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vendredi 25 avril 2014

Homélie du 2ème dimanche de Pâques (A) - 27 avril 2014

Homélie prononcé lors de la célébration de la Profession de Foi
 
Il y  a maintenant un peu plus de deux ans, chers jeunes, l’un d’entre vous m’a fait une remarque après une messe. Peut-être s’en souvient-il… Alors que la célébration était achevée, un peu bêtement – je l’avoue –, de retour à la sacristie, je dis en alsacien : Weder eb’s gschafft un nix verdient. Ce qu’on pourrait traduire par : à nouveau un travail accompli pour un petit salaire. A vrai dire, ce jour-là, l’assemblée avait été plus que clairsemée et l’ambiance était un peu maussade. Voilà qu’un silence suit cette expression de notre dialecte. Et après quelques secondes, j’ai droit en retour : « Vous avez Jésus-Christ, vous avez gagné Jésus-Christ à la messe, et ça ne vous suffit pas ? ». J’en suis resté bouche-bée. Bien fait pour moi. Dans les dents. Il n’y avait de toute façon rien à ajouter.
 
On nous a dit dans l’évangile que Jésus est ressuscité. Le tombeau est vide. Il est apparu aux disciples ! Il demande même à celui qui a du mal à croire à mettre la main dans son côté transpercé et ses doigts à l’endroit des clous ! Il est vivant, différemment, mais bel et bien vivant. Vivant pour toujours. Que de fois ne cherchons-nous pas notre bonheur ailleurs ? Que de fois ne sommes-nous pas travaillés de l’intérieur par des passions qui agitent notre cœur ? Nous luttons avec nous-mêmes et nous oublions d’entendre la voix du Seigneur qui nous lance : « La Paix soit avec toi ! ». Il y a tellement d’agitation en nous et en dehors de nous… Pourtant le Seigneur ressuscité est là, il est même prêt à revenir, comme pour Thomas, pour nous assurer de sa présence quand nous manquons le rendez-vous avec lui.
 
Je sais que, parmi vous, certains au moins sont confrontés aux grandes questions de l’existence devant la maladie d’un proche ou la perte d’un être cher. Nous sommes obligés de voir, sous nos yeux, une vie en proie à la destruction, à la souillure et au vieillissement, pour reprendre les paroles de l’apôtre Pierre. Cela peut s’avérer si déroutant que nous venons à en oublier que Jésus, ressuscité, nous fait renaître à la vie qui ne finit pas. Bien sûr, l’espérance de la foi nous le fait deviner, même si nous avons bien du mal à nous l’imaginer. Cela est cependant bien vrai et bien réel. La Pâque de Jésus nous fait « tressaillir de joie », « même s’il faut que [nous soyons] attristés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ».
 
Je sais aussi que, parmi vous, beaucoup veulent faire le bien autour d’eux et sont prêts à s’engager pour cela. Votre participation à notre action de Carême en faveur des Sœurs indiennes en a été le signe. Ne laissez pas cet élan, cette générosité, cette bonté s’éteindre parce que vous seriez blasés par la vie ! Le Christ n’est pas mort et ressuscité pour rien ! Il compte sur chacun de nous, sur chacun et chacune de vous, pour continuer l’œuvre de la Résurrection. Vous pouvez faire en sorte que des hommes et des femmes, autour de vous et dans le monde, deviennent plus vivants, soient remis debout dans leur dignité.
 
Je suis persuadé qu’aider les pauvres et les opprimés à vivre est notre devoir pascal. Je dis « pascal », parce que ce devoir trouve à mon avis, son origine dans la mort et la résurrection du Christ. Le Christ s’est donné complètement à nous et pour nous. Sa vie était une renonciation totale et, en même temps, une donation. C’est quand on se donne, à la suite de Jésus, que l’on reçoit beaucoup. Moi, comme disciple de Jésus, je ne peux plus rechercher simplement mon intérêt à moi, mais je dois aussi chercher « les intérêts d’autrui ». La charité n’est une vertu chrétienne que si elle puise son origine, sa force dans la mort et la résurrection du Christ, c’est-à-dire dans son amour allant jusqu’à l’extrême. Mais si on ne fait rien pour ces gens-là, pour les pauvres et les opprimés, à quoi bon cette résurrection si elle ne nous inspire pas à agir ? A quoi bon annoncer que Jésus est vivant si les pauvres et les opprimés – que nous sommes aussi parfois – ne retrouvent pas eux-mêmes la joie de vivre ?
 
