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samedi 26 janvier 2013

Homélie du 3ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 27 janiver 2013

Qu’en pensez-vous ? Imaginez vous donc que quelqu’un vienne ici et nous lise le prophète Isaïe, ferme le livre et nous dise : tout cela que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui que cela s’accomplit. Comment le prendriez-vous ? Je pense que l’on pourrait le féliciter, lui dire bravo pour la guérison des aveugles, l’espérance pour les pauvres, la libération des prisonniers ! En avant, n’hésite pas et je serais tout disposé ensuite à confirmer que l’Esprit du Seigneur est sur lui, qu’il a été consacré par l’onction ! Voilà un chrétien confirmé !

Confirmé, « oint », « messie », tout ces mots ont le même sens et désignent celui qui a reçu une onction d’huile et qui est choisi pour une fonction messianique ! En ce sens littéral, dire « chrétien confirmé », c’est dire deux fois la même chose puisque chrétien veut dire christ et que Christ veut dire « oint », qui veut dire messie. Ces questions de vocabulaire montrent que nous sommes au cœur de notre vocation, au cœur de notre identité chrétienne. Celui qui ne rend pas l’espérance aux pauvres, ne libère pas des captifs, n’ouvre pas les yeux des aveugles, peut-il se dire chrétien ? Peut-il dire : « aujourd’hui encore, la Parole s’accomplit » ? Alors nous prenons conscience du décalage qui existe entre notre vocation et ce que nous en vivons.

Jésus est celui qui survient, prend le livre et dit : aujourd’hui, c’est vrai ! C’est vrai et je vous le dis ! Aucun de nous n’aurait osé, aucun de nous n’aurait eu cette prétention. Lui, il le fait, et c’est tout simple et c’est même évident : chaque fois que la Parole est proclamée avec foi, elle s’accomplit. Sinon pourquoi la lirait-on ? Cette Parole est vivante, éternelle est la Parole de Dieu. La proclamer, c’est marquer le temps, le qualifier en sorte que chaque instant est un aujourd’hui, unique et absolu. Nous, nous lisons avec nos lèvres et même si nous nous y impliquons, nous restons à distance, un peu loin. Souvent l’Ecriture reste lettre morte, elle d’advient que trop peu à son statut de Parole vivante. Quand nous lisions et proclamons l’Ecriture au cœur de nos assemblées, nous ne posons pas un acte de catéchèse, nous ne nous acquittons pas d’une obligation. Nous accueillons la Parole éternelle de Dieu qui advient au milieu de nous. Jésus, lui, prend tout au sérieux : aujourd’hui, cette Parole s’accomplit ! En cela Jésus est unique dans sa manière d’être premier, c’est-à-dire d’ouvrir la voie, pour que nous devenions ensuite comme lui, à sa manière, vivants et actifs dans son Esprit. Avec le même culot, avec la même allure, avec le même dynamisme, le même souffle, la même inspiration, nous aussi, à sa suite, nous voulons et pouvons devenir fils de Dieu. C’est cela, devenir des « chrétiens » confirmés, habités par l’Esprit, capables de proclamer la Parole, de la comprendre, de l’expliquer et de la mettre en pratique. C’est possible, il faut simplement y croire et s’y entraîner personnellement et en communauté, car la communauté est le lieu vital de la Parole. Elle suppose que l’on soit plusieurs à l’écouter comme à la porter.

Jésus nous appelle donc à nous lever, à prendre la parole et à soutenir l’adversité. Jésus a pour nous une ambition qui va bien au-delà de ce que nous nous croyons capables de réaliser. Croire en sa parole, c’est lui faire confiance pour nous lancer dans une aventure dont les éléments nous échappent complètement. Les disciples savaient-ils où ils allaient quand ils ont laissé leurs barques et leurs filets ? En ce sens, Jésus nous libère. Il nous libère de vouloir tout savoir, il nous libère d’horizons rétrécis, de routines asphyxiantes, d’un quotidien de morts vivants. Il nous ouvre les yeux sur des possibles qui vont se réaliser si nous nous y risquons, si nous y croyons, pas à pas, « à chaque jour suffit sa peine ». La foi fait des miracles. Je vous encourage à faire confiance à Jésus et à vous risquer sur les chemins de l’Evangile pour en vérifier toute la fécondité. « Frappez et l’on vous ouvrira, demandez et l’on vous donnera ! »

« Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » Elle s’accomplit pour vous, elle s’accomplit pour moi. Ici et maintenant.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

vendredi 18 janvier 2013

Homélie du 2ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 20 janvier 2013

Au cours de ces dimanches, l’Eglise nous instruit de différentes manifestations du Seigneur. Après l’Epiphanie aux mages et aux nations, celle à Jean-Baptiste, lors du baptême de Jésus, ce jour, nous célébrons, par le récit de son premier miracle, celle des noces à Cana ! « Et c’est ainsi, dit l’évangile, qu’il manifesta sa gloire et que l’on crut en lui. »

Je ne sais s’il vous a été donné parfois de vivre au côté d’un homme remarquable ou exceptionnel, si vous avez eu ce privilège, vous aurez peut-être remarqué de quelle leçon d’humilité se paye cet avantage ! On se sent soi-même tellement petit, qu’on se sent dépassé. Avec Dieu, c’est pire encore ! Dieu nous surprend toujours. Nous ne le reconnaissons même pas dans la manière dont il exauce nos prières. Qui eut imaginé que le « Seigneur de gloire » comme dira Paul, venant sur terre pour se manifester, qui eut imaginé qu’il choisirait d’apparaître comme un poupon vagissant sur la paille d’une crèche ou qu’il ne trouverait qu’un moyen de renouveler le monde : en mourant entre deux criminels sur une croix ?

Et, qui eut conseillé à Jésus de faire son premier miracle dans une noce de village sur une scène de fête et de bon vin, par un geste qu’on attendrait si peu d’un prophète et encore moins d’un Dieu ? On comprend qu’il ait amené ses disciples à s’asseoir à un banquet de noces mais, les convives ayant bu déjà plus que prévu, que le Christ ait jeté sur la table d’un seul coup, 7 à 800 litres de vin, cela surprend. Il y a de quoi choquer certains. Dieu, lui, voulait marquer par-là l’inépuisable mansuétude de sa miséricorde et l’infinie magnanimité de son amour. Nous n’y voyons qu’un comportement déconcertant, comme s’il n’y avait que deux attitudes possibles dans la vie : choisir de se réjouir sans religion ou choisir de servir Dieu sans joie.

Ce que Jésus attaque dans ce miracle de Cana, c’est justement cette séparation entre le Dieu de la nature et celui de la grâce, entre le Dieu qui crée le monde et le Dieu qui s’incarne pour le sauver, entre le Dieu adoré dans l’univers et le Dieu célébré dans nos églises, le Dieu créateur et le Dieu rédempteur : c’est le même Dieu, le Dieu de l’Alliance. On lui rend hommage en priant comme on lui rend hommage en vivant, tout simplement, tout ce que l’on doit vivre dans les activités de tous les jours. En changeant l’eau en vin, non seulement Dieu valorise nos valeurs humaines mais il s’affirme lui-même, maître de la vie. Jésus anticipe ce qui sera sur la croix le don de sa vie. Il préfigure déjà le don que sera l’Eucharistie. Nourri par elle, l’homme peut, lui aussi, changer sa vie et en faire pour les autres un vin capiteux et enivrant. Au lieu de faire de la religion un épouvantail pour nous dispenser de la pratiquer, au lieu de croire que pour ressembler au Seigneur, il nous faut devenir tout autre que ce que nous sommes, il nous faudrait au contraire retenir ce que nous avons de commun avec lui : cette nature humaine qui l’a rendu présent à nous. Le vrai moyen, pour nous, de ressembler davantage à Jésus, ce serait de devenir plus humain. Si nous étions plus attentifs et plus compatissants, nous aurions une vraie communauté d’âme avec le Seigneur.

Le Christ a « manifesté sa divinité et révélé sa gloire » en montrant à Cana sa délicatesse de cœur. Et il a fait son premier miracle. Et le faisant, il nous disait une fois encore son Alliance. Il anticipait son offrande sur la croix. Il révélait l’ampleur de la plénitude de son pardon. Tout cela, Jésus l’a fait avec la même tendresse de cœur qu’il nous invite, en ce jour, à communier à sa vie dans l’Eucharistie pour nous inviter, un autre jour, à ce banquet où le vin ne fera jamais défaut et où la joie ne sera jamais finie. Entre-temps, « manifestons sa gloire et sa divinité » par l’assiduité de notre foi eucharistique, par l’ingéniosité de notre cœur éveillé, par les miracles de notre compassion envers ceux qui pleurent et notre sympathie envers ceux qui se réjouissent.

AMEN.

Michel STEINMETZ †

mercredi 9 janvier 2013

Homélie de la fête du Baptême du Seigneur (C) - 13 janvier 2013

Je m’imagine les rives du Jourdain, pleines de boue. Et tu dois passer par là pour te faire baptiser dans la rivière, avant d’y repasser pour en sortir. Impossible donc de rester pur après ton baptême. Quel signe prophétique qui nous libère de tant d’illusions. Impossible de ne pas te compromettre avec ce monde. Tu es comme tout le monde. Même Jésus, celui qui était la pureté en personne, a voulu être comme tout le monde. La liturgie dit que par sa descente dans les eaux, il a rincé le fleuve, même que les eaux du Jourdain en ont été sanctifiées. Par sa descente dans notre humanité, il a guéri notre humanité, il l’a assumée et l’a portée de l’intérieur.


« Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton. »
La descente nous apprend tellement de choses. La première lecture en parle. C’est un des chants du Serviteur de Yahvé. Le texte dit : « Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton. » Il n’est pas comme certains prédicateurs du tiers-monde ou en Amérique qui prêchent le succès en criant. Il prêchera sans aucune agressivité. Il n’a pas besoin d’élever le ton, parce qu’il ne cherche pas le conflit ; pas besoin de s’imposer, il est la vérité en personne, et la vérité convainc par sa seule contemplation, pas par la persuasion, encore moins par la contrainte. Il suffit d’être face à cette vérité, qui n’évolue pas au gré des modes ou des idéologies, vérité éternelle et immanente, car vérité de Dieu, pour être saisie par elle.

« On n’entendra pas sa voix sur la place publique. »
La voix des vrais prophètes n’est jamais entendue dans le forum public. Ils ne savent pas comment manipuler la masse. Ils n’ont pas de style, ou bien leur style est si différent. Ils font toujours référence à Dieu, de façon déconcertante certes, mais sans s’imposer. Ils te laissent cette terrible liberté qui te confronte avec une certaine solitude. C’est plus confortable d’oublier cette voix prophétique, qui parfois trouve en toi-même une résonnance qui te gêne. Et déjà nous songeons à Jésus face à ses contradicteurs, aux pharisiens, aux scribes, à Pilate, au grand-prêtre à l’heure de sa Passion.

« Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit. »
Pour beaucoup de gens, dire la vérité est un acte de violence. Parce que certains « prophètes » aiment choquer. Parce que beaucoup de gens se sentent contraints par cette vérité. Ils n’osent pas dire non, mais ils ne veulent pas dire oui non plus. Beaucoup de gens pensent que la vérité ne peut pas aller de pair avec l’amour. C’est parce qu’ils ne comprennent pas que la vérité et un service, et qu’un vrai prophète ne peut que vouloir servir l’humanité. Il parle toujours avec amour avec un scrupuleux respect de la liberté d’autrui. Un vrai prophète, c’est celui ou celle qui opère une descente vers le fond de sa vie. Il a rencontré ses faiblesses et ses résistances. Il sait, par expérience, ce que les hommes doivent vivre. La tentation ici, c’est l’orgueil, de se placer au-dessus des autres. Un vrai prophète est humble, car il sait que sans l’aide de Dieu, il ne peut pas changer sa vie. Il se sent parfois un pauvre diable. Mais « lui ne faiblira pas, lui ne sera pas écrasé » : la descente vers le fond de l’âme, avec toutes les contradictions intérieures qu’on peut rencontrer, donne toujours une force, c’est là que tu y rencontres Dieu, à la fois tout proche, et tellement plus grand.

C’est Jésus lui-même qui a faite cette descente dans notre humanité, non avec une simple curiosité d’apprendre (allons-voir comment ils s’en sortent !), mais comme partie prenante. Sans succomber au péché comme l’Écriture nous enseigne, Jésus a sali ses mains et ses pieds à la boue de notre histoire, il s’est risqué son cœur à notre humanité, il a perdu sa vie à nous. Les eaux de la mort l’ont submergé. Mais il y est entré pour partager notre vie et nous donner la vie, là où la mort règne. Son baptême dans notre vie et notre mort nous régénère tous. Jésus nous apprend un nouveau style d’humanité : celui d’un Serviteur de Yahvé, qui trouve sa force au fond de son cœur et qui assume l’humanité entièrement, sans perdre son identité : celui de Fils bien-aimé du Père. Voilà ce que notre propre baptême nous donne en partage.

AMEN.

Michel STEINMETZ †



jeudi 3 janvier 2013

Homélie de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur - 6 janvier 2013

Au temps de Jésus, les empereurs faisaient leur joyeuse entrée dans une ville. Ils faisaient leur première apparition en public. Ils manifestaient ainsi leur autorité en recevant l’hommage de leurs sujets. Aujourd’hui, c’est Jésus qui se montre au public. Se montrer au public, ce n’est pas si évident en nos jours. Se montrer en public, c’est oser la rencontre, oser se dévoiler à l’autre et lui donner une image de moi-même.

