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mercredi 11 juin 2008

Homélie du 10ème dimanche du Temps Ordinaire (A) - 8 juin 2008

Deux proverbes me sont venus à l’esprit alors que je méditais moi-même les textes de la liturgie : « Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es », et, « Les amis de mes amis sont mes amis ». Réflexions qui nous sont familières, réflexions que, d’une certaine manière, nous retrouvons aujourd’hui dans la bouche des pharisiens.
Car l’évangile de ce dimanche, qui comporte un court récit de vocation ainsi qu’une scène de repas, a pour thème commun les relations de Jésus avec les pécheurs, symbolisés ici par les publicains, ces collecteurs d’impôts qui n’ont pas bonne presse auprès des juifs pieux. Ceux-ci ne comprennent pas qu’on puisse ainsi s’afficher avec des pécheurs publics. Manger avec eux, c’est manifester qu’on partage leurs idées. C’est se compromettre avec le péché.
Jésus, se saisissant de ces rencontres, développe un véritable enseignement à la fois novateur et traditionnel. Il le fait par sa parole et son action.
Triple mystère de rencontre qui se déploie alors : rencontre entre deux hommes – Jésus et Matthieu, entre le péché et la grâce, entre les sacrifices rituels et la miséricorde divine.

I.- Mystère de la rencontre de deux hommes

Rencontre de deux hommes : Jésus et Matthieu. Rencontre du Fils de Dieu et du collecteur d’impôts. Vous aurez remarqué avec quelle rapidité, mais aussi quelle force l’évangéliste nous relate cet épisode. Jésus voit Matthieu, il l’appelle. Matthieu, quant à lui, se lève et suit Jésus.
Jésus commence par un coup d’éclat, en invitant ce pécheur public à le suivre et à devenir son disciple. Sans aveu de ses fautes, sans geste de repentir, sans pardon préalable des péchés, le publicain suit Jésus. Nous pouvons être supris par l’aspect schématique du récit qui fait fi de toute considération psychologique. Il va droit à l’essentiel : Jésus voit et appelle. Sa parole a un résultat immédait. C’est un peu comme au début de monde, quand Dieu dit et cela fut.
C’est la puissance de vie divine qui se déploie dans cet appel. Jésus tend la main vers Matthieu. Et comment ne pas songer ici aux fresques de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine où Dieu tend son bras de tout son long vers Adam, un Adam surpris et peureux qui n’y répond que par un geste peu assuré. La main tendue de Jésus franchit le vide du péché, de l’indignité et de la culpabilité. D’ailleurs, le texte grec de l’évangile emploie, à dessein, un des deux verbes servant à désigner la résurrection, pour dire que Matthieu se lève. Matthieu se lève parce qu’il renaît à l’amour pardonnant de Dieu, parce qu’il est ressuscité par l’appel de Jésus. L’enfermement dans sa tâche n’est plus de mise. Il est déjà sauvé par ce seul appel de la grâce.

II.- Mystère de la rencontre du péché et de la grâce

Deuxième leçon, sans paroles : la commensalité de Jésus et de ses disciples avec les pécheurs. On ne sait pas de quoi ils discutent. Ce n’est pas là l’essentiel. L’essentiel est d’être ensemble à table. Et dans le monde oriental, palestinien an particulier, le repas était le moment par excellence de la communion des hommes. En acceptant ainsi l’invitation d’un pécheur, c’est-à-dire d’un impur, d’une personne mise au banc de la société, Jésus enfreint des prescriptions rabiniques capitales. Il enfreint le code de conduite du bien-pensant.
Il ne craint pas d’être contaminé par les pécheurs. Pourquoi serait-il contaminé ? Pourquoi la contagion irait-elle toujours dans le même sens, du mal vers le bien ? Le bien, en la personne de Jésus, est plus fort que le mal. Il contamine les pécheurs, en les tirant vers le haut.
Avec qui le Fils de Dieu aurait-il pu manger sur terre, si ce n’est avec les pécheurs ? Pour les pharisiens, seul est péché le péché visible. Pour Jésus, le péché est d’abord dans le cœur, et c’est à ce péché que nul homme, quelle que soit sa fidélité extérieure, ne peut échapper. Ce péché du cœur – silencieux et profond, tous en sont conscients. Mais l’hypocrisie fait qu’on le juge quantité négligeable car il ne se voit pas. A ce péché, ce ne sont ni l’observance à des rites ni l’application scrupuleuse de préceptes qui y soustrairont l’homme. Non ! C’est l’accueil de l’amitié avec Jésus, l’accueil de l’amour de Dieu, l’accueil de la miséricorde.

III.- Mystère de la rencontre entre les sacrifices et la miséricorde divine.

Troisième leçon, en paroles cette fois-ci.
Jésus explique son comportement en s’appuyan sur deux éléments. Un proverbe plein de bon sens, d’une part. Si un médecin ne fréquante que des bien-portants, à quoi sert-il finalement ?
Deuxième élément : les Ecritures elles-mêmes dont les Pharisiens se revendiquent les gardiens et les défenseurs. Citant le texte d’Osée, que nous entendions en première lecture, Jésus montre qu’il se situe dans le droite ligne de l’enseignement des prophètes, enseignement que ses interlocuteurs semblent avoir oublié.
« C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices ». Osée, ni Jésus, ne condamne les sacrifices rituels dans leur principe, mais l’attachement tel aux rites traditionnels de la vie religieuse qu’il fait négliger le commandement capital de la miséricorde. Une lecture rapide, et dépourvue de toute réflexion, pourrait nous faire croire que Jésus s’oppose aux célébrations de la foi ; il n’en est rien. Car Jésus sait bien – et les sciences humaines, telle l’anthropologie, l’ont mis en évidence récemment -, l’homme est rituel : il a besoin de traduire sa foi, ce qui le fait vivre et tenir en ce monde par des gestes et des paroles.
L’écueil dénoncé par le Seigneur est celui de croire que ces attitudes se suffisent à elles mêmes. Elles ne sauraient se passer d’une attitude du cœur qui fait que ce qui est célébré l’est dans la foi et à ce titre traduit en actes et en paroles.

Demandons aujourd’hui la grâce de rencontrer le Christ vivant, comme ce fut le cas pour Matthieu. Que cette rencontre nous fasse nous lever pour le suivre sans hésitation.
« "Suis-moi", dit Jésus. Il se leva et le suivit. »

AMEN.

Michel Steinmetz +