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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 27 septembre 2019

Homélie du 26ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 29 septembre 2019

La parabole que nous entendons répond à une question qui n’est pas posée explicitement : entre le riche et Lazare, quel est le véritable fils d’Abraham ? Les auditeurs de la tradition juive savaient ce que voulait dire « Lazare » : fils d’Abraham. Ils savaient aussi que la description que l’évangile de Luc nous donne du riche, lui qui se réjouit de son festin somptueux, décrit comme « vêtu de pourpre et de lin fin » (Lc 16,19), fait allusion évidemment aux vêtements rituels du grand prêtre à Jérusalem. Qui donc pouvait être perçu mieux que lui comme un fils d’Abraham ? Par la naissance, par le choix qui avait été fait de lui, par la mission qu’il avait reçue… Comme les pharisiens se plairont à le dire à Jésus à plusieurs reprises, en particulier dans l’évangile de saint Jean, « nous sommes, nous, les fils d’Abraham » (Jn 8,39). Et voici que cette parabole retourne la situation du pauvre Lazare, assis à la porte, contaminé par « les chiens qui viennent lécher ses ulcères » (Lc 16,21) et le rendent impur.
 
Cet homme que personne ne regarde, à qui personne ne donne rien, est présenté comme un véritable fils d’Abraham : il est accueilli par le père Abraham dans le ciel. Évidemment, les auditeurs de Jésus déchiffrent très clairement ce retournement de situation. C’est pourquoi la parabole évoque l’hypothèse d’une issue à la crise : « tu devrais leur envoyer quelqu’un » dit le riche à Abraham. « Tu devrais envoyer quelqu’un à mes frères pour les avertir », « ils ont Moïse et les Prophètes qu’ils fassent ce qu’ordonne la loi » (Lc 16,29), « mais si quelqu’un revenait de chez les morts, ils le croiraient. Même si quelqu’un revenait de chez les morts, s’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, ils ne seront pas convaincus » (Lc 16, 30-31).
 
Cette parabole qui visait directement l’infidélité d’un certain nombre de juifs par rapport à Moïse et aux prophètes, nous vise nous aussi. Qui sont les véritables chrétiens aujourd’hui ? Qui sont ceux qui peuvent se réclamer de la paternité de Dieu, s’ils ne se conduisent pas selon la loi de Dieu ? Comment se réclamer du Père commun si l’on ne traite pas les hommes comme des frères ? Comment se réclamer de la miséricorde de Dieu si nous ne sommes pas capables de faire nous-mêmes miséricorde ? Comment ne pas entendre de façon provocante la terrible prophétie d’Amos sur le royaume de Samarie, sur ces hommes « vautrés sur leurs divans » qui mangent les bêtes « les plus tendres » et qui « ne se tourmentent guère pour le désastre d’Israël » ? Comment ne pas regarder notre situation dans l’histoire du monde de ce temps ? « Ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie » ? Ceux qui sont vautrés « sur des lits d’ivoire » ? Oui, notre prospérité globale, collective, n’épargne pas la misère d’un certain nombre de nos concitoyens, mais elle donne à tous l’illusion de la prospérité indéfinie ! « La fracture sociale » dénoncée jadis par le président Chirac n’est pas qu’un slogan électoral. Notre obsession du niveau de vie, notre passion pour les moyens de sécurité économique, notre anxiété sur les chances que tout cela puisse durer, notre refus que l’on puisse être obligé de partager cela avec les Lazare de notre temps…
Frères et sœurs, quelqu’un est revenu d’entre les morts pour renouveler son appel à vivre une véritable communauté humaine ! Et qu’avons-nous fait de son message ?  Puisse chacun regarder le pauvre qui gît à notre porte, le pauvre qui gît au milieu de notre société prospère, le pauvre qui gît aux portes de l’Europe, ce pauvre que la société génère elle-même dans l’enfant privé d’une réelle filiation ou de la personne en fin de vie que l’on peine à accompagner.
 
N’attendons pas l’événement exceptionnel, n’attendons pas l’événement imprévisible, n’attendons pas l’événement spectaculaire pour entrer dans le chemin de la conversion. L’événement exceptionnel, imprévisible, spectaculaire, a déjà eu lieu : c’est la résurrection du Christ. Il est revenu d’entre les morts. Mais si nous ne croyons pas à la parole de Dieu qu’il nous a transmise, alors nous ne serons pas convaincus.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

samedi 21 septembre 2019

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (C) - fête patronale de saint Maurice - 22 septembre 2019

Vendre son âme au diable. Quand on y pense, l’expression fait froid dans le dos. Mais Jésus dit-il autre chose ? « Vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois ». Si vous vous détournez de Dieu, vous rejoignez inévitablement l’autre, celui qui n’est pas Dieu. Il est donc bien question ici de la liberté. Liberté de croire, liberté d’agir, liberté de penser. Et le baptême qui fait de nous des enfants de Dieu veut nous rendre précisément libres, de la sainte liberté des enfants de Dieu. Or cette liberté n’est pas libertaire. Elle n’est pas de l’ordre d’une permissivité désordonnée. Elle se fond sur un choix premier et fondamental : le choix de Dieu, le choix pour Dieu. C’est en ce sens que saint Augustin peut affirmer : « aime et fais ce que tu veux ». Aime comme Dieu, aime parce que tu te sais aimé de Dieu et dès lors pur toi il n’y aura plus d’entraves. Tu goûteras à la liberté, pas celle des succédanés du monde, mais celle qui t’ouvre les portes de l’éternité.
 
Le prophète Amos met en garde ceux qui « écrasent le malheureux ». Le choix qu’ils font, l’orientation qu’ils retiennent pour leur vie les entraîne à leur perte et sont lourds de conséquence. Leurs magouilles, leurs petits arrangements entre amis, leurs accommodements frauduleux atteignent les plus pauvres. Dieu n’oubliera pas. D’emblée vous remarquez que le courroux de Dieu ne s’abat pas sur eux. Ce sont eux qui commencent par se détourner de lui. Le droit français lui-même l’affirme – sans doute en est-il redevable à la foi chrétienne : « la liberté s’arrête là où commence celle d’autrui ».
 
Celui que nous fêtons en ce jour, saint Maurice, le saint patron de cette église, est un magnifique exemple de l’exercice éclairé de la liberté. Alors qu’on le presse à sacrifier en l’honneur des dieux de l’Empire, il affirme la séparation des pouvoirs : « Empereur, nous sommes vos soldats ; nous sommes prêts à combattre les ennemis de l'empire; mais nous sommes aussi chrétiens, et nous devons fidélité au vrai Dieu. Nous ne sommes pas des révoltés, nous aimons mieux être des victimes que des bourreaux : mieux vaut pour nous mourir innocents que de vivre coupables ». Le courage ainsi exprimé jusqu’au don sa vie est inscrit en nous par la grâce du baptême. Avant de le recevoir l’Eglise demande au catéchumène, ou aux parents de l’enfant, s’ils sont prêts à renoncer tout d’abord au mal, à son auteur, « à ce qui conduit au péché », puis, ainsi libérés, à dire leur foi au Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit-Saint. Ce qui a été ainsi reçu un jour, se recouvre parfois d’un voile d’opacité à chaque fois que nous empruntons des chemins qui nous détournent de Dieu. Nous pensons nous libérer, faire l’exercice courageux d’une liberté désaliénée et nous tombons paradoxalement dans les griffes d’emprisonnements mortifères. A chaque fois que nous cédons aux sirènes des courants de pensée à la mode, que nous nous contentons de penser comme tous les autres, que nous entrons dans la course à l’enrichissement sans limites, notre cœur se sent comprimé.
 
Il est des moments de l’Histoire où la conscience humaine se doit d’être éclairée par la grâce de Dieu, de ces moments où, quand la dignité humaine est malmenée, il convient de s’opposer. Mais plus encore que de prononcer des paroles, ou de manifester, il devient urgent de témoigner d’une manière de vivre inspirée par la liberté de Dieu qui fait la grandeur de l’homme. Car saint Maurice aurait pu se contenter d’un beau discours jeté à la face de l’empereur Maximien. Il a été plus loin : jusqu’à vivre en sa chair ce qu’il estimait d’un prix supérieur encore à sa propre vie. 
 
Sûrs de son intercession, demandons-lui de nous aider à faire le choix de Dieu, résolument, avec une conscience libre et éclairée. Il ne sera plus question de vendre son âme au diable, car c’est en Dieu que nous aurons mis toute notre confiance et notre joie.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 13 septembre 2019

Homélie du 24ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 15 septembre 2019

Je suis sûr qu’il vous est déjà arrivé de chercher désespérément quelque chose que vous avez égarée. Peut-être, de guerre lasse, avez-vous fini par invoquer saint Antoine de Padoue, en lui promettant même une offrande ? En tout cas, vous en conviendrez, au bout d’un moment cela devient quasi-obsessionnel. On est prêt, toute affaire cessante, à ne plus faire que cela : chercher, et chercher encore. Pourtant, dans la première des paraboles que raconte Jésus, l’attitude du berger ne relève pas d’une logique économique mais plutôt de l’irrationnel obsessionnel que je viens d’invoquer. Abandonner un troupeau, et ne pas être sûr de le retrouver intact, pour partir à la recherche du pourcent manquant, n’est pas raisonnable.


L'occasion que Jésus choisit pour nous dire les deux paraboles que nous venons d’entendre (et cela du Fils prodigue qui vient juste après), est la colère de pieux pratiquants envers Jésus qui se met à la même table que des non-pratiquants. Les pratiquants ont déjà tiré un trait sur les non-pratiquants (les publicains et les pécheurs) : ils sont désespérément perdus, et ne valent pas la peine qu’on se donne du mal pour eux. Ces « bien-pensants » reprochent à Jésus de fréquenter des pécheurs. A quoi bon ? Pourquoi s’intéresser à eux, et même les aimer ?


Ne reléguons pas « en ce temps-là » ces jugements péremptoires que les « Pharisiens et les scribes » nourrissaient dans leur cœur ! Interrogeons-nous plutôt sur les critiques, les rejets, les préjugés envers les autres que nous véhiculons autour de nous. Nous pouvons aussi nous enfermer dans la posture qui consiste à nous dire que cela « ne vaut pas la peine ».


Comme le comportement relationnel de Jésus est différent ! Sa logique complètement différente de la nôtre. A cause d’une seule brebis perdue, en abandonner quatre-vingt-dix-neuf autres, sans surveillance et donc en les laissant en danger ? Et balayer toute une maison à cause d’un sou sans valeur ? Est-ce que cela vaut la peine de déployer tant d’effort pour un résultat aussi mince ? Est-ce qu’on ne perd pas toujours quelque chose dans la vie ? Le message de Jésus est fort : Dieu ne tire un trait sur personne. Personne n’est sans valeur pour lui. C’est pourquoi il va à la rencontre de chacun, si « perdu » qu’il puisse paraître. C’est profondément réconfortant que de le réentendre aujourd’hui. En effet, combien de fois ne nous mettons-nous pas à la place de celui qui va à la recherche de la brebis, de celui qui balaye toute la maison ? Et nous nous disons que nous aurions mieux à faire : mettre notre énergie dans quelque chose de plus positif ou gratifiant, profiter d’une vie toujours trop courte, etc… Je crois que nous sommes à la limite du contre-sens. En effet, celui qui recherche la brebis perdu ou le malheureux sou, c’est Dieu ! Pas nous. Dieu ne nous laisse pas nous perdre.


Il y a derrière tout cela un enseignement qui concerne « les quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de se repentir », c’est-à-dire, qui croient qu’ils n’ont nullement besoin de changer quoi que ce soir dans leur vie, que tout va pour le mieux… Pas comme ces « pécheurs ». Jésus envoie un signal à ces satisfaits d’eux-mêmes. Réfléchis bien : toi aussi tu peux te perdre un jour, suivre un mauvais chemin, te fourvoyer. Toi aussi, tu peux devenir « une brebis perdue », bien que tu sois tellement sûr de toi que tu croies que cela ne puisse jamais t’arriver.


Alors Dieu ne tirera pas un trait sur toi. Il ira te chercher, jsuque dans le taillis le plus reculé où tu t’es empêtré. Jésus nous invite tous, nous qui nous considérons souvent comme tellement justes et tellement assurés, de nous réjouir de tout cœur avec Lui quand quelqu’un revient au bercail. Car, ce « perdu-revenu chez lui », ce pourrait bien être notre propre histoire.
 

AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 6 septembre 2019

Homélie du 23ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 8 septembre 2019


Nous sommes heurtés par les paroles de Jésus : «  Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple ». La pilule a du mal à passer, non ? Et pourtant. L’affirmation est sans ambages. Le Christ nous appelle à une conversion de valeurs. A vue humaine, cette abandon de la mondanité est difficilement admissible, mais il le devient au moment où l’on réalise que l’on a plus à gagner en Le suivant. Les choses de ce monde passent ; la vie éternelle, elle, non.  
L'auteur du livre de la Sagesse le faisait déjà comprendre. « Nos pensées sont instables », et nous connaissant leur versatilité. Tant de paramètres sont ici en jeu et qui font que « notre corps périssable appesantit notre âme ». Nous sommes tiraillés par notre envie de posséder comme si nous nous bâtissions par là une éternité ; nous sommes tiraillés par des désirs piquants et parfois paradoxaux. Nous désirons le Seigneur, entrer dans ses voies, et comme si nous étions retenus à la taille par un élastique nous revenons en arrière.
 
L'attitude de Jésus est pleine de sens. Peut-être n’avez-vous pas prêté attention aux petits détails de l’évangile. Dans le passage que nous venons d’entendre, nous attention est attirée, et à juste raison, par les paroles fortes qui sortent de la bouche du Seigneur. Comment peut-il d’ailleurs exiger de tels renoncements pour lui-même à ceux qui – tout compte fait – font quand même preuve de bonne volonté en voulant marcher à sa suite ? N’est-il pas trop égoïste ? Ces conditions semblent disproportionnées. Ici, cependant, c’est l’attitude de Jésus qui révèle le sens profond de son exigence. Tout est contenu dans ce petit verset : «  Il se retourna et leur dit. » Imaginez un instant la scène. De « grandes foules », nous dit saint Luc, suivent Jésus. Ce qui veut dire que dans les rangées les plus éloignées, certains ne distinguent même plus qui ils suivent. Un peu comme dans de grandes manifestations où le risque devient de savoir pourquoi on est là ! Certains, dans l’évangile, pourraient donc tout simplement suivre le mouvement, comme des moutons, ou suivre le voisin de devant. Jésus ressent le besoin de s’arrêter pour rappeler le sens de la démarche qu’ils entreprennent. S’il se retourne, c’est bien pour voir ceux qui sont derrière, c’est-à-dire ses disciples. Jésus signifie par son geste que la position du disciple est de suivre le maître et personne d’autre. En réalité, Jésus, en se retournant, confirme ses « suiveurs »dans la posture de « disciples ». Ils le sont déjà, mais il faut encore le devenir. Ils ont déjà commencé à renoncer à tout pour lui, il les conduira jusqu’au don total de leur vie.
 
Celui qui veut suivre Jésus, qui s’efforce d’être chrétien, doit réfléchir et se demander s’il est prêt à tout mettre en œuvre pour le faire sérieusement. Sinon il sera comme le bâtisseur d’une tour, qui n’a pas assez d’argent pour l’achever, comme un chef des armées qui risque une guerre inconsidérément.
 
Jésus met en garde contre le fait d’être chrétien à moitié, un « chrétien à cinquante pour cent », un « demi-chrétien », bref un « chrétien au rabais ». Cela ne convainc personne et produit scandale et rejet. Comment devenons-nous des chrétiens à part entière, des chrétiens crédibles ? Ce qu’indique Jésus est clair : quand nous mettons Dieu à la première place sans « si » ni « mais », alors toute notre vie trouve le bon cap. La faire à moitié ne marche pas ! Pour devenir disciple, Jésus n’invite curieusement pas à s’asseoir et à réfléchir grandement, au contraire : « celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple ». Avoir les mains vides, voilà la force du disciple ! Moins il peut compter sur ses propres forces, plus il est disponible pour s’appuyer sur Dieu seul. Cette sagesse-là va bien au-delà de la sagesse humaine, il faut que l’Esprit de Dieu vienne l’enseigner.
 
Suivre Jésus, c’est lui faire confiance. Suivre Jésus, c’est tout mettre en œuvre et en ordre dans sa vie pour tenir le choix fondamental que nous aurons fait. Suivre Jésus, c’est le mettre à la première place, parce qu’il lie et noue notre personne pour la faire communier, par sa croix, à sa résurrection.  
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz