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lundi 20 juin 2016

Homélie du 13ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 26 juin 2016

Il est question, aujourd’hui, dans l’évangile de quatre conversations avec Jésus. L’évangéliste rapporte chaque fois, en peu de mots, ce que Jésus a dit et répondu, mais il ne mentionne pas la réaction de ses interlocuteurs. C’est là une chose quelque peu curieuse. Comme si l’histoire restait en suspens. Parce que nous aimerions savoir – n’est-ce pas ? – comment les choses se terminent.
 
Il y a, là derrière, une question importante : j’écoute et je lis souvent l’Evangile. Il me parle. C’est Jésus qui parle dans l’Evangile, au point que nous l’acclamons comme étant Parole de Dieu. Le Christ s’adresse donc à moi. Mais qu’en fais-je ? Comment est-ce que j’y réponds ? Ce n’est pas dit dans l’Evangile. C’est ma vie qui écrit la réponse que moi-même je donne. Cela ne vaut pas seulement pour moi, mais aussi pour tous ceux qui se laissent toucher par les paroles de Jésus.
 
Voyons  d’un peu plus près l’évangile de ce jour. Il y est question de trois hommes, qui veulent se mettre en route avec Jésus. Ou plus exactement qu’il invite à le suivre. Le premier, très courageux, lance : « Je te suivrai partout où tu iras. » Il a l’air plein d’enthousiasme et très sûr de lui. Au lieu de l’encourager, Jésus l’avertit : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » Sachant cela, veux-tu encore vraiment t’embarquer dans cette aventure, en toute connaissance de cause ?
Jésus demande lui-même à un autre de le suivre. Celui-ci semble prêt mais désire d’abord attendre que son père soit enterré. Raison légitime pour différer le départ. La réponse de Jésus est devenue pour nous un proverbe : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. » Voilà encore une réponse qui n’encourage guère tout quitter pour marcher à sa suite. Nous dirions que la radicalité de Jésus manque sérieusement d’humanité.
Un troisième veut aussi suivre Jésus, mais il souhaite d’abord prendre congé de sa famille. Et Jésus répond encore sèchement. On a presque l’impression qu’il veut plutôt dissuader qu’on le suive. Il ne procède en tout cas pas comme quelqu’un qui veut à tout prix se faire des supporters enthousiastes. Tout semble bouloir dire clairement : réfléchis bien, si tu veux devenir mon disciple.
 
Chacun de nous se reconnaît sans doute, un peu au moins, à la fois dans l’enthousiasme des trois hommes et dans les raisons parfaitement légitimes qu’ils invoquent pour aménager leur départ. Ce sont des raisons parfaitement légitimes au regard de l’engagement qu’ils s’apprêtent à prendre. Jésus semble dur ici. Il paraît ne pas comprendre, ne pas leur accorder un peu d’humanité ou de compassion. Un curé ferait cela, le courrier abonderait à l’archevêché ! Comment comprendre cette attitude ?
 
L'engagement de suivre Jésus n’est pas une option de notre vie. Il n’est pas de l’ordre d’un loisir salutaire que nous consentirions à pratiquer parmi d’autres. Autrement dit, il n’est pas négociable. Tu prends tout, ou tu ne prends rien. Dire cela aujourd’hui pourrait paraître dangereusement fondamentaliste. Pourtant ! Le Royaume de Dieu ne se négocie pas. Tout simplement parce que Dieu ne peut se résoudre à nous sauver « à moitié », « à demi ». Ou bien nous acceptons qu’il nous prenne tout entier dans son amour qui nous brûlera et nous purifiera, ou bien nous restons en-dehors.
 
Si l’évangile ne nous rapporte aucune des décisions que finalement chacun aura prise suite à l’admonestation de Jésus, c’est pour que chacun puisse écrire, et surtout vivre, sa réponse. Ce ne sont pas les pieuses paroles qui l’emportent, ou les belles paroles. Rappelez-vous Dalida qui chantait : « Parole, parole… ». Les trois hommes ont de bonnes intentions et veulent être des chrétiens zélés. L’essentiel n’est pas de le vouloir, mais de l’être.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 17 juin 2016

Homélie du 12ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 19 juin 2016

Il y a des choses, dans la vie, que nous décidons une fois pour toutes, et il y en a d’autres auxquelles il faut s’attaquer à nouveau chaque jour. Il est question des deux dans l’Evangile d’aujourd’hui. Certaines décisions sont déterminantes pour l’avenir, comme par exemple le choix d’un métier. En cette fin d’année scolaire, avec son cortège d’examens, les jeunes le savent bien. Il s’agit de prendre telle ou telle direction. Ce chemin va orienter la plupart du temps une partie de la vie, avec parfois des imprévus car, plus que jadis, la flexibilité, la remise en question, la mobilité font partie de la vie professionnelle.
 
La plus grande décision à prendre concerne sans doute la vie privée et familiale : la décision qui va consister à faire le choix d’un(e) autre dans le mariage, la décision de devenir parents et de fonder une famille. Et même si les relations tournent plus souvent aujourd’hui que jadis à la séparation, cette décision reste néanmoins fondamentale et profonde. J’en suis témoin en recevant les fiancés qui se préparent au mariage. Quand bien même ils ne seront pas en mesure de résister aux attaques de la vie, ils ont bien conscience – à ce moment-là – de faire un choix existentiel.
 
Les prêtres n’échappent pas à un tel engagement. Sans doute, comme pour vous tous qui vous vous êtes engagés un jour, nous découvrons sans cesse que cet engagement premier, aussi fondamental qu’il soit, ne suffit pas. Il faut sans cesse le renouveler. Il n’est pas automatiquement garanti, et celui qui a le bonheur que son choix de vie tienne vraiment sait très bien – s’il est honnête ! – que ce n’est pas évident.  Il y a toujours des crises, des traversées du désert, des doutes, des phases sombres où tout menace de s’écrouler, où plus rien ne paraît sûr. Lorsqu’on surmonte ces moments, on sait très bien que ce n’est possible qu’avec la grâce de Dieu. Et quand on chute, il ne faut jamais oublier que la miséricorde divine ne nous laisse pas tomber.
 
Dans la vie de foi, ces deux mêmes aspects sont, eux aussi, présents : la décision pour la vie, et le combat qu’il faut mener chaque jour, ce que Jésus appelle « la croix quotidienne ». Jésus demande à ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? ». Cette interrogation ne supporte pas de tergiversation, de remise au lendemain. Elle appelle une réponse claire, nette et concise. Elle demande non une réflexion mais un élan du cœur. C’est ainsi que la réponse de Pierre résonne comme une décision déterminante de sa vie quand il confesse : « Tu es le Christ, le Messie de Dieu ».  C’est plus qu’une profession de foi dite du bout des lèvres. Il franchit un pas dans la confiance, dans la foi, qui va être décisif pour son avenir.
 
Décider de croire en Dieu, décider de se mettre en route à la suite du Christ engage la vie. C’est ce que suggérait Jésus ressuscité à l’apôtre Thomas : « Cesse d’être incrédule ! Sois croyant ! ». Passe à la vitesse supérieure, décide-toi, mets-toi en route. C’est encore l’expérience que les apôtres ont faite quand Jésus les a appelés à Le suivre. Ils ont tout laissé pour partir avec lui. Il y a bien une radicalité dans notre réponse. Souvent nous tentons de l’édulcorer pour « mieux faire passer la pilule ». Pour nous convaincre que nous pouvons rester dans notre confort, que cela ne change au fond pas grand-chose. C’est faux. Suivre Jésus est un acte fort. Une décision qui bouscule. Un engagement qui rend plus heureux, plus libre.
 