On dit souvent que l’Église a une mauvaise presse, qu’elle apparaît aux yeux de nos contemporains plutôt comme quelque chose de vieillot ou comme porteur d’un message qui ne ferait plus guère recette. Ses points de vue semblent être dépassés. Et Jésus ? Il appartient encore à la mémoire collective, qui est bien chargée des images traditionnelles. Jésus, c’est du déjà-vu. Sa seule possibilité de survie, c’est d’être actualisé, adapté aux exigences de notre temps. Mais il s’agit dans beaucoup de cas d’une sorte manipulation inconsciente de Jésus. On fait de Jésus une image, une théorie plausible, mais qui parle encore de Jésus lui-même, toujours vivant ? Et qui parle encore à Jésus ?

C’est là que l’histoire des mages est encore remplie d’intérêt. Comme Hérode est le symbole du monde, crispé sur son petit pouvoir et surtout sur la peur de le perdre, ils sont le symbole des gens de tous les temps qui cherchent un sens à leur vie, le sens de la vie, mais en dehors de l’univers biblique, en dehors du christianisme. Ceux-là cherchent un sens dans les étoiles, un peu comme l’horoscope qu’on lit ou qu’on écoute avec toujours un peu d’anxiété... Mais il y a du vrai dans cette recherche de sens. En fait, c’est croire qu’un sens de vie nous est donné, qu’il n’est pas seulement le fruit de notre cerveau ou de notre manière de regarder le monde. Il y a quelque chose qui nous surpasse et nous dépasse.

Je vois chez les mages une authenticité et une recherche sincère. Une recherche sincère, cela veut dire : une recherche qui veut trouver et qui est prêt à quitter ses opinions si la vérité s’avère être autre. La recherche peut être aussi une sorte de sport intellectuel, un exercice de penser, mais pas plus. Nous vivons, surtout dans des milieux qui ont connu la tradition chrétienne, dans une sorte d’ambiance déconstructiviste : une tradition trop connue, qui dans le temps était devenu trop lourde et étouffante, qui pèse et qui demeure mal digérée de nos jours, surtout, je crois, chez les croyants de traditions. Les gens ne veulent plus de cela et ils balancent le bébé avec l’eau du bain. Ils vont chercher ailleurs, ou justement se dispensent de chercher : ils se plaisent dans leur attitude de scepticisme et à force ne veulent plus trouver. Jésus, que peut-il encore signifier dans ce climat de pensée ? Mais il faut peut être avoir traversé le non-sens de la vie, dans l’expérience que la vie et la culture d’aujourd’hui semblent plutôt offrir le vide, pour comprendre l’attitude des rois mages qui cherchaient le sens de la vie un peu partout, jusque dans les astres du ciel. Lorsque l’univers de notre pensée est fermé, même si cela s’est fait de manière inconsciente, cette recherche s’avère difficile et aride. Mais Dieu donne la lumière aux mages qui ont le courage de quitter leur vie et de s’agenouiller devant ce qui est le plus invraisemblable : Dieu présent dans l’enfant le plus pauvre de Bethléem.

Les rois mages nous ont quelque chose à nous dire. Ils nous disent : quitte ton pays de certitude pour trouver le sens, quitte tes préjugés, tes opinions, tes sûretés, et peut-être, alors, tu trouveras. Ils nous disent qu’il faut être ouvert à un sens de vie que nous n’avons pas construit nous-mêmes, mais qui nous a été donné. Épiphanie, c’est le moment de se réveiller, de quitter son égocentrisme ; épiphanie, c’est le moment où devient clair qu’il y a un Autre qui se laisse découvrir et qui vient à nous à sa manière.

Pour chacun ici, il y a une épiphanie possible. Je vous invite à quelques instants de silence pour que s’y passe cette évidente rencontre avec ce Dieu. Cette révélation encore incomplète rend manifeste qu’il nous aime et qu’il est là pour nous. Révélation que sa royauté, si elle n’est pas de ce monde, nous fait le royal cadeau d’un Dieu venu porter avec nous nos blessures. Je vous invite au silence pour y déposer l’or l’encens et la myrrhe de votre vie, et comme l’écrit Eugène Guillevic, devenir « non possédant pour posséder l’impossessible ».

AMEN.

Michel STEINMETZ †