Chers jeunes, ne laissez pas le Christ être mort et ressuscité pour rien. Il est au milieu de nous et nous dit : «  La paix soit avec toi ». Vivez-en ! Dites-le autour de vous ! Ne vous taisez pas !
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 12 avril 2014

Homélie du Saint Jour de Pâques - 20 avril 2014

 
Il ne suffit pas de voir pour croire. Trois personnes ont vu quelque chose dans l’évangile, et parmi elles une seule a cru. La première qui a vu, c’est Marie Madeleine : elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau, mais elle a trouvé une explication pour justifier la disparition du corps : on l’a enlevé. Parmi les deux disciples qui se précipitent vers le tombeau, le premier, Pierre, entre et il voit le linceul resté là et le linge qui avait recouvert la tête, mais l’évangile ne nous dit pas ce que cette vision a provoqué chez lui. Et c’est seulement l’autre disciple, celui qui avait accompagné Pierre tout en le laissant pénétrer d’abord dans le tombeau, dont l’évangile nous dit : « il vit, (donc il voit la même chose que Marie Madeleine et que Pierre), et il crut » (Jn 20, 8). Qu’a-t-il cru ? L’évangile nous le dit,  « jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » (Jn 20, 9)
 
Comment pouvons-nous essayer, non pas de comprendre, mais d’éclairer notre propre cheminement de foi à partir de l’expérience de ces trois personnages ? Nous aussi, nous voyons bien le tombeau vide. Je veux dire que les signes de l’absence du Christ dans tant de cœurs et d’âmes humaines, l’absence de la référence au Christ dans tant de nos sociétés, l’absence de la visibilité des chrétiens dans beaucoup d’endroits de notre monde, tout cela peut être comparé au tombeau vide. Et devant ce phénomène, on peut avoir des réactions très diverses. On peut être comme Marie Madeleine, disant : on nous a retiré le corps du Christ, qu’est-ce qu’on en a fait, on ne sait pas où on l’a mis. Beaucoup de chrétiens sont désorientés en s’apercevant que tout le monde n’a plus les mêmes repères qu’eux, on leur a enlevé leur christianisme et ils ne savent pas où on l’a mis. Ils cherchent vainement. On peut être dans l’attitude de Pierre, qui voit cela mais qui ne réagit pas, qui n’a pas d’expression pour expliquer ce qui s’est passé, il voit, il constate, peut-être qu’il espère dans le secret de son cœur, peut-être qu’il a renoncé, on ne sait pas. Et puis, on a le troisième disciple, celui que Jésus aimait, et celui-là donne une interprétation à cette absence du Christ. Il croit. Cela veut dire qu’il croit que, absent de corps, de toute visibilité, de matérialité, le Christ, comme c’était annoncé par les Écritures, est vivant quelque part, on ne sait pas où, mais il croit, c’est-à-dire qu’il sait que le Christ n’a pas disparu, il est ailleurs, autrement.
 
Et si je continue l’analogie que j’évoquais tout à l’heure, comment pouvons-nous, exercer notre acte de foi devant cet effacement progressif des signes visibles du Christianisme ? Tirons-nous un trait et établissons-nous un bilan de faillite et de fermeture : c’est fini, on n’a plus rien ? Ou bien, éclairés par les Écritures et par l’Esprit-Saint, voyons-nous dans cet effacement culturel, dans cette disparition des références chrétiennes dans la société, un appel non pas à renoncer, non pas à imaginer la disparition du Christianisme, mais à reconnaître que le Christ est présent aujourd’hui encore ? Peut-être sous d’autres signes, peut-être d’une autre façon, comme les disciples en feront l’expérience au cours des apparitions du Christ ressuscité.
 
Il n’est plus le Christ de la visibilité, il n’est plus le Christ de la matérialité, il est le Christ de la foi. La joie de la Résurrection, c’est la joie de cette certitude que, invisible, imperceptible, intangible, le Christ est toujours vivant et présent à l’humanité. Quand Marie, dans le jardin, verra le Christ ressuscité, voudra le saisir et ne pas le laisser échapper, et il lui dira : lâche-moi ! La foi au Christ ressuscité, ce n’est pas la foi dans les signes de sa présence, c’est la foi en la certitude qu’il est présent à travers la mutation significations humaines qui ne peuvent pas être perpétuelles et qui sont toujours évolutives. Croire que le Christ est vivant aujourd’hui, ce n’est pas croire à la pérennité des calvaires aux carrefours des chemins, ce n’est pas croire à tous autres signes qui parsèment l’histoire du christianisme dans notre culture, c’est croire que aujourd’hui, alors que ces signes ont acquis d’autres significations ou ont perdu toute signification aux yeux de ceux qui ne croient pas, par-delà ces signes le Christ est vivant. La vie de l’Eglise ici, dans nos villages, c’est le corps vivant du Christ que vous constituez quand il vous réunit dans l’eucharistie. L’Église vivante aujourd’hui, c’est cela le signe de la Résurrection.
                                                                                                                    
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz

Homélie de la Vigile Pascale - 19 avril 2014

Le Samedi-saint est le jour du grand silence, celui où toute l’Eglise est dans l’attente. Elle retient son souffle. Déjà la joie, empreinte de ses plus beaux atours, celle de l’espérance chrétienne, tend à grandir. Le Christ est descendu aux enfers pour y arracher ceux qui sont dans l’attente. Admirables représentations anciennes qui montrent un Christ brisant la porte des enfers et qui tend la main à Adam pour l’en extraire.
 
Voici que le jour a baissé. La nuit s’est installée. Au cœur de l’obscurité, un feu, et surtout une flamme, celle dont on allume le cierge pascal. Lumen Christ ! Lumière du Christ ! Le cortège s’ébranle. Le passage est, cette fois, celui de la Pâque. Le Messie qu’on voulait couronner à la manière des hommes a été couronné d’épines et recouvert de la pourpre du sang. Il est mort ; il est vivant. « Le maître de la Vie mourut ; vivant, il règne » (Séquence du jour de Pâques, Victimae paschali laudes). « Bienheureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur » (Exultet de la nuit pascale), chantions-nous après être entrés dans l’église, en suivant non plus la croix, comme au jour des Rameaux et de l’entrée à Jérusalem, mais à la lueur du cierge pascal. Notre église, dont nous franchissions le seuil ainsi éclairés par cette lumière du Christ, devenait l’annonce pour nous de la Jérusalem céleste, du paradis retrouvé.
 
« Maintenant, Seigneur, nous voyons resplendir tes merveilles d’autrefois… » (cf. oraison qui suit la troisième lecture de la Vigile) : si les fidèles lisent dans l’Ancien Testament les événements du salut comme nous avons pu le faire en voyageant dans l’Ecriture avec les sept lectures, c’est qu’ils vont les voir s’accomplir dans les rites du baptême, après la liturgie de la Parole. Désormais à l’annonce de la Résurrection, après avoir cheminé au cœur de la Vigile, dans l’écoute attentive de la Parole de Dieu et retracé l’itinéraire croyant du peuple de l’attente, les baptisés chantent : alléluia ! Ils savent que l’eau de leur baptême les a plongés dans la mort et la résurrection de Jésus. Les catéchumènes avec lesquels ils ont cheminé jusqu’au baptême durant le Carême leur rappelle que sans cesse ils ont à revenir à la source vive du salut. Vous avez été pour nous, Sophia, ce salutaire aiguillon. Ce soir, la communauté chrétienne vous accueille dans la dignité des enfants de Dieu, comme vous avez été le signe, pour elle, de la grâce et de la joie retrouvée d’être baptisé.
 