Pour tenir dans ce choix sans devenir des chrétiens-éteignoirs, pisse-vinaigre, rabat-joie, il faut chaque jour renouveler son « oui ». Le faire en nous laissant rejoindre par la présence du Christ, dans le cœur à cœur avec Lui dans la prière. Accepter la croix de chaque jour, c’est alors accepter la mise à l’épreuve de nos engagements. C’est pourquoi il est si important de faire son signe de croix. Il nous dit : sois fidèle dans ton choix de vie, même s’il est ta croix quotidienne. Je la porte avec toi.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 10 juin 2016

Homélie du 11ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 12 juin 2016

Pourquoi n’est-il presque toujours question que des douze apôtres lorsqu’on parle des disciples de Jésus ? Pourquoi y a –t-il si peu d’allusion au groupe de femmes qui accompagnaient Jésus ? C’était pourtant tout à fait inhabituel, et devait attirer l’attention. L’évangile d’aujourd’hui mentionne expressément ces accompagnatrices de Jésus : « Les Douze l’accompagnaient, ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprit mauvais », et trois, parmi elles, sont citées par leur nom : « Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, la femme de Chouza, intendant d’Hérode, et Suzanne ». Et ce n’est pas tout ! Saint Luc, l’évangéliste qui nous donne le plus de renseignements sur les femmes de l’entourage de Jésus, ajoute ceci : « et plusieurs autres » femme. Elles furent certainement un bon nombre à être ainsi actives autour du Seigneur, puisqu’elles l’assistaient, lui et ses compagnons, « en prenant sur leurs ressources ».
 
Ce devait ainsi être tout un spectacle quand Jésus passait « à travers villes et villages » avec toute cette troupe d’hommes et de femmes ! Une véritable caravane ! Sur un plan pratique, je me suis déjà interrogé sur l’attitude des proches de ses compagnons de route. Que pouvaient bien dire les enfants des apôtres – puisque plusieurs étaient vraisemblablement mariés – quand ils voyaient leur père ainsi quitter la maison familiale pour suivre le Seigneur ? Quelle devait être l’attitude des maris de ces femmes, dont le propre intendant d’Hérode, quand elle décidait de rejoindre – même pour un temps – cette troupe et l’assister financièrement ?
 
 
Voici ce qui me frappe particulièrement chez ces femmes : elles doivent avoir vécu avec Jésus des temps tellement forts qu’elles ont changé leur vie. Selon Luc, Jésus les a « guéries d’esprits mauvais et de maladies ». Elles se sont donc senties libérées de leurs chaînes, de maux physiques et psychiques. Elles ont vécu ainsi personnellement une expérience si impressionnante, si bouleversante, qu’elles se sont fortement attachées à lui, qu’elles lui ont été extrêmement reconnaissantes, et disons-le franchement, qu’elles l’ont aimé profondément. Cet amour ne les a plus quittées, elles ont passé outre à toutes les contraintes sociales et elles ont accompagné Jésus.
 
Cet amour s’exprime publiquement et sans retenue dans l’histoire principale de l’évangile de ce dimanche, celui de la « pécheresse » dans la maison d’un pharisien. Ses gestes sont extrêmement choquants et érotiques. Elle pleure et elle fait couler ses larmes sur les pieds de Jésus. Puis elle les essuie avec ses cheveux, les couvre de baisers et les parfume. Et Jésus la laisse faire. Il sait quelle réputation elle a, ce qu’elle a fait dans sa vie, voire ce qu’elle fait encore. Elle se prostitue. Tout cela ne le gêne pas parce ce qu’il ne voit pas en elle une prostituée, mais une femme qui sans doute souffre, en tout cas aime. Une femme au grand cœur. Elle ose aller vers le Seigneur parce qu’elle perçoit qu’elle ne sera pas rejetée par lui, qu’il ne l’enfermera pas dans ce qu’elle fait, dans sa faute, ou dans ce que la société pense d’elle. Elle ouvre son cœur car elle sait que le cœur de Jésus, plein de miséricorde ne lui sera pas fermé. « Ses nombreux péchés lui sont remis parce qu’elle a montré beaucoup d’amour », dit Jésus. Et il explique à son hôte, Simon le pharisien, que « celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour ».
 
Le pardon produit l’amour. Il le rend possible. Il ouvre les cœurs. Il donne l’allégresse. Jusqu’à transgresser les convenances sociales, à l’image de cette femme en plein banquet. Mais l’amour peut tout. L’amour sauve. Le Seigneur nous pardonne, le Seigneur nous ouvre son cœur. Saurons-nous ouvrir le nôtre sans aucune réserve ?
AMEN.
 
Michel Steinmetz

vendredi 3 juin 2016

Homélie du 10ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 5 juin 2016

Imaginons ce qui se passe ce jour-là à Naïm. Jésus arrive à la porte de la ville avec « une foule nombreuse qui faisait route avec lui ». Le passage est étroit, il faut franchir la porte pour entrer dans la ville. Et voici que juste à ce moment un cortège funèbre arrive en sens inverse pour sortir de la ville. Tous les automobilistes ont déjà connu ce genre de circonstance où il faut s’arrêter et attendre. En général, on ne pense à la peine de la famille qui suit le cercueil ! Enervé, on regarde plutôt sa montre en mesurant le temps que l’on perd en attendant.


Deux  foules se rencontrent donc inopinément : Jésus suivi par ses disciples, émerveillés par ses guérisons miraculeuses, et un cortège funèbre où les gens pleurent autour d’une maman effondrée, avec des pleureuses qui crient des lamentations. La joie et la tristesse. La vie et la mort. L’espérance et la tragédie.


Jésus  voit cette mère écrasée de chagrin, il est touché, il agit.
Le mot « pitié » est bien trop faible pour traduire Luc qui écrit : « Jésus est bouleversé aux entrailles » (comme une mère peut l’être), un verbe qui n’est utilisé par les évangélistes que pour Jésus. Il est touché au plus profond de son être devant les hommes perdus, devant les foules affamées, devant les pauvres… Pour Jésus, il n’y a plus que cette femme qui compte, avec son chagrin, sa détresse, son deuil. La douleur de cette femme devient la douleur de Jésus. Tous deux communient dans la même souffrance. Nous, trop souvent hélas, nous essayons de ne pas voir les faits qui nous dérangent, ou nous ressentons une vague pitié qui nous serre le cœur un instant et, la larme à l’œil, nous sentant impuissants, nous retournons à nos affaires en tentant d’oublier au plus vite. Jésus, lui, ose regarder vraiment l’autre souffrant, il entre dans son affreux malheur, il en est retourné comme une mère qui perd « le fruit de ses entrailles ». Il se sent « responsable » (tenu de répondre) ; il s’approche au lieu de fuir ; il passe à l’action.


Je te l’ordonne : lève-toi » : ce verbe tout simple est un des deux que les apôtres emploieront pour désigner la Résurrection de Jésus à Pâques : « Son Père l’a relevé…Il s’est réveillé ». Mais tandis que le jeune homme bénéficie d’un sursis qui lui permet de retrouver sa mère, de vivre encore quelques années sur cette terre avant de connaître une mort définitive, Jésus, lui, vivra de la Vie éternelle. C’est pourquoi il conviendrait mieux de parler ici de la « réanimation » de ce jeune plutôt que de sa « résurrection ».


l’homme fait l’expérience de sa faiblesse et de la précarité de son existence, il fait aussi l’expérience de la puissance de Dieu, plus forte que la mort. Nos lamentations et nos interrogations sont vaines face à la mort, vaines aussi nos paroles de réconfort et de compassion. Les deux mères de la première lecture de l’évangile ont perdu leur plus cher trésor en la personne de leur enfant, et nul ne peut rien pour elles, sauf Dieu. La prière d’Elie sera vaine également, si elle ne suscitait pas cette merveilleuse réponse divine du souffle vivant et vivifiant. Elie s’efface devant le prodige, et la femme a compris quelle en est la source : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu ». Bien plus qu’un homme de Dieu et bien plus grand qu’un prophète, Jésus, le propre Fils de Dieu, dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi et marche ! ». Qui aurait l’audace de commander la mort, sinon Dieu ? Sa compassion pour la mère anéantie n’a pas été une simple sympathie humaine, comme celle de la foule. C’est un amour puissant et agissant qui annonce déjà la vraie résurrection, au matin de Pâques.


Le miracle de la proximité de Jésus se poursuit, aujourd’hui encore, chaque fois que, très contrètement, nous devenons capables de cette communion dans la souffrance, comme Jésus. Alors la Parole de Vie peut y faire toute son œuvre et faire revenir à la vie et à l’espérance.
 
AMEN.
 
Michel Steinmetz