Voilà une parabole simple, facile à comprendre
: n’importe quel enfant pourrait y répondre : 10 sur 10, le maximum. Mais la
conclusion qu’apporte l’évangéliste, ça alors, c’est un peu fort de café :
prostituées, publicains, tous ces gens catégorisés comme pécheurs, les voilà au
ciel avant nous. Une telle apparente injustice pourrait choquer sauf si, comme
dit Ezéchiel, nous acceptons une bonne fois de modeler nos pensées sur celles
de Dieu. Nous, les chrétiens, nous nous plaignons souvent - à juste titre - de
l’état du monde : dictatures, famine, corruption, climat en compote, mépris des
droits de l’homme, etc. Mais si le problème numéro un était d’abord la
conversion des chrétiens, notre propre conversion ?
Qu’a fait Jésus ? Quelle a été sa priorité lorsque,
à la fin de son long voyage, il est entré dans Jérusalem ? Il n’a pas mis fin à
l’occupation romaine, il n’a pas invectivé les hommes politiques, il n’a pas
dénoncé les mœurs dissolues de certains. Il a accepté les vivats de la foule
mais sans se faire d’illusion sur cet enthousiasme superficiel. Il a même cessé
de faire des guérisons : les quelques dernières sont notées furtivement par
Matthieu comme si elles n’avaient guère d’importance (21, 14). Ce sont les
cœurs qu’il venait guérir.
Pendant que Jésus, imperturbable, poursuit son
enseignement, divers groupes représentant les autorités du judaïsme, c’est-à-dire
ceux qui ton reçu la promesse d’Alliance de Dieu, viennent l’interroger. Ici il
est question de l’autorité de Jésus et de la légitimité de sa parole. Jésus
raconte trois paraboles dans lesquelles il dénonce la rouerie de ses
interlocuteurs : elles constituent les évangiles lus en ces trois prochains
dimanches. Voici la première, celle d’aujourd’hui. Comme dans la célèbre
parabole du fils prodigue en saint Luc, Dieu est présenté comme ayant deux fils
qui représentent clairement deux groupes, deux attitudes de vie : d’un côté les
pécheurs notoires, de l’autre les pratiquants.
Des gens qui avaient longtemps refusé d’écouter
les commandements et qui vivaient dans le péché furent touchés par la
prédication du Baptiste : après avoir longtemps dit non à Dieu, ils se sont
convertis et changèrent de vie. Tandis que vous, grands prêtres et anciens,
vous avez répondu oui à Dieu mais sans accepter de mettre en pratique toutes
ses volontés. Vous vous présentez comme des croyants, pieux, fidèles aux
cérémonies, mais lorsque le Baptiste vous a demandé, à vous également, de
changer et de vous convertir à la vraie foi, vous vous êtes cabrés. La
conversion vous apparaissait comme l’affaire des brigands, des débauchés, des
voyous et ne vous concernant en rien. Et même, en constatant que des gens de
mauvaise vie abandonnaient leurs anciennes mœurs pour chercher à devenir des
justes devant Dieu, ce spectacle ne vous pas émus. Vous ressemblez à des hommes
qui ont dit oui à Dieu mais en pratique vous dites non. D’ailleurs les interlocuteurs de Jésus
eux-mêmes le reconnaissent : le vrai croyant, ce n’est pas celui qui dit oui du
bout des lèvres...mais celui « qui fait la volonté du Père ». Celui,
par contre, qui accepte d’ouvrir son cœur et de changer de vie, dépasse en
chemin celui s’estime juste.
Frères et sœurs, il me semble qu’il y a deux
enseignements pour nous. Tout d’abord, gardons-nous de nous place trop
rapidement parmi les jutes, les gens bien comme il faut, au risque d’estimer
les autres inférieurs à nous et de nous voir allègrement dépassés sur la route
du Royaume. Ensuite, il en va d’une bonne nouvelle. Bien souvent, nous disons
oui du bout des lèvres, mais nos actes, notre manière de vivre, de considérer l’autre,
ne suivent pas. Nous sommes assez prompts à reconnaître qu’il y a dans l’Evangile
de très belles choses, des paroles qui peuvent très concrètement changer le
cours de notre vie personnelle et celle du monde, mais cela reste au niveau des
paroles et des idées. Quoi qu’il en soit de notre situation à l’instant
présent, vieux briscards de la foi ou jeunes séduits, le Royaume de Dieu nous
est ouvert. Si nous ouvrons notre cœur. Vraiment.
AMEN.
Michel Steinmetz †