« Je crois ». Nous allons nous réapproprier la foi de l’Eglise qui nous fait vivre. Dans l’eucharistie, nous recevrons la chair du Christ ressuscité et nous communierons à la puissance du Ressuscité déjà à l’œuvre en nous, par le baptême. C’est pour cela que nous avons un besoin vital, physiologiquement spirituel, de communier. Ce n’est pas une récompense. Elle est inscription dans le corps de l’Eglise, parce qu’elle est inscription dans le Corps ressuscité du Christ. Nous entendrons demain à la messe du jour de Pâques : « vous êtes ressuscités » (Colossiens 3, 1) parce que nous avons été baptisés et que nous avons reçu l’eucharistie. C’est l’eucharistie qui est gage de notre résurrection. Le renvoi liturgique, tout à l’heure, sera solennel : « Allez dans la paix du Christ, alléluia, alléluia ! » et  le peuple répondra de la même manière: « Nous rendons grâce à Dieu, alléluia, alléluia ! ». Ainsi, par ce simple rite de l’alléluia pascal, tous prennent conscience d’être constitués comme peuple  porteur de la bonne nouvelle de la Résurrection : à nous est désormais confiée l’annonce de la résurrection parce que nous avons accepté durant cette semaine de suivre le Seigneur, d’aller jusqu’à sa mort pour participer à sa résurrection.
 
Célébrer la liturgie de l’Église au cours de la Semaine sainte, c’est bien plus que poser des actes rituels, c’est mettre ses pas dans ceux de Christ. La foi se dit en paroles ; elle se dit aussi en actes par les rites et par l’agir chrétien – la vie quotidienne de charité et de service. C’est là que, pour nous, la Pâque va se poursuivre. C’est dans cette attention aux frères et aux sœurs dans le besoin que nous dirons que, vraiment, le Christ est ressuscité parce qu’il n’y a de désespoir qui ne saurait trouver consolation dans la Pâque. Dans les jours à venir, à qui direz-vous que vous avez pris part à cette célébration ? Pour qui serez-vous témoins de la bonne nouvelle qui nous réjouit en cette nuit ?
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie de la célébration de la Mort et de la Passion du Seigneur - 18 avril 2014


Au cœur de la Semaine sainte, le Triduum nous plonge, au cœur du mystère de la foi. Nous vivons une immersion totale dans la liturgie. La messe en mémoire de la Cène du Seigneur, au soir du Jeudi-saint, hier, ne comportait aucun renvoi liturgique, mais l’invitation à demeurer – au sens johannique de persévérer – dans la prière. Par l’adoration silencieuse au reposoir, nous avons voulu persévérer avec Jésus et nous entraîner à la même fidélité que lui. Par-delà les craintes, les angoisses, l’ombre de la mort qui rôde autour d’eux, nous avons prié, unis à Jésus : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » (Matthieu 26, 39). La liturgie des Heures, ce matin au Dompeter et demain encore, continuera de nous entretenir dans la prière en nous souvenant du moment où Jésus a été conduit à la croix à la troisième heure, où il a été mis en croix à la sixième heure, puis, ici et maintenant, de la célébration de sa passion et de sa mort. En venant adorer la croix du Seigneur, nous allons faire physiquement le geste de l’agenouillement. Nous comprendrons alors l’abaissement du Christ, « prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2, 7), lorsqu’il décidait hier de laver les pieds de ses disciples. A nouveau, nous avons entendu – c’était la deuxième lecture, elle-même reprise comme acclamation avant la Passion, c’est dire son importance ! – l’hymne aux Philippiens comme au jour des Rameaux. Dimanche dernier, en entrant dans la Semaine sainte, nous contemplions de manière encore un peu lointaine l’abaissement du Christ, qui allait appeler le nôtre en retour ; dans un instant, nous allons nous abaisser nous-mêmes devant la croix et celui s’est abaissé pour nous.
L'eucharistie que nous recevrons avant de nous disperser ne pourra s’appréhender que par le prisme de cet abaissement jusque dans la mort par amour. « Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jean 13, 1).  Alors que la communion eucharistique hier soir nous rappelait sacramentellement l’institution de l’eucharistie et notre volonté de communier à la mort et résurrection du Seigneur, celle de ce vendredi évoque – de par sa forme liturgique spécifique –  notre dernière communion, en viatique au moment de la mort. Celle de la nuit pascale, demain, ravivera le souvenir de notre première communion.
 
A la fin de la célébration du Vendredi-saint, il n’y aura encore aucun renvoi, mais une formule de bénédiction qui nous fera comprendre qu’il s’agit, encore, de demeurer là. On vient d’entendre la lecture de la Passion qui se termine par la mise du Christ au tombeau. Il s’agit donc de rester là, auprès de la croix du Seigneur et auprès du tombeau. Rester avec la Vierge Marie, elle qui a cru à la résurrection, contre toute évidence, alors que son fils était mis au tombeau. Souvent, la dévotion populaire a invité les fidèles à prendre part au chemin de croix ; là, en se déplaçant de station en station, ils refont l’itinéraire de Jésus sur la via dolorosa, pas à pas. C’est ce que, chers jeunes, vous allez faire en vous relayant pour porter la croix et laisser encore le récit de la Passion vous émouvoir et vous transformer. C’est ce que nous ferons tous ensemble ce soir au sanctuaire d’Altbronn avant de demeurer dans la prière silencieuse près de la croix.
 
Mais vous remarquerez que si notre célébration ne comporte pas de renvoi, c’est parce que la mort de Jésus n’est pas une fin. Elle est elle-même un passage, une attente. La route se poursuit, elle ne prend pas fin au sommet du Golgotha. Elle n’est pas la constatation d’un échec. Voilà pourquoi vous ne devez en rester là. Voilà pourquoi vous êtes obligés de prendre part à la célébration de la Résurrection demain soir si vous voulez que la Pâque de Jésus vous transforme et vous fasse passer de ce qui semble être pour vous une mort, une fatalité, un deuil, un échec personnel, à la libération de vos entraves, à la grâce des nouveaux commencements et d’une vie nouvelle.
AMEN.
 
Michel Steinmetz

Homélie de la messe "in Coena Domini" - 17 avril 2014


Nous entrons ce soir dans une longue et unique célébration qui s’achèvera dans la nuit de samedi avec l’envoi solennel : Allez dans paix du Christ, alléluia, alléluia ! Auparavant il nous faudra aller tout à l’heure avec le Christ à Géthsémani pour veiller avec lui, le suivre jusqu’au Golgotha quand il n’aura plus figure humaine, demeurer dans l’attente et nous réjouir, enfin, de l’annonce sa victoire sur la mort. La liturgie nous donne à entendre – c’était la première lecture de cette messe – le passage de l’Exode comme une introduction aux mystères de foi que nous allons rendre présents. Alors que ce soir l’ambiance est celle d’un adieu déchirant, d’un testament spirituel livré par Jésus lui-même « Faites cela en mémoire de moi », le récit de la Pâque nous indique les passages successifs auxquels ces trois jours de liturgie vont nous convoquer.

 
Le Peuple d’Israël souffrait en Égypte, sous la dure loi de l’esclavage. Et pour le délivrer de cet esclavage, il n’a rien fallu de moins que l’intervention de Dieu lui-même quand il a envoyé la mort frapper les Égyptiens pour qu’il laisse partir les Fils d’Israël sous la conduite de Moïse. Nous sommes évidemment conduits très vite à transposer et à appliquer ce que nous entendons à ce qui s’est passé avec la mort de Jésus. Car l’humanité, après la délivrance d’Israël, n’en n’avait fini ni avec le péché ni avec la mort. Et les sacrifices qui se renouvelaient année après année pour faire mémoire de cette nuit inaugurale ne suffisaient pas à apporter définitivement la liberté à l’humanité. Il avait fallu que Dieu envoie la mort pour qu’Israël trouve la vie, il faudra la mort de son Fils pour que l’humanité trouve la vie. Cet acte unique, qui ne se répétera jamais, c’est le moment où Jésus, comme nous le rappelle l’évangile de saint Jean, a livré sa vie. Il a aimé les siens qui étaient dans le monde et il les a aimés jusqu’au bout.
 
