A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 30 septembre 2017

Homélie du 26ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 1er octobre 2017

Voilà une parabole simple, facile à comprendre : n’importe quel enfant pourrait y répondre : 10 sur 10, le maximum. Mais la conclusion qu’apporte l’évangéliste, ça alors, c’est un peu fort de café : prostituées, publicains, tous ces gens catégorisés comme pécheurs, les voilà au ciel avant nous. Une telle apparente injustice pourrait choquer sauf si, comme dit Ezéchiel, nous acceptons une bonne fois de modeler nos pensées sur celles de Dieu. Nous, les chrétiens, nous nous plaignons souvent - à juste titre - de l’état du monde : dictatures, famine, corruption, climat en compote, mépris des droits de l’homme, etc. Mais si le problème numéro un était d’abord la conversion des chrétiens, notre propre conversion ?
 
Qu’a fait Jésus ? Quelle a été sa priorité lorsque, à la fin de son long voyage, il est entré dans Jérusalem ? Il n’a pas mis fin à l’occupation romaine, il n’a pas invectivé les hommes politiques, il n’a pas dénoncé les mœurs dissolues de certains. Il a accepté les vivats de la foule mais sans se faire d’illusion sur cet enthousiasme superficiel. Il a même cessé de faire des guérisons : les quelques dernières sont notées furtivement par Matthieu comme si elles n’avaient guère d’importance (21, 14). Ce sont les cœurs qu’il venait guérir.
 
Pendant que Jésus, imperturbable, poursuit son enseignement, divers groupes représentant les autorités du judaïsme, c’est-à-dire ceux qui ton reçu la promesse d’Alliance de Dieu, viennent l’interroger. Ici il est question de l’autorité de Jésus et de la légitimité de sa parole. Jésus raconte trois paraboles dans lesquelles il dénonce la rouerie de ses interlocuteurs : elles constituent les évangiles lus en ces trois prochains dimanches. Voici la première, celle d’aujourd’hui. Comme dans la célèbre parabole du fils prodigue en saint Luc, Dieu est présenté comme ayant deux fils qui représentent clairement deux groupes, deux attitudes de vie : d’un côté les pécheurs notoires, de l’autre les pratiquants.
 
Des gens qui avaient longtemps refusé d’écouter les commandements et qui vivaient dans le péché furent touchés par la prédication du Baptiste : après avoir longtemps dit non à Dieu, ils se sont convertis et changèrent de vie. Tandis que vous, grands prêtres et anciens, vous avez répondu oui à Dieu mais sans accepter de mettre en pratique toutes ses volontés. Vous vous présentez comme des croyants, pieux, fidèles aux cérémonies, mais lorsque le Baptiste vous a demandé, à vous également, de changer et de vous convertir à la vraie foi, vous vous êtes cabrés. La conversion vous apparaissait comme l’affaire des brigands, des débauchés, des voyous et ne vous concernant en rien. Et même, en constatant que des gens de mauvaise vie abandonnaient leurs anciennes mœurs pour chercher à devenir des justes devant Dieu, ce spectacle ne vous pas émus. Vous ressemblez à des hommes qui ont dit oui à Dieu mais en pratique vous dites non. D’ailleurs les interlocuteurs de Jésus eux-mêmes le reconnaissent : le vrai croyant, ce n’est pas celui qui dit oui du bout des lèvres...mais celui « qui fait la volonté du Père ». Celui, par contre, qui accepte d’ouvrir son cœur et de changer de vie, dépasse en chemin celui s’estime juste.
 
Frères et sœurs, il me semble qu’il y a deux enseignements pour nous. Tout d’abord, gardons-nous de nous place trop rapidement parmi les jutes, les gens bien comme il faut, au risque d’estimer les autres inférieurs à nous et de nous voir allègrement dépassés sur la route du Royaume. Ensuite, il en va d’une bonne nouvelle. Bien souvent, nous disons oui du bout des lèvres, mais nos actes, notre manière de vivre, de considérer l’autre, ne suivent pas. Nous sommes assez prompts à reconnaître qu’il y a dans l’Evangile de très belles choses, des paroles qui peuvent très concrètement changer le cours de notre vie personnelle et celle du monde, mais cela reste au niveau des paroles et des idées. Quoi qu’il en soit de notre situation à l’instant présent, vieux briscards de la foi ou jeunes séduits, le Royaume de Dieu nous est ouvert. Si nous ouvrons notre cœur. Vraiment.
 
AMEN.
 
                                                 
Michel Steinmetz

jeudi 21 septembre 2017

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 24 septembre 2017

Si Dieu était un patron d’entreprise, il aurait contre lui tous les syndicats du monde ! En effet, un patron qui donne le même salaire à celui qui a travaillé huit heures et à celui qui a travaillé une heure n’est pas juste. Cela, d’après notre propre logique et nos vues humaines, nous paraît révoltant. Orgueilleux, sans doute aussi, car spontanément nous nous plaçons du côté des ouvriers de la première heure. En sommes-nous si sûrs ? Nous ne voyons pas que Dieu cherche à donner du travail à tout le monde, même à ceux qui n’ont pas encore été engagés par d’autres patrons.
 
Pour bien comprendre la parole de Jésus, il ne faut pas perdre de vue qu’il parle du Royaume de Dieu. En voulant mettre tout le monde dans le coup, Dieu cherche à ce que personne ne soit tenu à l’écart de son Royaume de paix et d’amour. Il y a ceux qui se présentent à la première heure, ce sont les plus pressés de collaborer au Royaume, ceux qui ont eu la chance d’avoir compris très tôt l’importance de travailler pour le Royaume. Au temps de Jésus, les Juifs qui se convertissaient avaient déjà une certaine perception de Dieu comme puissance de paix et d’amour. Mais il y a ceux qui mettent du temps à comprendre ce qu’est le Royaume. Ici, par cette parabole, Jésus vise visiblement les pharisiens qui s’obstinent, malgré les signées donnés du Royaume à venir, dans leur suffisance et leur bien-pensance. Jésus témoigne de la miséricorde de son Père envers les païens qui se convertissaient, bien que ceux-ci n’avaient probablement pas la moindre idée de ce qu’il fallait entendre par le règne de Dieu. Ils mettaient du temps à prendre part à la mission de Jésus. Mais, dans les deux cas, pour les premiers comme pour les derniers, Dieu veut tout donner gratuitement. Il donne la même chose à chaque ouvrier parce qu’il donne le maximum à chacun. Il ne tient pas compte de la rapidité avec laquelle les gens se sont engagés dans le Royaume, ce qui compte c’est la décision d’y prendre part, même à la dernière heure. Tous ceux qui se mettent au service du règne de justice et de paix reçoivent toute la vie de Dieu, en abondance. Car, précisément, l’enjeu est là : il ne s’agit pas d’un salaire, d’une rétribution mais de recevoir Dieu. Participer au Royaume, c’est accueillir Dieu qui se donne à nous. Dieu ne peut se doser ou se donner à moitié.
 
Ainsi, aux yeux de Dieu, il n’y a pas de premier et de dernier. D’une certaine façon, il n’y a que des premiers. C’est nous qui nous persistons à classer les personnes en fonction de leurs prestations. La logique de Dieu n’est évidemment pas celle de notre justice humaine, il s’agit d’une logique de surabondance. Le prophète a donc raison de dire que « les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et que nos chemins ne sont pas nos chemins ». Dieu offre son Royaume à sa manière, même si cela nous heurte. « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant [ses] chemins sont élevés au-dessus de [nos] chemins, et [ses] pensées, au-dessus de [nos] pensées. »
 
Evitons de nous croire trop vite parmi les ouvriers du Père qui attendent une récompense. Nous risquons parfois de réagir comme des travailleurs matinaux, c’est-à-dire avec un mauvais œil. D’une part nous nous autoévaluons et décidons que nous sommes valeureux, contrairement aux autres. D’autre part, nous ne connaissons rien de la vie intime des autres, de leur progression dans la foi et l’amour. Quelqu’un peut changer tout d’un coup sans qu’on s’y attende. Même si on juge un arbre à ses fruits, il est indispensable de garder à l’esprit que Dieu seul est juge et que nos critères de justice ne sont pas les critères du Père. Ceci nous invite à la prudence et à une certaine humilité.
 
Dieu n’est pas un PDG mais un Père qui déborde de joie lorsque quelqu’un saisit son appel et décide d’entrer dans le projet de son amour pour l’humanité. Dieu cherche sans cesse à se communiquer à ceux qui acceptent de prendre part à l’aventure de la construction de son Royaume de justice et de paix. L’ouvrier du Royaume trouve alors ce qui le comble : un amour infini et gratuit. C’est ainsi que nous aurons « un comportement digne de l’évangile du Christ ».
 
AMEN.
 
                                                 
Michel Steinmetz

jeudi 14 septembre 2017

Homélie du 24ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 17 septembre 2017

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Vous reconnaissez une des phrases de la prière du Notre Père. C’est bien une prière que nous faisons très souvent. Par là, nous demandons à Dieu de nos pardonner « comme nous aussi nous pardonnons ». Sans cesse, Jésus répète que nous devons pardonner sans limite. « Non pas jusqu’à sept fois mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (490 !). C’est énorme. Faut-il conclure que Dieu nous pardonne si nous pardonnons jusqu’à la hauteur de près de 500 fois ? N’est-ce pas une contrepartie un peu lourde ? Faut-il comprendre que Dieu nous pardonne peu si nous pardonnons peu aux autres ? Voici des questions bien complexes.
 
Dans la foi, nous affirmons que Dieu est un être de miséricorde et de pardon. Et récemment toute une année jubilaire a été consacrée dans l’Eglise, de par le monde entier, à redécouvrir cette identité profonde de Dieu qui est une bonne nouvelle pour notre temps. Par sa vie, Jésus nous a fait découvrir l’amour gratuit de Dieu. Par conséquent, Dieu aime gratuitement et pardonne aussi gratuitement. Si Dieu est pur amour et pur pardon, il me semble contradictoire de dire qu’il va doser son pardon en fonction de nos démarches personnelles de pardon. Je pense que Dieu est pardon, qu’il nous pardonne tout gratuitement, et que nous sommes invités à prolonger le pardon de Dieu par des actes de pardon. La difficulté, n’est pas d’atteindre un certain quota (490, par exemple) mais d’avoir expérimenté le pardon qui vient de Dieu. Si Jésus peut être si exigeant avec ses disciples, c’est parce que ceux-ci font l’expérience du pardon divin à travers lui. Jésus leur fait vivre une foi en un Dieu qui ne condamne pas mais qui pardonne. « Père pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font », dira Jésus peu avant de mourir sur la croix. Celui qui a fait l’expérience que Dieu est un être qui ne peut pas refuser de pardonner à son tour. Le problème, c’est que cette expérience ne va pas de soi. Le serviteur de l’évangile a bénéficié du pardon de son maître mais il est resté au niveau purement économique. La preuve, c’est qu’il n’a rien compris et qu’il n’a pas été miséricordieux avec son propre débiteur. Le serviteur a demandé le pardon comme une remise de dette. Il n’a pas compris que le pardon est autre chose qu’une remise de dette. Deux siècles avant Jésus, Ben Sira le Sage renverse l’escalade de la vengeance et invite au pardon. A l’époque pourtant, pardonner à son semblable et se reconnaître pécheur devant Dieu sont deux attitudes indissociables. Sans doute cette sagesse imprègne-t-elle les esprits à l’époque de Jésus et pousse Pierre, selon sa spontanéité habituelle, à vouloir pardonner jusqu’à sept fois, le chiffre biblique de la perfection. Pour Jésus, le pardon est sans mesure. Même si, nous le savons, il est difficile de pardonner et que parfois nous ressassons des vieilles rancœurs les uns contre les autres, qui se transmettent même de génération en génération, de village à village, le pardon de Dieu est infini et Dieu nous pardonne, à nous qui sommes pécheurs. Nous, nous gardons la tête dure et la nuque raide…
 
Si Dieu pardonne sans restriction, cela ne veut pas dire que son pardon se concrétise dans notre vie. En effet, quelqu’un peut offrir son pardon, ce n’est pas pour autant que nous allons l’accepter et en être transformé. Dieu donne mais l’homme, de par sa liberté, décide d’accueillir. D’une certaine manière, Dieu propose et l’être humain dispose. Chaque dimanche, nous prions au début de la messe pour recevoir le pardon de Dieu. Cela signifie que nous reconnaissons avoir besoin de la force de son pardon pour être capable de pardonner aux autres. C’est parce que le pardon est difficile que nous demandons l’aide de Dieu. D’un autre côté, nous décidons de pardonner aux autres pour leur faire découvrir un « Dieu plein de miséricorde et de tendresse », comme disent les psaumes. En devenant des êtres de miséricorde et de tendresse, nous faisons vivre Dieu dans le monde des humains. Dieu rayonne à travers les femmes et les hommes qui offrent le pardon au lieu de choisir la violence. Jésus reste le témoin indépassable de cette vérité.
 
Imaginez, seulement un instant, ce que serait le monde, la vie de nos familles, de nos communautés si la logique de la haine était vaincue par celle du pardon, si nous acceptions de pardonner plutôt que d’attendre le moment de notre vengeance.
 
 
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz

jeudi 7 septembre 2017

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 10 septembre 2017

Jésus réitère son enseignement, dans les mêmes termes que ceux qui définissaient la mission de Pierre. Cette fois, cette mission semble confier collégialement à chaque membre de l’Eglise : « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ». Ces paroles sont à comprendre dans le contexte de la correction fraternelle que Jésus recommande à ceux qui se réclament de lui. Il donne des règles de conduite. Ce passage fait suite, dans l’évangile de Matthieu, aux paroles bien connues : « Celui qui se sera petit comme cet enfant, voilà le plus grand dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 4) et à l’épisode de la brebis égarée (Mt 18, 10-14).
 
 
Déjà la tradition juive proposait, selon la parole des prophètes, d’avertir le méchant pour qu’il abandonne sa conduite. « Avertir le méchant d’abandonner sa conduite », voilà la condition pour sauver sa vie. Bien plus que de jouer au justicier et de se prendre pour Zorro – c’est le risque, comme si nous étions extérieurs à la faute commise par autrui, nous devenons solidaires de son destin. Non de sa faute, mais de son destin. Nous faisons l’expérience que celui qui est pour nous un frère, en humanité ou dans la foi, ne nous est pas étranger. Nous sommes liés à lui au point qu’il est insupportable pour notre propre survie de le voir s’égarer.
 
Un autre danger plane sur le « guetteur » de notre frère que nous avons à être : c’est celui de vouloir l’enfermer dans ce que nous pensons juste et nécessaire pour lui. En le surplombant et l’écrasant avec notre morale. En devenant les défenseurs de la bien-pensance et du politiquement correct. Nous en venons à parfaitement savoir ce qui est juste, ou pas, de faire et de dire ; mais nous oublions, en passant, de l’appliquer d’abord à nous-mêmes. Le pécheur à avertir de sa conduite l’est toujours par un autre pécheur…
 
Jésus va donc plus loin que la loi de l’Ancienne Alliance en nous invitant à manifester une véritable solidarité à l’égard de celui qui a péché : il ne s’agira pas tant de s’attarder sur la faute commise, que de s’employer, avec patience et dans un esprit fraternel, à ramener le pécheur sur le chemin du bien. Il faut souligner aussi que Jésus ne parle pas de faute, mais bien de péché : c’est-à-dire ce qui blesse l’autre en blessant la relation à Dieu lui-même. Cette correction fraternelle se fera d’abord dans une relation duelle, privée, dans un cœur à cœur ; si ce frère n’écoute pas, il conviendra d’associer à la démarche « deux ou trois témoins » ; et si cela ne suffit toujours pas, de le faire devant la grande assemblée. Certes, le succès n’est jamais garanti. On n’est jamais sûr que cela portera du fruit. Jésus ne laisse pourtant pas le choix à ses disciples : ils n’ont certes pas d’obligation de résultat mais de moyens. Le résultat est l’œuvre de Dieu : c’est Lui qui pardonne. Son Eglise n’a cependant pas le choix : elle doit témoigner de la miséricorde de son Seigneur et sans cesse appeler à choisir la vie qu’il offre, plutôt que le chemin qui, en s’éloignant de lui, mène à la mort.  Le pardon de Dieu, dont nous sommes les messagers et les témoins, est toujours un acte créateur, un nouveau commencement qui ne peut venir du monde. Dieu seul remet debout et guérit. En pardonnant et en nous réconciliant, nous faisons « quelque chose » que nous ne pouvons pas « faire ». Nous offrons « quelque chose » à l’autre qui nous dépasser et dont nous ne sommes que les dépositaires.
 
On ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif : vous connaissez sans doute le dicton. Il dit vrai. On ne peut forcer personne à accepter ce à quoi il ne consent. Nous ne pouvons forcer personne à accepter le pardon de Dieu. Il est cependant de notre responsabilité de montrer que Dieu sans cesse nous fait miséricorde, nous ouvre son pardon et nous remet debout. Le pardon de Dieu est beau. Il est une grâce et il faudrait être un âne, c’est vrai, pour vouloir s’en passer.
 
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz