Ne rien préférer à l’amour du Christ. « Messire
Dieu, premier servi ! », disait Jeanne d’Arc, et avec elle, chacun à
sa manière, une cohorte de saintes et de saints. Voilà qui nous semble,
peut-être, comme une folie ou un abîme. L’aimer oui, lui faire une place
assurément, mais de là à le préférer à tout... Car cette hypothèse évoque
spontanément pour nous une longue liste de renoncements. Ceux-là même que Jésus
commence par évoquer dans l’évangile : un père, une mère, un fils, une
fille. Et chacun complètera allègrement la liste en passant aussi par notre
zone de confort et tous ces plaisirs qu’il nous serait insupportable d’abandonner.
Pourtant, ne vous sentez-vous pas de temps à autre comme prisonniers de vos
devoirs, de vos obligations envers vous-même et envers les autres ?
Or le propre du chrétien, c’est d’être un homme et une femme libre. Celui qui
applique la belle sentence de saint Augustin : « Aime et fais ce que
tu veux ». C’est vrai : la phrase est dangereuse. Evidemment Augustin
n’entend pas promouvoir un esprit libertaire, celui qui permettrait à n’importe
qui de faire n’importe quoi à partir du moment où, lui, estime
« aimer ». Il s’agit d’aimer comme le Christ.
Il nous rappelle avec force, utilisant
certaines images d’amour sans concession, que lorsque nous choisissons le
chemin de la foi, ce choix n’est pas des moindres. Il demande de nous une
disponibilité de cœur et d’esprit qui pourra nous conduire, lors de certains
événements, à prendre une direction qui ne va peut-être pas dans le sens de
notre humanité mais nous fera bifurquer vers ce qu’il y a de divin en nous. Mais, avons-nous cette disposition intérieure à
nous laisser émouvoir par l’amour radical de Dieu pour oser mettre nos pas dans
les siens ?
Accueillir le Christ et le mettre au centre de
notre vie comme Celui qui en assure la cohérence et l’unité, c’est être assuré,
comme la femme sunamite qui offrit l’hospitalité au prophète Elisée, de
recevoir une grande bénédiction et d’être surpris au-delà de ce qu’on peut
imaginer. Suivre le Christ et ne rien préférer à Lui, c’est ne pas s’opposer à
la grâce du baptême. Ce baptême qui abolit la frontière entre le Christ et
nous, celui qui nous permet de vivre une « vie nouvelle »,
c’est-à-dire une vie qui n’est plus centrée sur nous-même mais qui se découvre
profondément libre. Cette vie sera débarrassée de ses lourdeurs et de ses
pesanteurs, de ses peurs aussi. Dorénavant, en acceptant que le Christ, je
commence à entrer dans la vie de Dieu, ou plutôt de faire entrer ma vie dans
celle de Dieu.
« Vous êtes morts au péché, mais vivants
pour Dieu en Jésus-Christ ».
AMEN.
Michel Steinmetz †