En partageant le pain et le vin au cours de la dernière Cène et en le donnant à ses disciples comme son corps livré et son sang versé, Jésus, par avance, leur donne la possibilité de communier réellement à l’événement qui se déroulera le lendemain. En nous avançant tout à l’heure pour communier, notre geste aura le sens d’un engagement de chacun et de chacune d’entre nous à communier, c’est-à-dire, à être unis à ce que Jésus a vécu. Il ne s’agit pas d’une représentation virtuelle, il s’agit vraiment de ce que Jésus va vivre le lendemain. Et en leur donnant comme consigne de faire cela en mémoire de lui, il ouvre pour l’avenir la porte qui permettra à toutes les générations, non pas simplement de faire souvenir du sacrifice du Christ, mais d’entrer réellement et actuellement, présentement, à toutes les périodes de l’histoire, en communion avec le don que Jésus fait de sa vie. C’est ce que nous célébrons dans chaque eucharistie.
Notre communion à l’eucharistie ne peut porter la plénitude de ses fruits que si nous communions aussi à l’amour du Christ pour ses frères. Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. Nous sommes conviés à partager l’amour que le Christ porte à l’humanité, et nous sommes donc conviés en même temps à entrer dans le don qu’il fait de sa vie. Et c’est pourquoi l’évangile de saint Jean rapporte ce geste d’un Jésus qui se met aux pieds de ses disciples pour leur laver les pieds, prenant la position de l’esclave. Il les a aimés jusqu’au bout, et cet amour s’exprime dans le geste qu’il fait à leur profit.
 
L'Église, en célébrant l’eucharistie, s’engage à poursuivre la mise en pratique de cet amour définitif. Elle s’engage à se mettre elle aussi à genoux pour venir au service de l’humanité. C’est pourquoi dans cette liturgie de la première Cène, le célébrant qui figure et représente le Christ dans l’action sacramentelle, va faire maintenant le même geste que Jésus a fait à l’égard de ses disciples en lavant les pieds de douze personnes qui représentent les disciples. Il n’aura de sens que si chacun se décide réellement à se donner lui-même par amour de ses frères.
 
AMEN.
 
Michel STEINMETZ

Homélie du Dimanche des Rameaux et de la Passion (A) - 13 avril 2014

Tout commence au début de la Semaine sainte par un rassemblement. Celui des croyants en dehors de l’église, comme jadis les habitants de Jérusalem accueillirent Jésus aux portes de la Ville. C’est en dehors de l’enceinte (cf. Hébreux 13, 12), encore, qu’il trouvera la mort et que sera plantée la croix. Tout commence par la bénédiction des rameaux et surtout par une marche, une procession, pour passer la porte de l’église et y prendre place. Ce cheminement n’est pas que physique, il est spirituel. En s’avançant à la suite de la croix portée solennellement à leur tête, les fidèles expérimentent dans leur corps leur volonté de suivre Jésus pas à pas dans sa passion et sa mort pour avoir part, avec Lui, à sa résurrection. La liturgie va désormais se saisir d’eux et, s’ils le veulent bien, elle les conduira jusqu’à l’Alléluia, celui du matin de Pâques, mais aussi celui déjà anticipé, pour eux et en eux, du jour où Dieu leur donnera part à sa vie éternelle.
 
Les chrétiens entrent donc, ensemble, en communauté ecclésiale dans la grande semaine. Bientôt, au terme du chemin, le cierge pascal aura remplacé la croix pour passer à nouveau la porte de l’église. Ce passage, qui ne sera pas sans rappeler pour eux celui de la Mer rouge à pied sec (Exode 14, 15 – 15, 1a), ni la longue marche du peuple au désert, illuminé par la colonne de nuée (cf. Exode 14), n’aura rien à voir avec celui des Rameaux. Il marquera celui de la libération définitive, de la Pâque de Jésus. D’année en année, nous demandons que cette marche à la suite de Jésus fasse grandir en nous la victoire pascale.
 
Mais cette démarche n’est pas abstraite ou virtuelle. Il s’agit pour nous de laisser Dieu agir en nous. Il s’agit pour nous de faire comme lui, Jésus, a fait. Le dimanche des Rameaux et de la Passion est comme le proche par lequel il nous faut passer. Aujourd’hui, l’Eglise nous donne à contempler comme un avant-goût de tout ce que nous allons vivre à la suite du Christ. Nous avons entendu dans la deuxième lecture ce que l’on appelle l’hymne aux Philippiens. Saint Paul intègre à sa lettre un texte qu’il reçoit déjà lui-même de la tradition liturgique des premières communautés chrétiennes. Ce qui est dit est là fondamental. C’est la méthode pour qui veut suivre Jésus. C’est le résumé de toute la Semaine sainte. C’est la clé du mystère que la liturgie va nous faire vivre. Le Christ, en se faisant obéissant, est mort pour nous, non pas afin de nous dispenser de mourir, mais bien plutôt pour nous rendre capables de mourir efficacement. Mourir à la vie du vieil homme pour revivre à celle de l’homme nouveau qui ne meurt plus. Là est le sens de la Pâque : le baptisé dans l’Eglise doit s’abaisser avec le Christ pour vivre en lui. Et l’Eglise ne fait que de l’enseigner, elle va nous le faire faire dans le lavement des pieds jeudi, dans l’adoration de la croix vendredi. C’est là le mystère de foi de cette semaine qui s’ouvre à nous : aujourd’hui devient nôtre l’action qu’un Autre a consenti à accomplir jadis mais dont nous ne verrons les fruits que plus tard.
 
Que faisons-nous de la méthode révélée par saint Paul ? Revendiquons notre droit de nous prendre pour des dieux, à tout vouloir posséder et tout gérer par nous-mêmes ? Acceptons-nous de nous laisser dépouiller et de devenir le serviteur des autres, y compris de ceux que nous n’apprécions pas ? Acceptons-nous de nous abaisser pour que Dieu puisse nous relever ? Proclamons-nous « Jésus Seigneur » ? Si les apôtres sont partis à travers le monde pour l’évangéliser, c’est d’abord parce que l’Esprit-Saint avait mis en eux la certitude qui s’exprimait dans cette seule phrase : « Jésus est le Seigneur ». Ce terme que nous avons tellement banalisé que nous avons du mal à encore nous rendre compte de ce qu’il signifie. « Le Seigneur », c’est « Adonaï », le mot par lequel les Juifs remplaçaient le nom imprononçable de Yavhé et qu’on a traduit en grec par Kyrie. Toute la vie de l’Eglise doit être l’imitation de la vie de Jésus-Christ. Non une pâle copie. La vie de l’Eglise, c’est la vie de Jésus-Christ partagée. Voilà pourquoi, maintenant, nous allons prendre la Cène, aller à la Croix, descendre au sépulcre pour en remonter le troisième jour. Tel est le mystère de Pâques. Tel est ce qui nous attend.
 
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz

vendredi 4 avril 2014

Homélie du 5ème dimanche de Carême (A) - 6 avril 2014

Avec la résurrection de Lazare, la catéchèse qui conduit au baptême trouve son épanouissement et son achèvement. Dans son dialogue avec la Samaritaine, Jésus annonce l’eau vive qui jaillira en source de vie éternelle du cœur des croyants comme elle jaillira du cœur transpercé du Christ sur la croix. Dans la guérison de l’aveugle né, Jésus se désigne lui-même comme la lumière du monde, celui qui apporte l’espérance dans la nuit de l’humanité. Par la résurrection de Lazare, il se manifeste comme le maître de la vie et de la mort : « Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi ne mourra pas ». C’est la figure de ce Sauveur, source d’eau vive, lumière du monde, vie et résurrection qui est proposée à celles et à ceux qui s’acheminent vers le baptême qu’ils recevront au cours de la vigile pascale et à nous, déjà baptisés, pour revenir aux sources de la vie que nous avons reçue dans le baptême.
 
Ici, c’est le septième et dernier signe accompli par Jésus que rapporte saint Jean. Il ne s’agit pas du pouvoir de Jésus de changer l’eau en vin mais de sa capacité de transformer la mort en vie. Jésus s’est réfugié avec ses disciples au-delà du Jourdain par crainte des Juifs et la famille de Lazare habite Béthanie, à quelques kilomètres de Jérusalem derrière le Mont des Oliviers. L’espace est divisé en deux par le Jourdain : l’orient et l’occident. L’orient où se trouve Jésus, dans la lumière, l’occident à Béthanie avec son cortège de ténèbres: la mort et la haine des Juifs. Le texte comporte une vingtaine de verbes de mouvement qui indique moins un déplacement dans l’espace qu’une mutation dans les esprits. Tout le monde quitte l’endroit où il se trouve. Les messagers d’abord puis Jésus en sens inverse traversent le Jourdain. Marthe comme Marie vont à la rencontre de Jésus. Lazare sort de son tombeau. Et les Juifs hostiles partiront à Jérusalem. Le symbole des quatre jours atteste à la fois la réalité de la mort de Lazare car dans la tradition rabbinique, c’est le temps qu’il faut à l’âme pour quitter le corps après avoir tourné autour du cadavre pendant trois jours, tant qu’il est reconnaissable. C’est aussi le jour de YHWH, celui où il intervient quand les hommes ne peuvent plus pour leur salut.
 
Dieu, notre Dieu, n’est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants. Dieu ouvre les tombeaux. Il arrache l’homme au pouvoir de la mort pour l’aspirer dans le règne de la vie. Il ne veut pas que l’homme soit anéanti, ni par la violence, ni par le mépris, ni par le mal, ni par le péché. Ce qu’il veut pour nous, c’est nous faire sortir du tombeau, non pas pour quelques mois ou quelques années, comme ce fut le cas pour Lazare, mais pour toujours. Comme il appelle Lazare à sortir du tombeau, comme il le fait apparaître encore empêtré des bandelettes qui entourent son corps, il appelle l’humanité à sortir de l’ombre de la mort pour resplendir de la lumière de la vie. Comme Lazare, nous n’avons pas encore récupéré toutes nos capacités ; comme Lazare, nous sommes encore empêtrés dans les liens anciens qui sont liés à notre mort ; comme Lazare, nos membres sont encore attachés par des bandelettes et notre visage recouvert, mais comme pour Lazare, Jésus dit : « Déliez-le, libérez-le de ses liens, rendez-lui la vie ». Le Christ veut que nous soyons déliés de tout ce qui nous rattache encore à la mort. Comme Jésus le demande à Marthe, il nous demande aujourd’hui : « Crois-tu ? » Crois-tu que je peux te faire vivre ? Crois-tu que la puissance de mon amour est plus forte que les liens de la mort ? Crois-tu que la délivrance jaillie du cœur du Christ est plus vaste que les regrets, la culpabilité ou la faute ? Crois-tu que Dieu est plus grand que ton cœur ? Crois-tu qu’il peut te relever ? Crois-tu qu’il peut t’appeler et te dire : « Sors » ? Crois-tu que tu peux sortir ?
 
Cette question de la foi est évidemment la question centrale du baptême. Au cours de la Vigile pascale : nous devrons renouveler la profession de foi de notre baptême au Dieu Trinité. En ces derniers jours de préparation à la célébration de la fête de la Résurrection, telle est la question de confiance qui nous est posée par Dieu et par les hommes sur notre avenir : qu’allons-nous devenir ? Allons-nous devenir des morts ? Ou la foi nous introduit-elle pour toujours dans la vie ?
 
 
AMEN.
 
 Michel STEINMETZ †