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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 22 février 2013

Homélie du 2ème dimanche de Carême (C) - 234 février 2013

Dans l’évangile de Luc, la scène de la Transfiguration se situe entre la première et la deuxième annonce de la Passion, ce qui justifie sa place en ce temps de Carême et en éclaire le sens. Le Christ de la Passion est tout entier déjà le Christ en gloire. Sa Passion elle-même est théophanie, c’est-à-dire présence de Dieu, Dieu rendu visible pour nous.

Déjà Abraham demandait un signe visible. Dieu lui avait fait une promesse d’une descendance nombreuse et d’un pays où ruisselleraient le lait et le miel. Depuis, il avait dû séjourner en Egypte pour échapper à la famine et, de retour en Canaan, il n’était toujours pas maître de ce pays et n’avait toujours pas de descendance. La promesse est ici réitérée mais on comprend qu’Abraham souhaiterait quelques précisions. Le Seigneur répond en faisant faire à Abraham un sacrifice énigmatique. La solution de l’énigme est sans doute à lire dans le sommeil profond d’Abraham. Le sacrifice du Christ, quelques 1.200 ans plus tard, ne sera plus une simple réitération mais bien l’accomplissement de la Promesse.

Moïse et Elie avaient également demandé des signes. Dieu avait envoyé Moïse en mission auprès de son peuple pour le libérer d’Egypte. Moïse avait fait remarquer à Dieu : « Mais au nom de qui puis-je parler ? ». Dieu avait répondu du milieu du buisson ardent en révélant son nom. Plusieurs éléments de la théophanie chez Luc sont d’ailleurs repris à cette théophanie du Sinaï. Elie de son côté en avait fait appel à Dieu pour départager entre les faux prophètes sacrifiant à des idoles et le vrai prophète annonçant la Parole de Dieu dans toute son exigence. Dieu avait répondu à son appel par un geste spectaculaire mais était aussi apparu à Elie dans le moins spectaculaire des signes : dans une brise légère. Moïse et Elie, les deux bénéficiaires de manifestations divines dans l’Ancien Testament et devenus les deux piliers de la foi juive, l’un représentant la Loi, l’autre la Prophétie, sont ici réunis dans cette manifestation du Dieu en gloire aux disciples. Comment mieux exprimer le lien, la continuité entre les deux Traditions ?

Pierre, Jacques et Jean sont accablés de ce profond sommeil qui avait déjà accablé Abraham. Pierre se rend compte malgré tout, confusément, de l’importance du moment et de son caractère bienheureux. En proposant de dresser trois tentes, il ne propose pas de faire du camping. Il se réfère et fait appel à toute la symbolique des la fête des Tentes dans le judaïsme. Il s’agissait, à l’origine, d’une fête agraire célébrant la fin des récoltes et ayant pour cadre des huttes dressées dans les champs et les vignes. Cette fête recevra plus tard une signification religieuse liée au souvenir historique du séjour au désert et où Dieu avait été tellement présent à son Peuple et où la Loi elle-même avait été abritée sous une tente au-dessus de laquelle se plaçait la nuée divine. Tous ces éléments sont présents ici et veulent bien signifier la présence de Dieu.

Abraham était sorti pour regarder les étoiles dans le ciel. Pierre, Jacques et Jean ont gravi pour la montagne et ils contemplent le ciel. Les étoiles, signes d’une descendance nombreuse, sont remplacées par la vision du Christ transfiguré. Il est l’annonce d’un avenir bien meilleur encore. Celui que le Christ ouvrira dans sa résurrection. L’épître aux Philippiens souligne le fait que nos « pauvres corps » seront également transformés à l’image du corps glorieux du Christ lui-même. Cet enseignement de Paul vient utilement compléter les leçons à tirer de la Transfiguration du Christ : celle-ci nous concerne aussi et nous pouvons y être associés avec Pierre, Jaques et Jean. Il y aura des choix à faire : ou bien nous nous comportons en « citoyens des cieux », ou bien nous restons esclaves des « choses de la terre ».

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 15 février 2013

Homélie du 1er dimanche de Carême (C) - 17 février 2013

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert ». Luc 4, 1.

Saint Paul ne se trompe pas lorsqu’il déclare : « la Parole de est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur », puisque même le démon, instruit de ces vérités, décide de tenter Jésus en dévoyant la Parole de Dieu. Toutes les phrases qu’il prononce à l’égard de Jésus sont des citations bibliques. Le Seigneur ne se laissera pas abusé et il répondra au démon en utilisant le même procédé que lui : il citera l’Ecriture, lui redonnant son juste sens.
Luc précise que Jésus « passe à travers le désert » : il passe au travers de ces épreuves de foi, comme il passera au travers des griffes de la mort. Jésus passe… il passe au travers des tentations qui ont été celles de son peuple, le Peuple élu, lors de son errance dans le désert.

Jésus passe au travers des mêmes tentations qui furent celles d’Israël.
Jésus est tenté durant quarante jours, comme le peuple d’Israël fut jadis tenté pendant quarante années, et les tentations qu’il affronte sont les tentations mêmes auxquelles Israël fut confronté. La tentation d’une possession sans limite de nourriture évoque la convoitise du peuple. Le Livre des Nombres nous le rapporte (Nb 11). La tentation de l’idolâtrie, qui fut celle d’Israël lors de l’épisode du veau d’or, est relatée dans le Livre de l’Exode (Ex 32).
Être tenté ne consiste pas à être fasciné par le mal pour lui-même, mais à être tellement fasciné par le don de Dieu que j’en viens à oublier le Donateur. S’incliner devant le démon, c’est mettre la main sur le don de Dieu en écartant Dieu qui donne.
Le démon éprouve le Christ en lui faisant miroiter sa condition de Fils de Dieu et en lui demandant d’oublier Celui de qui il tient cette condition : « Allez, tu te rends compte, tu es le Fils de Dieu, donc tu peux faire de cette pierre du pain…». Il en était de même pour le Peuple élu tenté d’oublier Dieu comme le principe central de son existence et de son salut.

La faute et la chute ne constituent plus les derniers mots de l’existence humaine.
Sans doute avons-nous chacun fait cette expérience démobilisante de retomber quasi-inévitablement dans les mêmes travers, dans le même péché, alors nous nous disons que telle doit être notre nature et qu’il est impossible de la changer, de la dresser. Alors nous éprouvons un sentiment de lassitude en même temps que celui d’un enchaînement. Le bien que nous voudrions faire, nous le faisons pas, et le mal que nous ne voudrions pas faire, nous le faisons.
De la même manière donc dont Israël surmonte le temps du désert, et parvient finalement, malgré bien des infidélités, au salut en prenant possession du pays qui lui est promis, Jésus, lui aussi, « traverse » le désert pour en sortir victorieux. Il le « traverse » bien mieux que n’a pu faire le peuple élu ; sur Lui, le péché n’a pas de prise. Jésus passe bien aujourd’hui au travers du péché et vainc le Tentateur, ici il est déjà victorieux. Sa victoire sur les tentations du désert est ainsi annonciatrice de la victoire sur la mort, dans la confrontation ultime de la croix, qui ouvre définitivement à l’humanité le chemin du salut (Rm 10, 9).

Le propre du démon est de semer le doute et d’éprouver. Il parle à Jésus au conditionnel : « Si tu es le Fils de Dieu », « si tu te prosternes devant moi ». « Si vous mangez du fruit de l’arbre, vous ne mourrez pas ! », dit-il déjà à Adam et Eve au jardin du Paradis. Ces mêmes conditions nous viennent à l’esprit, parfois aux lèvres : Si Dieu était bon, le monde ne serait pas ainsi… Si Dieu faisait un miracle, je croirais… Si Dieu est miséricorde, il peut tout pardonner… si, si, si et si ! Mais alors, tout compte fait, à quoi bon ? Georges Bernanos (in Les grands cimetières sur la lune) a écrit : « Le démon de mon cœur s’appelle à quoi bon ». Que de conditions imposées à Dieu pour que nous croyions en Lui ! Que d’occasions de tout remettre en cause !
Qu’en ce temps du Carême nous allions au désert avec le Christ pour passer des tentations à la joie et à la grâce de croire !

AMEN.

Michel STEINMETZ †

mercredi 13 février 2013

Homélie du mercredi des Cendres - 13 février 2013

Peut-être vous est-il déjà arrivé aussi de demander comment vous vouliez vivre un carême ? Quel geste de charité particulier vais-je pouvoir poser ? De quelle assiduité nouvelle dans la prière vais-je être capable ? Quelle privation va me rapprocher de Dieu en me détournant un peu de moi ?
J’avoue m’être interrogé récemment à titre personnel et en ce qui concerne notre communauté. Quelle touche donner au Carême cette année ? Quelle spécificité lui trouver ? Où vous emmener au désert pour vous préparer à la Pâque ? Et voici, comme souvent, que l’Esprit nous surprend et qu’il nous détourne des chemins que nous avions tracés.
Lundi dernier, peu avant midi, l’annonce du Saint-Père de renoncer à sa charge a eu l’effet d’une bombe et a immédiatement fait le tour de la planète. Nous vivions un moment historique dans la vie de l’Eglise. Par delà l’émotion passée, je me suis dis alors que c’est un Carême bien particulier que nous nous apprêtons à vivre. Celui marqué par le départ d’un pape le 28 février, la période de vacance, la convocation des cardinaux et le conclave pour aboutir à l’élection d’un nouvel évêque de Rome avant les fêtes pascales. Carême agité, loin du silence d’une retraite. Pourtant, et assez paradoxalement, le pape Benoît XVI nous donne, par son geste, une triple leçon. C’est avez cette leçon que nous vivrons la quarantaine à venir. Leçon de lucidité, leçon d’humilité, leçon de fidélité.

Leçon de lucidité. Après avoir examiné sa conscience devant Dieu, le pape décide de renoncer au ministère « d’évêque de Rome, successeur de saint Pierre ». Le courage de cet examen de conscience a été depuis plus que largement salué comme un courage de grand courage et de lucidité. Benoît XVI montre que, même dans l’exercice d’une telle charge, la lucidité et le discernement doivent demeurer premiers.
Lucidité à laquelle nous sommes appelés en ce Carême. Lucidité sur nous-mêmes, sur nos forces et nos faiblesses. Voici le temps favorable pour jeter un regard de vérité sur nos vies. De quoi suis-je vraiment capable ? Quelles sont mes limites ? Qu’est-ce qui, dans ma vie, m’entraîne au péché ? Car seul celui est capable d’une telle lucidité avec lui-même peut prétendre ouvrir son cœur à Dieu. Car alors je sais que Dieu n’est pas pour moi un à-côté, une option, un faisable. Il est le cœur même de ma vie, celui qui me fait tenir, celui en qui j’existe par delà mes faiblesses.

Leçon d’humilité. Le Saint-Père déclarait au moment de son élection en 2005 n’être « que l’humble serviteur dans la vigne du Seigneur ». Par sa renonciation, il ne disait plus seulement l’humilité, il la vivait. Sa charge, il la tient de Dieu et s’est devant Dieu qu’il en est comptable. Humble pour reconnaître que la vigueur du corps s’est amoindrie en lui ces derniers mois, d’une telle manière qu’il doit reconnaître son incapacité.
Humilité qui doit nous interroger en ce Carême. Humilité face à nous-mêmes qui se conjugue à la lucidité précédente. Humilité aussi par rapport à notre monde. Le récent débat sur le « mariage pour tous » a certes et heureusement fait entendre le voix de l’Eglise dans le concert des opinions, mais il aura aussi marqué de manière nouvelle la situation de l’Eglise dans une société désormais pluraliste. Il nous faut quitter les vieux rêves d’une Eglise à qui il suffisait de se mêler du débat pour imposer sa vision des choses, abandonner les rêves d’un Eglise de masse. L’heure est à l’humilité. Celle-ci ne sera en rien démission ou compromission. L’humilité ne s’oppose pas à la vérité ; elle la suppose. Humilité du Christ à l’heure sa passion, face à Pilate. Humilité qui consiste à « être » avant de « paraître », comme nous y invitait l’évangile.

Leçon de fidélité. La lucidité et l’humilité ne peuvent se passer de la fidélité, fidélité à l’assurance que Dieu nous est présent. Le pape terminait sa déclaration lundi aux cardinaux en confiant « la Sainte Eglise à snn souverain Pasteur, le Seigneur Jésus-Christ », et, ce matin, devant les pèlerins, il disait : « le Seigneur nous guidera ».
On doit, d’une part, demeurer dans la fidélité quand on fait œuvre de lucidité et d’humilité car Dieu seul rend cela possible comme une expérience qui libère et fait grandir ; on peut, d’autre part, espérer en cela la fidélité de Dieu, car Il reconnaît la beauté d’un cœur qui se tourne vers Lui. Etre lucide pourrait entraîner à la « sinistrose » – car cela consisterait à considérer ce qui ne va pas ou plus, et a devoir assumer ses responsabilités ou ses manquements – mais, si cela est fait en Dieu, dans la fidélité ou dans la confiance, alors nous savons que Dieu continue de nous porter et de nous tenir. C’est l’expérience qu’a faite Jésus sur la croix en s’abandonnant à son Père des cieux.

Lucidité, humilité, fidélité. C’est ainsi que nous vivrons ce Carême dans l’attente d’un nouveau pasteur pour l’Eglise universelle.
Lucidité, humilité, fidélité. Nous les mettrons en œuvre par une charité renouvelée, une prière plus fervente, un jeûne qui fait grandir.
Lucidité, humilité, fidélité. Voilà le chemin qui nous fera suivre le Christ jusqu’à sa mort et sa résurrection.

AMEN.

Michel STEINMETZ †



vendredi 8 février 2013

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 10 février 2013

Jésus, après son baptême, circule en Galilée et il fait deux choses : il parle et il guérit les malades. Evidemment son renom de thaumaturge se répand très vite et les foules accourent, le suppliant pour recouvrer la santé.
Mais l’essentiel pour lui n’est pas là : c’est le cœur de l’homme qui est malade, c’est son âme qu’il faut soigner. Car on ne sauve pas l’homme contre son gré, ni par séduction ni par violence : il faut qu’il écoute, qu’il accueille des mots qui pansent ses plaies intérieures, exorcisent son angoisse et lui donnent un avenir de lumière. Jésus prêche, et ce sera là son occupation principale jusqu’à la fin de sa vie. « Prêcher » : peut-on encore utiliser ce mot qui prête à sarcasme tellement il s’est confondu avec hurler, reprocher, sermonner, menacer ? Jésus ne crie pas : il propose, il explique, il encourage avec des mots tout simples.
Ses prédications sont de deux sortes. D’abord il proclame, il annonce la venue du Règne de Dieu. Ensuite il explique : il prouve que sa mission correspond à ce qu’annonçaient les Ecritures, montre quel genre de Messie il est et comment il faut se comporter en tant que citoyen du royaume.

Les gens écoutent un homme qui leur annonce la venue du Royaume avec des mots humains mais, écrit saint Luc plus tard, en fait, par Jésus, c’est Dieu lui-même qui leur parle. Après l’annonce initiale vient le temps de l’explication. Le déplacement de Jésus n’est pas anodin. Il « s’assied », ce qui était la position du maître enseignant devant ses disciples : il est « dans la barque » c’est-à-dire qu’il domine les profondeurs, il apporte une parole qui clarifie, qui n’est pas engloutie dans l’abîme obscur, qui permet d’affronter les bourrasques de l’existence. Et cette embarcation appartient à Simon, que Jésus connaît bien, qu’il a déjà surnommé Pierre : par là il veut nous apprendre à écouter son même message qui, désormais, sera lancé à partir de la « barque de Pierre », symbole de l’Eglise.
Là est l’obstacle pour beaucoup ! Reconnaître la beauté de l’Evangile, la grandeur fascinante du personnage Jésus, oui – mais prêter l’oreille à l’Eglise qui tente de divulguer cette même parole, non, jamais ! Scandale d’une Parole divine exprimée en paroles humaines. Et, hélas, il est vrai, elle est si souvent énoncée platement, récitée sans élan, inaudible dans une acoustique déficiente, et même parfois, hélas, déformée ! Jésus nous questionne : « Qu’avez-vous fait de mes paroles ? ».

Les pêcheurs du lac ont l’habitude de pêcher la nuit : c’est pourquoi Luc nous a fait remarquer que Simon et son frère nettoyaient leurs filets avant d’aller prendre du repos. Or cette nuit, ils sont restés bredouilles. Et voilà que Jésus leur demande de recommencer. Un charpentier va-t-il faire la leçon à des hommes du métier ? Doit-on reprendre une action que l’on a accomplie sans résultat pendant des heures ? Oui, justement. La foi, c’est aller un pas plus loin que le découragement, reprendre le sac que l’on vient de déposer, se lever lorsqu’on voulait dormir, aller ailleurs alors qu’on a échoué dans son entourage. « Va au large ». Ne restez pas confinés dans votre territoire mesquin, allez à la recherche d’inconnus qui écouteront ce message que vos enfants rejettent. « Va au large ». Ne te plains pas de tes échecs, surtout ne te décourage jamais. Eveille-toi et recommence.

Devant sa prise inattendue, Pierre s’effondre : Oui je suis pécheur. Comme lui, je peux me reconnaître pécheur aujourd’hui et je peux avouer : je ne me suis pas empressé d’écouter la Parole de Dieu ; je me suis laissé abattre ; je n’ai pas osé recommencer mon témoignage chrétien ; je me suis désintéressé de la mission.
Telle est précisément la mission : elle n’est pas un projet que l’on se donne, mais un appel à accueillir, une œuvre qu’il faut apprendre à l’école de Jésus, en le suivant, car c’est lui « qui fait les pêcheurs d’hommes ». Et elle demande de couper les amarres, de rejeter « la pensée unique », de se détacher des habitudes de l’entourage.

AMEN.

Michel STEINMETZ †