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Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

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vendredi 31 mai 2019

Homélie du 7ème dimanche de Pentecôte (C) - 2 juin 2019

Il est arrivé. C’est ce que l’on croit pouvoir dire en prêtant une oreille attentive à la vision d’Etienne face à ses accusateurs et telle que nous la rapporte le Livre des Actes. « « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Ce qu’Etienne en rapporte est tout simplement insupportable pour ses contradicteurs : « ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. » Jésus ressuscité est donc arrivé à bon port. Jeudi dernier nous fêtions son Ascension et nous le voyions s’élever dans les cieux. Aujourd’hui, Etienne le contemple debout à la droite de Dieu.
 
Pour les Juifs, c’est cette proximité – voire cette intimité, qui est inenvisageable : Dieu est le Tout-Autre et nul se saurait être aussi près de lui. D’autant plus dans les cieux dont le psaume affirme, nous le chantions : qu’ « ils proclament sa justice » car, de là-haut « le Seigneur domine tous les dieux ». Cette localisation du Ressuscité est finalement tout aussi scandaleuse que sa propre résurrection : ce Jésus serait donc l’égal de Dieu ? Et s’il était réellement à la droite de Dieu, il pourrait devenir le chemin qui mène à lui. Sans douter, Etienne le confesse au point de donner sa vie pour ce témoignage. Il sait que Jésus est l’unique accès à Dieu au point qu’il reprend au moment de mourir la même attitude d’abandon que celle de Jésus sur la croix : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Au point encore de demander à Dieu de ne pas compter le péché de ceux qui le font mourir. « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font », avaient dit Jésus. Voilà que l’horizon esquissé tant par le Christ se relevant du tombeau que par sa montée au ciel devient une voie d’accès à Dieu. Ne faire qu’un avec Jésus pour participer à sa destinée.
 
Nous aurions là l’idée, au moins un peu, d’une sorte de sens unique. Les yeux levés vers le ciel, nous ne désirerions qu’une chose : rejoindre le Seigneur. Pourtant, l’Ascension déjà nous enseignait qu’Il reviendra dans la gloire. Et ce chemin prend alors les allures d’un va-et-vient assez curieux que rendait à sa manière le Livre de l’Apocalypse dans le dialogue entre l’Esprit et l’Epouse, comme si l’un et l’autre s’attendaient de désir. « L’Esprit et l’Épouse disent : ‘Viens !’ Celui qui entend, qu’il dise : ‘Viens !’ Celui qui a soif,  qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement. Et celui qui donne ce témoignage déclare : ‘Oui, je viens sans tarder.’ – Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! ». Cette attente réciproque (nous attendons que le Seigneur vienne dans sa gloire, et Lui attend que nous allions vers Lui), la liturgie nous la fait dire et même chanter de manière paradoxale. Après le récit de l’institution au cœur de la prière eucharistique, alors que le Christ se rend réellement présent en son Corps et son Sang, devant nous pour devenir notre nourriture, nous chantons : « Gloire à Toi qui étais mort, gloire à Toi qui es vivant, notre Sauveur et notre Dieu ! Viens, Seigneur Jésus ! » Il se met à portée de main et pourtant nous Lui demandons de venir encore.
 
Ce va-et-vient de la prière pourrait indiquer un grand mouvement par lequel le Seigneur voudrait à la fois inviter chacun et lui permettre de Le rejoindre, quitte à le chercher. Cet admirable échange, pour paraphraser saint Augustin, récapitulerait toute l’Histoire et donc toutes nos histoires en Christ pour ne faire qu’un avec Lui. C’est le sens de la prière de Jésus au moment où il achève sa mission sur la terre des hommes. Alors que l’angoisse en Lui grandit à mesure que se renforce la certitude que sa vie devra être livrée et toute donnée, Jésus supplie le Père que « que tous soient un […] Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. ». Ne nous y trompons pas ! Cette unité n’est pas d’abord celle de l’horizontalité qui découlerait d’un consensus mou et bonne aloi pour arriver à l’apparence d’une unité entre nous. Elle est celle, au contraire, de notre unité avec le Christ. Car si les uns et les autres nous communions profondément à Lui, alors nous nous trouverons unis les uns aux autres.

 
Le double chemin est tracé : à nous de l’emprunter. Sans préférence de l’un sur l’autre. Tu es là, Seigneur, et pourtant nous ne cessons d’aller à Toi.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

mercredi 29 mai 2019

Homélie de la solennité de l'Ascension du Seigneur (C) - 30 mai 2019


A la fin du récit sur l’ « ascension au ciel » de Jésus, il y a cette révélation : « Ce Jésus, qui d’auprès de vous, a été enlevé au ciel viendra comme cela, de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». Quand doit-il revenir ? Comment cela va-t-il arriver, et où ? Mais surtout : est-ce que cette histoire de l’ascension et du retour du Christ est crédible ? Est-ce qu’une personne raisonnable et éclairée peut y croire vraiment ?
 
Oui, elle le peut. Et, je vais vous faire une confidence : j’y crois. Et je veux y croire. Je pense que je suis en pleine possession de ma raison, quand je vous dis cela. Je le suis comme tous ceux qui professent leur foi dans le Credo et disent : «  Nous croyons en un seul Seigneur Jésus-Christ… Il est monté aux cieux… et il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ; son règne n’aura pas de fin ».
 
Bien sûr, je serai incapable de dire quand cela va arriver. J’ai énormément de mal, aussi, à m’imaginer comment cela va se produire. Certains en font leur fond de commerce, dans les sectes, et vous affirment tout de go que cela se passera à tel ou tel moment et de telle ou telle manière. Ils se rendent même ridicules, car, à chaque fois, leur prévision est remise en cause. Je ne sais pas tout, mais je suis sûr que ce sera un jour merveilleux. Je n’y crois pas parce que j’ai déjà compris, mais parce que Jésus l’a promis. Je crois en sa Parole, parce que j’ai confiance en Lui et qu’il est digne de foi. C’est pourquoi j’attends avec un profond désir qu’il revienne dans la gloire.
 
Mais une telle attente n’est-elle pas insensée, alors que deux mille ans ont passé et que rien ne semble venir à l’horizon ? Les premières générations de chrétiens pensaient que le retour du Christ serait imminent et qu’ils ne verraient pas la mort avant d’avoir vu ce jour arriver. Combien de générations depuis n’ont pas prié dans le Notre Père : « Que ton Règne arrive ! ». Mais il n’est toujours pas arrivé. Ou pas complètement. Pourquoi Jésus n’est-il toujours pas revenu ? Cette espérance n’est-elle pas vaine ? N’y a-t-il pas là matière à désespérer ? Je me demande si la réponse n’est pas finalement tout simple et pleine de bon sens : parce que Jésus veut que nous y assistions, ou pour dire les choses autrement, pour que nous y prenions part. S’il était déjà revenu, l’Histoire serait déjà finie, et nous n’aurions d’ailleurs jamais existé. Un jour viendra la fin du monde et de l’Histoire. Nous ne savons pas quand, mais nous savons seulement qu’il en sera ainsi. Jésus a dit clairement : «  Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité ». Bien que je ne sache pas quand ce sera, je suis cependant dans la joie et la gratitude que Dieu ait attendu que cela se passe après moi. Que sa patience s’exerce encore pour permettre au plus grand nombre de participer à ce jour merveilleux.  Dieu veut que nous assistions à la grande fête de son règne, quand, enfin, il n’y aura plus ni larmes, ni douleur, ni mal, ni mort.
 
Sommes-nous ici sur terre dans une sorte d’horrible salle d’attente de gare en attendant le train de la vie éternelle, du règne de Dieu, qui a pris du retard ? Certes, la vie ici-bas est un temps d’attente, un passage, un pèlerinage. Le paradis, notre éternelle demeure, ne viendra définitivement qu’avec le retour de Jésus. Mais pour ce temps intermédiaire, ici et maintenant, Jésus ne nous a pas condamnés à une attente oisive. Au contraire, il nous a accordé une force toute spéciale, « la force de l’Esprit-Saint ». Elle nous aide à ne pas nous décourager dans les épreuves de notre pèlerinage sur terre, à ne pas baisser les bras face aux difficultés, à garder l’espérance, et surtout la charité. Là où sont amour et charité, Jésus est déjà un peu de retour et se laisse entrapercevoir l’éclat de son retour. Ici et maintenant, nous sommes déjà pris dans le temps de la résurrection et de son élan, ce dynamisme qui nous pousse à suivre Jésus vivant pour aller vers Lui vers le Père.
 
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 24 mai 2019

Homélie du 6ème dimanche de Pâques (C) - 26 mai 2019

Beaucoup d’urbanistes et d’élus réfléchissent pour faire de nos villes des lieux agréables à vivre, beaux, aérés, qui favorisent le « vivre-ensemble » comme on se plaît à le dire de nos jours. Nous savons que ce sont là des questions difficiles et des équilibres précaires. Mais pourtant essentiels. Et nous le percevons d’autant mieux que nous vivons en ville. Saint Jean, lui, n’est pas un urbaniste. Il n’imagine pas une « cité idéale ». Il a une vision et cela est tout différent. La ville qu’il nous décrit arrive au terme de l’Apocalypse, au moment où l’on tend à dire : « enfin ! ». Enfin le combat s’achève ; le royaume de Dieu s’installe avec « un ciel nouveau et une terre nouvelle ». C’est donc le terme de l’histoire qui nous découvrons ici.
 
 

Imaginez cette cité éblouissante, scintillant de l’éclat des pierres précieuses. Elle semble un modèle du genre. Par contre, chose curieuse, on ne trouve en elle aucun sanctuaire. Le diction populaire, lui, fait dire qu’il faut « que l’église reste au milieu du village », pour signifier une organisation pacifiée de la communauté humaine locale. Ici, dans la « Ville sainte », la Jérusalem céleste, c’est l’Agneau qui est au cœur. « La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau », dit Jean.
 
La particularité de cette ville, qui annonce ce que nous découvrirons un jour à la consommation des temps, est bien que son éclat ne vient pas d’une source extérieure, mais de son cœur qui est le Seigneur. Nos églises, qui se voudraient une préfiguration de cette Jérusalem céleste, reçoivent du soleil leur lumière qui fait chatoyer les vitraux et transfigurer l’intérieur. Par contre nous sommes appelés, nous-mêmes, à refléter la lumière intérieure qui est la nôtre. Et c’est pour cela que nous sommes, de l’Eglise, les « pierres vivantes ».
 
 
Cette lumière, nous le savons, ne vient pas de nous, de nos mérites, de notre intelligence. Nous ne sommes pas à nous-mêmes des lumières. Ce qui devrait transparaître, c’est la lumière de la foi que Dieu a mise en cœurs par notre baptême. Parce que de la sorte Dieu ne reste pas extérieur à nous-mêmes mais il est plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. Ce Maître intérieur est accueilli de manière particulière comme un aliment dans l’eucharistie.
 
Que se passe-t-il alors ? En venant en nous, le Seigneur nous illumine. C’est-à-dire qu’il vient nous révéler tel que nous sommes, en vérité, nous fait découvrir peut-être sous un jour meilleur que ce que nous imaginions. Il vient encore nous transformer et changer quelque chose en nous. Le recevoir dans l’eucharistie dépasse donc de loin le seul geste physique de s’avancer pour recevoir l’hostie.
 
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » C’est la condition ou plutôt le préalable que le Seigneur pose : garder sa parole. Ou pour dire les choses autrement, peut-être un peu trivialement : digérer cette parole. Ce que nous recevons ainsi du Seigneur nous avons à l’assimiler, comme toute nourriture. Ce que nous « ingurgitons » produit quelque chose en nous et apporte une réponse à nos besoins vitaux. La Parole de Dieu dessine un chemin, une route qui ira jusqu’au cœur de notre cité intérieure. C’est là que le Seigneur veut demeurer, Lui que nous reconnaissons à chaque eucharistie comme « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Là Il se lie à nous et l’Esprit nous le fait découvrir. Et nous nous découvrons plus tout à fait comme identiques, parce que nous ne sommes plus seuls. Dieu est avec nous.
 
Et parce qu’il ne viendrait à personne l’idée de ne se nourrir qu’une seule fois, sous peine de mourir, le Seigneur nous invite à Lui faire une place au cœur de notre vie, à Lui permettre de nous nourrir. Il nous éclairera de l’intérieur et nous resplendirons de sa lumière.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 10 mai 2019

Homélie du 4ème dimanche de Pâques (C) - 12 mai 2019

La liturgie propose à notre méditation la figure du bon pasteur telle que Jésus se présente aux Juifs. En quelques phrases l’évangile de saint Jean nous donne des éléments importants de réflexion : le bon pasteur donne la vie éternelle à ceux qui écoutent sa voix et qui le suivent (c’est à dire qui mettent en pratique la parole du Christ) et ce don de la vie est l’accomplissement de la mission de Jésus agissant au nom du Père. Le pasteur est celui qui connaît ses brebis et qui en prend soin jusqu’à donner sa vie pour elles.
 
Cette promesse du Christ adressée à ceux qui le suivent s’accomplit d’abord pour ses disciples qui se sont mis à sa suite. Mais ce discours s’adresse aussi explicitement aux Juifs, c’est à dire au Peuple élu auquel Dieu a promis d’envoyer un pasteur selon son cœur. Jésus est vraiment le berger d’Israël pour le conduire aux pâturages de la vie. Par sa mort et sa résurrection l’alliance de vie accomplit la vocation universelle d’Israël et s’ouvre à la multitude, comme le rappelle la formulation eucharistique de la Cène : « mon Sang versé pour vous et pour la multitude. » C’est ainsi qu’il faut l’entendre à chaque messe. Jésus donne sa vie pour nous qui sommes ici, mais nous ne pouvons nous prétendre les uniques bénéficiaires de son sacrifice.
 
Le lien qui unit le pasteur aux brebis n’est pas un lien qui exclut les autres brebis qui ne sont pas (faut-il dire encore ?) de cette bergerie. La mission pastorale du Christ ne se limite ni au groupe des premiers disciples qui l’entoure, ni à Israël qui en est le premier bénéficiaire. Elle s’étend à la multitude innombrable de ceux qui veulent bien écouter sa voix et le suivre : « une foule immense que nul ne pouvait dénombrer de toutes nations, races, peuples et langues. » (Ap 7, 9), comme nous le dit la vision de l’Apocalypse. C’est ainsi que Paul interprète la fureur des Juifs d’Antioche : « vous ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle ».
 
Quand la mission pastorale du Christ nous est présentée dans cette dimension universelle, nous pressentons combien nous sommes loin d’avoir encore parcouru le chemin nécessaire à son accomplissement. Nous pouvons même mesurer que l’annonce de la Bonne Nouvelle, qui est la voix du pasteur, est une œuvre à reprendre sans cesse, à chaque génération. La nouvelle évangélisation n’est-elle pas la transcription pratique de cette mission dans le temps qui est le nôtre ? Il arrive souvent que des chrétiens imaginent ou rêvent une chrétienté florissante que nous aurions perdue. Je vous rappelle qu’au sortir de la révolution française, notre Église en France était complètement démunie à vues humaines. N’était-ce pas déjà le cadre d’une nouvelle évangélisation ? La dispersion des prêtres et des consacrés, l’ignorance de beaucoup des vérités élémentaires de la foi, la sécularisation complète des mœurs et de la culture, etc.
 
« Le propre de chaque génération de chrétiens est de penser qu’elle est la dernière », ai-je lu cette semaine. Je ne sais si c’est vrai mais la formule m’a plu pour les temps que nous vivons. Nous ne sommes pas les derniers des Mohicans, nous ne sommes pas une fin de race qu’on pourrait placer dans une réserve. Et pourquoi ? Tout simplement parce que le Christ ne nous le permet pas. Le sang qu’il a versé pour nous nous impose de témoigner de lui. Peut-être avez-vous prêté attention au paradoxe que nous entendions dans l’Apocalypse : les robes de ceux qui viennent de la « grande épreuve » ont été « blanchies par le sang de l’Agneau ». C’est-à-dire que pour avoir part à la vie du Christ, il faut se laisser rejoindre et marquer de son sang. Accepter pour nous-mêmes le sacrifice du don de soi, de sortir au moins de sa zone de confort. Dépasser la passivité du mouton bêlant qui se laisse ballotter par les modes.
 
« Dieu éternel et tout-puissant, guide-nous jusqu’au bonheur du ciel ; que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux. » Frères et sœurs, en avant !
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz