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vendredi 3 juin 2011

Homélie du 5ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 6 février 2011

Quoiqu’il en soit du bien-fondé des régimes, on dira ce qu’on veut, sans sel, ce n’est vraiment pas bon ! Et dans les aliments, c’est comme dans la vie, quand il en manque, cela se sent, cela se goûte. Du sel, il n’en faut pas beaucoup. Juste assez pour l’assaisonnement. A raison alors, Jésus nous dit : « Vous êtes le sel de la terre […] Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-14). Cela ne peut être caché. Jésus ne dit pas que nous avons à devenir sel et lumière pour le monde ; il emploie le présent « vous êtes ». C’est là un état de fait.
Nous sommes donc, d’après le Fils de Dieu, le sel de la terre. Etonnante analogie. C’est peut-être l’indication d’une direction à suivre, d’une tâche à accomplir, voire d’une responsabilité à vivre. En étant le sel de la terre, nous prenons conscience qu’avec nos moyens, aussi fragiles soient-ils, nous pouvons faire de grandes choses. Le sel ne se suffit pas à lui-même, il peut remplir différentes fonctions. En fait, il accompagne toujours. Il en est également pour tout être humain, pour tout croyant. Si notre foi en Dieu est vraie, si elle donne sens à nos existences, si elle donne du goût à notre vie alors nous ne pouvons plus la garder pour nous. Une foi cachée, par définition, se meurt.
Nos bonnes paroles ne suffiront pas, il sera vain de répéter sans cesse : « Seigneur, Seigneur ! » pour avoir part à la vie éternelle. Sans doute, nous faut-il offrir le bon exemple. Mais prenons garde à ne pas faire de cet évangile un texte moralisateur : il faudrait enchaîner les bonnes actions, les « BA », les capitaliser pour paraître devant Dieu riche de nos bonnes œuvres. La logique de l’évangile est tout autre.

I.- La saveur du ciel sur la terre

Aujourd’hui, le Christ insiste : vous êtes le sel de la terre ou en d’autres mots : vous êtes le « ciel » de la terre c’est-à-dire que Dieu fait de chacune et chacun de nous des messagers de sa Parole. Nous sommes ses représentants sur cette terre, c’est pourquoi nous pouvons nous reconnaître comme étant ce Ciel de la terre. Sans nous, Dieu ne peut plus se transmettre, se faire connaître. Il a besoin de nous. Baptisés dans l’Esprit Saint, nous avons ce bonheur et cette joie d’offrir à celles et ceux que nous croisons ce qui nous fait vivre au plus profond. Cela ne peut pas se faire de n’importe quelle manière. Nous ne sommes pas là pour transmettre un savoir, une connaissance livresque.
Notre mission divine est de partager cette saveur de la foi. Nous l’apprécions tellement, que nous souhaitons que d’autres puissent également la découvrir et surtout en vivre. Croire en Dieu, n’est pas de l’ordre de l’obligation. Non, croire en Dieu est la conséquence d’un choix heureux. Il nous comble de sa présence mystérieuse. Par l’expérience propre de notre foi, nous avons pris conscience que Dieu appelait chacune et chacun de nous à la vie, à l’abondance de la vie. Il nous convoque à vivre pleinement chaque instant offert. Et cela se fait dans la contagion.

II.- Une saveur contagieuse

Mais sommes-nous vraiment des contagieux de Dieu ? Sommes-nous réellement cette lumière du monde ? Eclairons-nous dans la douceur de nos vies celles et ceux de qui nous nous faisons proches ? Nos actes, nos paroles et nos gestes illuminent-ils nos existences d’une telle beauté que cette lumière arrive à se propager de manière naturelle autour de nous ? Peut-être pas tous les jours lorsque nous sommes pris dans le tourment du temps, mais telle est pourtant notre vocation.
Aujourd’hui encore, le Christ nous fait une déclaration en nous rappelant ces mots : « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Telle est notre tâche, telle est notre mission. Donner du goût à la vie, rayonner de cette joie intérieure qui nous façonne. Et lorsque nous y parvenons, nous pouvons alors nous redire : oui vraiment, nous sommes le ciel de la terre.

Tu es sel de la terre et lumière du monde parce que Dieu t’a choisi. Il te fait grâce. Tu n’as rien à revendiquer car Dieu t’aime gratuitement. Avant de vouloir être toi-même sel et lumière, accepte que Dieu soit pour toi saveur dans ta vie et obstacle aux ténèbres. Alors, naturellement, sans même y réfléchir, tu ne pourras être à ton tour que sel et lumière pour ceux qui t’entourent. Tu seras ce que tu auras reçu de Dieu !
« Que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5, 16). »

AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie du 4ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 30 janvier 2011

Les béatitudes sont des cris d’admiration de Jésus pour les gens qui le suivent, collés à lui pour l’écouter. Ils ne se lassent pas de le regarder. Son visage est pour eux une source d’enseignement qu’aucune parole humaine ne saurait donner. L’admiration est le signe de la noblesse intérieure qui crée une ambiance de fraîcheur, d’innocence. Si nous ne quittons pas des yeux Jésus et la foule, nous comprenons mieux cette page de l’Evangile qu’on appelle les béatitudes.
Il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour apprécier la fraîcheur de ces mots de bonheur quand ils expriment l’admiration des comportements des hommes et des femmes qui donnent à la dignité humaine une dimension qui dépasse la prudence, l’ambition du gain. Sans oser le dire tout haut, nous avons du mal à comprendre, à accepter la pauvreté, la faim, la soif, ce qui nous fait pleurer comme ce qui fait notre bonheur. Nous savons qu’on a dû réaliser des tours de force d’explications pour se convaincre difficilement que c’est bienheureux que d’être pauvre, d’avoir faim, d’avoir soif. Aux affamés, aux pauvres, aux miséreux que l’on peut voir partout, comment pouvons-nous leur dire qu’ils sont des bienheureux de l’Evangile ?

I. - Les béatitudes ou le sens d’un commandement nouveau.

Douze siècles après Moïse, Jésus propose une nouvelle manière d’envisager les commandements. C’est le paradoxe dont parlait l’apôtre Paul : la sagesse de Dieu n’a rien à voir avec la sagesse humaine. Chaque phrase de l’évangile commence par le mot « heureux ». C’est un mot qui revient très souvent dans l’Ancien Testament. Nous devons l’entendre au sens d’un compliment. D’ailleurs dans la traduction de la Bible, il aurait été plus judicieux de rester plus près au mot hébreu « iashar » qui exprime une exclamation devant quelqu’un plein de dynamisme et de souffle. Quelle force, quel souffle vous anime, vous les humiliés ! Quelle force et quel souffle, vous qui avez faim, vous qui avez soif, vous les miséricordieux, vous les artisans de paix ! Il y a dans cette façon de dire, à la fois l’admiration et la compréhension de ces personnes si démunies qu’elles peuvent nous faire passer au-delà des richesses, des bonheurs de ce monde. Tout est ici dans les nuances des mots. C’est dans le sens que l’admiration que l’on peut dire maintenant la béatitude de l’Evangile sans les choquer, à tous les éprouvés de quelque coin de la terre qu’ils soient. Quelle force, quel souffle vous devez avoir pour être ce que vous êtes maintenant ! Vous êtes en marche vers un monde où la richesse est dans ce qu’on est et non pas dans ce qu’on a. On vous voit dépouillés de tout, et vous voilà heureux !
Souvent nous entendons un texte comme celui des béatitudes par la distance qui nous en sépare. Aujourd’hui, je vous voudrais vous inviter chacun à vous unir à tous ces pauvres pour reconnaître qu’il y a, dans votre vie, des traits de nous-mêmes pour lesquels le Christ nous félicite. Posez-vous la question : quel est le trait de vous-même où ces paroles vous ont rejoint ? Par quel trait portez-vous une certaine ressemblance avec le Christ ? C’est cela que Jésus disait, ce jour-là, sur la montagne :
Vous qui avez un cœur de pauvre, oui je vous félicite. Bravo, car vos richesses, comme vos manques, vous en faites un moyen de rencontre et de fraternité. Vos richesses, vous n’en êtes pas esclaves.
Et vous qui êtes doux et humbles de cœur, bravo. Vous ne cherchez pas à dominer, à prendre le pouvoir. Vos responsabilités sont un moyen de servir et de servir la liberté des autres.
Et ceux d’entre vous qui êtes compatissants, miséricordieux, bravo à vous. Le regard que vous portez sur les autres est empreint de tant de confiance et d’espérance qu’ils redeviennent capables de se mettre debout, de marcher, de parler.

II.- Les béatitudes ou l’invitation à chercher un Dieu qui se laisse trouver.

Il nous faut encore revenir à la foule qui entoure Jésus. Nous sommes là au début de sa vie passée au milieu des hommes et des femmes pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. Jésus ne cesse de regarder cette foule qui le suit depuis un bout de temps. Certains se procurent même quelques maigres provisions pour pouvoir le suivre. Oubliant leur condition sociale, quittant leur maison, ils forment ensemble cette foule qui l’écoute, qui le suit là où il va. Jésus voit sur leur visage leur quête de joie, de bonheur, de justice, mais aussi leur inquiétude, leur angoisse qui lui dit combien ils sont déçus, humiliés, désespérés de la vie. Il trouve dans leur regard ce dépouillement, ce vide intérieur qui crie, qui appelle et attend quelque chose de sûr, de plus solide, qui leur réserve plus de dignité humaine. Jésus s’approche d’eux ; il s’approche de nous. Et nous pouvons être félicités de croire que Dieu nous aime tels que nous sommes. Si nous cherchons Dieu, s’il est tout pour nous, alors nous trouverons notre bonheur dans notre quotidien, dans les petites choses, mais si précieuses qui le construisent : la simplicité de la vie, la droiture du cœur, la recherche paisible et quotidienne du Seigneur. La Bible, plus d’une fois, appelle ces humbles chercheurs les humiliés de la terre, le « petit reste » qui seul peut survivre à tous les massacres qui cherchent à anéantir le peuple des croyants. Saint Paul souligne que la jeune Eglise de Corinthe ne comporte pas beaucoup de sages, de puissants ou de nobles – ceux que nous aurions spontanément choisis pour assurer le succès de l’Eglise naissante ; Dieu, au contraire, s’est plus à appeler « ce qu’il y a de fou, de faible, d’origine modeste, ce qui n’est rien dans le monde, afin que personne ne puisse s’enorgueillir devant lui ».

Tel est le nouvel Israël de Dieu ou plutôt le « reste d’Israël » dont le Christ veut faire son Eglise. Cette Eglise ne pourra, ne devra ne s’enorgueillir que d’une chose et d’une seule : comme ce jour-là sur la montagne, Jésus assure sa présence à tous ceux qui en appellent à lui. Cette rencontre avec Lui, c’est la chance de leur vie et de la nôtre. Le dynamisme qui va nous faire reprendre notre route est là : « Le Royaume des cieux est à vous ». C’est ce même dynamisme qui nous pousse à répondre à l’appel du prophète Sophonie : « Cherchez le Seigneur, … cherchez la justice, cherchez l’humilité ».

AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie du 3ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 23 janvier 2011

En plein cœur de la Semaine de la Prière pour l’Unité des Chrétiens, voici que, rassemblés pour l’eucharistie dominicale, nous entendons ces deux paroles : l’une de Paul « Frères, qu’il n’y ait pas de division entre vous ! », l’autre du Christ lui-même « Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche ! ».
Comment ne pas nous sentir concernés par ces deux appels ? Par delà nos différences et nos origines, nous nous rassemblons pourtant autour d’un unique message. Cette unité est souvent malmenée parce que refont surface et tendent à s’imposer nos intérêts personnels ; nous en oublions que ce qui fait notre unité ne vient pas de nous.
Certes, c’est bien un message qui nous rassemble, mais plus que cela encore c’est l’auteur de ce message qui est « fondement de notre unité ». Penser ainsi l’œcuménisme de manière réaliste, et avec foi, nous évitera de tomber dans bien des pièges. Car c’est une démarche pour laquelle nous avons le devoir de prier et de nous engager.


I.- Se rassembler autour d’un message.

Les militants d’un parti politique se rassemble autour d’un message qui les rejoint et leur offre une vision pour eux satisfaisante de la société ; les syndicalistes se regroupent autour d’un message traduisant leurs revendications sociales ; les amateurs d’un loisir se retrouvent pour vivre ensemble une même passion ; il arrive que des personnes d’une même origine, d’une même classe sociale refusent d’aller à la rencontre de l’autre parce que désireuses de côtoyer leurs semblables.
Et nous, pourquoi nous rassemblons de dimanche en dimanche ? Qu’est-ce qui peut bien nous fédérer, nous unir ? Notre origine, notre âge, nos options politiques, notre situation sociale ? Sûrement pas. Nous nous laissons rassembler autour de message du Christ.
Dans les temps anciens, comme aujourd’hui encore, a existé et existe cette tentation du repli communautaire et de repli sur soi. Nous sommes parfois guettés par cette volonté de rester entre nous. Alors nous nous plaisons, comme les chrétiens de Corinthe, à nous revendiquer de tel ou tel : « Moi, j’appartiens au cercle du curé », l’autre dira du vicaire ou d’un ancien de la paroisse, un autre se revendiquera de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, un autre encore d’un évêque plutôt que d’un autre. Tout simplement parce qu’il sera plus ou moins en phase avec un tel ou un tel, parce qu’il le connaîtra plus ou moins. Si telle est notre attitude, cependant, nous ne pouvons garantir notre unité et nous sentons qu’elle n’est que de façade : unité fragile, humaine, que la moindre division brisera totalement. Nos divisions sont des contre-témoignages. Nous allons, à cause d’elles, jusqu’à relativiser le salut en Jésus-Christ ? Pourquoi est-il donc mort sur le bois de la Croix ?


II.- Jésus-Christ : porteur du message et message lui-même.

Paul pose la question : « Le Christ est-il donc divisé ? ». Qui a été crucifié pour nous ? C’est lui le fondement de notre unité. C’est le miracle de l’Eglise de pouvoir rassembler des hommes et des femmes de toutes races, de toutes origines et conditions. Parfois, il m’arrive de m’en émouvoir quand, du chœur, je porte mon regard vers l’assemblée que vous formez. C’est aussi pour cela qu’il me tient tant à cœur de commencer toute célébration par ces paroles : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Car il faut bien nous rappeler que c’est le Dieu-Trinité qui rend possible notre rassemblement ; et quand le prêtre prend ainsi la parole, il ne le fait en son nom propre – il n’est ni un tribun politique, ni un chef de file syndicaliste – il le fait en nom et place de Dieu lui-même !
Si Jésus est le porteur du message, il est notre Unité parce qu’il est lui-même le message. Quand il nous réveille de notre torpeur : « Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ! », il le fait en connaissance de cause. Si le Royaume est proche, c’est bien par Lui qu’il arrive. En venant dans notre monde, il établit le Royaume au milieu de nous. Quand il annonce que le Fils de l’Homme ressuscitera, Il ne parle pas d’un autre hypothétique mais de Lui !
Nous ne sommes pas rassemblés pour nous faire plaisir, mais parce que nous avons la certitude profonde que le Christ peut nous faire dépasser nos divisions. Le miracle est bien de nous établir dans une unité vraie sans que, pour autant, nous en soyons changés ! L’unité de l’Eglise ne repose pas sur un consensus mou qui consisterait à niveler les différences. Ceux qui le croiraient se tromperaient gravement. Il ne suffit pas de « faire comme si », d’aller de concession en concession – de part et d’autre : le véritable œcuménisme exige de la part de chaque Eglise, de chaque croyant à revenir au Christ dans sa Vérité et dans la Fidélité à la Foi.


Si le Christ fait notre Unité, c’est aussi par Lui que nous y parviendrons ! Il est illusoire de s’imaginer que de célébrer l’eucharistie avec nos frères séparés permettra de gommer nos points d’achoppements ; il est, par contre, nécessaire d’emprunter, les uns et les autres, un même chemin de conversion et d’aller toujours plus au cœur de notre foi et du mystère de l’Eglise pour y sentir battre ce qui nous rassemble !



AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie du 2ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 16 janvier 2011

Le temps ordinaire, ce n’est pas le temps qui s’opposerait à l’extraordinaire, le temps où il conviendrait d’attendre qu’il se passe à nouveau quelque chose, le temps de la banalité ou de la routine. Non, rien de tout cela ! Le temps ordinaire est, pour les catholiques, à la fois le temps où ils suivent Jésus sur les chemins de sa vie publique au milieu des hommes et le temps de sa présence à jamais donnée à son Eglise pour la suite des âges. Ici la routine n’a pas de place, car l’Evangile est toujours à vivre, toujours à annoncer, toujours à partager… à frais nouveaux ! La couleur verte des ornements sacerdotaux est une couleur de vie, expression d’une force secrète, sève qui monte au cœur de l’arbre et lui donne vie et verdure ; c’est aussi une couleur d’espérance, dans le quotidien des jours, c’est encore la couleur du fruit vert, promesse d’un fruit mûr. Le vert porte à l’espérance comme le printemps appelle les récoltes. Le Christ est la sève et l’espérance du grand arbre qu’est l’Eglise.
Il est significatif qu’au tout début du temps ordinaire la liturgie de l’Eglise propose à notre méditation le passage de l’Evangile de Jean que nous entendions. Jésus y apparaît comme l’Envoyé de Dieu, à la manière dont il est proposé à notre prière depuis quelques mois maintenant dans la sculpture de la Sainte-Famille au dessus du lieu de la présidence. Le Christ, digne et droit, s’avance vers le monde ; il sort d’une vie cachée pour témoigner de la bonté de son Père. Jean-Baptiste dans une scène on ne peut plus solennelle emploie deux images bibliques traditionnelles pour le présenter : il est à la fois l’Agneau de Dieu et celui que désigne la colombe.

I. – Jésus est l’Agneau de Dieu

Tout l’Ancien Testament semble ici convoqué dans cette vision grandiose du Baptiste au bord du Jourdain. L’agneau n’évoque-t-il pas Abraham, qui avait prédit à son fils Isaac : « Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste » (Gn 22, 8) ? Ne fait-il pas allusion à cet agneau de la Pâque, dont le sang répandu sur les linteaux des portes des Hébreux en Egypte sauva le peuple de l’ange exterminateur au soir de l’Exode (Ex 12, 13) ? Son nom hébreu lui-même, taljà, ne signifie-t-il pas aussi bien « agneau » que « enfant » ou « serviteur » ? Ne nous met-il pas sur la voie de ce serviteur souffrant qui, d’après Isaïe, est comme l’agneau que l’on conduit à l’abattoir (Is. 53, 7) ? Jésus sera le Serviteur souffrant annoncé par l’Ecriture lorsqu’il portera sa croix ; il est aussi, n’est-ce pas ?, l’enfant béni du Père, cet enfant-Dieu que nous venons de fêter à Noël.

II. – Jésus est celui que désigne la colombe.

Depuis les temps diluviens de Noé, la colombe est le signe de la paix et de l’harmonie recouvrée (Gn. 8, 11) : c’est elle qui annonce la fin du déluge. Ses gémissements figurent aussi la prière des saints et le peuple éploré, tant chez Isaïe que dans les psaumes. Animal sans fiel et candide, symbole de pureté, elle est le seul oiseau offert en sacrifice au Temple (Lv 1, 14 ; Nb 6, 10 ; Lc 2, 24). Par son hébreu, yonah, elle désigne Jésus comme le vrai Jonas, qui sauve la vie des pécheurs en disant : « Prenez-moi, jetez-moi à la mer » (Jn 1, 12) : Jonas, en effet, livré aux mains des ennemis, est resté trois jours dans le ventre du montre marin avant d’en réchapper. La Tradition a toujours vu en lui l’annonce de la résurrection du Christ, demeuré trois jours durant dans l’obscurité du tombeau. Par son bec qui ne déchire point, la colombe peut aussi signifier les tendresses de l’amour. La bien-aimée est aux yeux de l’amant sa colombe, sa toute-belle, nous apprend le livre ô combien sensuel et poétique du Cantique des Cantiques (Ct 2, 14 ; 5, 2). Dans la mystique chrétienne inspirée de ce même livre, le Saint-Esprit est le baiser de Père pour le Fils. Quelle belle icône de la Trinité !

Le Jourdain, alors, on le devine, « battit des mains » pour reprendre l’expression du psaume 97, lorsque ses vieilles eaux usées, lasses d’avoir charrié tout le péché du monde, devinrent tout à coup si claires et baptismales qu’on y vit se mirer à la fois l’agneau de Dieu, en la personne de Jésus, et la colombe qui le désignait comme le « Fils de Dieu ». Jean-Baptiste en témoigne ; sa mission y trouve son sens. Voici qu’aujourd’hui le Fils bien-aimé prend à son compte les paroles du psaume : « Dans ma bouche, le Seigneur a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Tu ne demandais ni holocauste, ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens !’ ». C’est encore lui qui parle, en reprenant les mots d’Isaïe : « Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. » Par le baptême d’eau et d’Esprit, ne nous sommes pas enfants d’un même Père ? Ne sommes-nous pas donc frères dans le Seigneur et avec lui ? Si le Christ s’applique à lui-même la phrase du prophète, combien nous rejoint-elle aussi ! Alors, j’ose vous le redire, à vous tous et à chacun en particulier : oui, tu as du prix aux yeux du Seigneur, ton Dieu est ta force ! Puissions-nous, ensemble, en réponse et avec Jésus, dire : Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté !

AMEN.

Michel Steinmetz †

Homélie de la fête du Baptême du Seigneur - 9 janiver 2011

« Jésus vient à Jean pour se faire baptiser par lui » sur les bords du Jourdain. Réaction étonnante de Jésus ! On comprend la surprise du Baptiste : « C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi ! ». C’est vrai… Nous avons bien appris au catéchisme que, par le baptême, nous devenons enfants de Dieu. Mais Jésus est le Fils de Dieu, alors pourquoi donc lui faut-il être baptiser ? Que peut lui apporter ce baptême ?
Ce baptême au Jourdain dont nous faisons mémoire aujourd’hui a, en fait, et avant tout, une signification pour nous avant d’en avoir une pour Jésus. Dimanche dernier, à l’Epiphanie, je vous avais montré que nous fêtions la « manifestation » du Seigneur. C’est-à-dire au moment où Jésus se révèle comme le Fils de Dieu : par la visite des mages, par le baptême au Jourdain, par le miracle de l’eau changée en vin à Cana. Sur les rives du fleuve, ce n’est pas, finalement, Jean qui est l’acteur principal mais bel et bien Jésus qui, au travers de cet événement, se révèle et est révélé comme le Fils bien-aimé.
Ainsi, nous tournons-nous vers Jésus pour comprendre ce qui nous est ainsi donné. J’aimerais, pour se faire, vous inviter à reprendre et méditer trois titres donnés à Jésus : Jésus, «le Fils bien-aimé », tout d’abord ; Jésus, « l’aîné d’une multitude de frères », ensuite ; et, enfin, Jésus, l’ « envoyé » en mission.

I.- Jésus, « le Fils bien-aimé ».

Je le disais déjà : c’est bien le propre du baptême que de nous faire devenir fils et filles de Dieu. Mais peut-être nous faut-il nous souvenir que nous sommes baptisés certes avec de l’eau mais que nous sommes bien plus baptisés en Jésus. C’est-à-dire, dans sa mort et sa résurrection. A l’étonnement de Jean son cousin, Jésus répond : « Pour le moment, laisse-moi faire ; c’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste ». Par ce qui s’est ainsi déroulé pour Jésus, nous comprenons mieux la grandeur et la force de ce qui se passe à notre baptême. Aujourd’hui, il est rare de voir apparaître physiquement l’Esprit-Saint dans nos églises ou d’entendre la voix du Père se manifester. Pourtant, ce n’est rien d’autre qui se déroule. Quand coule l’eau sur notre front, quand nous sommes baptisés au nom du Dieu Père, Fils et Esprit, l’Esprit de Dieu nous fait devenir fils dans le Fils bien-aimé ; le Père nous choisit comme « son » enfant très cher.
Au Jourdain est révélée l’identité profonde de Jésus. Mais cette identité n’est pas de l’ordre du constat, elle est pour nous une promesse. Que Jésus soit le Fils n’est pas une affaire privée entre le Père et lui. C’est à nous qu’est destinée cette annonce parce que nous sommes pareillement appelés.

II.- Jésus, « l’aîné d’une multitude de frères ».

Si le Christ est le Fils unique, il est aussi « l’aîné d’une multitude de frères », puisque son propre baptême fait de nous ses frères.
On sait, dans une famille, que d’être l’aîné n’est pas forcément la chose la plus évidente qui soit. Pour les cadets, cependant, le rôle de l’aîné est souvent fondamental. C’est lui qui ouvre la voie aux autres. Ce que les parents permettent à l’aîné, ils le permettent – après coup – plus facilement aux cadets. Jésus nous ouvre pareillement la voie. Ce que Dieu a fait pour lui, Il le fait aussi pour nous!
Jésus ouvre la voie. C’est donc qu’il montre un chemin, celui de son ministère de miséricorde et de puissance bienfaisante. « Là où il passait , il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui », se souvient Pierre dans les Actes des Apôtres. Baptisés nous le sommes, nous le sommes pour nous, parce que nous devenons enfants de Dieu, nous le sommes aussi – et ne l’oublions pas – pour les autres. Pour devenir témoins de la bonté de Dieu, pour devenir acteurs de l’annonce de l’Evangile. Si le bien ne fait pas de bruit, et le bruit ne fait pas de bien, n’ayons pas peur de marcher, même discrètement, à la suite de Jésus, notre frère, lui qui n’a pas crié – comme le souligne Isaïe -, lui qui n’a pas haussé le ton.

III.- Jésus, « envoyé » en mission.

Le baptême de Jésus inaugure bien son « ministère public ». Il est envoyé en mission. Là encore, on s’aperçoit que le baptême ne coïncide pas avec un événement d’ordre privé : il marque son entrée dans la mission qu’il tient du Père.
« Là où il passait, il faisait le bien », au gré des rencontres, au gré des voyages, au gré des sollicitations. En agissant de la sorte, pour ceux qui ont croisé son chemin et qui ont suivi ces paroles, il a révélé qu’il était l’Envoyé du Père. Patiemment, il a poursuivi sa route jusqu’à la colline du crucifiement pour répondre fidèlement à sa mission. « Moi le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice, je t’ai pris par la main, et je t’ai mis à part, j’ai fait de toi mon Alliance avec mon peuple », dit encore Isaïe. Et voilà que cette fidélité, discrète mais bien réelle, se traduit en des œuvres concrètes : ouvrir les yeux des aveugles, faire sortir les captifs de leur prison et de leurs cachots les habitants des ténèbres.
Marcher à la suite de Jésus, dans les mêmes dispositions que lui de fidélité, de constance, de persévérance, fait de nous, baptisés en Lui, les auteurs des mêmes prodiges : ouvrir les cœurs à la Bonne Nouvelle, redonner la lueur de l’espérance à ceux qui peinent.


Faire mémoire du Baptême de Jésus ne nous invite pas tant à nous tourner vers l’événement en lui-même qu’à considérer sa signification pour nous. Jésus n’a pas besoin du baptême, mais en acceptant d’être baptisé, il donne sens à ce geste et nous ouvre un chemin. Puissions-nous l’emprunter sans crainte et aller à la suite du Fils bien-aimé, aîné d’une multitude de frères et envoyé en mission par le Père !

AMEN.

Michel Steinmetz †