Jésus reste présent, actif, attentif à tous ceux qu’il a connus auparavant. Alors, ils se rappellent les événements proches ou plus anciens de sa vie ; ils les mettent en relation avec ce que les Anciens ont transmis dans les livres saints entendus chaque sabbat à la synagogue : « il fallait que s’accomplisse ce qu’annonçait l’Ecriture ». C’est le mouvement que Jésus initie lui-même dès le soir de Pâques avec les compagnons d’Emmaüs : chemin faisant, il leur expliquait tout ce qui le concernait en reprenant avec eux les Ecritures. En l’espace de quelques jours, on constate dans la vie des disciples, un retournement total et subit de leurs comportements et de leur vision des choses. La plupart s’étaient enfuis et se cachaient, morts de peur. A partir de Pâques, bravant tout obstacle et toute crainte, ils proclamant : Il est Vivant ; « ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, nous vous l’annonçons » : Christ est ressuscité, Christ est vivant. En lui, vous aurez la vie.
 
Si aujourd’hui, le Christ rejoint « son Père et notre Père, au plus haut des cieux, ce n’est pas pour délaisser notre monde, voir le fuir. Comme l’affirme la préface de la messe : le Christ « ne s’évade pas de notre condition humaine, mais en entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour ». La prière d’ouverture nous faisait dire pareillement : « Ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce, car la victoire de ton Fils est déjà notre victoire ». Le Christ nous précède donc et nous attend. Mais le message de son Ascension ne s’arrête pas là. Les lectures bibliques mettent en évidence une double dimension verticale et horizontale. Verticale, puis que Jésus est élevé dans les hauteurs, emporté vers le ciel. Horizontale, car les Apôtres sont immédiatement renvoyés à leur tâche missionnaire : ils doivent répandre la Bonne Nouvelle. Ils ne peuvent la garder pour eux. Il en va comme un caillou que l’on jette dans un plan d’eau : il produit des cercles qui gagnent toue la surface. Ainsi la mission des Apôtres ne connaîtra aucune limite. « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ». Et l’évangile s’en faisait l’écho : Allez dans le monde entier. Proclamez l’Evangile à toute la création. » C’est donc la dimension horizontale qui permet d’atteindre et d’espérer la verticale : il faut être les témoins de Jésus, participer à sa mission pour le rejoindre près de son Père. Pour le dire autrement : le chrétien qui garde pour lui le trésor de sa foi et l’enfouit dans son champ, celui-là n’est pas un vrai chrétien. Celui qui a honte de sa foi, celui-là n’est pas un vrai chrétien. Et celui qui n’est pas un vrai chrétien ne peut pas espérer partager ce que le Christ nous donne en partage, car il n’est pas « du Christ », ni « au Christ ».
 
Cela ne relève néanmoins pas de la « mission impossible ». Il ne faudrait pas croire que les Apôtres sont livrés à eux-mêmes pour cette tâche immense/ Le Christ glorifié au ciel ne disparaît pas pour autant : il reste présent aux siens et à son Eglise. « Le Seigneur travaillait avec eux ». Dès lors, pourquoi resterions-nous là, les bras croisés, à regarder vers le ciel ? C’est sur cette terre, dans ce monde-ci, à cette époque-ci que le Christ nous attend et nous rejoint !
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie du 6ème dimanche de Pâques (B) - 10 mai 2015

Jésus dit à ses disciples « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour ; comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » Il dit aussi : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». C’est seulement en gardant les commandements de Jésus que nous demeurons dans son amour, que nous sommes ses amis. C’est une chose curieuse pour nous que d’envisager l’amour comme l’objet d’un commandement. Normalement, on ne se force pas à aimer. On aime ou on n’aime pas. Notre société insiste sur l’amour comme un sentiment évanescent, passager, limité à l’envie. Or le Christ présente l’amour comme le fruit d’une volonté : on se décide à aimer, et on s’y tient ! On s’en donne les moyens. Cet amour-là, celui de Dieu envers nous qui patiente et nous donne une chance, produit du fruit.
 
