A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 22 septembre 2012

Homélie de la solennité du Corpus Domini - 10 juin 2012

En 1264, le pape Urbain IV institue la fête du Corps et du Saint du Christ, que la tradition populaire a dénommé « Fête-Dieu ». Il charge Thomas d’Aquin d’en composer la liturgie. C’est lui qui a rédigé ces hymnes que l’on utilise encore aujourd’hui, comme le Pange lingua, le Tantum ergo, le Lauda Sion Salvatorem. Dans ce dernier chant, une phrase « quantum potes, tantum aude » : « Ose autant que tu le peux ! ». Il s’agit d’oser autant que possible dans la louange de Dieu mais je pense que cela peut être élargi à tout un programme de vie ! Ainsi l’eucharistie ne peut-elle se limiter à une action de culte, à une célébration, à une petite heure hebdomadaire. Ce serait n’y rien comprendre. L’eucharistie est le ferment de notre audace : ose être, ose célébrer, ose devenir !

I.- Etre

Alors que Jésus nous dit explicitement « Prenez et mangez, prenez et buvez », dans l’adoration du Saint-Sacrement, il ne s’agit pas de manger, c’est le regard qui est valorisé. Pourquoi ? Parce qu’il permet un autre type de rencontre. Une rencontre avec le Christ et une rencontre avec soi, en prenant son temps. L’exposition du Saint-Sacrement va dans les deux sens : le Christ s’expose à notre regard et à notre prière mais il invite aussi à nous exposer nous-mêmes à son regard. Sûr de sa présence, je peux lui exposer mes pauvretés intérieures, mes infirmités spirituelles et physiques, lui présenter tous mes soucis.
Si « adorer » signifie étymologiquement « porter à la bouche », prendre du temps en silence après avoir communié ou devant le Saint-Sacrement en est le prolongement. En nous avançant pour recevoir le Corps du Christ, nous n’exécutons pas une démarche banale, anodine et routinière. Cet acte nous engage et nous change. C’est la qualité de notre présence au Seigneur qui est en jeu. Communier ne devrait jamais se faire sans avoir comme prolongement un temps de silence et de prière. Pensons-nous à Celui que nous recevons ? Sommes-nous « en adoration » ?

II.- Célébrer

Le premier jour de la Fête des pains sans levain où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? ». Il importe de ne pas réduire ce repas au niveau d’un aimable pique-nique, d’une « petite croûte » mangée entre copains qui s’entendent bien. Les disciples ne se sont pas choisis par affinité : ils sont ensemble parce que tous appelés par leur Seigneur. Le repas a pour but de les unir d’abord par rapport à Lui.
Ce repas ne s’improvise pas dans un joyeux désordre. Le repas pascal juif suit un rituel méticuleux qui codifie chaque parole et chaque geste : certains sont chargés de le préparer, de se procurer les aliments, de mettre la table, de veiller à l’éclairage, de prévoir l’installation des convives. Dans toute communauté chrétienne, certains devraient se sentir très fiers d’être choisis pour cette tâche préliminaire. Ainsi les linges ne seraient pas souillés, les livres seraient prêts à la page, les lecteurs auraient préparé leur texte, le lieu serait propre, chaleureux et accueillant, les signes d’hospitalité joyeuse réjouiraient chaque arrivant.
Saint Paul écrit : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Cor 11, 26). Par et au-delà rites posés, des préparatifs accomplis, l’acte présent du repas est porteur du mémorial de la Croix passée et il envoie vers l’avenir. L’eucharistie donne à l’existence humaine sens et signification.

III.- Devenir

Si l’on conserve le Saint-Sacrement dans le tabernacle, plus précisément dans la « réserve eucharistique », c’est d’abord pour pouvoir porter la communion aux malades et aux mourants. On me racontait, il y a quelques jours, comme une laïque en charge d’une aumônerie de maison de retraite a le souci de permettre un temps d’adoration aux pensionnaires ; elle explique que suivant le degré d’envie des personnes de faire l’expérience de la présence de Jésus, elle les invite à s’approche du tabernacle, ou elle en entrouvre les portes, ou, même, elle en sort le ciboire. La relation au Christ ne s’estime pas au nombre de centimètre qui nous sépare de lui ! Nous pouvons prier devant avec respect, sans aucun doute, mais le vrai mystère de ce sacrement est encore plus beau, encore plus profond. Il ne s’agit pas seulement de nous rendre présents et de nous exposer en vis à vis, face à face dans une certaine distance et une certaine extériorité malgré tout, il s’agit radicalement d’être unis à Lui, de le recevoir, de le manger, pour devenir membres de son corps, devenir qui il est, dans une communion fondamentale, une véritable unité. « Devenez ce que vous recevez, vous êtes le corps du Christ ! », disait saint Augustin.
Ce que Jésus nous propose va bien au-delà de ce que nous sommes capables d’espérer et même d’imaginer. Ce mystère va bien au-delà de tout ce que nous pouvons penser. Il ne s’agit pas seulement de voir, il s’agit d’être nous même transformés en Lui, de faire corps avec Lui.
Ose autant que tu le peux ! Aujourd’hui, ose te mettre en présence du Seigneur, ose le célébrer et t’approcher de sa table, ose devenir ce que tu reçois !

AMEN.

Michel STEINMETZ †



Aucun commentaire: