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dimanche 31 décembre 2006

Homélie de la Messe de Minuit 2006



Nuit particulière et singulière entre toutes qui nous rassemble ! Nuit qui nous fait quitter nos demeures pour nous retrouver dans la joie et la ferveur ! Nuit durant laquelle l’Eglise nous appelle à célébrer l’eucharistie de joie qui sauve le monde ! Nuit que nous n’abandonnerions sous aucun prétexte ! Nuit dont nous aimerions retenir à jamais la profondeur et la vérité !
Du bout de nos doigts, déjà, nous touchons le mystère. Nous le sentons à notre portée avec une rare acuité. Dans cet enfant de la crèche, nous contemplons le Dieu fait homme. Devant Lui, nous n’avons de peine à comprendre la grandeur de l’amour de Dieu pour nous. Le voici cet enfant, dans sa fragilité, sa petitesse, son innocence, Dieu livré entre nos mains !
Par delà ce sentiment de sérénité, cette nuit est celle de tous les contrastes. Nous chantions dans la prière d’ouverture de la messe : « Seigneur, tu as fait resplendir cette nuit très sainte des clartés de la vraie lumière » ; une nuit peut-elle bien être lumineuse ? Premier paradoxe dont découlent tous les autres : la Lumière fait irruption dans les ténèbres. Que ce soit il y a deux mille ans ou plus, que ce soit maintenant pour nous, la Parole vivante de Dieu qui se révèle et se livre assume, dépasse et unifie tous ces paradoxes : elle est une pour tous et un chacun, force de Dieu à nous donnée.

I.- Il y a 2000 ans ou plus…

Déjà pour le prophète Isaïe, la venue du Seigneur est gage de joie, promesse de paix et de bonheur. Les ténèbres, pour lui symboles de malheur et d’oppression, ne sont plus que pour un temps : ils seront vaincus par une « grande lumière ». A la vision de la bataille de Madiane avec sa horde de soldats, « piétinant bruyamment le sol », leurs « manteaux couverts de sang » se succède celle, ô combien contrastée, d’un état de joie et d’allégresse, d’une grande liesse traversant tout le peuple. Cette joie est la naissance d’un enfant. Et cette naissance suffit à faire taire les armes de la haine et de l’injustice. Cette naissance est lourde de promesse : « on proclame son nom : ‘Merveiller-Conseiller, Dieu-fort, Père-à-jamais , Prince-de-la-Paix’ ».
Quand naît Jésus, que de contrastes aussi ! La prophétie d’Isaïe se réalise. L’Enfant est né. Mais le seul mouvement de foule suscité par sa naissance sera celui non de tous ceux venus à Bethléem à l’occasion du recensement mais de la petite troupe des bergers hagards, campant là avec leurs troupeaux au cœur de la nuit. Dieu choisit la discrétion. C’est le mode de sa présence à nos côtés. Discrétion dans la présence mais présence qui sauve le monde. Ce qu’Isaïe espérait avec insistance, ce qu’il sentait poindre, tel le jour qui se lève, est là, à portée de main désormais. L’ange le confirme : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur… ! ». Les bergers seront à la fois les témoins et les messagers de cet évènement. Dès le premier instant de la crèche, Dieu décide de s’en remettre à nous : Il confie Marie à la protection aimante de Joseph, Il confie son propre Fils à la tendresse de ce couple, Il confie l’annonce de la naissance à d’humbles bergers, quasi-parias pour la société de l’époque.

II.- Pour nous aujourd’hui…

Deux mille ans plus tard, les contrastes sont toujours aussi marqués. Nous qui célébrons ce soir la venue du Christ en notre monde, comment fêtons-nous cet événement ? Ne cédons-nous pas aux nombreux effets de mode qui nous font perdre de vue la quintessence, le cœur même du message de Noël ? Que venons-nous chercher ici ? Qu’attendons-nous ? Qu’espérons-nous ? Ou plutôt que pouvons-nous espérer si nous n’entendons pas vivre un temps soit peu la formidable nouvelle qui nous est offerte, si nous nous résignons à ce que ce soir, au moment où je vous parle, des hommes et des femmes, des frères et des sœurs, dorment dehors dans le froid, dans des campements de fortune en bordure d’autoroute ou sous les ponts ?
Certains se plaisent à stigmatiser la « fracture sociale » : il nous faut bien tristement constater aujourd’hui qu’il existe non seulement des fractures mais des fossés. Notre prière ce soir ne peut prétendre à la vérité si elle ne prend en compte ces drames humains, si elle ne nous pousse à agir pour une société plus fraternelle et plus juste. J’ose faire le rêve d’un monde où tous, et les chrétiens en premier lieu, prêteraient – au moins un peu – attention aux autres. J’ose faire le rêve en cette nuit d’un monde où il n’y aurait plus d’exclus, d’abandonnés, de rejetés parce que nous aurions compris que Dieu n’est jamais loin du pauvre et du petit, parce que nous aurions compris que, pour être proche, Il a besoin de nous.


III.- Et pourtant une même Parole hier et aujourd’hui…

Il y deux mille ans et aujourd’hui, une même Parole, Parole de Dieu, Verbe fait chair, retentit dans la nuit et déchire son silence. Cette Parole qui emprunte les chemins de notre humanité n’est pas celle qui dresse les uns contre les autres : les petits opprimés contre les puissants nantis, les forts en quête de toujours plus de pouvoir contre les faibles. Elle est une parole éternelle à jamais donnée. Elle est alliance à jamais scellée entre Dieu et les hommes. Alliance inscrite jusque dans la chair de l’Enfant de la crèche. Elle est bonne nouvelle, toujours nouvelle, toujours actuelle.
Le Christ, dans l’évènement de sa naissance, nous invite à dépasser les paradoxes, à rétablir l’équilibre de l’amour vécu et partagé. Repus de notre suffisance ou affamés de notre indigence, Jésus se donne à nous pour que nous nous donnions à Lui et aux autres. Nous ne restons pas insensibles à l’innocence de l’Enfant-Dieu, nous restons béats devant la tendresse qui s’exprime à la crèche, comment resterions-nous passifs devant le don admirable qui nous est fait ? Comment ne pas répondre à tant d’amour ? Chacun de nous aura sans doute déjà, à sa manière, trouvé une réponse pour s’abandonner à l’amour de Dieu : un pardon offert, une visite à des proches dans le besoin ou la détresse, un sourire, ou même le don total de sa personne à la cause de Dieu ! Cette nuit qu’il nous est donné de vivre ensemble est bénie de Dieu : elle connaît sa part de miracles et de conversions.

"La voici, la nuit de Dieu d’où le jour va naître comme un feu » – c’est ce que nous chanterons au retour de la communion. « Toute nuit sait bien – poursuivrons-nous – qu’on chante et danse, quand s’en va la fête pour longtemps. Cette nuit, la fête qui commence chantera jusqu’au-delà des temps », si nous consentons à nous laisser rejoindre par le motif même de notre joie : le Christ. Qu’Il nous fasse cette grâce ! Bon et saint Noël à vous !

AMEN.


+ Michel Steinmetz.