Il nous faut donc « demeurer » dans l’amour. Dans la vie nous apprenons que l’amour est important ; nous ne sommes pas faits pour être seuls dans la vie. C’est le message de la Genèse 2, où Dieu crée d’abord l’homme et puis remarque que ce n’est pas bon l’homme soit seul, et il crée la femme pour être le compagnon de l’homme. Il est bon de trouver quelqu’un dans la vie, un ami, quelqu’un à aimer et quelqu’un qui nous aime, quelqu’un à qui nous pouvons rester fidèles et qui peut également nous rester fidèle. L’amour instaure entre les êtres une relation. Dieu lui-même est relation : par amour, Il se révèle et se donne à nous.  L’amour nous est alors donné comme un commandement car, dans le monde, il instaure un nouvel ordre des choses, il transfigure les relations. L’amour d’un autre nous donne un point de repère dans ce monde, cela donne un sens à notre vie. Etre aimé, c’est devenir important pour quelqu’un, avoir du prix à ses yeux. Etre sans amour, c’est être perdu. Certains semblent pouvoir vivre sans amour, souvent ils nous apparaissent aussi comme desséchés.
 
Si l’amitié nous apparaît comme nécessaire, voire vitale, c’est l’amitié d’un de nos contemporains. Est-ce que nous avons vraiment besoin de demeurer dans l’amour de Jésus, d’être ses amis quand par ailleurs on comptabilise ses « amis » virtuels sur Facebook, ses « followers » sur Twitter ? Et qu’est-ce que cela veut dire d’être ami de Jésus ?
 
Etre ami de Jésus, c’est partager avec Lui ce qui L’unit à son Père. Pour reprendre l’expression de l’évangile de dimanche dernier, c’est être greffé à Lui comme le sarment au cep. Demeurer dans son amour, c’est faire l’expérience que c’est Lui qui nous as choisis. Il décide de nous aimer en premier, tels que nous sommes, et nous pouvons être sûrs qu’Il ne changera pas d’avis. Son amour devient donc un repère dans notre vie, quelque chose d’assuré à quoi nous pouvons nous raccrocher, tel un navire fermement amarré au port qui ne craindra pas la tempête. Jésus est le Verbe, la Parole de Dieu par laquelle tout est créé, y compris nous-mêmes. C’est lui, le sens de la création, le sens du monde dans lequel nous nous trouvons. C’est cet amour-là que Jésus nous offre et dans lequel il nous dit de rester. Si nous aimons humainement, notre amour ne nous défend pas contre un monde sans amour et sans sens ; ce n’est pas une solitude à deux. Il nous permet plutôt de voir qu’il y a un amour dans le monde, de voir et de vivre le sens du monde.
 
C’est pourquoi l’amour de Dieu, l’amour de Jésus, n’est pas une alternative à l’amour d’un autre. C’est l’amour d’un autre qui nous ouvre à l’amour de Dieu. Et c’est pourquoi dans l’évangile d’aujourd’hui Jésus, en disant à ses disciples de demeurer dans son amour, leur dit : « Aimez-vous les uns les autres ». Si nous ne savons pas nous aimer les uns les autres, nous ne comprendrons jamais l’amour de Dieu, et notre monde restera toujours un monde sans sens.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 2 mai 2015

Homélie du 5ème dimanche de Pâques (B) - 3 mai 2015

La culture de la vigne est très répandue dans les pays méditerranéens, comme elle peut l’être dans nos villages. Si l’image biblique peut aisément être comprise de tous à l’époque, nous sommes, ici entre collines et coteaux, sans doute des privilégiés pour en saisir pareillement le sens. Une belle vigne, quelle merveille ! Elle fait l’attention délicate et constante de son propriétaire. Les semaines passent et on la regarde pousser. On scrute le ciel pour espérer les conditions les plus favorables à son développement. Arrivent les jours où les feuilles regorgent de sève et les grains sont gonflés de jus ! Les grappes sont prometteuses d’un millésime qu’on savoure à l’avance. Une vigne plantureuse porte fièrement le nom de son propriétaire. Vous savez bien qu’en se promenant dans le vignoble, de manière un peu espiègle, on repère telle ou telle vigne, en faisant des commentaires sur son propriétaire…
 
Il n’est donc pas étonnant que la vigne ait servi d’image familière pour exprimer une réalité bien plus profonde. Ainsi Israël est la vigne de Dieu. Déjà le prophète Isaïe avait décrit les relations entre Dieu et son peuple : « Mon ami possédait une vigne sur un coteau plantureux. Il y retourna la terre, enleva les pierres et installa un plant de choix. La Vigne du Seigneur tout puissant, c’est la maison d’Israël et les gens de Juda sont le plant qu’il chérissait » (Is 5, 7sq).  
Le psaume 79 reprend la même comparaison sous forme de prière nationale pour Israël en difficultés. « Dieu de l’univers reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la ! ».
Dans les évangiles synoptiques, Jésus reprend l’image de la vigne dans une de ses plus virulentes paraboles où il dénonce la fourberie des responsables et dirigeants qui n’ont jamais accepté de se convertir aux appels des prophètes et qui maintenant se préparent à mettre à mort l’ultime envoyé, le Fils même de Dieu. La conclusion tombe comme une menace terrible : « Que fera le maître de la vigne ? Il viendra, il fera périr les vignerons et confiera la vigne à d’autres » (Matt 21, 33 ; Mc 12, 1 ; Luc 20, 9). Chez saint Jean, l’image de la vigne connaît son aboutissement plénier : la vigne n’est plus une nation, un territoire mais Quelqu’un. Son succès n’est plus menacé mais assuré et plantureux.
 
La « vraie » vigne, en réalité, c’est Jésus. Il est le cep et les disciples sont les sarments. Ils participent à la vie du Christ comme les branches participent à la vie du cep auquel ils sont attachés. Il faut demeurer en lui, comme la racine s’accroche à la terre. En effet, le fils éternel du Père, Jésus-Christ seul peut conférer aux entreprises humaines une valeur d’éternité. « Je suis la vigne et mon Père est le vigneron ».  Désormais, le plant choisi par le vigneron, n’est plus Israël, mais Jésus, le Bien Aimé. Le nouvel arbre de vie, c’est le peuple qui naît de Jésus et ne fait qu’un avec lui. Mystère de la sève dont le mouvement intérieur et discret a uni le cep aux sarments jusqu’à leur faire porter du fruit. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit ! ». Encore faut-il que le sarment « demeure » sur le cep et qu’il fructifie de la même façon que celui-ci. Cela ne se fera pas sans douleurs mais, dans ses souffrances, le sarment reconnaîtra la main du Père qui l’émonde. La Parole de Jésus « purifie le sarment », l’Evangile taille dans nos prétentions égoïstes, dans nos recherches vaniteuses, dans les soucis du qu’en dira-ton afin que nous soyons focalisés sur un seul but : porter le fruit que Dieu demande. Si le sarment refuse et ne fructifie pas, s’il en reste à une croyance superficielle, à un culte inefficace, à une piété stérile, alors le Père le coupe et le détache du Fils comme un sarment inutile. Et que faire des sarments stériles sinon les jeter au feu ?
 
"Demeurer en Jésus" est l’expression qui parcourt tout le texte car, affirme Jésus « en dehors de moi vous ne pouvez rien faire ». Heureux ceux qui savent humblement qu’ils sont eux-mêmes les sarments dont Jésus est le cep et le Père le vigneron ! Heureux ceux qui dans la patience et la ténacité, émondent la terre des hommes pour qu’elle porte son fruit le plus beau : ils sont la vendange de la vigne de Dieu !
 
AMEN.
Michel Steinmetz