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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 21 février 2014

Homélie du 7ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 23 février 2014

Nous écoutons aujourd’hui la suite de la deuxième partie du Sermon sur la Montagne dans laquelle Jésus explique comment son enseignement s’articule sur la Loi : l’Evangile, dit-il, ne se substitue pas au Décalogue mais en radicalise les exigences.

 Pas de vengeance : accepter
« Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Œil pour œil, dent pour dent’. Et bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant. »
La loi du talion n’était pas, comme on le croit parfois, un appel à la vengeance mais au contraire une manière de l’endiguer : la peine doit être proportionnée au dommage (comme le disent encore nos tribunaux) donc on ne peut multiplier ni grossir les représailles. Jésus, lui, va beaucoup plus loin : ne même pas riposter !
Pour Jésus, ce qui apparaît comme mollesse, lâcheté, capitulation est au contraire force et humanisme. La douceur évangélique peut bien être l’objet de sarcasmes : elle est la plus forte pour arrêter la spirale de la violence.

 L’amour des ennemis
La Bible ne demande jamais de « haïr son ennemi » mais l’hébreu, pour exprimer un comparatif, utilise des termes contraires : il prescrit de réserver son amour à ses compatriotes tout en rejetant l’adversaire. Jésus à nouveau écartèle cette coutume « normale ». Il sait que, comme lui, ses disciples seront détestés, haïs et persécutés : comme lui, qu’ils s’interdisent toute colère, toute haine. Aimer ne sera évidemment pas un élan affectif mais s’exprimera d’abord par la prière sincère. Ce comportement évangélique ne correspond pas aux normes habituelles de la vie en société où l’on est habitué à la concorde avec les plus proches et à l’indifférence sinon à l’animosité à l’égard des autres. Les disciples de Jésus doivent aller plus loin que les règles ordinaires ne le demandent.
En ne limitant pas leur amour à leurs proches, en s’ouvrant aux étrangers, en cherchant de bons rapports avec tous (même sans réciproque), les disciples acceptent de ne pas enfermer leurs relations dans les cercles restreints de la famille, du pays, de la classe sociale, de la culture, de la religion. L’amour des ennemis devient un peu comme la preuve de l’existence de Dieu, la manifestation étonnante de son amour offert à tous.

 Appel à la perfection
« Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » L’Ancien Testament disait : « Soyez saints car je suis saint, moi, le Seigneur, votre Dieu » (Deut 19, 2). En hébreu « saint » signifie « séparé » : Israël, peuple du seul vrai Dieu au milieu des nations idolâtres, devait se distinguer des autres. Jésus, lui, parle de perfection ! Une invitation à l’effort nous paraîtrait déjà surhumaine, mais il s’agit bien d’un impératif : « Soyez ! ». L’amour des ennemis puis cette exigence de perfection ne résonnent-ils pas comme des commandements impraticables et qui ne peuvent que culpabiliser et pousser au désespoir ceux qui les entendent ?
La perfection de l’homme, c’est d’être perfectible ». Issu de la poussière mais créé « à l’image de Dieu », l’être humain n’est pas achevé dans son être, il est travaillé par un désir qui l’entraîne toujours plus loin. Il ne peut jamais dire qu’il est arrivé, qu’il est parvenu à sa plénitude : il est en permanence ouvert à l’Infini qui est Dieu. La perfection de l’homme n’est donc pas la satisfaction de n’avoir plus de défaut, d’être impeccable. Son achèvement est de ne jamais être défini, de pouvoir encore et toujours être « perfectionné ».

Cet enseignement reçu en ces deux dimanches se conclut donc comme il avait débuté. Jésus ne supprime pas la Loi, les règles morales qu’il suffirait d’observer pour être en règle. Il a appelé ses disciples à aller beaucoup plus loin : « Votre justice doit dépasser celle des Pharisiens » (5, 20) Et il termine : vous devez faire de l’extraordinaire (5, 47). Les hommes et les femmes des Béatitudes acceptent de vivre un amour toujours plus grand. Leur fragilité et leur grandeur est d’être « des agneaux de Dieu » : en ne soldant pas les Paroles de Jésus, ils permettent au monde de s’ouvrir au Père.

 AMEN.                 

 Michel Steinmetz    

vendredi 14 février 2014

Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 16 février 2014

Face à la loi en général, il nous arrive d’éprouver un malaise. Soit elle nous apparaît contraignante comme un obstacle à notre liberté personnelle. Soit elle semble promouvoir un idéal trop élevé que nous ne nous sentons pas capables d’atteindre. Jésus, en parlant de la Loi de Dieu, récuse de telles approches. « Je ne suis pas venu abolir la loi mais bien l’accomplir ». Autrement dit, pour le Christ, la Loi possède en elle-même le moyen d’être dépassée. Attention, dépassée, mais pas contournée ! En effet, la Loi de Dieu nous invite à notre propre dépassement ; elle invite à franchir nos propres limites, non dans la transgression mais dans l’accomplissement. La Loi respectée, honorée, vécue comme une parole de vie de la part de Dieu m’ouvre à des horizons de vie nouvelle. Jésus nous oblige à ne pas nous contenter du politiquement correct, mais à saisir l’élan profond de la conversion.
 
En accomplissant la loi, le Christ libère ses disciples de la loi c’est-à-dire qu’il l’inscrit à jamais au fond des cœurs. Le Christ inscrit la loi au fond des cœurs, parce qu’il dit à ses disciples que ce qu’ils faisaient auparavant par respect de la loi, c’est-à-dire par devoir, par soumission, tristement, ils le feront dorénavant par amour, c’est-à-dire librement. L’accomplissement de la Loi se révèle en nous par la charité qui élargit notre cœur et nous rend capables d’agir à la manière du Christ. En ce sens l’obéissance à la loi est un accomplissement, parce que la loi repousse les limites que nous nous imposions. Par exemple : le respect de la vie était, dans la loi de Moïse, une contrainte, un impératif, un commandement : « Tu ne tueras point ». Cette loi devient, dans la bouche de Jésus, l’affirmation joyeuse de l’amour de l’autre, le respect de sa liberté, de la justice... « Vis, heureux es-tu ». Si tu vis dans l’amour et par l’amour, tu n’as que faire des lois puisque tu aimes. L’amour devient ainsi la valeur par excellence.
 
Ceci pourrait nous amener à faire la distinction entre « principes » et « valeurs ». Nous pourrions appeler « principe » tout ce que nous faisons par devoir et « valeur » tout ce que nous faisons par désir et/ ou par amour. C’est pourquoi les valeurs nous libèrent des principes, mais les principes conduisent aux valeurs ou les entretiennent en nous. On a besoin de principes dans la vie, mais si les principes ne mettent pas en application des valeurs, l’homme des principes devient un pauvre idiot. Quelle mère nourrit son enfant par devoir, par principe ? On ne le fait pas par devoir mais par amour. L’amour y suffit et vaut mieux. L’amour libère des principes, l’amour libère de la loi. En nous disant qu’il est venu accomplir et non abolir, Jésus tente de nous montrer que la loi et l’amour ne s’opposent pas, mais sont deux moments dans un même processus : on commence par se soumettre à la loi puis on comprend qu’il est encore mieux de faire par amour ce qu’on nous a appris à faire par devoir. La loi, en agissant comme des balises au bord du chemin, nous grade dans la voie et dans la bonne direction. Jamais les balises ne peuvent remplacer la route ni son terme ; jamais des glissières de sécurité ne se suffisent à elles-mêmes. La loi et l’amour sont donc deux choses différentes mais pas opposées au sens où on devrait choisir entre les deux. La vérité, c’est que nous avons besoin des deux : quand l’amour est là, on n’a plus besoin de loi : nous n’avons besoin de loi que faute d’amour.
 
C'est bien pourquoi nous avons hélas aujourd’hui encore terriblement besoin de lois parce que le plus souvent l’amour n’est pas là, le plus souvent l’amour brille par son absence. Un peu comme si Jésus nous disait ce matin, dans toutes les situations où nous ne sommes pas capables de vivre à la hauteur de l’amour, c’est-à-dire à suivre le Nouveau Testament, il nous reste à respecter au moins l’Ancien Testament, c’est-à-dire à nous soumettre à la loi. L’abolition de la loi conduit immanquablement à l’anarchie, au drame. Par contre, l’accomplissement de la loi conduit à l’amour inscrit dans le cœur de chacune et chacun. Principes ou valeurs ? Loi ou amour ? A nous de choisir ce qui conduit à la vie, mais à une vie en abondance.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 8 février 2014

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 9 février 2014

Dimanche passé, la fête de la Présentation a prévalu sur la liturgie du 4ème dimanche qui commençait la lecture du Sermon sur la montagne si bien que nous n’avons pas entendu le magnifique évangile des Béatitudes qui ouvre le long et solennel enseignement de Jésus, nouveau Moïse donnant la Loi nouvelle. L’évangile d’aujourd’hui en est son application.
Voilà, dit Jésus, le programme de bonheur que je propose à tout homme, à l’opposé de ce qui est recommandé d’ordinaire. Ce bonheur n’est pas une utopie irréaliste, un idéal pour ascètes dans le désert : il peut être poursuivi par des gens de toutes conditions, de tous âges, à travers tous les temps, au cœur de la vie quotidienne et des tentations.
Si vous cherchez le Royaume de cette manière – poursuit Jésus –, vous remplirez une mission indispensable, une tâche essentielle. Et il l’explique tout de suite par deux petites paraboles qui constituent la conclusion pratique des Béatitudes.

Donner du sens
 « Vous êtes » : au présent, donc ici, tout de suite, vous que Jésus vient d’énumérer, juste avant, dans la liste des huit béatitudes : les pauvres de cœur et les doux, les affamés de Dieu et les purs, les artisans de paix et les persécutés. C’est le monde à l’envers puisque d’autres tentent de vous convaincre que le bonheur réside dans l’accumulation des biens, le confort, les voyages, la force, l’affirmation de soi. Et vous vous laissez prendre à la publicité mensongère de ces malins qui veulent donner « du piment à la vie » ! Ils ont tout, mais ils ne savent guère qui ils sont ni où ils vont...
C’est pourquoi, mes disciples, ne demeurez pas au chaud dans votre bocal étiqueté « catholique » où vous vous sentez bien parce que les autres partagent vos croyances et vos opinions. C’est en s’exposant que l’Evangile prend racine, c’est en tombant dans la pâte du monde que le sel du croyant fait lever la foi. Votre foi est-elle à ce point vulnérable que vous cherchez à tout prix à la mettre à l’abri ? Ne savez-vous pas que « celui qui veut gagner sa vie la perdra, et que celui qui perdra sa vie à cause du Christ la sauvera ? »
On s’attendrait à ce que Jésus nous mette en garde contre ceux qui s’opposent à l’Evangile et veulent contrecarrer son action. Au contraire il prévient ses disciples que le danger est en eux. Pour le chrétien, le pire n’est pas la menace extérieure, mais l’affadissement. On veut redevenir « comme les autres ». On croit mieux faire mieux en devenant du sucre, de la guimauve, du miel. Finalement, c’est écœurant....

Eclairer pour faire voir Dieu
L’image du sel évoquait l’enfouissement, le travail intérieur, l’œuvre secrète en pleine pâte de la réalité : celle de la lumière insiste sur la manifestation extérieure. Le message évangélique n’est pas une gnose que des initiés se transmettraient en secret : il est révélation publique, manifestation lumineuse. L’Eglise, la communauté de Jésus se montre à toutes les nations, elle ne peut rester enfouie dans les cavernes de la peur, cloîtrée dans les. « Ce que je vous dis en secret, proclamez-le sur les toits ».
Non pour que le monde vous applaudisse, vous embrasse, vous décore, mais pour qu’il arrive à rendre gloire au Père. En effet les béatitudes vécues ne manifestent pas les qualités exceptionnelles des pratiquants. Comme la lampe brille par le courant électrique sur lequel elle est branchée, ainsi les hommes des béatitudes manifestent l’action de l’Esprit qui les inspire. Ils ne veulent pas être des vedettes au centre des foules en délire, ni avoir leur noms sur les affiches. Ce qui est leur seule passion : faire découvrir l’auteur de leur vie, amener les hommes à réfléchir : « Pourquoi ces gens agissent-ils de cette manière ? Dieu existerait-il ?... ».
 
La foi authentique n’est pas une piété aux yeux fermés, la messe n’est pas une routine ennuyeuse, l’Eglise n’est pas un enclos pour brebis frileuses, la morale n’est pas gratouillis de conscience, l’espérance n’est pas le mirage d’un avenir hypothétique.
L’Evangile lance en plein cœur de la société, là où se joue le destin du monde, là où les tsunamis des puissants écrasent les petits, là où les tempêtes veulent chasser l’espérance.
AMEN.
                                    
Michel Steinmetz